La non-contradiction,
rempart ultime de la validité logique
[1]

Yvan Pelletier, professeur retraité

Faculté de philosophie

Université Laval

Québec

On veut savoir. Savoir parfaitement. On veut être parfaitement certain. Alors on veut démontrer. Tout démontrer. Mais on ne peut pas tout démontrer. Il y a des choses qui ne se démontrent pas, parce qu’elles sont contingentes, parce que la nature com­porte une grande part d’indétermination. Pour tout démontrer, il faut nier cette indétermination ou feindre qu’elle n’existe pas. Mais même à demeurer dans le nécessaire, on ne peut pas tout démontrer. C’est évident, mais cette évidence échappe régu­lièrement aux esprits qui idolatrent la certitude et l’unifor­mité. Ils aspirent à une certitude absolue pour toute con­nais­sance et vou­draient l’obtenir uniformément par démonstra­tion, cette démarche rationnelle investie de la plus parfaite rigueur. Mais sa nature discursive rend cette aspiration ab­surde : démon­trer, c’est ratta­cher comme conclu­sion la véri­té qu’on veut cer­taine à d’autres sur lesquelles on jouit déjà d’évidence et de cer­titude abso­lues. Sous peine de régresser à l’infini ou de tourner en rond, il faut compter sur quelque vérité si évidente d’elle-même qu’elle ne présente aucun besoin de démonstration.

I. Besoin de résoudre dans l’évidence immédiate

A. Matériellement

Toute démonstration ne devient ainsi possible que moyennant résolution ultime en des vérités sur lesquelles notre intelligence est capable d’évidence immédiate, dont elle puisse juger de leur conformité à la réalité dès la saisie de leur signification. Re­fuser cette nécessité, c’est se priver définitivement de démonstration : on y renonce, comme l’empiriste, et on se cantonne dans le scepticisme; ou on s’arroge le droit de fixer arbitrairement ses principes, comme les nouveaux mathématiciens et logiciens; ou encore, comme les rationalistes : Descartes, Leibniz et surtout Kant, on recourt aux vaines fantai­sies d’idées innées ou de formes a priori des sens et de l’intelligence. De toute ma­nière, on renonce alors à connaître la réalité comme elle est et on fait porter toute certitude sur des élucubrations rationnelles où la vérité n’a plus de pertinence.

Formellement

Ce besoin intellectuel d’une résolution en des vérités pre­mières immédiates s’étend à la forme de la démonstration. Dé­montrer n’exige pas seulement la fondation sur des vérités déjà connues, mais aussi une manière sûre d’en tirer de nou­velles. Cette validité de la démarche rationnelle doit elle aussi remonter à une évidence première immédiate. À la même, en fait, qui fonde toute vérité médiate en notre intelligence : le principe de non-contradiction.

Aussi, reportant à des considérations ultérieures[2] l’examen des conditions matérielles que la démonstration doit trouver sa­tisfaites dans les propositions dont elle procède, Aristote s’ef­force d’abord de clarifier sur quoi repose l’évidence de la ri­gueur de sa forme comme de celle de tout raisonnement.

Disons tout de suite par quoi[3], quand[4] et comment[5] on élabore tout raison­nement. C’est plus tard qu’on devra traiter de la dé­monstration comme telle. On doit traiter du raisonnement avant elle, en raison de son caractère plus universel : toute démonstra­tion est un raisonne­ment, mais pas tout raisonnement une dé­monstration.[6]

II. Le principe ‘dici de omni vel de nullo’

A. Énoncé

Aristote résout alors la rigueur de tout raisonnement dans ce qu’il est convenu d’appeler le principe ‘dici de omni vel de nullo’, en raison de ce qu’elle jaillit toute d’un énoncé univer­sel. Il for­mule cependant ce principe en un contexte particulier qui peut rendre difficile d’appréhender tout de suite sa portée uni­verselle pour le rai­sonnement. Il ne l’ap­plique en effet directe­ment qu’à ses deux modalités principales, baptisées par les phi­losophes médiévaux Barbara et Celarent.

Ὅταν οὖν ὅροι τρεῖς οὕτως ἔχωσι πρὸς άλλήλους ὥστε τὸν ἔσχατον ἐν ὅλῳ εῖναι τῷ μέσῳ καὶ τὸν μέσον ἐν ὅλῳ τῷ πρώτῳ εἶναι μὴ εἶναι, ἀνάγκη τῶν ἄκρων εἶναι συλλογισμὸν τέλειον. – Quand trois termes se rapportent entre eux de sorte que le dernier soit en le moyen en son entier et que le moyen soit ou ne soit pas en le premier en son entier, une conclusion nécessaire et parfaite des extrêmes en résulte.[7]

B. Clarification sémantique

Le vocabulaire oppose une première difficulté à la saisie du sens du principe formulé. Le saisir n’est pas difficile en soi, mais l’est devenu à force de traductions et de commentaires qui l’ont enduit d’une croute sémantique à gratter pour rejoindre le sens initial. Aristote en sentait déjà le besoin, d’ail­leurs, comme il n’inventait à neuf ni les mots ni les expressions dont il use, et il en explicite lui-même plusieurs.

Les ‘termes’, d’abord, ce sont, précise-t-il, « les éléments en lesquels se résout la proposition »[8], entendue largement au sens de tout énoncé, y compris la conclusion, quand il s’agit de rai­son­nement. Les termes, ce sont les bouts du problème à ré­soudre, ainsi que ceux des propositions dont surgira sa solution, ce sont, en chacun de ces énoncés, « son attri­but et son sujet[9], en faisant abstraction de leur attribution l’un à l’autre[10] »[11]. Comme toujours, Aristote ne vise pas principalement là les mots, mais les choses dont il est question, dans la manière dont elles sont conçues et dans la forme dont les revêt l’intelligence pour en juger.

Le ‘premier’, le ‘moyen’ et le ‘dernier’ de ces termes les or­donnent dans leur extension. Cette ordon­nance joue un rôle capi­tal dans la rigueur du raisonnement, au point que la seule forme du raisonnement, la seule disposition de ses termes, ne garan­tisse aucune rigueur, si elle ne découle pas de cette extension comparée. En opposi­tion ferme aux logi­ciens récents, Aristote refuse une logique purement formelle; une condition maté­rielle est absolument requise à la rigueur d’un raisonnement : un rapport déterminé dans l’universalité respective de ses termes. Aussi Aristote insiste-t-il, dans la disposition fondamentale qu’il décrit, pour faire du sujet et de l’attribut de la conclusion des termes ‘extrêmes’ et de leur intermédiaire un ‘moyen’ terme.

J’appelle ‘moyen’ ici le terme qui, à la fois, est en un autre et en a un autre en lui; il devient donc moyen aussi par sa posi­tion[12]. J’appelle de même ‘ex­trêmes’ le terme qui est en un autre et celui en lequel un autre est[13].[14]

Une autre difficulté s’attache à l’interprétation du mot ‘συλ­λογισ­μόν’, en raison d’une homonymie qu’aucun mot français ne partage exactement. Συλλογίζεσθαι, syllogiser, c’est conclure la convenance (ou disconvenance) d’un attribut à un sujet en prenant appui sur des propositions qui font jouer les relations connues entre cet attribut et ce sujet avec un moyen terme. C’est effectuer un raisonnement, c’est raisonner. Συλλογίζεσθαι et raisonner, c’est la même activité, mais l’accent varie du verbe grec au verbe français : le verbe français renvoie plus spéciale­ment à l’agent de l’activité, la raison, plutôt qu’au résultat, à la conclusion, comme le fait le verbe grec, plus facilement transitif. Aussi, quand Aristote donne ce résultat comme un συλλογισμὸν τῶν ἄκρων, le français est mal à l’aise de parler littéralement d’un ‘raisonnement des extrêmes’. ‘Rai­sonner’ n’a pas cette couleur transitive et on lui préfère ‘conclure’, quand il s’agit de rendre le résultat du raisonnement.

Une dernière difficulté de vocabulaire s’attache à l’expres­sion principale dans cette formulation du principe ‘dici de omni’, celle justement qui lui impose son nom : ἐν ὅλῳ εῖναι. Aristote a pris soin de la définir dès le début : il s’agit de la proposition universelle, de celle dont l’attribut convient à tout ce qui s’assu­jettit éventuellement à son sujet. Ὅλος connote d’abord le tout inté­gral et le signifie comme complet, privé d’aucune de ses parties. Mais le contexte en est ici un de tout subjectif, de tout rationnel, de notion générale capable de représenter chacune de ses parties de manière confuse plutôt que distincte. En disant que “l’homme est animal”, on n’entend pas qu’‘animal’ serait un tout dont l’homme serait un morceau parmi d’autres, mais une représenta­tion commune, entre autres de l’homme, attribuable à l’homme pour en faire connaître la nature. Dire de ζῷον, animal, εἶναι ἐν ἀνθρώπῳ ὅλῳ, qu’il est en tout l’homme, ce n’est pas dire qu’il y est complètement, avec tous ses mor­ceaux, ou qu’il est en l’homme complet, sans en oublier une partie. C’est dire qu’il s’attribue à tout sujet éventuel de l’homme, qu’il n’y a aucun être auquel ‘homme’ s’attribuerait et auquel on n’attribue­rait pas aussi ‘animal’.

Pour lever l’ambiguïté, Aristote recourt à un autre mot qui signi­fie aussi la totalité : πᾶς. Πᾶς signale aussi d’abord le tout intégral, mais en le désignant par ses parties regardées une à une : πᾶς ἄνθρωπος, tout homme, c’est chacun des hommes. Avec ce mot, on passe plus facilement à la signification du tout rationnel, attributif, surtout si on parle de ‘se dire de tout’ un sujet, de ‘s’attribuer à tout’ un sujet, plutôt que d’‘être en toute’ une chose. Bien que l’être et l’existence s’utilisent au sens de l’attribution, cette homonymie demande plus d’expertise pour distinguer entre contexte naturel et contexte logique. C’est ainsi que pour faire saisir clairement ce qu’il entend par εἶναι ἐν ὅλῳ, Aristote signale d’abord son équivalence avec κατὰ πάντος κα­τηγορεῖσθαι :

Τὸ δὲ ἐν ὅλῳ εἶναι ἕτερον ἑτέρῳ καὶ τὸ κατὰ παντὸς κατηγο­ρεῖσθαι θατέρου θάτερον ταὐτόν ἐστιν. – Qu’un terme soit en un autre en son entier ou que l’un s’attribue à tout l’autre, c’est la même chose.[15]

Puis définit cette seconde expression :

Λέγομεν δὲ τὸ κατὰ παντὸς κατηρογεῖσθαι ὅταν μηδὲν λαβεῖν τοῦ ὑποκειμένου καθοὗ θάτερον οὐ λεχθήσεται. – On est considéré s’attribuer à tout l’autre quand rien ne s’en peut trouver dont on ne se dise pas.[16]

La contrepartie négative ne fait aucune difficulté : on est consi­déré s’attribuer à rien de l’autre quand rien ne s’en peut trouver dont on se dise.

Καὶ τὸ κατὰ μηδενὸς ὡσαύτως. – Il en va de même pour ce qui est de ne s’attribuer à rien de l’autre.[17]

Voilà la qualité requise de la majeure d’un raisonnement, c’est-à-dire, cette proposition qui exprime l’attribution ou non-attribu­tion du terme majeur au moyen terme pour que soit garantie sa rigueur. En latinisant cette source de toute rigueur rationnelle, on a pris coutume de la désigner comme ‘dictum de omni vel de nullo’.

C. Exploitation du ‘dictum de omni vel de nullo’

Cependant, ce ‘dictum’ n’est pas encore le principedici de omni vel de nullo’. On tient seulement la source de la rigueur, pas la rigueur comme telle, pas encore la description de la consé­quence qui constitue un raisonnement valide. Il reste à exploiter la vertu de ce ‘dictum’, à l’appliquer à la démarche rationnelle. C’est ce qu’on a lu Aristote faire plus haut, quand il mettait à profit cette relation d’attribution universelle pour ré­soudre le pro­blème soulevé sur la composition éventuelle d’un attribut à un sujet. Ce problème se résout au mieux, nous dit-il, quand le sujet examiné se découvre comme l’un de ceux aux­quels convient déjà comme attribut un autre sujet que l’on con­naît comme récepteur universel de l’attribut problématique.

On peut en effet conclure en toute sécurité que cet attribut appartient au sujet examiné, quand on découvre qu’il se dit déjà de tout un terme qui convient lui-même à ce sujet. Pour profiter de la clarté de termes transcendantaux, on dit qu’on peut être absolument sûr que “Tout C est A”, quand, sachant que “Tout B est A”, on prend conscience que “Tout C est B”. De même, en contrepartie négative, on peut être sûr qu’“Aucun C n’est A” quand, sachant qu’“Aucun B n’est A”, on prend conscience que “Tout C est B”.

Si A s’attribue à tout B, et B à tout C, A s’attribue forcément à tout C… Pareillement, si A ne convient à aucun B, mais B à tout C, A ne conviendra à aucun C.[18]

Le principe qui nous permet de saisir cette conséquence iné­luctable, c’est l’indication que le sujet examiné se range sous cet autre sujet qui jouissait d’une attribution ou non-attribution uni­verselle de l’attribut mis en question. Il y a tout cela dans la des­cription des deux pre­mières modalités du raisonnement citée plus haut. Reprenons-la :

Ὅταν οὖν ὅροι τρεῖς οὕτως ἔχωσι πρὸς άλλήλους ὥστε τὸν ἔσχατον ἐν ὅλῳ εῖναι τῷ μέσῳ καὶ τὸν μέσον ἐν ὅλῳ τῷ πρώτῳ εἶναι μὴ εἶναι, ἀνάγκη τῶν ἄκρων εἶναι συλλογισμὸν τέλειον. – Quand trois termes se rapportent entre eux de sorte que le dernier soit en le moyen en son entier et que le moyen soit ou ne soit pas en le premier en son entier, une conclusion nécessaire et parfaite des extrêmes en résulte.[19]

III. Le caractère immédiat du principe

La raison ne se satisferait pas d’une éventuelle rigueur dont elle ne serait pas consciente. Ce principe ne joue effectivement son rôle de garde-fou de la raison que si, en plus de garantir la rigueur, il la garantit avec évidence. Et avec une évidence immé­diate, car, fondant tout raisonnement, ce principe ne peut appeler aucun raisonnement à l’appui pour manifester son indéfectibi­lité.

Or c’est le cas. Le principe ‘dici de omni’ jouit d’une évi­dence absolue immédiate… dès qu’on en saisit le sens. Il n’a aucun besoin de preuve, il a seulement besoin d’être compris. Seule quelque explication peut être requise pour signaler à la raison où regarder pour le saisir. Comme une chose qui ne saute pas aux yeux peut avoir besoin, sans plus, qu’un index la pointe pour que l’œil l’aperçoive. Tout attribut qui convient – ou qui ne convient pas – à un sujet sans exception con­vient – ou ne con­vient pas – inéluctablement à n’importe lequel de ses sujets. La phrase est assez longue pour fatiguer une raison paresseuse, mais il est impos­sible à qui la comprend de ne pas y adhérer.

A. Première figure

a) Modes valides

Parce qu’au fond, il s’agit simplement d’une application par­ticulière à la démarche rationnelle du premier de tous les prin­cipes que découvre en toute évidence l’intelligence humaine : le principe de non-contradiction. Ce principe place la raison devant l’alternative entre adhérer à la conclusion du raisonnement qui le respecte ou se contredire, symptôme le plus manifeste de l’er­reur. “Tout C est A”, en effet, est contenu virtuellement en l’agence­ment de “Tout B est A” avec “Tout C est B”. De sorte qu’adhérer à ces propositions, puis en refuser la conclusion, équivaut à prétendre que la même chose à la fois est et n’est pas. C’est ce qu’on saisit, plus ou moins distinctement, quand on comprend l’énoncé du principe. Ce sont en effet deux façons d’énoncer que “Tout C est A”, l’une immédiate, l’autre médiate par l’intermé­diaire de B. Comme, si on se permet de recourir à l’imagination pour imiter cette situation intellectuelle, dire que tel crayon est dans tel sac qui est dans telle boite est une manière moins directe de dire que ce crayon est dans cette boite : s’il est dans ce sac qui est dans cette boite, il ne peut pas ne pas être dans cette boite; qui le prétendrait pècherait par contradiction : il dirait à la fois que ce crayon est et n’est pas dans cette boite.

Aristote le pense ainsi, qui ne sent aucun besoin, une fois décrites les démarches de Barbara et de Celarent, de prouver ou de manifester davantage leur rigueur. Or tel que mentionné plus haut, le même principe fonde toute rigueur rationnelle. D’évi­dence instantanée encore, si l’attribution du moyen terme B au mineur C est seulement particulière, elle ne garantira l’attribu­tion du majeur qu’à cette partie du mineur qu’elle concerne.

Supposons maintenant que l’un des sujets se rapporte univer­sellement et l’autre parti­culièrement à son attri­but[20]. Quand la proposition universelle, affirmative comme négative, con­cerne l’extrême majeur, et que la particulière, affirmative, concerne le mineur[21], il y a forcé­ment raisonnement parfait.[22]

Dans sa formulation italique, quelques lignes plus haut, le prin­cipe ‘dici de omni’ revêtait déjà assez de généralité pour recou­vrir aussi ces deux dé­marches plus particulières, que la tradition a consacrées comme Darii et Ferio.

b) Modes invalides

Il y a plus de travail à se donner pour manifester que cette rigueur se perd dès qu’on ne respecte pas les deux condi­tions du principe ‘dici de omni vel de nullo’ : une majeure universelle et une mineure affirmative. Il faut alors montrer une par une que chacune des possibilités laisse formellement possible, sans im­pliquer de contradiction, d’affirmer comme de nier l’attribution du majeur au mineur. Mais encore là la mani­festation est immé­diate et ne requiert aucune preuve raisonnée. Il s’agit simple­ment de produire en chaque cas une matière où l’affirmation est vraie et une autre où c’est la négation qui l’est. C’est un travail auquel Aristote se livre avec toute la patience qu’exige cette fas­tidieuse vérification[23]. Avec la forme “Tout B est A” et “Aucun C n’est A”, par exemple, il est tout de suite évident que rien ne peut se conclure rigoureusement. Quant à la question de savoir si “C est A”, en effet, que sert de savoir que “A convient à tout B”, si de toute manière “B ne convient à aucun C”? « Les extrêmes ne se concluront pas, puisque rien ne devient néces­saire du fait qu’il en soit ainsi. »[24] Qui trouve la situation trop abstraite pour en appréhender l’immédiate nécessité l’appréhen­dera aisé­ment devant deux matières concrètes qui impliquent un résultat diffé­rent : Si “Tout homme est animal” et qu’“Aucun cheval n’est homme”, il se trouve que “Tout cheval est animal”; mais si “Tout homme est animal” et qu’“Aucune pierre n’est animal”, il se trouve qu’“Aucune pierre n’est animal”.[25] Impos­sible, manifeste­ment, de se fier à une forme qui permet tranquil­lement tantôt l’affirmation, tantôt la négation.

Seuls Barbara, Celarent, Darii et Ferio garantissent donc un raisonnement rigoureux, et ils le font simplement en acculant à une contradiction immédiate quiconque en refuserait la conclu­sion.

B. Seconde et troisième figures

Même en l’admettant, quelqu’un pourrait imaginer qu’il en aille tout autrement dès que le raisonnement, plutôt que de se présenter ainsi de face, pour ainsi dire, en sa première figure, se présente comme de profil, en ses seconde et troisième figures, du fait de recourir à un moyen terme plus universel que son terme majeur ou plus particulier que son mineur. Là, l’évidence de la rigueur saute moins aux yeux et sa saisie implique plus de mani­pulation rationnelle. C’est de fait ce qu’Aristote reconnaît en qua­lifiant les modalités rigoureuses qu’il revêt alors de ‘rai­sonne­ments imparfaits’. « Le raisonnement ne se trouve pas du tout parfait, dans cette figure. »[26] Imparfait, par manque d’évi­dence instantanée, mais quand même rigoureux, éventuellement, si de quelque manière il respecte les exigences du principe ‘dici de omni vel de nullo’. C’est-à-dire, s’il peut compter sur un lien d’attribu­tion ou non-attribution universelle du majeur au mineur et si la disposition de ses termes permet au mineur d’en profiter pour le jugement de la convenance ou disconvenance à lui du majeur. Bien sûr, comme en première figure et comme toujours, cette rigueur ne sera utile que si on en a évidence, et que si on en a évidence immédiate, sans besoin de raisonnement à l’appui. C’est la condition qu’Aristote impose au raisonnement affecté de cette imperfection.

J’appelle raisonnement … ‘imparfait’ celui qui …, pour que se manifeste sa nécessité, … a besoin, en plus que ce qu’on a as­sumé, d’une ou plu­sieurs observations, déjà nécessaires toutefois du fait des termes posés.[27]

Autrement dit, en deuxième et troisième figures, tout n’est pas dit explicitement dans les deux propositions assumées, de ce qu’on a besoin d’apercevoir pour avoir l’évidence de la rigueur du raisonnement. Mais ce qui est sous-entendu n’a pas besoin de preuve, il est déjà nécessairement et immédiatement impliqué dans ces propositions. Là encore, pour assister notre perspicacité limitée, Aristote met beaucoup de patience à nous signaler, en chaque modalité valide et invalide, ce qui rend évident sa vali­dité ou son invalidité.

a) Modes valides

En seconde figure, par exemple, rigueur et invalidité seront le fait de propositions tant univer­selles que particulières, annonce Aristote. « Le raisonnement sera éventuellement valide[28], tant avec des termes universels que non universels. » Suivons Aritote dans la manifestation ‘immédiate’, sinon instantanée, de cer­taines modalités.

Avec des termes universels, il y aura raisonnement quand le moyen convient à tout un extrême et à rien de l’autre, peu importe lequel la négation concerne. Autrement, pas du tout.[29]

Considérons le cas le plus simple, dit Cesare : si “Aucun N n’est M” et que “Tout O est M”, nécessairement “Aucun O n’est N”. Cette nécessité n’apparaît pas tout de suite, même si on se donne toutes les chances de la visualiser en subordonnant propo­sitions et conclusion, comme suit :

       Aucun N n’est M

       Tout O est M

       Aucun O n’est N

En effet, le principe ‘dici de nullo’ nous assurait que tout ce qui recevrait l’attribution du moyen terme ne recevrait celle de rien qui répugne universellement au moyen terme. On attendait donc ici l’information que le terme majeur ne s’attribue aucune­ment au moyen, mais ce n’est pas cette information qu’offre la proposition majeure; elle nous informe qu’à l’inverse, c’est le moyen terme qui ne convient universellement pas au majeur. Cette information, comme telle, ne permet pas de profiter du lien nécessaire que garantit le ‘dictum de nullo’. Pourtant, de telles propositions assurent effectivement qu’aucun N ne peut conve­nir à O, tel que l’énonce la conclusion. Et cela devient évident ‘immédiatement’, c’est-à-dire, sans besoin d’autres informations que celles don­nées, au moins virtuellement, par les propositions. La proposi­tion majeure, en effet, du fait d’être négative et uni­verselle, admet conversion : il est immédiatement évident que le fait qu’“aucun N n’est M” implique forcément qu’“aucun M n’est N”. Aucun raisonnement n’est requis pour saisir qu’aucun M ne doit être N pour qu’aucun N ne soit M. Simplement imagi­ner qu’un M serait N rendrait faux au moins que ce N ne soit pas M, et donc qu’“Aucun N n’est M”, alors que la proposition ma­jeure l’assure. Avant d’en arriver là, Aristote avait bien pris soin d’attirer l’attention sur l’évidence que la proposition négative universelle, par exemple, “Aucun B n’est A” implique nécessai­rement sa conversion : “Aucun A n’est B”.

Si A ne convient à aucun B, B ne conviendra non plus à aucun A. Si B convenait en effet à quelque A, disons à C, il ne serait plus vrai que A ne convienne à aucun B; car C serait l’un des B.[30]

Le lecteur pour qui ces termes transcendantaux seraient trop abstraits aurait seulement besoin de les remplacer par des chiens et des chats. Il sait bien qu’“Aucun chien n’est un chat” et il sait aussi que, pour que cela reste vrai, il faut aussi qu’“Aucun chat ne soit un chien”. Le moindre chat qui serait un chien, en effet, ferait qu’au moins ce chien serait un chat, falsi­fiant la vérité bien con­nue qu’“Aucun chien n’est un chat”. Fort de cette évidence que la proposition négative universelle implique sa conversion, on est prêt à apercevoir que la modalité de se­conde figure en question profite pleinement de la nécessité offerte par le principe ‘dici de nullo’.

       Aucun N n’est M, ce qui implique…

       Qu’Aucun M n’est N

       Or Tout O est N

       Donc, Aucun O n’est M

On se trouve, grâce à l’évidence de la conversion, à en obtenir la même évidence que celle qui s’attachait plus haut au mode Ce­larent.

Que M ne soit donc attribué à aucun N, mais le soit à tout O : comme, certes, la négative se convertit, N ne sera à aucun M. Mais M était supposé à tout O. Par conséquent, N ne sera à aucun O.[31] Cela, on l’a déjà montré auparavant[32].[33]

En tout cela, comme le disait Aristote, rien n’est requis que ce qui est impliqué nécessairement par les deux propositions et… le besoin de ne pas se contredire !

Camestres résiste plus à laisser voir que sa nécessité présente une évidence… immédiate. L’obscurité de ce caractère néces­saire paraît plus opaque à l’abord. En effet, avec : “Tout N est M” et “Aucun O n’est M”, comment trouver évident que s’en­suive qu’“Aucun O n’est N”? On n’a pas d’emblée l’infor­mation universelle requise par le principe ‘dici de nullo’ : que le terme majeur ne convienne à rien du moyen. On a doublement l’in­verse : que le moyen terme convient à tout du majeur. En outre, même si on avait l’information universelle requise, on ne pour­rait en tirer profit, puisque la proposition mineure nous in­forme que de toute façon le moyen terme ne concerne aucune­ment le mineur. Comment espérer quelque rigueur pertinente là?

Pourtant, en toute évidence, la situation reviendra à celle de Cesare, si on tient comme majeur le mineur, engagé dans une proposition universelle négative, et comme mineur le majeur, en relation universelle affirmative avec le moyen[34]. On aura alors, en effet :

       Aucun O n’est M

       Tout N est M.

De là, une fois convertie la nouvelle majeure, s’en­suivra : “Au­cun N n’est O”, puisqu’on retrouvera encore la disposition de Cela­rent, dont on a plus tôt constaté la rigueur. Cependant, cette conclusion aboutira à l’inverse de la solution espérée pour le problème ini­tial, qui était : “Est-ce que O est N, ou non?” Une fois là, toutefois, il devient immédiatement évident que la con­clusion obte­nue se conver­tit en la solution attendue : si ainsi “Aucun N n’est O”, cela im­plique nécessaire­ment et immédiate­ment qu’“Aucun O n’est N”. Tout cela fait beaucoup de manipu­lations et pas très ‘ins­tantané’, mais aucun raisonnement n’y est requis; il ne s’agit que d’informa­tions déjà virtuellement, néces­sairement et immédiate­ment im­pliquées dans les propositions initiales. Encore une fois, rien de requis que ce qui est nécessai­rement vrai, les deux pro­positions une fois reçues, rien de plus n’est requis que de ne pas se contre­dire. Selon la formulation d’Aristote :

Si M est à tout N, mais à aucun O, O ne sera non plus à aucun N[35], car si M n’est à aucun O, O ne sera non plus à aucun M. Or M était à tout N; O ne sera donc à aucun N. En effet, voilà la première figure reproduite[36]. Mais puisque la négative se conver­tit, N ne sera non plus à aucun O, de sorte que ce sera le même raisonne­ment qui le conclura.[37]

Pour imager plus concrètement la séquence, de…

            Tout N est M

et :           Aucun O n’est M,

s’ensuit : Aucun O n’est N, car une fois la mineure regardée comme majeure et convertie, on retrouvera le mode Celarent :

       Aucun M n’est O

       Tout N est M

       Aucun N n’est O, qui toutefois se convertit nécessaire­ment en la solution directe du problème initial :

Aucun O n’est N.

Comme la première figure, la seconde donne aussi deux modes rigoureux particuliers. L’un est aussi simple à manifester que Cesare, car il requiert la seule conversion de sa majeure : si “Aucun N n’est M”, mais seulement “Quelque O est M”, on retrouvera la première figure[38] en convertissant la majeure :

       Aucun N n’est M implique que…

       Aucun M n’est N,

Or : Quelque O est M,

Donc : Quelque O n’est pas N.

Si M ne convient à aucun N, mais à quelque O, N doit ne pas être à quelque O. Puisque, en effet, la négative se convertit, N ne convient à aucun M; or on supposait que M était à quelque O ; en conséquence, N ne convient pas à quelque O. Le raison­nement devient ainsi de la première figure.[39]

Mais l’autre mode paraît plus louche à première vue : si on sait que “Tout N est M” et qu’“Aucun O n’est M”, on semble défier les deux exigences du principe ‘dici de nullo’ : la majeure n’est pas universelle et la mineure est négative. Rien à espérer de rigoureux, semble-t-il, de pareille disposition. Elle est pour­tant aussi rigoureuse que les modes précédents et apercevoir sa nécessité se peut faire immédiatement, sans requérir aucun rai­sonnement à l’appui, de par la seule aperception d’inférences immédiates des deux propositions initiales. Que de l’immédiat est exigé, donc, mais cet immédiat requiert une certaine agilité men­tale.

Il faut d’abord être conscient d’un autre visage du principe de non-contradiction : toute conséquence se convertit. C’est-à-dire : si un antécédent a un conséquent nécessaire, la disparition de ce conséquent entraîne celle de son antécédent. Ainsi, l’ajout de deux unités à deux autres en donne nécessai­rement quatre, de sorte que la présence de cinq unités plutôt que quatre force à admettre qu’on n’en a pas ajouté seulement deux autres aux deux initiales. De même, dans un raisonnement rigoureux, la fausseté de la conclu­sion entraînerait la fausseté d’au moins une proposi­tion.

Si alors, avec les propositions “Tout N est M” et “Quelque O n’est pas M”, la conclusion “Quelque O n’est pas N” ne s’ensuit pas rigoureusement, la vérité de sa contradictoire, “Tout O est N” sera conciliable avec la vérité de ses deux propositions. Si elle ne l’est pas, si elle entraîne au contraire la fausseté de l’une des propositions, il faudra forcément que l’inférence initiale ait été rigoureuse. Or de fait, “Tout O est N”, avec la majeure ini­tiale “Tout N est M” constitue un Barbara qui détruit la mineure initiale :

            Tout N est M

            Tout O est N

Donc : Tout O est M

Mais comme nos propositions initiales nous assuraient qu’en fait “Quelque O n’est pas M”, cette conclusion ne peut être vraie. Elles nous assuraient aussi que “Tout N est M”. Il reste donc forcément que “Tout O est N” doive être faux et que la conclusion initiale “Quelque O n’est pas N” doive être vraie et s’ensuivre rigoureusement des propositions initiales. Pour le for­muler comme Aristote :

Si M convient à tout N et ne convient pas à quelque O, N doit ne pas convenir à quelque O, car s’il le faisait, comme M s’attri­bue à tout N, M devrait convenir à tout O ; or on supposait qu’il ne convenait pas à quelque O.[40]

Dans cette conversion complète de ce mode de seconde fi­gure au mode Barbara[41], insistons-y encore, rien d’autre n’est re­quis que des conséquences immédiates des informations offertes par les deux propositions. À noter d’ailleurs que tous les modes va­lides de la seconde et de la troisième figure peuvent voir manifes­ter leur rigueur par ce procédé, et de même tous les modes invalides leur invalidité. Comme en effet ces derniers se conver­tissent en des modes de la première figure dont l’invali­dité est évidente, cette conversion les dénonce eux-mêmes comme inva­lides.

Ici encore, pour qui trouverait trop abstrait de suivre le piéti­nement rationnel qu’oblige leur conversion, Aristote met son disciple face à des termes concrets qui clarifient, pour les seconde et troisième figures, comment leurs modes invalides manquent de rigueur, en illustrant pour chacun le fait que sa forme est compa­tible avec la composition comme avec la divi­sion de leurs termes mineurs et ma­jeurs.

Comme la manifestation des modes de troisième figure imite tout à fait celle de ceux de seconde, il n’y a pas besoin de les considérer plus spécialement ici.

IV. Réplique à d’éventuelles objections

On devrait maintenant avoir une évidence assez forte du rôle fondamental que joue le principe ‘dici de omni vel de nullo’ pour fonder la rigueur de la démarche de la raison. Pas question de conséquence nécessaire sans satisfaire à ses deux exigences : une proposition affirmative ou négative qui lie ou sépare univer­sellement un extrême et le moyen terme et une autre qui lie affirmativement le moyen terme et l’autre extrême. Il devrait maintenant être tout aussi clair qu’au fond ce principe garantit simplement qu’on ne se contredise pas, niant d’une part ce qu’on a affirmé d’autre part.

Mais l’abstraction du thème est telle qu’il est facile de brandir des objections apparentes auxquelles on a besoin de savoir ré­pondre pour ne pas se laisser intimider par d’apparents sages.

A. ‘Dictum de omni’ et sophisme par l’accident

À la lecture des Attributions, on ne peut manquer de s’éton­ner, au début du troisième chapitre, devant ce qui prend l’allure d’une reformulation simplifiée du principe ‘dici de omni’.

Ὅταν ἕτερον καθἑτέρου κατηγορῆται ὡς καθὑποκειμένου, ὅσα κατὰ τοῦ κατηγορουμένου λέγεται, πάντα καὶ κατὰ τοῦ ὑποκειμένου ῥηθήσεται. – Quand on s’attribue à autre chose comme à son subordonné, tout ce qui se dit de l’attribut se dira aussi de ce subor­donné.[42]

Surtout qu’on ne voit pas facilement ce qui différencie cette for­mule très permissive de l’occasion du sophisme de l’accident, qu’Aristote décrit comme suit :

Οἱ μὲν οὖν παρὰ τὸ συμβεβηκὸς παραλογισμοί εἰσιν ὅταν ὁμοίως ὁτιοῦν ἀξιωθῇ τῷ πράγματι καὶ τῷ συμβεβηκότι ὑπάρχειν. – On produit des paralogismes par l’accident quand on prétend que tout convient pareillement à une réalité et à son accident.[43]

Heureusement que quelque explicitation et des exemples re­vêtent d’un peu de concret cette déclaration laconique. « Beau­coup de choses, nous dit Aristote, s’attachent par accident à la même réalité. Rien de nécessaire, donc, complète-t-il, à ce que toutes ces mêmes choses conviennent à tous ses attributs et à tous ses sujets. »[44]

Ne se trouve-t-on pas là devant une espèce de négation du principe ‘dici de omni’, qui semblait nous assurer de tout le con­traire, que dès qu’un attribut convient universellement à une réalité, il convient aussi à son sujet?

Pour tirer la chose au clair, considérons un peu les illustra­tions du sophisme par l’accident. « Si Coriscos est autre chose qu’homme, il est autre chose que lui-même, puisqu’il est homme. »[45] De même, « si on est quelqu’un d’autre que Socrate et que Socrate est homme, on a l’air d’avoir admis être autre chose qu’un homme, puisque ce dont on se dit autre chose est homme »[46]. Partons d’un exemple plus simple :

            L’animal est un genre

            L’homme est animal

Donc : L’homme est un genre

Aucune des propositions ne présente d’exceptions. Qu’est-ce qui empêche ici le principe ‘dici de omni’ de jouer son rôle de garant d’inférence nécessaire? N’est-on pas en présence d’un parfait Barbara? Il ressort de la des­cription du type de sophisme touché que c’est le fait de con­cerner ‘par accident’ (συμβαίνειν) la même chose. Par accident, c’est-à-dire, pas dans le même con­texte, pas sous le même rapport : ‘genre’ intéresse ‘animal’ comme entité connue : dans la repré­sentation que s’en fait l’in­telligence humaine, l’animal devient un genre; mais l’homme est animal dans sa réalité, dans son es­sence. Les deux constata­tions, regardant l’animal sous deux rapports, ne peuvent se joindre en un raison­nement, car l’animal n’a pas alors l’unité requise d’un terme unique.

De même, Coriscos est homme pour autant qu’on considère son essence, mais autre chose qu’homme et autre chose que Socrate en tant qu’on en considère les accidents : quantité, qua­lités, relations, ne sont pas l’essence de Coriscos et varient de Coriscos à Socrate. Si on se ramène à un contexte unique, le caractère sophistique se résout : Coriscos est homme, essentiel­lement, et est par accident autre chose aussi : blanc, jeune, écervelé. Il n’est pas Socrate, qui est vieux et sage, mais il est Socrate, spécifi­quement, en tant que sujet d’une même essence.

B. ‘Dictum de omni’ et inférence immédiate

Que dire alors de la formulation du chapitre 3 des Attribu­tions? S’agit-il d’une variante universalisée du principe ‘dici de omni’? Je ne le crois pas. Je rapprocherais plutôt cette formule de l’al­lusion qu’Aristote fait, dans ses Seconds Analytiques, à des con­naissances antérieures dont l’aperception entraîne immé­diatement leur conséquent. Il vient de signaler une différence de mode entre les connaissances antérieures : certaines le sont en temps, on les connaît donc de fait avant celles dont l’apprentis­sage en dépend; d’autres ne sont antérieures que de nature, c’est donc en même temps qu’on prend connaissance de leur consé­quent.

On apprend grâce à certaines choses qu’on savait avant et à d’autres dont on fait la connaissance en même temps, comme c’est le cas de tout ce qui se range sous l’universel et dont on a connais­sance que c’est le cas[47].[48]

Il me semble retrouver ici cette notion des Attributions, appli­quée au contexte de la démonstration, pour distinguer entre dé­monstration au sens plein, qui implique raisonnement, et appren­tissage immédiat présenté sous la disposition d’un argument. Aristote complète avec un exemple qui illustrerait bien la for­mule citée des Attributions, comme quoi « quand on s’attribue à autre chose comme à son subordonné, tout ce qui se dit de l’attri­but se dira aussi du subordonné »[49].

Ainsi, que “tout triangle a ses angles égaux à deux angles droits”, on le savait d’avance; mais que “telle figure inscrite dans le demi-cercle est un triangle”, en même temps qu’on l’a in­duit[50], on a su[51].[52]

La proposition majeure annonce un attribut de ‘tout triangle’. La mineure informe que voici une espèce de ‘triangle’. Pas besoin donc de moyen terme : on sait immédiatement que ce triangle particulier partage l’attribut annoncé de tout triangle.

Dans certains cas, c’est de cette manière[53] que se fait l’ap­prentissage et ce n’est pas par le moyen terme que le dernier est connu[54].[55]

La formulation est pour le moins étonnante : un raisonnement, qui plus est, une démonstration, où le moyen terme n’intervient pas pour lier le terme majeur au mineur!?! On voit qu’Aristote est très méticuleux dans l’attribution stricte du titre de ‘démons­tration’ à la manifestation d’une propriété. Entre autres condi­tions, il faut que la connaissance en soit médiate, compte sur l’office d’un moyen terme. Mais dans le cas illustré, pas besoin de moyen terme : l’attribution de la propriété est connue immédiatement du seul fait de prendre conscience du statut de partie subjective que revêt ce qu’on donne comme un terme mineur. Dans la ‘conclu­sion’ donnée en exemple, on connaît, on apprend du ‘mineur’, du ‘dernier’, la figure spéciale inscrite dans le demi-cercle, que le majeur, avoir ses angles égaux à deux angles droits, lui convient. Dans un raisonnement au sens plein du terme, ce lien se découvre par l’efficience d’un moyen terme, et ce en deux temps : 1. la proposition mineure rattache d’abord le moyen terme au mineur ; 2. s’ensuit, en autant qu’on prend conscience de se trouver en présence d’un mode syllogis­tique valide, la conclusion que le majeur convient au mineur. Aristote signale ici que lorsque le mineur est simplement un inférieur essentiel du moyen terme pressenti, l’intimité entre les deux est telle que cet universel n’agit pas pleinement comme moyen terme ; dès qu’on est conscient de cette subordination, on a aussi conscience que l’attribut de l’uni­versel convient à son subordonné. La dite mineure et la dite conclusion se connaissent alors simultanément et on n’a pas pleinement un raisonnement, l’inférence étant trop immédiate.

C’est le cas de tout ce qui appartient déjà aux singu­liers, c’est-à-dire, qui n’a pas de sujet inférieur auquel s’attri­buer[56].[57]

Certes, le singulier comme tel fait hors d’ordre en ce contexte de démonstra­tion. D’ailleurs, l’exemple fourni, la figure inscrite dans le demi-cercle, ne constitue pas un singulier, mais une es­pèce. Sans doute doit-on comprendre que l’espèce spécialissime, que le géomètre traite et trace généralement comme un singulier, joue le rôle d’inférieur ultime qui appartient le plus naturalement au singulier. L’observation d’Aristote doit sans doute pointer le fait que l’inférieur ultime relève plus clairement de son supé­rieur immédiat. Aucun intermédiaire ne l’en sépare, comme remar­quera le commentateur.

À titre d’exemple de connaissance antérieure en temps, le Philosophe signale que pour arriver par démonstration à con­naître cette conclusion, on devait savoir antérieurement selon le temps que “tout triangle a ses trois angles égaux à deux angles droits”. Mais en induisant ensuite que “telle figure inscrite dans le demi-cercle est un triangle”, on a connu en même temps la conclu­sion, parce que cette induction a fait savoir sous quel universel cette figure se trouvait contenue, sans avoir besoin supplémentaire d’un moyen terme pour s’en convaincre[58]. C’est la raison d’ajou­ter que “dans certains cas, c’est de cette manière que se fait l’appren­tissage”… L’‘ultime’, c’est-à-dire, le terme extrême pris sous le moyen terme universel, n’a pas besoin en plus d’un moyen terme pour être reconnu subor­donné à cet universel. Quels sont ces termes dont la subordina­tion à leur universel est toujours connue, le Philosophe le manifeste en ajoutant que ce sont les singuliers, eux qui ne s’attribuent à aucun sujet, car on ne peut trouver aucun moyen terme entre les singuliers et leur espèce.[59]

C. ‘Dictum de omni’ et proposition démonstrative

Les Seconds Analytiques y vont de leur propre conception du ‘dictum de omni’. Intéressés plus à la matière qu’à la forme de la démonstration, considérée déjà définie dans les Premiers Analy­tiques, ils en font l’une de trois conditions auxquelles toute pro­position susceptible d’entrer dans une démonstration doit satis­faire : comporter un ‘dictum de omni’, se rapporter par soi et en premier à leur sujet. Là, le ‘dictum de omni’ n’implique pas seulement une universalité de fait, mais aussi de temps.

Par l’attribut dit ‘de tout’ son sujet, on entend celui qui s’y attribue sans le faire à tel subordonné mais pas à tel autre, ni à tel moment mais pas à tel autre. Par exemple, si ‘animal’ se dit de tout homme, et s’il est vrai de dire homme telle entité, il est vrai de la dire animal aussi, et tant qu’elle est l’un, elle est l’autre aussi. Et si le point est en toute ligne, il en va de même[60].[61]

Cette considération entre-t-elle en compétition avec le prin­cipe ‘dici de omni’ qu’on vient de présenter comme la garantie formelle du raisonnement? Faut-il réserver le ‘dictum de omni’ à la considération de la matière du raisonnement?

Il n’y s’agit ni purement de forme, ni purement de matière. J’ai déjà fait allusion au fait qu’il n’y a pas de logique ‘pure­ment’ formelle. Que toute forme logique réclame une matière qui y soit apte. Qu’on ne peut sérieusement parler de formes lo­giques sus­ceptibles de vêtir n’importe quels termes absolument. Le ‘dictum de omni’ qualifie la matière du raisonnement et de la démons­tration, pour autant qu’il constitue une propriété de ses proposi­tions. Mais il en qualifie la forme quand il s’intègre au principe qui décrit la relation inaliénable entre ses propositions majeure et mineure qui garantit la nécessité de sa conséquence. C’est seulement en ce contexte qu’on parle de principedici de omni’ : pas de raisonnement sans une proposition universelle, fermée à toute exception quant à la composition ou division d’un majeur à un moyen, complétée par une proposition affir­mative où soit présenté quelque sujet du moyen qui s’en trouvera en droit de réclamer en conclusion sa composition ou division avec ce majeur. Cependant, le raisonne­ment comme tel se satisfera d’une proposition ‘de fait’ univer­selle, sans exiger qu’elle le soit éternellement, c’est-à-dire, sans la réclamer de caractère néces­saire. Le dialecticien se contentera de la voir admise comme universelle. Seul le démonstra­teur ajoutera l’exigence de la pé­rennité, car il a besoin de propositions nécessaires pour démon­trer, puisqu’il tiendra sa conclusion pour nécessaire.

D. ‘Non-contradiction’ et démonstration

Tout mon effort, dans cet article, vise à clarifier le rôle du principe de non-contradiction dans la garantie d’inférence inhé­rente au raisonnement. J’ai tâché de faire comprendre que la forme du raisonnement ne peut avoir besoin de preuve, de dé­monstration : la rigueur de sa conséquence doit être d’évidence immédiate. De même qu’il est impossible de tout démontrer, matériellement, et qu’il faut bien qu’on commence à raisonner de premières évidences qui soient immédiates, de même le pre­mier raisonnement a déjà besoin d’une forme dont la rigueur soit immédiatement évidente et ne présente aucun besoin de preuve.

C’est dans cette ligne que j’ai assimilé le principe ‘dici de omni’, armature de tout raisonnement rigoureux, au principe de non-contradiction : ce qui rend le raisonnement rigoureux, c’est une disposition telle que refuser sa conclusion équivaut à se contredire, à dire qu’à la fois le sujet de cette conclusion reçoit et ne reçoit pas son attribut.

Que faire alors de la déclaration d’Aristote à l’effet qu’au­cune démonstration ne fait usage du principe de non-con­tradic­tion?

Τὸ δὲ μὴ ἐνδέχεσθαι ἅμα φάναι καὶ ἀφοφάναι οὐδεμία λαμ­βάνει ἀπόδειξιςAucune démonstration n’assume qu’“on ne peut affir­mer et nier à la fois”.[62]

Aristote s’en prend-il là à la théorie que je viens d’exposer. Est-ce elle qu’il ridiculise en disant que recourir au principe de non-contradiction dans un argument impliquerait qu’on s’y im­pose la redondance de nier la négation de tout ce qu’on y af­firme ?

Autrement, on devrait prouver la conclusion comme suit[63]. La preuve fonctionnerait pour autant qu’on assume­ qu’affirmer le premier terme du moyen se vérifie, tandis que l’en nier ne se vérifie pas[64].[65]

Saint Thomas explicite clairement l’exemple d’Aristote :

Par exemple : supposons ‘animal’ comme premier terme, ‘homme’ comme moyen et ‘Callias’ comme troisième. Si on voulait user du principe en question dans la démonstration, on de­vrait argumenter ainsi : “Tout homme est animal et n’est pas non-animal” ; “Callias est homme” ; donc, “Callias est animal et n’est pas non-animal”.[66]

Aristote développe ensuite à quel point dans le cas des termes moyen et mineur, cette insistance ne changerait rien et n’appor­terait que redondance et lourdeur à l’argument. Faut-il voir là des conséquences effectives d’une assimilation du principe ‘dici de omni’ au principe de non-contradiction ?

Absolument pas ! Aristote s’intéresse là à l’idée d’incorporer ce principe aux prémisses mêmes du raisonnement, ce dont il n’est absolument pas question ici. La rigueur de la forme du raisonnement n’implique de compter comme prémisse de celui-ci ni le principe de non-contradiction ni le principe ‘dici de omni’. Le seul rôle de ces principes est de fonder immédiate­ment une conséquence nécessaire en garantissant qu’un refus de la conclusion implique une contradiction et donc fausseté.

E. ‘Dictum de omni’ et logique moderne

Enfin, que faire de l’accusation de logiciens modernes à l’ef­fet qu’Aristote ne déduirait pas les différents modes valides du raisonnement du principe ‘dici de omni’?

Les commentateurs récents ont critiqué sévèrement cette doc­trine, en objectant que les modes de la première figure ne sont pas déduits du dictum de omni.[67]

Sans doute le logicien ‘moderne’ qui a consacré le plus de temps à comprendre et expliquer Aristote est-il Jan Łukasiewicz, auquel Crubellier attribue spécialement cette ‘sévérité’. Toute sa vie, il a été fasciné par les Analytiques, bien qu’il leur ait préféré, comme vision de fond de l’argumentation, la ‘lo­gique stoï­cienne’, axée plutôt sur les propositions que sur les termes. Il a même fini par rédiger une Syllogistique d’Aristote[68] où il essaie de rendre compte dans le détail des ‘intuitions’ logiques d’Aris­tote et de remédier à leurs ‘inexactitudes’ de for­mulation et de démonstration.

Il serait extrêmement difficile et fastidieux d’évaluer dans le détail le traitement qu’il fait des Analytiques, tant son exposé est truffé de quiproquos et accumule par conséquent les ‘ignorances de la réfutation’. Continuellement, Łukasiewicz méconnaît des obser­vations évidentes d’Aristote et tente de leur substituer des expli­cations soi-disant d’une grande subtilité, mais qui en fait tournent à vide. Fonda­menta­lement, il affiche une attitude nomi­naliste, qu’il étiquette ‘forma­liste’, où il essaie de ramener la dé­marche de la raison à des substitutions de mots qui écono­misent de saisir exactement de quoi il y est question. La logique, nous assure-t-il, ne s’inté­resse aucunement à la pensée et à sa correc­tion. Reprochant à Copleston de justifier la qualification de la logique d’Aristote comme ‘for­melle’, il dénonce l’allusion à des ‘formes’ de la pensée.

Dans ces citations, nous lisons une expression, « formes de la pensée », dont le sens nous échappe. La pensée est un phéno­mène psychique et n’a donc pas d’extension. Mais que veut-on dire alors en parlant de la forme d’un objet sans extension? C’est là une expression qui n’est pas exacte et dont l’inexactitude nous semble avoir son origine dans une conception erronée de la lo­gique. Certes si l’on croit que la logique est la science des lois de la pensée, on sera tout disposé à voir dans la logique formelle une investigation sur les formes de la pensée. Mais la logique n’est pas une telle science et son objet n’est point de rechercher com­ment nous pensons en réalité ni comment nous devrions le faire… Elle n’a nullement affaire – non plus que les mathéma­tiques – aux lois de la pensée.[69]

Sur le sujet qui nous occupe, Łukasiewicz en vient à écarter le principe ‘dici de omni’ comme source de la rigueur syllogis­tique. Il nie même l’existence de pareil principe et nie jusqu’au recours qu’Aristote y ferait pour rendre évidente la rigueur du raisonne­ment. À son avis, le fondement de cette rigueur tient à des ‘axiomes’, qu’il entend comme des principes initialement et arbi­trairement choi­sis et avec lesquels il s’agirait de ‘construire’ en cohérence le sys­tème des modalités syllogistiques, un sys­tème qui n’aurait rien à voir avec la manière dont nous pensons natu­rellement. Aristote aurait eu ‘l’intuition’ d’une pareille entre­prise, mais l’aurait réalisée maladroitement. Łukasiewicz se fait fort de rétablir plus adroitement la syllogistique d’Aristote.

Si l’on prend comme termes primitifs du système les relations A et I, en définissant E et O par leur intermédiaire, il est possible … de construire toute la théorie du syllogisme aristoté­licien sur les quatre axiomes suivants :

1. A appartient à tout A.

2. A appartient à quelque A.

3. Si A appartient à tout B et si B appartient à tout C,

      Alors A appartient à tout C.                                Barbara

4. Si A appartient à tout B et si C appartient à quelque B,

      Alors A appartient à quelque C.                                Datisi

Il est impossible de réduire davantage le nombre de ces axiomes, et en particulier de les faire tous dériver de ce que l’on appelle le dictum de omni et nullo. Ce principe, différemment for­mulé suivant les manuels de logique, l’est d’une façon qui reste toujours très vague. Sa formulation la plus classique (Quidquid de omnibus valet, valet etiam de quibusdam et de singulis – et – Quidquid de nullo valet, nec de quibusdam, nec de singulis valet) ne peut strictement s’appliquer à la logique aristotélicienne, qui ne possède ni propositions ni termes singu­liers. En outre, on voit mal comment il serait possible de déduire de ce principe les lois d’iden­tité ou bien le mode Datisi, si tant est qu’on puisse en déduire quoi que ce soit – sans compter, chose évidente, que ce principe en contient en fait deux. Quoi qu’il en soit, soulignons qu’Aristote n’en est nullement l’inven­teur et qu’il ne le donne pas … pour l’axiome de départ de toute inférence syllogistique. En aucun endroit des Premiers Analy­tiques il ne le formule comme un principe de la syllogistique, et ce que l’on cite parfois pour être une telle formulation n’est en réalité qu’une explicita­tion des locutions ‘être prédiqué de tous’ et ‘n’être prédiqué d’au­cun’.

Bref, si l’on entend par ‘principe’ un axiome, nous disons que c’est une entreprise vaine que de rechercher un principe de la syllogistique aristotélicienne, mais si l’on désigne par ce mot autre chose qu’un axiome, alors nous ne voyons absolument pas de quoi il peut s’agir.[70]

On a déjà un excellent échantillon de tout ce que la différence d’attitude intellectuelle entre Aristote et Łukasiewicz peut géné­rer de quiproquos. Cette page multiplie les surprises. À com­mencer par l’hétérogénéité de la liste donnée comme minimale de quatre ‘axiomes’ : les deux premiers manifestent la passion de la tauto­logie qui anime les logiciens modernes; le troisième ap­plique au premier mode syllogistique le principe ‘dici de omni’ dont les paragraphes suivants nieront l’utilité et même l’exis­tence; mais la surprise dominante, dans cet effort de faire mieux qu’Aristote, est sans doute de donner un mode de la troisième figure comme quatrième axiome! Aristote avait davantage souci de la réalité intellec­tuelle, lui qui le donnait plutôt comme un rai­sonnement impar­fait, quémandant sa mani­festation par réduction à un mode plus évident.

Aristote se fonde pour sa part sur des vérités dont l’évidence soit accessible à tous, non sur des ‘axiomes’ qu’il choisirait arbitrairement, les plus simples et limités possibles en nombre, sans intérêt pour leur vérité; il ne s’agit pas pour lui de ‘cons­truire’ quoi que ce soit, mais de ma­nifester que l’effort de ne pas se contredire est seul garant de la rigueur du raisonne­ment; il ne parle pas lui-même d’un ‘prin­cipe’ dici de omni qu’il ‘invente­rait’, mais fait simplement re­marquer que la nécessité de la con­séquence d’un raisonnement s’enracine dans l’attribution ou non-attribu­tion universelle du terme majeur à un moyen terme, jointe à l’attribution, au moins particulière, du moyen au mineur.

La phrase la plus juste de l’évaluation de Łukasiewicz est certainement la dernière de la citation.

Et elle vaut pour tout le livre, où Łukasiewicz cherche sans cesse à clarifier ce qu’il considère comme des ‘intuitions’ d’Aris­tote et des ‘inexactitudes’ d’interprétation. Dans les faits, il ne saisit pas ce qu’Aristote énonce de plus évident et ne réussit qu’à en compliquer et invalider la teneur à force de subtilités, d’axiomes, de lois, de confusions.

La plus spectaculaire de ses cécités porte sans doute sur les figures du syllogisme, qu’il considère d’un intérêt secondaire, purement pratique, à propos desquelles il reproche à Aristote de n’avoir pas vu clairement la quatrième et d’avoir mal défini les termes mineur et majeur en leur attribuant d’office une universa­lité respective moindre et plus grande.

La répartition des syllogismes en figures ne nous semble avoir d’autre but que pratique : il s’agit de s’assurer qu’on n’a omis aucun mode sylllogistique vrai.[71]

Aristote ne devrait pas dire que tout syllogisme doit nécessai­re­ment s’effectuer par l’une ou l’autre de ces figures : il existe en effet une quatrième possibilité, à savoir que le moyen-terme soit prédicat du majeur, et sujet du mineur. On parle maintenant des modes de ce genre comme appartenant à la quatrième figure.[72]

À voir les choses ainsi, impossible d’appréhender le moindre­ment où réside la rigueur rationnelle. Pour imaginer découvrir une quatrième figure, on doit ne pas saisir l’importance de l’uni­ver­salité comparée des termes, ni même déjà saisir la nature d’un énoncé comme connaissance acquise d’un sujet moyennant un attribut déjà mieux connu en raison justement de sa plus grande universa­lité. Et de fait, Łukasiewicz trouve indifférent que sujet et attribut soient ou non plus universels l’un que l’autre.

Aristote commet dans les Premiers Analytiques une autre er­reur, qui a de plus sérieuses conséquences. Elle affecte la défini­tion qu’il donne des termes majeur, moyen et mineur, lors de sa détermination de la pre­mière figure.[73]

Łukasiewicz ne manque pas, en effet, de réaliser qu’Aristote attache aux différents termes une universalité différente.

Il est évident que le majeur tire son nom du fait qu’il est celui dont l’extension est la plus grande, tandis que le mineur a la plus petite.[74]

Mais il n’en conçoit absolument pas l’importance. Il n’y voit qu’une simple distraction d’Aristote, due au fait de ne pas porter as­sez d’attention au fait que des variables… ne peuvent se dis­tin­guer de cette manière.

Le mode Barbara doit, en tant que loi logique, être énoncé né­cessairement avec des variables :

   (2) Si tout B est A

         Et si tout C est B,

         Alors tout C est A.

Or, il est impossible d’appliquer à cette loi logique les explica­tions données plus haut : comment déterminer des relations d’ex­tension entre des variables? Cela n’est pas possible.[75]

Łukasiewicz n’a aucune idée que l’attribut d’un énoncé est nor­malement plus universel que son sujet et ne remarque pas le soin que prend Aristote à choisir ses termes transcendantaux de ma­nière précisément à exprimer leur extension plus ou moins grande en les or­donnant selon l’alphabet. Il se convainc du bien-fondé de son ignorance en se tournant vers des propositions plus ou moins farfelues où le sujet a plus d’extension que l’attribut, sans remar­quer leur peu de naturel ni faire de cas de leur faus­seté, et sans conscience qu’Aristote regarde­rait ces énoncés comme ‘conver­tis’ et non initiaux.

Tout ce que l’on peut dire est que B est le sujet de la première prémisse et le prédicat de la seconde, mais on ne peut établir qu’il soit contenu dans A ou qu’il contienne C ; en effet, le syllogisme (2) est vrai pour toutes les valeurs des variables A, B et C, y compris celles qui ne vérifient pas ses prémisses. Alors si l’on prend par exemple ‘oiseau’ pour A, ‘corneille’ pour B, ‘ani­mal’ pour C, on obtient un syllogisme vrai :

  (3)          Si toutes les corneilles sont des oiseaux

         Et si tous les animaux sont des corneilles,

         Alors tous les animaux sont des oiseaux.

Les relations d’extension entre les termes ‘corneille’, ‘oiseau’, et ‘animal’ sont, bien entendu, indépendantes des modes syllogis­tiques et demeurent dans le syllo­gisme (3) ce qu’elles étaient dans le (1)[76]. Mais le terme ‘oiseau’ n’est plus le moyen-terme en (3), alors qu’il l’était en (1); en (3), c’est ‘corneille’ qui est le moyen-terme, car il figure dans les deux prémisses comme l’exige la dé­finition du moyen qu’Aristote juge admissible pour toutes les fi­gures. Or, cette définition générale est incompatible avec l’expli­cation particulière qu’il donne pour la première figure, mais, de toute évidence, c’est l’explication parti­culière du moyen-terme qui ne convient pas – non plus d’ailleurs que celles du majeur et du mineur données à la même occa­sion.

Aristote ne fournit donc pas de définition du majeur et du mi­neur qui vaille pour toutes les figures; mais en pratique il traite le prédicat de la conclusion comme le majeur et son sujet comme le mineur. On voit aisément combien la terminologie est ici falla­cieuse : dans le syllogisme (3) le majeur ‘oiseau’ possède une extension inférieure à celle du mineur ‘animal’.[77]

Bref, Łukasiewicz, malgré sa lecture extensive des Premiers et Seconds Analytiques, ne se qualifie aucunement pour appré­cier le rôle du principe ‘dici de omni’ au fondement de la rigueur du raisonnement.

Conclusion

Plutôt que de sévère, comme Crubellier qualifie la critique formulée par Łukasiewicz, je la traiterais d’impertinente, aux deux sens du mot. En son sens initial d’absence de pertinence, puisque Łukasiewicz n’arrive pas à parler des mêmes réalités qu’Aristote, à côté desquelles il passe totalement. En son sens aussi plus usuel, pour la hardiesse, l’impudence, qu’il y a à se prononcer avec tant de hauteur sur un sujet dont on comprend si peu.

Par contraste, la faiblesse de cette attaque confirme la solidité et la simplicité de la découverte aristotélicienne. Raisonner, et spécialement démontrer, demande de savoir déjà quelque chose. Matériellement, certes, pour compter sur un point de départ. Pour com­mencer à marcher il faut bien déjà se trouver quelque part où on n’ait pas besoin de se rendre en marchant. De même, pour se rendre en raisonnant à de nouvelles vérités, on doit en posséder quelqu’une qui n’ait pas requis raisonnement. Mais formellement aussi. La conséquence qui permet de tirer de nou­velles vérités ou opinions d’autres déjà acquises doit montrer une garantie qui ne repose pas infiniment sur un raisonnement antérieur. Une garantie accessible à tous, puisque tous rai­sonnent spontanément et sai­sissent l’à-propos de raisonne­ments d’autrui. Et de fait, cette garantie universelle tient au seul prin­cipe de non-contradiction, que tous connaissent, dont per­sonne ne peut penser l’opposé. Grâce à lui, contracté à la forme lo­gique par le principe ‘dici de omni’, chacun est à même de re­connaître et de condamner la contradiction qui consiste à refuser une conclusion qu’on a virtuellement admise en ses prémisses.

Une fois bien compris ce fondement indestructible de la consé­quence rationnelle, personne ne devrait se laisser intimider par aucun ‘nouveau’ logicien qui vient de découvrir qu’il n’existe pas de principe ‘dici de omni vel de nullo’, ni de règles qu’on puisse découvrir et assimiler pour le respecter.

 



[1] D’abord donné comme communication à la Société d’Études Aristoté­lico-Thomistes, au colloque tenu à Québec les 17 et 18 août 2018.

[2] C’est-à-dire, à ses Seconds Analytiques.

[3] Διὰ τίνων. — Par quels termes.

[4] Πότε. — En quelles figures.

[5] Πῶς. — Selon quels modes.

[6] Prem. Anal., I, 4, 25b25-31.

[7] Ibid., 25b32-34.

[8] Ibid., 1, 25b16.

[9] Τό τε κατηγορούμενον καὶ τὸ καθ’ οὗ κατηγορεῖται.

[10] Προστιθεμένου ἢ διαιρουμένου τοῦ εῑναι ἢ μὴ εῑναι.Ross suggère dignorer διαιρουμένου ; je laisserais plus volontiers de côté προστιθεμέ­νου. L’un des deux suffit, mais le sens revient au même : selon qu’on compose ou analyse la proposition, on ajoute ou retire à l’attribut le fait d’être ou de ne pas être, c’est-à-dire l’indication qu’il s’attribue ou non au sujet.

[11] Ibid., 25b17-18.

[12] Καὶ τῇ θέσει. Par définition, le moyen donne de juger de la composition à intervenir ou non entre les extrêmes. Aristote ne définit pas le moyen et les extrêmes, mais les désigne par la position – sujet ou attribut – que leur impose dans les propositions leur universalité comparée. D’où la re­marque que, dans la première figure, le moyen n’est pas moyen seulement par son rôle, mais aussi par sa position moyenne d’universalité : moins universel que le majeur, plus que le mineur. — En seconde (5, 26b36) et troisième (6, 28a12) figures aussi, Aristote désignera encore par leur position quels termes interviennent comme moyen et extrêmes ; mais alors leurs rôles ne coïncideront plus avec leurs posi­tions.

[13] Ici aussi Aristote pourrait souligner que les extrêmes le sont aussi par la position que leur confère leur universalité comparée (le plus universel et le moins universel), et pas seulement par leur rôle dans le raisonnement, à la différence qui en sera en les 2e et 3e figures.

[14] Ibid., 4, 25b35-37.

[15] Ibid., 1, 24b26-28.

[16] Ibid., 24b28-30.

[17] Ibid., 24b30.

[18] Ibid., 4, 25b37-26a2.

[19] Ibid., 25b32-34.

[20] Εἰ δ μὲν καθόλου τῶν ὅρων, δἐν μέρει πρὸς τὸν ἕτερον. — Littéralement : “si l’un des termes se rapporte universellement et l’autre particulièrement à l’autre”. Dans une proposition, c’est le sujet qui se prend universelle­ment ou particulièrement. En clair : avec une proposition universelle et une particulière.

[21] Ὅταν μὲν τὸ καθόλου τεθῇ πρὸς τὸ μεῖζον άκρον..., τὸ δὲ ἐν μέρει πρὸς τὸ ἔλαττον... — Littéralement : “quand l’universel se propose concernant l’extrême majeur…, le particulier concernant le mineur…” Tεθῇ marque bien le fait que de poser universellement ou particulièrement le sujet entraîne le même caractère pour la proposition même. Par ailleurs, la préposition πρὸς n’exprime plus, comme au début de la phrase (πρὸς τὸν ἕτερον) la relation à l’attribut, en chaque proposition, mais la relation à l’extrême majeur ou mineur qui caractérise chaque proposition, sans impliquer que cet extrême se place comme sujet ou comme attribut. Les situations annoncées demeurent dans cette figure (ἐν τούτῳ τῷ σχήματι, 26a13) décrite au début (25b32-34) : le moyen terme se trouvant de plus moyen en universalité, il s’assujettit au terme majeur et s’attribue au mineur, de sorte que ce sont le moyen et le mineur qui agissent respectivement comme sujets pris universellement et particulièrement, et respectivement avec le majeur et le moyen comme attributs.

[22] Ibid., 4, 26a16-20.

[23] Voir Prem. Anal., I, 4, 26a2ss.

[24] Οὐκ ἔσται συλλογισμὸς τῶν ἄκρων· οὐδὲν γὰρ ἀναγκαῖον συμβαίνει τῷ ταῦτα εἶναι. (Ibid., 4, 26a3-4) – Voir supra, p. 2, pour le sens particulier de συλλογισμὸς ici.

[25] Ibid., 26a8-9.

[26] Τέλειος μὲν οὖν οὐκ ἔσται συλλογισμὸς οὐδαμῶς ἐν τούτῳ τῷ σχήματι. (Ibid., 5, 27a1)

[27] Ibid., 1, 24a22-25.

[28] Δυνατός. — Le raisonnement a toute sa puissance pour autant qu’il est nécessaire, mais il reste inachevé tant qu’on n’énonce pas les propositions qu’il implique et sans lesquels sa nécessité ne se montre pas clairement.

[29] Ibid., 5, 27a3-5.

[30] Ibid., 2, 25a15-17.

[31] Ibid., 5, 27a5-9. Voir aussi I, 2, pour la manifestation ‘immédiate’ des con­versions impliquées par chaque proposition universelle ou particulière, affirmative ou négative. — Cesare : le nom mnémotechnique de chaque mode valide de seconde et troisième figure rappelle, dans le choix de ses consonnes, les opérations par lesquelles le rame­ner à un mode de première figure pour manifester sa validité : s pour la conversion de l’énoncé figuré par la voyelle précédente en en conservant la quantité. La consonne initiale pointe le mode de la première figure auquel on ra­mène le mode concerné.

[32] Voir Prem. Anal., I, 4, 25b40 (Celarent).

[33] Ibid., 5, 27a5-9.

[34] C’est de muter ainsi les propositions que nous aide à nous souvenir la consonne ‘m’ introduite dans le nom Camestres de ce mode.

[35] Tricot croit bon de corriger Aristote : « L. 10, nous adoptons la lecture de Waitz, I, 387, et lisons : οὐδὲ τῷ Χ τὸ Ν. » (Tricot, 22, note 3) Mais cest plus un certain sens de la symétrie que la rigueur logique qui motive ce besoin de voir tout de suite le mineur comme sujet de la conclusion. Aristote est plus rigoureux, qui, étant donné que notre raison, pour aper­cevoir une conclusion rigoureuse, doit user de la mineure négative con­vertie comme d’une majeure, donne pour conclusion pre­mière celle qui découle de cette transposition, où le mineur est nié du majeur. Le besoin final de con­vertir la conclusion apparaît moins clairement, si on trouble ce scéna­rio.

[36] Dans les trois derniers énoncés : “Aucun M n’est O” et “Tout N est M”, donc “Aucun N n’est O”. Sauf que le fait d’avoir transposé les proposi­tions – avoir usé de la mineure négative comme de majeure et de la ma­jeure affirmative comme de mineure – amène une conclusion avec termes intervertis : le mineur est nié du majeur. Qu’à cela ne tienne, pour­suit Aristote : puisque cette conclusion négative se convertit, on répond indi­rectement à la question initiale : le majeur se nie-t-il du mineur?

[37] Prem. Anal., I, 5, 27a9-14.

[38] Festino se résout forcément en Darii.

[39] Prem. Anal., I, 5, 27a32-36.

[40] Prem. Anal., I, 5, 27a36-b1.

[41] Dont son nom, Baroco, nous rappelle besoin, par la consonne ‘c’ qui s’y trouve introduite.

[42] Att., 3, 1b10-12.

[43] Réf. Soph., 5, 166b28-30.

[44] Ἐπεὶ γὰρ τῷ αὐτῷ πολλὰ συμβέβηκεν, οὐκ ἀνάγκη πᾶσι τοῖς κατηγορου­μένοις καὶ καθοὗ κατηγορεῖται ταὐτὰ πάντα ὑπάρχειν. (Réf. Soph., 5, 166b30-32)

[45] E Κορίσκος ἕτερον ἀνθρώπου, αὐτὸς αὑτοῦ ἕτερος· ἔστι γὰρ ἄνθρωπος. (Réf. Soph., 5, 166b32-33)

[46] E Σωκράτους ἕτερος, δὲ Σωκράτης ἅνθρωπος, ἕτερον ἀνθρώπου φασὶν ὡμολογηκέναι διὰ τὸ συμβεβηκέναι οὗ ἔφησεν ἕτερον εἶναι, τοῦτον εἶναι ἅνθρωπον. (Réf. Soph., 5, 166b33-36)

[47] Ὅσα τυγχάνει ὄντα ὑπὸ τὸ καθόλου ὧν ἔχει τὴν γνῶσιν. — L’universel, c’est-à-dire : le moyen terme, dont on a appris auparavant par la majeure que tel attribut, le terme majeur, lui convient universellement. Tout terme que la mineure donne comme partie subjective de ce terme universel se trouve immédiatement connu en conclusion comme sujet lui aussi du terme majeur. Je préfère garder le ὧν des manuscrits, plutôt que le οὗ suggéré par Ross; ce relatif fait plus de sens rapporté à ὅσα, les cas dont on connaît la subordination à l’universel, qu’à τὸ καθόλου, dont la mention qu’on le connaît fait pléonasme.

[48] Sec. Anal., I, 1, 71a17-19.

[49] Att., 3, 1b10-12.

[50] Ἅμα ἐπαγόμενος. Ἐπάγειν, ici, ne signifie pas l’induction au sens habituel, mais l’acte d’exprimer la proposition mineure, spéciale­ment lorsqu’elle ‘induit’ un cas de la ma­jeure universelle.

[51] γνώρισεν. γνώ­ρισεν annonce le nouveau fait connu en même temps que la mineure; il a allure de conclusion, mais s’infère en fait immédiate­ment.

[52] Sec. Anal., I, 1, 71a19-21.

[53] Τοῦτον τὸν τρόπον, hoc modo. — C’est-à-dire : mineure et conclusion sont connues simultanément.

[54] Οὐ διὰ τοῦ μέσου τὸ ἔσχατον γνωρίζεται.

[55] Sec. Anal., I, 1, 71a21-23.

[56] Sec. Anal., I, 1, 71a23-24 : Ὅσα ἤδη τῶν καθ’ ἕκαστα τυγχάνει ὄντα καὶ μὴ καθ’ ὑποκειμένου τινός.

[57] Sec. Anal., I, 1, 71a17.

[58] Ut non oporteat ulterius medium quaerere.

[59] In I Sec. Anal., leç. 2, #21.

[60] Εἰ ἐν πάσῃ γραμμῇ στιγμή, ὡσαύτως, si in omni linea punctum, similiter inest. — Ce second exemple se présente sous la formulation alternative signalée en Prem. Anal. (I, 1, 24a13) : τὸ ἐν ὅλῳ εἶναι, le fait de se trouver en tel sujet en son entier. Le traducteur latin montre l’avoir compris, en ajoutant inest. Ce second exemple se comprend plus facilement en cal­quant la formulation du premier : si ‘point’ se dit de toute ligne, et s’il est vrai de dire ligne telle entité (telle courbe, par exemple), il est vrai de la dire point aussi, et tant qu’elle est l’un elle est l’autre aussi. On doit se rappeler que le géomètre voit la ligne comme le mouvement d’un point, ῥύσις σημείου.

[61] Sec. Anal., I, 4, 73a28-34.

[62] Sec. Anal., I, 11, 77a10.

[63] Ἀλλ ἐὰν δέῃ δεῖξαι καὶ τὸ συμπέρασμα οὕτως. Ἀλλ ἐὰν δέῃ n’annonce pas une exception, comme on l’interprète généralement, mais l’allure que devrait prendre la démonstration si on insistait pour y intégrer le principe concerné.

[64] Δείκνυται δἐ λαβοῦσι τὸ πρῶτον κατὰ τοῦ μέσου, ὅτι ἀληθὲς [φάναι], ἀποφάναι δοὐκ ἀληθές, ostenditur autem accipientibus primum de medio quod verum sit affirmare, negare autem non verum. — Le traducteur latin fait bien d’ajouter ‘affirmare’, en contrepartie de ‘ne­gare’, bien qu’aucun manuscrit grec ne semble porter φάναι. Littérale­ment : “On montre, du moment qu’on assume…”

[65] Sec. Anal., I, 11, 77a11-13.

[66] In I Sec. Anal., leç. 20, #168.

[67] Michel Crubellier, trad. des Prem. Anal., 363.

[68] Aristotle’s Syllogistic, Oxford University Press, 1957. Je citerai d’après la traduction française de Françoise Caujolle-Zaslawsky, La syllogistique d’Aristote dans la perspective de la logique formelle moderne, Paris : Vrin, 2010, 271p.

[69] Łukasiewicz, 44.

[70] Łukasiewicz, 83.

[71] Łukasiewicz, 56.

[72] Łukasiewicz, 57. Les italiques sont de moi.

[73] Łukasiewicz, 61.

[74] Łukasiewicz, 62.

[75] Łukasiewicz, 62-63.

[76] (1) Si tous les oiseaux sont des animaux

Et si toutes les corneilles sont des oiseaux,

Alors toutes les corneilles sont des animaux. (Łukasiewicz, 62)

[77] Łukasiewicz, 63.