COMMENTAIRE DE L’ÉPÎTRE AUX COLOSSIENS

PAR SAINT THOMAS D’AQUIN

Docteur des docteurs de l’Église

 

Edition Louis Vivès, 1870,

Traduction par l'Abbé Bralé

Revue entièrement par Charles Duyck, décembre 2006

 

Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

PROLOGUE DE SAINT THOMAS 2

CHAPITRE 1 — L’ŒUVRE DU CHRIST, LA REDEMPTION_ 4

Leçon 1 — Colossiens 1, 1-3 : ADRESSE ET SALUTATION_ 4

Les auteurs 4

Les destinataires 5

Les souhaits 6

Leçon 2 — Colossiens 1, 4-6 : Action de grâce pour les dons de Dieu_ 6

Pourquoi rendre grâce ?_ 6

Les bienfaits de la prédication_ 7

Leçon 3 — Colossiens 1, 7-14 : Prière pour obtenir la plénitude de ces biens 9

Les conditions de la prière_ 9

La connaissance de la vérité_ 10

La pratique des vertus 11

La patience dans les épreuves 11

La grâce_ 12

Le passage à la lumière_ 13

Leçon 4 — Colossiens 1, 15-17 : I- Les bienfaits de la rédemption sur les Colossiens 13

I- LE REDEMPTEUR DANS SES RAPPORTS AVEC DIEU LE PÈRE (I, 15) 13

II- LE REDEMPTEUR DANS LES RAPPORTS AVEC LES CREATURES (I, 16-17) 15

Leçon 5 — Colossiens 1, 18-29 : LE REDEMPTEUR DANS SES RAPPORTS AVEC L’EGLISE_ 20

Le Christ, tête de l’Église_ 21

La primauté du Christ 22

La grâce du Christ 23

L’influence du Christ 24

Les bienfaits du Christ 24

Leçon 6 — Colossiens 1, 1-3 : Souffrances pour le corps du Christ 26

La mission de Paul 28

La manifestation du grand mystère_ 29

CHAPITRE 2 — MISE EN GARDE CONTRE LES FAUSSES DOCTRINES 31

Leçon 1 — Colossiens 2, 1-5 : I- CONTRE LES ERREURS DES PHILOSOPHES_ 31

Sollicitude de Paul 32

Connaissance des mystères du Christ 33

La séduction du beau langage_ 35

Leçon 2 — Colossiens 2, 6-10 : La persévérance des Colossiens 36

La vie dans le Christ 37

La fausse sagesse_ 38

Tout est dans le Christ 39

Leçon 3 — Colossiens 2, 11-15 : II- CONTRE LE FAUX ASCETISME DES JUDAISANTS_ 41

La circoncision spirituelle_ 41

Le pardon de la faute_ 44

La délivrance de la servitude_ 45

Leçon 4 — Colossiens 2, 16-23 : Les observances abolies 47

Les imposteurs 49

La croissance du Christ mystique_ 51

Reproches aux faibles 51

CHAPITRE 3: MISE EN GARDE CONTRE MAUVAISES MOEURS 53

Leçon 1 — Colossiens 3, 1-7 : DEVOIRS GÉNÉRAUX LES VERTUS CHRÉTIENNES_ 53

Vivre pour le ciel 54

La vie en Dieu avec le Christ 55

Éviter les péchés de la chair 56

Leçon 2 — Colossiens 3, 8-13 : Éviter les péchés de l’esprit 58

Le vieil homme et le nouveau_ 60

Leçon 3 — Colossiens 3, 14-17 : La pratique des vertus 62

La charité_ 64

La sagesse_ 65

Leçon 4 — Colossiens 3, 18-25 : Devoirs particuliers: le foyer chrétien_ 67

L’époux et l’épouse_ 66

Parents et enfants 66

Maîtres et serviteurs 69

CHAPITRE 4 : PRIÈRE RECOMMANDATIONS DIVERSES 71

Leçon unique — Colossiens 4, 1-19_ 71

I- Rapports avec les païens 73

II- Mission de Tichyque et d’Onésime_ 73

III- Salutations 74

 

 

 

Textum Taurini 1953 editum ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias magneticas denuo recognovit Enrique Alarcón atque instruxit

Edition Louis Vivès, 1870, Traduction par l'Abbé Bralé

Prooemium

PROLOGUE DE SAINT THOMAS

 [87845] Super Col., pr. Protegebat castra gladio suo, et cetera. I Mach. c. III, 3. Haec verba congruunt materiae huius epistolae ad Colossenses, quia totus status huius vitae est in pugnatione militantium, quorum habitacula castra dicuntur. Iob VII, v. 1: militia est vita hominis super terram. Ideo habitacula fidelium nomine castrorum figurantur. Unde Ecclesia similitudinem habet castrorum. Gen. XXXII, 2: castra Dei sunt haec.

Haec castra tripliciter impugnantur. A quibusdam quasi obsidentibus, qui manifeste se erigunt contra Ecclesiam. Apoc. XX, 8: ascenderunt super latitudinem terrae, et circuierunt castra sanctorum et civitatem dilectam. Ab aliis latenter decipitur, sicut ab haereticis. Rom.: per dulces sermones et benedictiones seducunt corda hominum, et cetera. II Tim. III, 13: mali autem homines et seductores proficient in peius, errantes et in errorem mittentes.

A quibusdam, scilicet domesticis, per diversas corruptelas peccatorum quae sunt ex corruptione carnis. Gal. V, 17: caro concupiscit adversus spiritum, et spiritus adversus carnem. Eph. ult.: non est nobis colluctatio adversus carnem et sanguinem, sed adversus principes, et cetera. Praelati Ecclesiae sunt duces, Ps. LXVII, 28: principes Iuda duces eorum, ad quorum officium pertinet contra omnia praedicta castra Ecclesiae munire. Contra peccata quidem, per exhortationes. Is. LVIII, 1: annuntia populo meo scelera eorum, et domui Iacob peccata eorum.

Contra haereticos, per sanam doctrinam. Tite I, 9 : amplectentem eum, qui secundum doctrinam est, fidelem sermonem, et cetera.

Contra persecutores, exemplo, scilicet patienter tolerando. Sic Paulus protexit gladio spirituali, quia in suis epistolis corripiebat peccata, confutabat haereses, animabat ad patientiam. De primo, Eph. V, 3: fornicatio autem et omnis immunditia aut avaritia nec nominetur in vobis, et cetera. De secundo, Tit. III, 10: haereticum hominem post primam et secundam correptionem devita, et cetera. De tertio, II Cor. XI per totum patet quomodo animabat ad patientiam. Et sic tanguntur duo in verbis propositis, scilicet Ecclesiae status, cum dicitur castra, et apostoli studium, ibi protexit.

In castris autem debet esse sollicitudo ad mala vitanda. Deut. XXIII, 14: ut sint castra tua sancta, et nihil in eis appareat foeditatis. Item ordo ad ducem et ad se. Cant. c. VII, 1: quid videbis in Sunamite, nisi choros castrorum? Gen. XXXII, 2: castra Dei sunt haec. Item terror ad hostes. Cant. VI, v. 3: terribilis ut castrorum acies ordinata.

Sed apostolus circa protectionem erat sollicitus tamquam pastor, cuius est dirigere oves diligenter ne errent. Io. X, 4: ante eas vadit, et cetera. Et sic apostolus faciebat. I Cor XI, 1 : imitatores mei estote, sicut et ego Christi. Item pascere abundanter, ne deficiant. I Petr. V, 2: pascite, qui in vobis est, domini gregem, et cetera. Et sic apostolus faciebat. I Cor III, 1 : tamquam parvulis lac dedi vobis. Item defendere potenter, ne pereant. Eccli. c. VII, 6: noli velle fieri iudex, nisi valeas virtute irrumpere iniquitates. I Reg. XVII, 34: pascebat servus tuus patris sui gregem, et veniebat leo, vel ursus, et cetera. Et ideo dicit, quod apostolus protegebat castra, id est Ecclesiam Dei, gladio, quod est verbum Dei, ut dicitur Hebr. IV, 12 : vivus est enim sermo Dei et efficax et penetrabilior omni gladio ancipiti, et cetera. Sic ergo materia huius epistolae est haec. Quia in epistola ad Ephesios ostendit modum ecclesiasticae unitatis; in epistola ad Philippenses ostendit eius profectum et conservationem; in hac autem agit de eius conservatione contra haereticos, qui depravaverant eos seducendo, et cetera.

Il est écrit de Judas Macchabée: "Son épée était la protection de tout le camp" (Macchabées III, 3). Ces paroles peuvent s’appliquer à la matière de cette épître aux Colossiens car la vie humaine est un combat de militants et ce que nous habitons peut être appelé un camp, ainsi que le dit Job, VII, 1 : "C’est un temps de service que la vie de l’homme sur la terre." Le camp, c’est la demeure des fidèles chrétiens et donc l’Eglise ressemble à un camp : "Voici le camp de Dieu" (Gen., XXXII, 2).

Ce camp est assailli par trois sortes d’ennemis.

D’abord ceux qui l’assiègent, c’est-à-dire les ennemis déclarés de l’Église : "Je les vis se répandre sur la surface de la terre, dit l’Apocalypse, XX, 8, et cerner le camp des saints et la ville bien-aimée. "

Ensuite ses ennemis cachés, comme les hérétiques qui se dissimulent pour la tromper : Romains, XVI, 18: "Avec leurs paroles douces et leur langage flatteur, ils séduisent le coeur des simples, etc... " ; (II Tim III, 13) : "Quant aux méchants et aux charlatans, ils iront toujours plus avant dans le mal, trompeurs et trompés ». 

Enfin, quelques-uns de ses enfants qui l’attaquent en la souillant de leurs péchés, fruit de la corruption de la chair : "La chair combat contre l’esprit, et l’esprit contre la chair" (Gal, V, 17) ; "Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes, etc..." (Eph. VI, 12) . Les chefs de l’armée, ce sont les prélats dont l’office est de défendre l’Église ; (Ps LXVII, 28) "Voici les princes de Juda avec leurs troupes" : leur office est de protéger l’Église contre tous les dangers cités. Soit contre les péchés, par leurs exhortations, ainsi que le dit Isaïe, LVIII, 1: "Crie à plein gosier et dénonce à mon peuple son péché, et ses iniquités à la maison de Jacob"; -soit contre les hérétiques par l’enseignement de la saine doctrine, comme l’Apôtre le disait à Tite, I, 9 : "L’évêque doit être en état d’exhorter selon la saine doctrine etc..."; Soit enfin contre les persécuteurs, par l’exemple, c'est-à-dire en supportant avec patience. Ainsi saint Paul, de son glaive spirituel, défendit Eglise. Dans ses épîtres, il reprenait les péchés, réfutait les hérésies, exhortait à la patience.

Sur le premier point, Eph.V, 3 : "Qu’on n’entende pas dire qu’il y ait parmi vous de fornication, d’impureté de quelque sorte, de convoitise, etc... ". Sur le second, Tite III, 10 : "Pour l’hérétique, après un premier et un second avertissement, rejette-le". Pour le troisième point, II Cor XI tout entier montre comment l’Apôtre exhortait à la patience.

Dans une armée bien ordonnée, on doit avoir le souci d’éviter les désordres : "Ton camp, Israël, doit être saint, est-il prescrit, Deutéronome, XXIII, 14, afin que Yahvé ne voie rien chez toi de malséant". On doit aussi veiller à l’ordre, pour le chef et pour les siens. Cant. VII, 1 : "Pourquoi regardez-vous la Sulamite, comme une danse à deux chœurs ?" Gen XXXII, 2 : "C’est le camp de Dieu !" Et à la terreur qu’on inspire aux ennemis : Cant. VI, 3 : "Terrible comme une armée rangée en ordre de bataille ».

Aussi voyons-nous l’Apôtre, plein de sollicitude, comme un pasteur dont l’office est de conduire ses brebis et de les empêcher de s’égarer: "[Le bon pasteur] marche devant ses brebis, etc..." (Jean. X, 4). Ainsi faisait saint Paul : "Suivez-moi, leur disait-il, et soyez mes imitateurs, je suis du Christ" (I Corinthiens XI, 1). Il donnait une abondante nourriture, pour qu’ils ne défaillent pas. I Pierre V, 2 : "Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, etc... ". Ainsi faisait l’Apôtre. "Comme à mes petits enfants dans le Christ, je vous ai donné du lait à boire" (I Corinthiens III, 1). Il faut aussi les défendre avec force, afin qu’ils ne périssent pas : "Ne brigue pas la fonction du juge, dit le Sage, si tu n’as pas la force d’extirper l’injustice" (Ecclés., VII, 6) ; "Ton serviteur faisait paître les brebis de son père ; un lion venait, ou un ours, etc... " (1 Rois XVII, 34). Saint Paul protégeait puissamment le camp, c'est-à-dire l’Église de Dieu, de son glaive. Le glaive de l’Apôtre, c’était la parole de Dieu, "la parole de Dieu, efficace, plus acérée qu’aucune épée à deux tranchants, etc..." (Hébreux IV, 12). Telle est la matière de cette épître. En effet, dans l’épître aux Éphésiens saint Paul explique les conditions de l’unité de l’Église, dans l’épître aux Philippiens il montre son progrès et sa conservation. Ici, il traite de la défense de l’Eglise contre les hérétiques qui cherchaient à pervertir les fidèles, etc...

 

 

Caput 1

CHAPITRE 1 — L’ŒUVRE DU CHRIST, LA REDEMPTION

Lectio 1

Leçon 1 — Colossiens 1, 1-3 : ADRESSE ET SALUTATION

[1] Paulus apostolus Christi Iesu per voluntatem Dei et Timotheus frater

[2] his qui sunt Colossis sanctis et fidelibus fratribus in Christo Iesu gratia vobis et pax a Deo Patre nostro

[3] gratias agimus Deo et Patri Domini nostri Iesu Christi semper pro vobis orantes

1, 1 Paul, apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et le frère Timothée,

1, 2 aux saints qui sont à Colosses, fidèles frères dans le Christ Jésus : que la grâce et la paix soient sur vous de la part de Dieu notre Père.

1, 3 Nous ne cessons de rendre grâces au Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, en pensant à vous dans nos prières.

[87846] Super Col., cap. 1 l. 1

Dividitur autem haec epistola in salutationem, et tractatum, ibi gratias, et cetera. Item primo ponuntur personae salutantes; secundo personae salutatae, ibi his qui sunt; tertio bona optata, ibi gratia vobis. Circa primum primo ponitur principalis persona; secundo adiuncta, ibi et Timotheus.

Principalis primo tangitur ex nomine Paulus, id est humilis. Tales enim percipiunt sapientiam. Matth. XI, 25: abscondisti haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. Et ideo docet eam. Secundo ab officio, scilicet apostolus, id est missus, scilicet ad procurandum salutem fidelium. Act. XIII, 2: segregate mihi Saulum et Barnabam in opus ad quod assumpsi eos. Io. XX, 21: sicut misit me pater, et ego mitto vos. Et apostolus, non cuiuslibet, sed Iesu Christi, cuius gloriam quaerit, non sui ipsius. II Cor. IV, 5: non enim nosmetipsos praedicamus, sed Iesum Christum dominum nostrum, nos autem servos vestros per Iesum.

Sed quidam aliquando perveniunt ad officium ex ira Dei propter peccatum populi. Iob XXXIV, 30: qui regnare facit hominem hypocritam propter peccata populi. Os. XIII, v. 11: dabo tibi regem in furore meo. Et ideo dicit per voluntatem Dei, scilicet eius beneplacitum. Ier. III, 15: dabo vobis pastores iuxta cor meum, et pascent vos scientia et doctrina.

Persona adiuncta est Timotheus, ut scilicet in ore duorum vel trium stet omne verbum, ut, dicitur Deut. XVII. Prov. XVIII, v. 19: frater qui iuvatur a fratre, quasi civitas firma.

Personae salutatae ponuntur, ibi his, et cetera. Sancti dicuntur maiores. Lc. I, 75: serviamus illi in sanctitate et iustitia coram ipso. Fideles dicuntur minores, qui saltem veram fidem tenent, quia sine fide impossibile est placere Deo, ut dicitur Hebr. XI, 6. Vel sanctis, id est in Baptismo sanctificatis, et fidelibus, id est permanentibus in fide accepta. Prov. XXVIII, 20: vir fidelis multum laudabitur, et cetera. Deinde ponuntur bona optata,

scilicet gratia, quae est principium omnis boni. Rom. III, 24: iustificati gratis per gratiam ipsius. Pax quae est finale bonum omnium. Ps. CXLVII, 14: qui posuit fines tuos pacem. Et per consequens optat omnia bona media. Et hoc a Deo, Ps. LXXXIII, 12: gratiam et gloriam dabit dominus; patre domini nostri Iesu Christi, scilicet per naturam, sed nostro per gratiam, et domino Iesu Christo, et sic patre nostro, scilicet Deo in Trinitate, et domino Iesu Christo, quantum ad naturam assumptam.

 

Les auteurs

Cette lettre est divisée en : salutation, cœur de la lettre : Nous ne cessons de rendre grâces, etc... On présente d’abord les personnes qui saluent, ensuite les personnes saluées : aux saints qui sont… ; en troisième lieu les bons vœux : que la grâce et la paix soient sur vous. Tout d’abord donc est présentée la personne principale ; ensuite son assistant : et le frère Timothée.

L’auteur principal se manifeste d’abord par son nom, Paul, qui signifie "humble". Ce sont les humbles, en effet, qui reçoivent la sagesse : "O Père, vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux petits" (Matt., XI, 25). Aussi Paul peut-il enseigner la sagesse. L’auteur se manifeste ensuite par son ministère : apôtre, c’est-à-dire envoyé, pour procurer le salut aux fidèles : "Séparez-moi Paul et Barnabé pour l’oeuvre à laquelle je les ai appelés" (Actes, XIII, 2). "Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie" (Jean XX, 21). Il est apôtre, non pas de n’importe qui, mais de Jésus-Christ, dont il cherché la gloire, et non la sienne propre : "Ce n’est pas nous-mêmes que nous prêchons, c’est le Christ Jésus, notre Seigneur. Pour nous, nous nous disons vos serviteurs à cause de Jésus" (II Corinthiens IV, 5). Toutefois il y en a auxquels la colère de Dieu confère un ministère : à cause des péchés du peuple: "Dieu fait régner l’hypocrite à cause des crimes du peuple" (Job, XXXIV, 30). - "Je vous donnerai un roi dans ma fureur" (Osée, XIII, 21). Aussi Paul ajoute: Par la volonté de Dieu, c’est-à-dire son bon plaisir : "Je vous donnerai des pasteurs, selon mon coeur, qui vous paîtront avec intelligence et sagesse" (Jér, III, 15). Mais il y a un auteur secondaire, Timothée, selon en effet que la parole repose sur le langage de deux ou de trois personnes, comme il est dit au chapitre XVII du Deutéronome. Car le frère aidé par son frère est comme une ville forte. (Proverbes XVIII, 19).

 

Les destinataires

On présente les personnes saluées : aux saints qui, etc... Il appelle saints les anciens: "Servons le Seigneur dans la sainteté et la justice en sa présence" (Luc, I, 75). Les fidèles sont les plus jeunes qui gardent au moins la foi, "sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu". (Hébr., XI, 6). Peut-être aussi appelle-t-il saints ceux qui ont été sanctifiés dans le baptême, et fidèles ceux qui persévèrent dans la foi reçue. "L’homme fidèle sera grandement loué" (Prov.XXVIII , 20). Ensuite viennent les bons vœux.

 

Les souhaits

Il leur souhaite d’abord la grâce, principe de tout bien: "Nous sommes justifiés gratuitement par sa grâce" (Romains III, 24). Ensuite la paix, but auquel tendent tous les êtres. "Il fair régner la paix à tes frontières" (Ps CXLVII, 14). Il leur souhaite donc tous les biens qui mènent à Dieu. Il les leur souhaite de la part de Dieu : "Le Seigneur donne la grâce et la gloire", Père de notre Seigneur Jésus-Christ par nature, mais notre Père par la grâce, et de la part du Seigneur Jésus-Christ, et ainsi notre Père, Dieu comme Personne de la Trinité et notre Seigneur Jésus-Christ à cause de sa nature humaine.

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — Colossiens 1, 4-6 : Action de grâce pour les dons de Dieu

[4] audientes fidem vestram in Christo Iesu et dilectionem quam habetis in sanctos omnes

[5] propter spem quae reposita est vobis in caelis quam audistis in verbo veritatis evangelii

[6] quod pervenit ad vos sicut et in universo mundo est et fructificat et crescit sicut in vobis ex ea die qua audistis et cognovistis gratiam Dei in veritate

 

1, 4 Nous rendons grâce sans cesse à Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus Christ, depuis que nous avons appris votre foi dans le Christ Jésus et la charité que vous avez à l'égard de tous les saints,

1, 5 en raison de l'espérance qui vous est réservée dans les cieux. Cette espérance, vous en avez naguère entendu l'annonce dans la Parole de vérité, l'Evangile

1, 6 qui est parvenu chez vous, de même que dans le monde entier il fructifie et se développe; chez vous il fait de même depuis le jour où vous avez appris et compris dans sa vérité la grâce de Dieu.

[87847] Super Col., cap. 1 l. 2 Hic, accedens ad propositum, incipit epistolarem tractatum. Et primo commendat Evangelii veritatem; secundo contra contrariantia protegit veritatem status huius in II capite, ibi volo enim scire vos. Circa primum duo facit. Primo commendat evangelicae fidei veritatem; secundo actorem huius status, ibi qui est imago. Item prima in duas, quia primo agit gratias pro beneficiis specialiter exhibitis Colossensibus; secundo pro exhibitis generaliter Ecclesiae, ibi gratias agentes. Circa primum duo facit, quia primo commendat gratiarum actionem Deo pro istis; secundo ostendit orationis materiam, ibi audientes. Iterum prima in duas, quia primo praemittit gratiarum actionem; secundo orationem, ibi orantes. Dicit ergo: gratias agimus Deo, actori gratiarum. I Thess. ult.: in omnibus gratias agite. Et hoc semper, pro praeteritis et futuris. Licet enim non continue in actu possimus orare, tamen semper, ex habitu charitatis, debemus orare. I Thess. ult.: sine intermissione orate. Lc. XVIII, 1: oportet semper orare. Deinde ponitur materia, et primo gratiarum actionis, secundo orationis, ibi ideo et nos. Circa primum primo commemorat bona eorum, secundo quomodo fuerunt ea adepti, ibi quam audistis. Bonum nostrum principaliter est in fide, spe et charitate: per fidem enim habemus notitiam Dei, per spem elevamur in ipsum, sed charitate unimur ei. I Cor. XIII, v. 13: nunc autem manent fides, spes, charitas, tria haec, et cetera. Et ideo de istis tribus gratias agit, primo quod fidem habent. Non enim ipse praedicaverat eis, sed quidam discipulus Epaphras nomine, et postea Archippus. Et ideo dicit audientes fidem, quae est principium spiritualis vitae. Hab. II, 4: iustus meus ex fide vivit. Hebr. XI, 6: accedentem ad Deum oportet credere, et cetera. Sed haec fides sine dilectione operante est mortua, ut dicitur Iac. II, 17. Et ideo oportet, quod adsit dilectio operans. Gal. ult.: in Christo Iesu neque circumcisio aliquid valet, neque praeputium, sed nova creatura. Et ideo dixit et dilectionem quam habetis, et cetera. Est autem quaedam dilectio charitatis et quaedam mundana, sed mundana non se extendit ad omnes, quia dilectio talis ad illos est cum quibus est communio, quae est causa dilectionis, et haec causa in dilectione mundana non se habet ad omnes, sed tantum est cum consanguineis et mundanis, sed dilectio charitatis se extendit ad omnes. Et ideo dicit in omnes. Nam et si peccatores diligantur per charitatem, hoc est ut sint aliquando sancti. I Io. III, 14: nos scimus quoniam translati sumus de morte ad vitam, quoniam diligimus fratres. Item dilectio mundi habet fructum in hoc mundo, sed charitas habet in vita aeterna. Et ideo tertio subdit de spe, dicens propter spem quae reposita est, id est propter gloriam aeternam, quae ideo dicitur spes, quia pro certo custoditur. Iob XIX, 27: reposita est haec spes mea in sinu meo. Deinde cum dicit quam ante audistis, ostendit quomodo adepti sunt ista. Et primo commendat doctrinam evangelicam, secundo ministerium, ibi sicut didicistis. Item primo commendat doctrinam a veritate; secundo ab eius dilatatione, ibi quod pervenit; tertio a profectu, ibi et fructificat. Dicit ergo quam audistis, scilicet spem, vel rem speratam. Et hoc in verbo veritatis Evangelii. Haec enim excedit omnia. I Cor. II, 9: nec oculus vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit, et cetera. Et ideo Deus eam revelat. Matth. III, 2: poenitentiam agite, appropinquabit enim regnum caelorum. Haec autem est spes vera, non autem est vana (sicut quando promittens est mendax), quia in verbo veritatis. Io. XVII, 17: sermo tuus veritas est. Deinde cum dicit quod pervenit, commendatur doctrina Christi a dilatatione, quia non solum pervenit ad vos, sed in universo mundo. Ps. XVIII, 4: in omnem terram exivit sonus eorum, et cetera. Matth. XXIV, 14: oportet hoc Evangelium regni praedicari in universo orbe, et tunc erit consummatio. Sed quomodo nondum est consummatio, cum sit praedicatum in universo mundo? Respondeo. Aliqui dicunt quod Evangelium Christi non est Evangelium regni. Sed hoc est falsum, quia dominus dicit hoc Evangelium regni. Sed dicendum est, secundum Chrysostomum, quod adhuc viventibus apostolis, Evangelium Christi est divulgatum per totum mundum, saltem quantum ad famam, quod est valde miraculosum, quod in quadraginta annis sic creverit doctrina Christi. Et sic dicit in universo mundo, quantum ad famam, et tunc erit consummatio, id est destructio Ierusalem. Secundum Augustinum autem hoc non est verum, quia adhuc tempore suo erant aliquae gentes, in quibus nondum erat Ecclesia. Et ideo ipse dicit hoc esse intelligendum quando praedicabitur, ita quod quando in omnibus gentibus Ecclesia erit fundata, licet aliqui sint credentes, aliqui non, tunc erit finis; et hoc non tempore apostoli, sed circa finem mundi: et sic quando hic dicitur in universo mundo, loquitur apostolus de futuro sicut de praesenti propter certitudinem eventus. Ps. XVIII, 4: in omnem terram exivit sonus eorum, et cetera. Potest tamen dici quod secundum famam est divulgatum per totum mundum, sed non secundum fundationem. Deinde commendat doctrinam Christi quantum ad fructum per bona opera, ibi et fructificat. Eccli. XXIV, 23: flores mei fructus honoris et honestatis, et cetera. Matth. XIII, v. 8: fructum affert, et facit aliud quidem centesimum, aliud sexagesimum, aliud tricesimum. Et crescit, scilicet in multitudine credentium. Act. II, 47: dominus autem augebat qui salvi fierent quotidie in idipsum. Et hoc magnae potestatis fuit, quia sicut in vobis, ita et in aliis. Audistis praedicationem, et cognovistis approbando. Consequenter commendat ministerium tripliciter. Primo per comparationem ad se; secundo per comparationem ad ipsos; tertio quantum ad utrosque. Dicit ergo: edocti estis per Evangelium, sicut ab Epaphra didicistis conservo. Apoc. ult.: conservus tuus sum, et fratrum tuorum. Qui est fidelis minister, scilicet non quaerens quae sua sunt. I Cor. c. IV, 1: sic nos existimet homo ut ministros Christi, et dispensatores mysteriorum Dei, et cetera. Qui est fidelis, scilicet mediator inter apostolum et istos. Qui etiam manifestavit, id est significavit, et cetera.

Pourquoi rendre grâce ?

Dans cette première partie, l’Apôtre commence par rendre grâces à Dieu des bienfaits accordés aux Colossiens, puis il priera afin d’obtenir la plénitude de ces biens.

"Nous rendons grâces à Dieu", l’auteur de toute grâce; et cela sans cesse pour les bienfaits passés et à venir, car si nous ne pouvons être continuellement dans l’acte de la prière, du moins pouvons-nous toujours prier par l’habitude de la charité. C’est dans ce sens qu’il est dit : "Priez sans cesse. Il faut prier toujours. "Notre bien se trouve surtout dans la foi, l’espérance et la charité; car la foi nous fait connaître Dieu, l’espérance nous élève vers lui, et la charité nous unit à lui. Aussi l’Apôtre rend grâces pour ces trois dons: "Depuis que nous avons entendu parler de vous -(ce n’était pas Paul, en effet, qui avait évangélisé les Colossiens, mais le disciple Epaphras et ensuite Archippus)- nous rendons grâces pour votre foi, principe de la vie spirituelle, car "le juste vit de foi". Mais comme la foi sans la charité active est morte, l’âme doit posséder une charité active qui produise des oeuvres : "En Jésus-christ, la circoncision n’est rien, l’incirconcision n’est rien; ce qui est tout, c’est d’être une nouvelle créature" (Gal. V, 15). L’Apôtre ajoute donc : nous rendons grâces pour votre charité.

Il existe bien une amitié mondaine ; mais elle se restreint à quelques-uns, car pour les mondains, il n’y a pas de motif d’aimer tous les hommes, mais seulement les parents et les autres mondains, tandis que l’amour de charité s’étend à tous. C’est pour cela que Paul ajoute"Votre charité envers tous les saints". Si nous aimions de charité même les pécheurs, c’est pour qu’un jour ils soient saints eux-mêmes: "Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères" (I Jean III, 14); Et parce que l’amitié mondaine porte son ici-bas et que la charité fructifie dans la vie éternelle, l’Apôtre ajoute : en vue de l’espérance qui vous est réservée dans les cieux.

 

Les bienfaits de la prédication

 "Vous avez eu connaissance de cette espérance de cette espérance et de la félicité qu’elle promet par la prédication de la vérité évangélique". Cette espérance dépasse tout : "Ce sont des choses que l’oeil n’a point vues, que l’oreille n’a pas entendues et qui ne sont pas montées au coeur de l’homme (I Corinthiens II, 9). Aussi Dieu seul eu fait la révélation"Faites pénitence, car le royaume de Dieu approche. "Espérance véritable, puisqu’elle est fondée sur le Verbe de vérité dont il est dit : "Votre Parole est vérité. Cette doctrine se dilate, car elle est parvenue non seulement à vous, mais au monde entier. Le Psalmiste (Ps. XVIII) l’avait annoncé : "Leur parole a été entendue jusqu’aux extrémités du monde. "Et Jésus: "Il faut que cet évangile du royaume soit prêché par toute la terre, et alors arrivera la fin" (Matth., XXIV, 14).

Cependant, demandera-t-on, comment se fait-il que la fin du monde ne soit pas encore arrivée, alors que l’évangile a été prêché dans le monde entier? - Saint Jean Chrysostome dit que du vivant même des Apôtres, l’Évangile fut répandu partout dans le monde, au moins quant au bruit que fit leur prédication; et c’est un grand miracle qu’en quarante années la doctrine du Christ ait pris un tel accroissement. Il faudrait alors entendre ainsi ces paroles: Quand la renommée de l’Évangile se sera répandue dans le monde entier, alors viendra la consommation et la destruction de Jérusalem, - Mais saint Augustin dit que cette interprétation est inexacte parce que de son temps certains peuples ne connaissaient pas encore l’Église. Ces paroles, dit-il, signifient: Lorsque l’Eglise sera établie chez les peuples, alors, bien que certains aient gardé la foi et d’autres l’aient perdue, ce sera la fin. Ce qui n’arrivera point à l’époque des Apôtres. Et si saint Paul écrit: "La prédication de la vérité est parvenue au monde entier", c’est que la certitude que cela arrivera lui fait parler de l’avenir comme s’il était présent. - On pourrait aussi que par le retentissement de la prédication, l’Évangile était promulgué par toute la terre mais qu’il n’était pas établi partout.

L’Apôtre signale ensuite le fruit de la doctrine du Christ : les bonnes oeuvres. Elle fructifie, dit-il : "Mes fleurs ont donné des fruits de richesses. " (Ecclés., XXIV, 17). "Le bon grain porte du fruit et donne l’un cent, l’autre soixante, un autre trente pour un". (Matt XIII, 23). Et elle gagne du terrain dans la multitude des croyants: "Le Seigneur ajoutait chaque jour au nombre de ceux qui étaient dans la voie du salut" (Actes II, 47). Et c’est le signe d’une puissance car, comme cela a eu lieu pour vous, cela a lieu pour les autres. Vous avez entendu la prédication, et, du jour où vous l’avez entendue, vous avez connu la grâce de Dieu dans la vérité par l’assentiment que vous lui avez donné.         

Enfin, saint Paul fait ressortir l’excellence du saint ministère. Vous avez été instruits par l’Evangile d’après les instructions que vous avez reçues d’Epaphras notre bien-aimé compagnon au service de Dieu, fidèle, serviteur du Christ près de vous, car il ne recherche point son intérêt: "Qu’on nous regarde comme des serviteurs du Christ et des dispensateurs des mystères de Dieu" (1 Corinthiens IV, 1). Médiateur entre vous et moi, il nous a fait connaître votre charité toute spirituelle.

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — Colossiens 1, 7-14 : Prière pour obtenir la plénitude de ces biens

[7] sicut didicistis ab Epaphra carissimo conservo nostro qui est fidelis pro vobis minister Christi Iesu

[8] qui etiam manifestavit nobis dilectionem vestram in Spiritu

[9] ideo et nos ex qua die audivimus non cessamus pro vobis orantes et postulantes ut impleamini agnitione voluntatis eius in omni sapientia et intellectu spiritali

[10] ut ambuletis digne Deo per omnia placentes in omni opere bono fructificantes et crescentes in scientia Dei

[11] in omni virtute confortati secundum potentiam claritatis eius in omni patientia et longanimitate cum gaudio

[12] gratias agentes Patri qui dignos nos fecit in partem sortis sanctorum in lumine

[13] qui eripuit nos de potestate tenebrarum et transtulit in regnum Filii dilectionis suae

[14] in quo habemus redemptionem remissionem peccatorum

1, 7 C'est Épaphras, notre cher compagnon de service, qui vous en a instruits; il nous supplée fidèlement comme ministre du Christ,

1, 8 et c'est lui-même qui nous a fait connaître votre dilection dans l'Esprit.

1, 9 C'est pourquoi nous aussi, depuis le jour où nous avons reçu ces nouvelles, nous ne cessons de prier pour vous et de demander à Dieu qu'Il vous fasse parvenir à la pleine connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle.

1, 10 Vous pourrez ainsi mener une vie digne du Seigneur et qui Lui plaise en tout : vous produirez toutes sortes de bonnes oeuvres et grandirez dans la connaissance de Dieu;

1, 11 animés d'une puissante énergie par la vigueur de sa gloire, vous acquerrez une parfaite constance et endurance; avec joie.

1, 12 vous remercierez le Père qui vous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière.

1, 13 Il nous a en effet arrachés à l'empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé,

1, 14 en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés.

[87848] Super Col., cap. 1 l. 3 Supra posuit materiam gratiarum actionis, ostendens pro quibus bonis gratias egit, hic ostendit orationem, innuens quid pro eis petit. Et primo praemittit conditiones orationis; secundo subdit bona petita, ibi ut impleamini. Oratio tres habet conditiones: primo quod sit tempestiva, unde subdit ex qua die, etc., supple: coepimus orare. Ier. XXXI, v. 20: ex quo locutus sum de eo, adhuc recordabor eius, et cetera. Secundo quod sit continua, ibi non cessamus, et cetera. I Reg. XII, 23: absit autem a me hoc peccatum in domino, ut cessem orare pro vobis. Rom. I, 9: sine intermissione memoriam vestri facio semper in orationibus meis. Tertio multiplex et perfecta, ibi orantes et postulantes. Oratio est ascensus mentis in Deum. Postulatio est rerum petitio. Oratio debet praecedere ut devote petens exaudiatur, sicut petentes praemittunt persuasionem ut inclinent; sed nos debemus praemittere devotionem et meditationem Dei et divinorum, non ut eum flectamus, sed ut nos erigamus in eum. Tria autem petit, scilicet cognitionem veritatis, ibi ut impleamini; operationem virtutis, ibi ut ambuletis; tolerantiam malorum, ibi in omni patientia. Triplicem vero cognitionem optat, scilicet agendorum; unde dicit ut impleamini agnitione, etc., id est ut plene cognoscatis voluntatem Dei. I Thess. IV, 3: haec est voluntas Dei, sanctificatio vestra, ut abstineatis, et cetera. Ille ergo cognoscit voluntatem Dei, qui in sanctitate vivit. Qui ergo peccat, non cognoscit voluntatem Dei, quia omnis peccans est ignorans. Rom. XII, 2: ut probetis quae sit voluntas Dei, et cetera. Item cognitionem divinorum, ibi in omni sapientia, quae est cognitio divinorum, secundum Augustinum. Sap. I, 1: sentite de domino in bonitate. Item spiritualium donorum, ibi et intellectu spirituali, id est non harum corporalium rerum. I Cor. II, 12: nos autem non spiritum huius mundi accepimus, sed spiritum qui ex Deo est. Et apte coniunguntur haec duo, sapientia et intellectus, quia minor est sapientia, si intellectu careat, ut dicit Gregorius; et inutilis est intellectus sine sapientia, quia sapientia iudicat, et intellectus capit, et non valet capere, nisi iudicet, et e converso. Glossa dicit quod primum sumitur generaliter; secundum pertinet ad activam vitam; tertium ad contemplativam. Nec sufficit cognoscere, quia scienti bonum et non operanti, peccatum est illi, ut dicitur Iac. IV, 17. Unde oportet quod adsit virtuosa operatio, quam primo tangit, ibi ut ambuletis digne Deo. Indigne enim ambulat qui non vivit sicut decet filium Dei. II Cor. VI, 4: in omnibus exhibeamus nosmetipsos sicut Dei ministros in multa patientia, et cetera. I Thess. IV, 6: sicut praediximus et testificati sumus. Secundo tangit rectam intentionem, ibi per omnia placentes. Sap. c. IV, 10: placens Deo factus est dilectus. Tertio studium proficiendi, ibi in omni opere bono, et cetera. Semper enim homo debet niti ad ulterius bonum. Eccli. XXIV, 23: flores mei fructus honoris et honestatis. Rom. VI, v. 22: habetis fructum vestrum in sanctificationem, et cetera. Ad fructificationem sequitur augmentum scientiae; ideo dicit et crescentes, et cetera. Ex hoc enim quod aliquis studet implere mandata disponitur ad cognitionem. Ps. CXVIII, v. 100: super senes intellexi, quia mandata tua quaesivi. Sap. I, 4: non habitabit in corpore subdito peccatis. Et dicit Dei, non mundi. Sap. X, 10: dedit illi scientiam sanctorum, et cetera. Deinde tangit tolerantiam malorum, quia ad virtutem non sufficit scire vel velle, nisi immobiliter operetur, quod non potest esse sine patientia et malorum tolerantia. Et ideo dicit in omni virtute confortati. Eccli. c. XLVII: divites in virtute pulchritudinis studium habentes. Quae virtus est a Deo. Unde dicit secundum potentiam claritatis eius. Eph. VI, 10: confortamini in domino. Sed addit claritatis eius, id est Christi, qui est claritas patris, quia pergere ad peccatum, est pergere ad tenebras. Sap. c. VII, 25: vapor est enim virtutis Dei, et emanatio quaedam est claritatis omnipotentis Dei sincera. Deinde cum dicit in omni patientia, etc., petit eis tolerantiam in adversis. Quidam enim deficiunt vel propter difficultatem adversorum, et ideo oportet habere patientiam. Lc. XXI, 19: in patientia vestra possidebitis animas vestras. Vel propter dilationem praemii. Et ideo dicit et longanimitate, quae facit sustinere rem promissam. Hab. II, 3: si moram fecerit, expecta eum, et cetera. Hebr. VI, v. 15: longanimiter ferens adeptus est repromissionem. Sed aliqui haec duo vitant, sed cum tristitia. Contra hoc dicit cum gaudio. Iac. I, 2: omne gaudium existimate, fratres, cum in varias tentationes incideritis, et cetera. Deinde cum dicit gratias agentes, etc., agit gratias pro beneficiis exhibitis omnibus fidelibus. Et hoc pro beneficio gratiae, quod primo ponit; secundo pro fructu gratiae, ibi qui eripuit. Dicit ergo: oramus pro vobis agentes gratias Deo, scilicet creanti, et patri, scilicet adoptanti, qui dignos, et cetera. Dixerunt aliqui quod dona gratiarum dantur pro meritis, et quod Deus dat dignis gratiam, non autem indignis; ideo hoc excludit apostolus, quia quidquid habes dignitatis et gratiae, hoc Deus fecit in te: ergo et effectus gratiae. Et ideo dicit qui dignos nos fecit, et cetera. II Cor. III, 5: non quod sufficientes simus cogitare aliquid a nobis, quasi ex nobis, et cetera. In partem sortis sanctorum, et cetera. Omnes homines de mundo secundum naturam sunt boni. Et ideo iustum est eos aliquam partem habere Dei. Mali quidem partem habent voluptates et temporalia. Sap. c. II, 9: haec est pars nostra, et haec sors nostra. Sancti vero habent ipsum Deum partem. Thren. III, 24: pars mea dominus. Ps. XV, 5: dominus pars haereditatis meae. Et ideo dicit qui dignos, et cetera. Et addit sortis, quia dupliciter aliquid dividunt: quandoque per electionem, quando unus hanc, alius illam partem elegit; aliquando sorte. Prov. XVIII, 18: contradictiones comprimit sors. Haec autem pars cedit sanctis non per electionem propriam. Io. c. XV, 16: non vos me elegistis, sed ego elegi vos sed quia ipse Deus elegit vos. Sors enim nihil aliud est, quam committere aliquid divino iudicio. Sors autem triplex est, scilicet consultoria, divinatoria, et divisoria. Prima autem in temporalibus non est mala; secunda vana est et mala; tertia in necessitatibus aliquando permittenda. Sed haec per se est possessio luminis. I Tim. ult.: lucem habitat inaccessibilem. Iob c. XXXVI, 32: in manibus abscondit lucem, et cetera. Et ex hac parte sequitur effectus gratiae, scilicet translatio de tenebris ad lucem. Et ideo primo ponit translationem, secundo modum in quo homines ante gratiam sunt servi peccati. Nam cum peccatum sit tenebrae, ideo sunt in potestate tenebrarum, sive Daemonum, sive peccatorum. Eph. ult.: adversus rectores mundi tenebrarum harum, et cetera. Is. c. XLIX, 25: captivitas a forti tollitur, et cetera. Et transtulit, etc., id est, ut essemus regnum Dei. Io. XIX: regnum meum non est de hoc mundo, et cetera. Et hoc fit quando liberamur a peccato. Apoc. V, 10: fecisti nos Deo nostro regnum, et cetera. Vel ad litteram, ut consequeremur vitam aeternam. Matth. III, 2: appropinquabit regnum caelorum. Et hoc est quod dicit regnum filii dilectionis suae. Dilectio, ut dicit Augustinus in Glossa, quandoque dicitur spiritus sanctus, qui est amor patris et filii. Sed si dilectio sic semper teneretur personaliter, tunc filius esset filius spiritus sancti; sed quandoque dicitur essentialiter, ut dicitur in Glossa. Filii ergo dilectionis suae dicitur, id est filii sui dilecti, vel filii essentiae suae. Sed numquid haec est vera: filius est filius essentiae patris? Dicendum est quod si genitivus designat habitudinem causae efficientis, est falsum, quia essentia non generat, nec generatur. Si autem designat formam, id est habens essentiam suam quasi materialiter, sicut dicitur aliquid egregiae formae, id est habens egregiam formam, sic est vera. Io. III, 35: pater diligit filium, et omnia dedit in manu eius. Deinde cum dicit in quo habemus, etc., ostendit modum translationis. Homo enim existens in peccato dupliciter tenebatur subditus, scilicet per servitutem. Io. c. VIII, 34: qui facit peccatum, servus est peccati. Item erat reus poenae, et aversus a Deo. Is. LIX, 2: iniquitates vestrae diviserunt inter vos et Deum vestrum, et peccata vestra absconderunt faciem eius a vobis, ne exaudiret. Haec duo removet Christus, quia, inquantum homo, factus est pro nobis sacrificium et redemit nos in sanguine suo. Et ideo dicit in quo habemus redemptionem. I Cor. VI, v. 20: empti estis pretio magno. Sed inquantum est Deus, habemus per eum peccatorum remissionem, quia reatus peccati solutus est per eum.

Les conditions de la prière

Saint Paul commence par indiquer les trois conditions de la prière.

1° Celle-ci doit d’abord être faite à propos : depuis le jour où nous avons commencé à prier; -

2° Ensuite, elle doit être continuelle: nous ne cessons pas de prier Dieu pour vous"Loin de moi de pécher contre Yahvé en cessant de prier pour vous!" (I Rois, XII, 25). L’Apôtre3 écrivait même aux Romains I, 9 : "Dieu m’en est témoin, sans cesse je fais mémoire de vous dans mes prières. "

3° Enfin la prière doit être parfaite : Nous prions et supplions Dieu. La prière est l’élévation de l’âme vers Dieu; la supplication est la demande du nécessaire. Avant de demander il faut prier : la demande sera plus pieuse et plus vite exaucée. Ainsi font les solliciteurs habiles. Ils font passer la persuasion devant, pour incliner leur bienfaiteur à les écouter; nous, nous devons faire passer d’abord la dévotion et la méditation de Dieu et de ses mystères, non pas pour incliner Dieu vers nous, mais pour nous hausser jusqu’à lui.

 

La connaissance de la vérité

"Nous demandons que vous ayez la pleine connaissance de sa volonté en toute sagesse et intelligence spirituelle. "L’Apôtre demande trois choses pour les Colossiens : 1° la connaissance de la vérité, 2° la pratique des vertus et 3° la patience dans les épreuves. C’est une triple connaissance qu’il implore.

1° D’abord la connaissance de nos devoirs : nous demandons que vous ayez la pleine connaissance de sa volonté, c’est-à-dire que vous sachiez pleinement quelle est la volonté de Dieu". "Or ce que Dieu veut, c’est que vous soyez des saints" (I Thess. IV, 3). Celui-là donc connaît la volonté de Dieu, qui vit dans la sainteté. Le pécheur ne connaît pas cette volonté, car tout pécheur vit dans l’ignorance. L’Apôtre écrivait de même aux Romains, XII, 2 : "Ne vous conformez pas au siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de l’esprit, afin que vous éprouviez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait. "

2° L’Apôtre demande ensuite la connaissance des mystères divins : en toute sagesse, dit-il. Or, explique saint Augustin, la sagesse est la con naissance des choses de Dieu: "Que vos pensées sur le Seigneur soient selon la droiture" (Sagesse I, 4).

3° Enfin, la connaissance des choses surnaturelles : l’intelligence spirituelle. Il ne souhaite point la connaissance des choses corporelles, car"ce n’est pas l’esprit du monde que vous avez reçu, mais l’esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce. " (I Corinthiens II, 12). C’est avec raison que l’intelligence et la sagesse sont ici réunies : selon la remarque de saint Grégoire, la sagesse est peu de chose sans l’intelligence, et l’intelligence sans la sagesse car la sagesse juge et l’intelligence comprend: comment l’intelligence" comprendrait-elle sans le jugement? Comment la sagesse jugerait-elle sans comprendre?

 

La pratique des vertus

Savoir ne suffit point: "Celui qui connaît le bien et ne le fait pas, commet le péché" (Jac., IV, 17). Il faut en venir à la pratique de la vertu: Conduisez-vous d’une manière digne du Seigneur. C’est marcher indignement, de ne pas vivre comme il convient à un fils de Dieu: "Rendons-nous recommandables en toutes choses, comme ministres de Dieu, par une grande constance dans les tribulations, dans les travaux, les veilles et les jeûnes; par la pureté, par la science, et par la bonté" (II Corinthiens VI, 4).

Pour lui plaire en toutes choses : c’est la droiture de l’intention"Celui qui plaît à Dieu est aimé de lui" (Sag., IV, 10).

Produisant du fruit en toutes sortes de bonnes oeuvres : c’est le désir de toujours progresser Le chrétien doit s’efforcer constamment d’atteindre une plus haute perfection : "Affranchis du péché et devenus les serviteurs de Dieu, vous avez pour fruit la sainteté et pour fin la vie éternelle, car le salaire du péché, c’est la mort; mais le don de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ Notre Seigneur" (Romains VI, 22). Faisant des progrès dans la connaissance de Dieu : en effet, l’accroissement des fruits de vertus amène l’accroissement de la science; plus on s’applique à observer les préceptes, plus on devient apte à comprendre : "J’ai plus d’intelligence que les vieillards", disait le Psalmiste (CXVII, 100), parce que j’observe tes ordonnances. "; "La Sagesse n’entre point dans une âme qui médite le mal; elle n’habite pas dans un corps esclave du péché" (Sag., I, 4). Il s’agit de la science de Dieu, et non du monde, car"la sagesse montre le royaume de Dieu et donne la science des choses saintes" (Sag., X, 10).

 

La patience dans les épreuves

Remplis de force : en effet, savoir et vouloir sont insuffisants pour la vertu : il est nécessaire de travailler sans défaillance, ce qui ne peut se faire sans la patience et le support des maux. Cette force vient de Dieu remplis de force par la puissance de sa lumière. Lumière qui est le Christ, splendeur du Père. Aller au péché, c’est s’enfoncer dans les ténèbres. "La sagesse est le souffle de la puissance de Dieu, une pure émanation de la gloire du Dieu tout-puissant" (Sagesse, VII, 25).

Dans l’adversité, les uns succombent à cause de la grandeur de l’épreuve : "Supportez tout avec patience", dit l’Apôtre. "C’est par la patience que vous posséderez vos âmes" (Luc, XXI, 19). D’autres succombent à cause du délai de la récompense : Supportez tout avec la douceur persévérante qui fait attendre la réalisation de la promesse. "La vision se hâte vers son terme et ne mentira pas; si elle tarde, attends-la, car elle arrivera certainement, elle ne manquera pas"- (Heb., n, 2). "Abraham, ayant patiemment attendu, entra en possession de la promesse" (Hebr, VI, 15). - Enfin, d’autres évitent ces deux écueils, mais l’épreuve les rend tristes : Supportez tout avec joie, leur dit l’Apôtre. "Mes frères, écrivait saint Jacques (I, 2), ne soyez qu’un sujet de joie dans les épreuves de toute sorte qui tombent sur vous. "

 

La grâce

Nous rendons grâces à Dieu Créateur, et Père par adoption, qui noue a rendus dignes. Certains ont prétendu que les dons de la grâce sont accordés à raison des mérites et que Dieu donne sa grâce à ceux qui en sont dignes et non aux autres : erreur condamnée par l’Apôtre. Tout ce que tu as de dignité et de grâce, c’est Dieu qui l’a fait en toi; il est donc également l’auteur des effets de la grâce. "Par nous-mêmes, nous ne sommes pas capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes ; notre aptitude vient de Dieu. (II Corinthiens III, 5).

Qui nous a rendus dignes d’avoir part au sort des saints dans la lumière. Si l’on considère leur nature, tous les hommes en ce monde sont bons. De cela il est juste qu’ils aient quelque chose de Dieu : les méchants ont pour leur part voluptés et les biens matériels : "Couvrons-nous de roses avant qu’elles se flétrissent, laissons partout des traces de nos réjouissances : c’est là notre part, c’est là notre destinée" (Sagesse II, 8). Les saints ont pour part Dieu lui-même : "Tu es mon Seigneur, s’écrie le psalmiste. Toi seul es mon bien... Yahvé est la part de mon héritage et de ma coupe. Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse. Oui, un splendide héritage m’est échu" (Ps. XV, 1-16). Et cette part des saints ne leur arrive pas par leur propre choix, mais par le choix de Dieu : "Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, dit Jésus aux apôtres, c’est moi qui vous ai et établis"Jean, XV, 16).

 

Le passage à la lumière

Le péché étant ténèbres, les pécheurs sont en puissance des ténèbres. "Nous avons à lutter, disait l’Apôtre aux Ephésiens (VI, 1) contre les puissances, contre les dominations de ce monde de ténèbres. "Mais prophétisait Isaïe (XLIX, 25), "la capture du puissant lui sera enlevée et la"proie lui échappera": "je sauverai tes fils. "Il nous a donc délivrés de la puissance des ténèbres pour nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé, afin que nous devenions le royaume de Dieu; ce qui a lieu quand nous sommes délivrés du péché: "Vous les avez faits rois et prêtres, et ils régneront sur la terre" (Apoc. V, 10); Ou bien : afin que nous obtenions la vie éternelle. Par le sang duquel nous avons la rédemption et la rémission des péchés. En effet, l’homme dans le péché est doublement esclave :

1° il est sous la servitude du pêché : "En vérité, dit Jésus, quiconque se livre au péché est esclave du péché" (Jean, VIII, 34);

2° de plus, il est soumis au châtiment et éloigné de Dieu: "Vos iniquités ont mis une séparation entre vous et votre Dieu; vos péchés vous ont caché sa face pour qu’il ne vous entendit pas" (Isaïe, LIX, 2). Le Christ lève ces deux obstacles: homme, il se fait sacrifice pour nous et nous rachète de son sang "nous avons été rachetés à grand prix" (1 Corinthiens VI, 10); Dieu, il paie la dette du péché.

 

 

Lectio 4

 

Leçon 4 — Colossiens 1, 15-17 : I- Les bienfaits de la rédemption sur les Colossiens

[15] qui est imago Dei invisibilis primogenitus omnis creaturae

[16] quia in ipso condita sunt universa in caelis et in terra visibilia et invisibilia sive throni sive dominationes sive principatus sive potestates omnia per ipsum et in ipso creata sunt

[17] et ipse est ante omnes et omnia in ipso constant

1, 15 Il est l'image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature,

1, 16 car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances; tout a été créé par lui et pour lui.

1, 17 Il est avant toute chose et tout subsiste en lui.

[87849] Super Col., cap. 1 l. 4 Postquam superius commemoravit gratiae beneficia specialia et universalia, hic commendat auctorem huius gratiae, scilicet Christum. Et primo per comparationem ad Deum; secundo generaliter per comparationem ad totam creaturam, ibi primogenitus; tertio specialiter per comparationem ad Ecclesiam, ibi et ipse est caput.

Circa primum notandum est quod Deus dicitur invisibilis, quia excedit capacitatem visionis cuiuscumque intellectus creati, ita quod nullus intellectus creatus naturali cognitione potest pertingere ad eius essentiam. Iob XXXVI, 26: ecce Deus magnus vincens scientiam nostram. I Tim. ult.: lucem habitat inaccessibilem. Videtur ergo a beatis ex gratia, non ex natura. Ratio huius assignatur a Dionysio, quia omnis cognitio terminatur ad existens, id est ad aliquam naturam participantem esse. Deus autem est ipsum esse non participatum ergo est incognitus.

Huius ergo Dei invisibilis filius est imago. Sed videndum est quomodo dicatur imago Dei, et quare dicatur invisibilis. Et quidem de ratione imaginis sunt tria, scilicet quod sit ibi similitudo, quod deducta sit vel expressa ex eo cum quo est similitudo, et quod deducta sit in aliquo pertinente ad speciem vel signum speciei.

Si enim sunt duo similia, quorum unum non derivetur ab alio, neutrum dicimus alterius imaginem, sicut ovum non dicitur imago ovi. Et ideo ab imitando dicitur imago. Item si sit simile, sed non quantum ad speciem, vel signum speciei, tunc nec imago dicitur: sicut in homine multa sunt accidentia, ut color, quantitas, et huiusmodi, et secundum nullum horum dicitur imago. Sed si figuram eius accipiat, sic potest esse imago, quia figura est signum speciei; filius autem est similis patri, et pater similis filio, sed filius habet hoc a patre, pater autem non a filio. Et ideo proprie loquendo dicimus filium imaginem patris, et non e converso, quia deducitur et derivatur haec similitudo a patre.

Item haec similitudo est secundum speciem, quia filius in divinis repraesentatur aliquo modo, sed deficienter, per verbum mentis nostrae. Verbum autem mentis nostrae est, quando formamus actu formam rei cuius notitiam habemus, et hoc significamus verbo exteriori. Et hoc verbum sic conceptum est quaedam rei similitudo quam in mente tenemus, et simile secundum speciem. Et ideo verbum Dei imago Dei dicitur.

 

 

Quantum ad secundum sciendum est quod Arriani hoc verbum male intellexerunt, iudicantes de Dei imagine secundum imagines quae fiebant ab antiquis, ut viderent in eis charos suos subtractos sibi, sicut et nos facimus imagines sanctorum, ut quos non videmus in substantia, videamus in imagine. Et ideo dicunt quod invisibile est proprium patri, filius autem est primum visibile, in quo manifestatur bonitas patris, quasi pater sit vere invisibilis, filius vero visibilis, et sic alterius essent naturae. Hoc autem excludit apostolus ad Hebr. I, 3 dicens: qui cum sit splendor gloriae, et figura substantiae eius, et cetera. Et sic est imago non solum Dei invisibilis, sed etiam ipse est invisibilis sicut pater. Qui est imago invisibilis Dei. Deinde cum dicit primogenitus, etc., commendat Christum per comparationem ad creaturam. Et primo facit hoc, secundo exponit, ibi quia in ipso.

Circa primum sciendum est quod Arriani sic intelligunt, quasi dicatur primogenitus, quia sit prima creatura: sed hic non est sensus, ut patebit. Et ideo duo sunt videnda, scilicet quomodo haec imago sit genita, et quomodo primogenita creaturae. Quantum ergo ad primum sciendum est quod in unaquaque re generatio est secundum modum sui esse et suae naturae. Alius enim modus generationis est in hominibus, et alius in plantis, et sic de aliis. Natura autem Dei est ipsum esse intelligere, et sic oportet quod eius generatio, vel conceptio intellectualis, sit generatio vel conceptio naturae eius. In nobis autem conceptio intelligibilis non est conceptio naturae nostrae, quia in nobis aliud est intelligere et natura nostra. Et ideo cum haec imago sit verbum et conceptio intellectus, oportet dicere quod sit germen naturae, et sic de necessitate genitus, quia accipit naturam ab alio. Secundo videndum est quomodo dicatur primogenitus. Deus enim non alio se cognoscit et creaturam, sed omnia in sua essentia, sicut in prima causa effectiva. Filius autem est conceptio intellectualis Dei secundum quod cognoscit se, et per consequens omnem creaturam. Inquantum ergo gignitur, videtur quoddam verbum repraesentans totam creaturam, et ipsum est principium omnis creaturae. Si enim non sic gigneretur, solum verbum patris esset primogenitus patris, sed non creaturae. Eccli. XXIV, 5: ego ex ore altissimi prodii, primogenita ante omnem creaturam, et cetera. Deinde cum dicit quia in ipso, etc.; exponit quod dixerat, scilicet quod sit primogenitus, quia scilicet est genitus ut principium creaturae. Et hoc quantum ad tria: primo quantum ad rerum creationem; secundo quantum ad earum distinctionem, ibi in caelis; tertio quantum ad conservationem in esse, ibi et omnia in ipso, et cetera. Dicit ergo: est primogenitus creaturae, quia est genitus ut principium omnis creaturae.

Et ideo dicit quia in ipso, et cetera. Circa quod sciendum est, quod Platonici ponebant ideas, dicentes, quod quaelibet res fiebat ex eo quod participabat ideam, puta hominis vel alicuius alterius speciei. Loco enim harum idearum nos habemus unum, scilicet filium, verbum Dei. Artifex enim facit artificium, ex hoc quod facit illud participare formam apud se conceptam, quasi involvens eam exteriori materiae: sicut si dicatur quod artifex facit domum per formam rei quam habet apud se conceptam. Et sic Deus omnia in sua sapientia dicitur facere, quia sapientia Dei se habet ad res creatas, sicut ars aedificatoris ad domum factam. Haec autem forma et sapientia est verbum, et ideo omnia in ipso condita sunt, sicut in quodam exemplari, Gen. I: dixit, et facta sunt, quia in verbo suo aeterno creavit omnia ut fierent.

Quantum autem ad rerum distinctionem, sciendum est quod aliqui, sicut Manichaei, erraverunt dicentes haec corpora terrena, quia corruptibilia, facta esse a malo Deo, caelestia vero, quia incorruptibilia, a bono Deo, scilicet patre Christi. Sed mentiuntur, quia in eodem sunt utraque creata. Ideo dicit in caelis, et cetera. Et haec est distinctio secundum partes naturae corporeae. Gen. I, 1: in principio, id est in filio, creavit Deus, et cetera.

Platonici etiam dicunt quod Deus per se creavit creaturas invisibiles, scilicet Angelos, et per Angelos creavit naturas corporeas. Sed hoc excluditur hic, quia dicitur visibilia et invisibilia. De primo Hebr. XI, 3: fide intelligimus esse aptata saecula, ut ex invisibilibus visibilia fierent. De secundo autem Eccli. XLIII, 36 s.: pauca vidimus operum eius, omnia autem dominus fecit, et cetera.

Haec autem distinctio est secundum creaturarum naturam. Tertia distinctio est ordinis et gradus in invisibilibus, cum dicit sive throni, et cetera. Platonici etiam errant hic. Dicebant enim in rebus diversas esse perfectiones, et quamlibet attribuebant uni primo principio, et, secundum ordines earum perfectionum, ponebant ordines principiorum, sicut ponebant primum ens, a quo participant omnia esse, et illud principium ab isto, scilicet primum intellectum, a quo omnia participant intelligere, et aliud principium vitam, a quo omnia participant vivere. Sed nos non sic ponimus, sed ab uno principio res habent quicquid in eis perfectionis est. Et ideo dicit sive throni, etc.; quasi dicat: non dependent ab aliis principiis ordinatis, sed ab ipso uno solo verbo Dei.

Sed quid est quod dicit Eph. I, 22: ipsum dedit caput, etc., ubi quaedam diversitas videtur esse ab istis? Solutio. Hic enim enumerat descendendo, quia ostendit progressum creaturae a Deo, ibi ascendendo, quia ostendit quod filius Dei, secundum quod homo, super omnes creaturas est.

Sed tamen ibi principatus ponuntur sub potestatibus, et virtutes inter dominationes et potestates, hic principatus super potestates, et principatus medium inter dominationes et potestates. Et secundum hoc diversae sunt sententiae Gregorii et Dionysii. Dionysius enim ordinat eos secundum quod dicitur ad Ephesios, quia in secunda hierarchia ponit dominationes, virtutes, et potestates. Gregorius vero ordinat eos sicut hic habetur, quia in secunda hierarchia ponit dominationes, principatus et potestates, in tertia vero virtutes, Archangelos et Angelos. Sed sciendum est, quod, sicut Gregorius et Dionysius dicunt, haec dona spiritualia, ex quibus nominantur hi ordines, communia sunt omnibus, tamen quidam nominantur a quibusdam, quidam ab aliis, cuius ratio accipitur ex dictis Platonicorum, quia omne quod convenit alicui, convenit tripliciter, quia aut essentialiter, aut participative, aut causaliter.

Essentialiter quidem quod convenit rei secundum proportionem suae naturae, sicut homini rationale. Participative autem quod excedit suam naturam, sed tamen aliquid de illo participat, sed imperfecte, sicut intellectuale homini, quod est supra rationale et est essentiale Angelorum et idem aliquid participat homo. Causaliter vero quod convenit rei supervenienter, sicut homini artificialia, quia in eo non sunt sicut in materia, sed per modum artis.

Unumquodque autem denominatur solum ab eo quod convenit ei essentialiter. Unde homo non dicitur intellectualis nec artificialis, sed rationalis. De dictis autem donis in Angelis, ea quae conveniunt superioribus essentialiter, inferioribus conveniunt participative; quae vero inferioribus essentialiter conveniunt, superioribus causaliter conveniunt. Et ideo superiores denominantur a superioribus donis.

Supremum autem in creatura spirituali est quod attingit Deum, et quodammodo participat eum. Et ideo denominantur superiores ex hoc, quod attingunt Deum. Seraphim, quasi ardentes Deo vel incendentes; Cherubim, quasi scientes Deum; throni, quasi habentes in seipsis sedentem Deum. Tripliciter enim aliquid potest ab alio participare: uno modo, accipiendo proprietatem naturae eius; alio modo, ut recipiat ipsum per modum intentionis cognitivae; alio modo, ut deserviat aliqualiter eius virtuti, sicut aliquis medicinalem artem participat a medico vel quia accipit in se medicinae artem, vel accipit cognitionem artis medicinalis, vel quia deservit arti medicinae. Primum est maius secundo, et secundum tertio.

In sacra autem Scriptura significatur aliquid divinum per ignem. Deut. IV, 24: dominus Deus tuus ignis consumens est, et cetera. Et ideo supremus ordo dicitur Seraphim, quasi ardentes Deo, et continentes aliquam divinam proprietatem. Secundus ordo est Cherubim, consequentes eum cognitive. Et tertius throni, eius virtuti deservientes. Alii autem ordines non nominantur ex attingendo Deum, sed per aliquam eius operationem. Et aliqui ut dirigentes, et sic sunt dominationes. Alii exequentes, et horum quidem ut principaliores, ut principatus, Ps. LXVII, 26: praevenerunt principes, et cetera. Alii secundum executionem, et sic sunt exequentes supra spirituales creaturas, ut sunt potestates quae arcent Daemones; si supra naturalia, sunt virtutes, quae miracula faciunt; si supra homines, sunt Archangeli ad magna; si Angeli, ad minima. Et sic concludendo dicit omnia per ipsum, sicut per causam effectivam, et in ipso, sicut per causam exemplarem. Io. I, 3: omnia per ipsum facta sunt, et cetera.

Sed quia posset aliquis dicere: numquid omnia sunt aeterna? Ideo apostolus quasi respondens ad hoc, dicit quod non, sed ipse est ante omnia, scilicet tempora et res alias. Prov. VIII, 22: dominus possedit me in initio viarum suarum, antequam quidquam faceret a principio, et cetera. Vel ante dignitatem. Ps. LXXXVIII, 7: quis similis Deo, et cetera. Quantum ad conservationem dicit et omnia in ipso constant, id est conservantur. Sic enim se habet Deus ad res, sicut sol ad lunam, quo recedente deficit lumen lunae. Et sic si Deus subtraheret suam virtutem a nobis, in momento deficerent omnia. Hebr. c. I, 3: portans omnia verbo virtutis suae.

I- LE REDEMPTEUR DANS SES RAPPORTS AVEC DIEU LE PÈRE (I, 15)

Après avoir, plus haut, rappelé les bienfaits spéciaux et universels de la grâce, saint Paul rappelle ici quel est l’auteur de la grâce, à savoir le Christ. Et d’abord dans une comparaison par rapport à Dieu ; ensuite, d’une manière générale, dans une comparaioson par rapport à toute créature : Premier-né… ; troisièmement, d’une manière particulière, dans une comparaison avec l’Église : lui-même est la tête.

Premièrement donc, il faut remarquer que nous disons que Dieu est invisible parce qu’il dépasse la capacité de vision de toute intelligence créée, aucune intelligence créée ne pouvant, d’une connaissance naturelle, atteindre l’essence divine. "Dieu est grand au-dessus de toute notre science", dit Job (XXXVI. 26). "Il habite une lumière inaccessible" (I Timothée VI, 16). Si les bienheureux le voient, c’est par grâce et non par nature. Denys en donne cette explication : Toute connaissance est bornée par ce qui existe, c’est-à-dire à quelque nature qui participe à l’être. Mais Dieu est l’être même; il n’y participe point. Aussi est il au-dessus de toute connaissance.

Or de ce Dieu invisible le Fils est l’image. Mais il faut examiner comment le Fils peut être appelé image, et pourquoi le Père est-il invisible. Trois conditions font une image : qu’il y ait en elle une ressemblance; qu’elle soit déduite ou exprimée de l’objet auquel elle ressemble; enfin qu’elle s’achève en quelque chose qui tienne à l’espèce ou au signe de l’espèce reproduite.

Si, en effet, on a deux objets semblables, mais dont l’un ne vient pas de l’autre, nous disons qu’aucun des deux n’est l’image de l’autre : on ne dit pas, par exemple, qu’un oeuf est l’image d’un oeuf. C’est l’imitation qui fait l’image. De même il n’y a pas image si la ressemblance existe mais n’est pas dans l’espèce ou dans le signe de l’espèce : ainsi la ressemblance dans les choses accidentelles de l’homme, le teint ou la quantité, ou autre chose du genre, ne peut produire l’image Mais si la ressemblance prend la figure de l’objet, alors il peut y avoir image, car la figure est le signe déterminatif de l’espèce. Le Fils est semblable au Père, et le Père semblable au Fils; mais le Fils reçoit cette ressemblance du Père, tandis que le Père ne la reçoit pas de son Fils. Aussi nous nous exprimons correctement en disant que le Fils est l’image de son Père, mais non l’inverse parce que la ressemblance vient du Père et en dérive. De plus, cette ressemblance est dans l’espèce même : dans ce qui concerne Dieu, le Fils est représenté d’une certaine manière, mais imparfaite par la parole intérieure de l’âme; cette parole existe quand nous reproduisons, en acte, la forme de l’objet connu et l’exprimons par une parole extérieure; cette parole ainsi conçue est comme une ressemblance de l’objet que nous saisissons dans notre esprit. Elle lui est semblable quant à l’espèce. Et c’est ainsi que le Verbe divin est appelé image de Dieu.

 

II- LE REDEMPTEUR DANS LES RAPPORTS AVEC LES CREATURES (I, 16-17)

 

Quant au second point, il faut savoir que les Ariens ont mal compris cette parole, interprétant l’image de Dieu comme cela se faisait chez les Anciens : ils voyaient ceux qui leur étaient chers soustraits [à leur affection], comme nous le faisons, nous, pour les images des saints : nous ne les voyons pas dans leur substance même, mais nous les voyons en image. Ils disent donc que le caractère invisible est le propre du Père et que le Fils est d’abord visible, en lequel se manifeste la bonté du Père. Ce serait comme si le Père était vraiment invisible, mais le Fils visible et qu’ainsi ils seraient d’une nature différente. L’Apôtre exclut cette interprétation en disant : "[le Fils] qui est le rayonnement de sa gloire et l’empreinte de sa substance, etc..." (Hébr.I, 3). Ainsi [le Fils] est l’image non seulement de Dieu invisible, mais il est lui-même invisible comme le Père : Il est l’image du Dieu invisible. Ensuite, quand il dit : Premier-né, etc... il met en exergue le Christ dans une comparaison avec la créature. C’est ce qu’il dit pour commencer, ensuite il l’explique : car c’est en lui…

D’abord donc, il faut savoir que les Ariens comprennent comme si "premier-né" était la première créature. Le sens est tout différent, comme cela apparaîtra. Il faut considérer deux choses : Comment cette image est-elle engendrée ? Comment est-elle la créature « première-née » ? Quant à la première question, il faut savoir qu’en chaque être, la génération suit le mode de l’être et de sa nature : autre est le mode de génération des hommes, autre est celui des plantes; et ainsi du reste. Or la nature de Dieu est d’être l’intelligence même; il faut donc qu’en lui la génération ou conception intellectuelle soit la génération ou conception de sa nature. En nous, la conception intelligible n’est pas la conception de notre propre nature, parce qu’en nous autre chose est l’intelligence, autre chose notre nature. Cette image étant donc le verbe et la conception de l’intelligence, il faut dire qu’elle est le germe de la nature, et on dit qu’elle est engendrée parce qu’elle reçoit sa nature d’un autre. En deuxième lieu, il faut voir comment le Verbe est premier-né ? Dieu connaît et lui-même et la créature de la même manière, il connaît tout en son essence comme dans sa première cause effective. Le Fils est la conception intellectuelle de Dieu par laquelle il se connaît lui-même et par conséquent toute créature. En tant qu’il est engendré, le Fils est donc comme la représentation de toutes créatures et, comme tel, leur principe. S’il n’était pas engendré, seul le Verbe du Père serait premier-né du Père, et non des créatures : "Je suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature, etc..." (Ecclés.XXIV, 5) Ensuite, quand Paul dit : c’est en lui, etc... , il explique ce qu’il avait dit : que le Fils est premier-né parce qu’il est engendré comme principe des créatures. Et cela selon trois points de vue : 1. la création des choses, 2. leurs distinctions : dans les cieux, 3. leur conservation dans l’être : tout a été créé par lui, etc... Il dit donc : le Fils est le premier-né de toute créature parce qu’il est engendré comme principe de toute créature.. Saint Paul l’explique dans les paroles suivantes : En lui toutes choses ont été créées. A ce propos, il faut savoir que les Platoniciens supposent que ce sont les idées qui sont les principes, et que toutes choses viennent à l’existence en participant à une idée, par exemple à l’idée d’homme, ou à l’idée de toute autre espèce. Pour nous, à la place de ces idées, nous mettons un seul principe, le Verbe, Fils de Dieu. En effet, l’artisan produit son ouvrage en le faisant participer à la forme qu’il a conçue intérieurement, comme s’il la revêtait d’une matière extérieure : ainsi l’architecte bâtit la maison selon la forme qu’il a conçue en son esprit. Et c’est ainsi que nous disons de Dieu qu’il a tout fait en sa sagesse, parce que la sagesse divine, par rapport aux choses créées, est comme l’art du constructeur par rapport à l’édifice construit. Or cette forme et cette sagesse, c’est le Verbe en qui toutes choses ont été créées comme en une sorte d’exemplaire. "Dieu a parlé, dit la Genèse I, et toutes choses ont été faites", car par son Verbe éternel il a tout créé.

 

Celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre.

Quant aux distinctions entre les choses, il faut savoir que certains, comme les Manichéens, sont allés jusqu’à dire que les corps terrestres, parce qu’ils sont corruptibles, ont été faites par un Dieu mauvais; et les choses célestes, incorruptibles, par le Dieu bon, le Père du Christ. Mais ils se sont trompés. Tout a été créé dans le Verbe, le même. Paul dit : celles qui sont dans les cieux, etc... Il y a ici une distinction selon les parties de la nature corporelle. Gen.I, 1 : "Au commencement, c'est-à-dire dans le Fils, Dieu créa, etc..."

 

Les choses visibles et invisibles.

Les Platoniciens croient que Dieu avait lui-même fait les créatures invisibles, les anges, mais qu’il avait fait les créatures corporelles par le moyen des anges. Saint Paul exclut cette erreur ; car il dit : les choses visibles et les choses invisibles. Pour les unes : "Par la foi nous savons que le monde été formé par la parole de Dieu, en sorte que les choses que l’on voit n’ont pas été faites de choses visibles" (Hébreux XI, 3). Pour les autres : "Nous ne voyons qu’un petit nombre de ses oeuvres, mais le Seigneur a fait toutes choses, etc..." (Ecclés., XLIII, 36). Cette distinction est selon la nature des êtres créés. Mais il y a une autre distinction des êtres, celle qui se fait selon l’ordre et les degrés des créatures invisibles. Saint Paul l’indique : les Trônes, etc... Là-dessus les Platoniciens sont en erreur : ils prétendaient qu’il y a dans les choses des perfections diverses, et ils attribuaient chacune de ces perfections à un premier principe unique; et ils terminaient le rang de ces principes selon le rang de ces perfections : ainsi ils plaçaient au sommet le premier être dont toutes choses reçoivent l’existence; puis, venant de ce premier principe un second principe, la première intelligence de laquelle toutes choses recevraient participation à l’intelligence; ensuite un troisième principe, la vie, dont tout recevrait participation à la vie. Mais nous ne pouvons ordonner ainsi les êtres, car, quelque perfection qu’il y ait dans les créatures, toutes le tirent d’un principe unique. C’est pourquoi saint Paul dit : soit les Trônes, etc..., comme s’il voulait dire : Ces ordres ne dépendent point d’autres principes dépendant les uns des autres. Mais tous dépendent du Verbe de Dieu même, unique et véritable.

S’il en est ainsi, dira-t-on, pourquoi saint Paul écrit-il dans l’épître aux Ephésiens, I, 22 : "il l’a donné pour chef suprême à l’Eglise, etc...". N’y a-t-il pas quelque contradiction entre ces deux textes ? Non. Car ici, [dans l’épître aux Colossiens], l’Apôtre énumère par progression descendante et veut montrer comment la créature vient de Dieu; dans l’épître aux Ephésiens, au contraire, par progression ascendante, pour montrer que le Fils de Dieu, en tant qu’il est homme, est au-dessus de toute créature.

Toutefois, [dans l’épître aux Ephésiens], l’ordre des Principautés est placé au-dessous des Puissances, et les Vertus entre les Dominations et les Puissances, tandis qu’ici les Principautés sont au-dessus des Puissances, entre les Dominations et les Puissances. Sur ce plan, les avis de Grégoire et de Denys sont différents. En effet, Denis place ces ordres selon ce qui est dit dans l’épître aux Ephésiens parce qu’il met les Dominations, les Vertus et les Puissances dans une seconde hiérarchie. Saint Grégoire, au contraire, suit l’ordre de l’épître aux Colossiens et place les Dominations, les Principautés et les Puissances dans la seconde hiérarchie, et dans la troisième les Vertus, les Archanges et les Anges. Mais il faut savoir que Grégoire et Denys eux-mêmes font remarquer que les dons spirituels, d’après lesquels nous donnons un nom à ces ordres, sont communs à tous, bien que les uns prennent leur nom de tel don, les autres de tel autre. L’explication en est prise dans les doctrines platoniciennes, d’après lesquelles ce qui convient à un être lui convient d’une triple manière : d’une manière essentielle, d’une manière participative ou par causalité.

ou à raison de son essence, quand les rapports se fondent sur les propriétés de la nature, comme il convient à l’homme d’être raisonnable;

ou par participation, quand le rapport dépasse la nature, bien qu’il y ait une participation, mais imparfaite, comme dans le cas de l’homme intelligent, ce qui est au-dessus de l’être raisonnable mais constitue l’essence même des Anges, encore que l’homme en reçoive quelque participation;

ou bien enfin par voie de causalité, quand la convenance est accidentelle, comme en tout ce qui est artificiel pour l’homme et qui se trouve en lui, non point comme en son siège matériel, mais au moyen de l’art.

Chaque être tire son nom uniquement de ce qui lui convient essentiellement : on ne dit pas de l’homme qu’il est une créature intellectuelle ni apte à l’art, mais une créature raisonnable.   

Or, dans les anges, les dons qui appartiennent aux hiérarchies supérieures à raison de leur essence ne sont dans les ordres inférieurs que par participation; et ceux que les hiérarchies inférieures possèdent à raison de leur essence, les anges supérieurs les ont à titre de causalité. Voilà pourquoi les premiers ordres tirent leurs noms des dons plus élevés.

Or le don le plus élevé que puisse recevoir une créature spirituelle, c’est d’atteindre Dieu et entrer en participation, d’une certaine façon, avec sa nature. Et ainsi les anges suprêmes tirent leur nom de leur don d’atteindre Dieu : Séraphins comme brûlant de Dieu, enflammés de Dieu; Chérubins, comme pleins de la connaissance de Dieu; Trônes, comme si ils avaient en eux-mêmes Dieu assis. C’est qu’en effet on peut participer à un autre être de trois manières : d’abord en recevant les propriétés de sa nature, ou bien en le recevant lui-même par mode d’intention cognitive, enfin en devenant l’instrument de son activité. Ainsi, par exemple, on participe à l’art du médecin, ou en recevant en soi l’art de la médecine, en acquérant la science de cet art, ou en le servant. La première manière est supérieure à la seconde, et celle-ci à la troisième.

Or, dans l’Écriture Sainte, le feu signifie quelque chose de divin : "Yahvé, ton Dieu, est-il écrit au Deutéronome, IV, 24, est un feu dévorant, etc... " L’ordre suprême reçoit donc le nom de Séraphins, c’est brûlant de Dieu, participant à quelque propriété de Dieu; le second ordre, le nom de Chérubins : possédant Dieu par la connaissance; le troisième Trônes ministres de sa puissance. Pour les autres ordres, ils ne reçoivent pas un nom du fait de leur union à Dieu mais d’une mission que Dieu leur confie. Les uns dirigent : les Dominations. Les autres exécutent les ordres si c’est en qualité de chefs, on les nomme Principautés : "les chantres marchaient devant" (Ps LXVII, 26); si c’est à l’égard des créatures spirituelles : Puissances qui mettent les démons en fuite; à l’égard des forces naturelles : Vertus, qui accomplissent les miracles; à l’égard des hommes : les Archanges, qui s’occupent des évènements graves, et les Anges, qui veillent aux choses ordinaires.

Saint Paul de conclure : Tout a été fait par lui, ou par la cause effective, et en lui, cause exemplaire. Saint Jean (I, 3), l’a écrit aussi: "Tout a été fait par lui, etc... "

Tout est donc éternel ? pourrait-on demander. Donc, comme s’il répondait à cette question, l’Apôtre écrit que non, mais que le Christ, lui, est avant toutes choses. Avant les temps et créatures : "Yahvé m’a possédé au commencement de ses voies, avant ses oeuvres les plus anciennes, etc..." (Prov. VIII, 22). Avant toute dignité : "Qui est semblable à Dieu ?" (Ps. LXXXI, 7).

Quant à la conservation des choses, Paul dit : Toutes choses subsistent en lui, c’est-à-dire sont conservées en lui. Par rapport aux créatures, Dieu est comme le soleil à la lune, qui perd sa lumière dès que le soleil se retire : Que Dieu retire sa puissance, à l’instant même tout défaille. "Il soutient tout par la puissance de sa parole" (Hébreux VIII, 3).

 

 

Lectio 5

Leçon 5 — Colossiens 1, 18-23 : LE REDEMPTEUR DANS SES RAPPORTS AVEC L’EGLISE

[18] et ipse est caput corporis ecclesiae qui est principium primogenitus ex mortuis ut sit in omnibus ipse primatum tenens

[19] quia in ipso conplacuit omnem plenitudinem habitare

[20] et per eum reconciliare omnia in ipsum pacificans per sanguinem crucis eius sive quae in terris sive quae in caelis sunt

[21] et vos cum essetis aliquando alienati et inimici sensu in operibus malis

[22] nunc autem reconciliavit in corpore carnis eius per mortem exhibere vos sanctos et inmaculatos et inreprehensibiles coram ipso

[23] si tamen permanetis in fide fundati et stabiles et inmobiles ab spe evangelii quod audistis quod praedicatum est in universa creatura quae sub caelo est cuius factus sum ego Paulus minister

1, 18 Et il est aussi la tête du Corps, c'est-à-dire l'Eglise : Il est le Principe, Premier-né d'entre les morts (il fallait qu'il obtînt en tout la primauté),

1, 19 car Dieu s'est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude

1, 20 et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix.

1, 21 Vous-mêmes, qui étiez devenus jadis des étrangers et des ennemis, par vos pensées et par vos oeuvres mauvaises,

1, 22 voici qu'à présent Il vous a réconciliés dans son corps de chair, le livrant à la mort, pour vous faire paraître devant Lui saints, sans tache et sans reproche.

1, 23 Il faut seulement que vous persévériez dans la foi, affermis sur des bases solides, sans vous laisser détourner de l'espérance promise par l'Evangile que vous avez entendu, qui a été prêché à toute créature sous le ciel, et dont moi, Paul, je suis devenu le ministre.

[87850] Super Col., cap. 1 l. 5 Postquam apostolus commendavit Christum per comparationem ad Deum et ad totam creaturam, hic commendat ipsum in comparatione ad Ecclesiam. Et primo generaliter; secundo specialiter quantum ad Colossenses, ibi et vos cum essetis; tertio quantum ad suam personam singulariter, ibi cuius factus sum. Circa primum duo facit, quia primo proponit habitudinem Christi ad totam Ecclesiam; secundo exponit, ibi qui est principium.

Dicit ergo: iste, in quo habemus redemptionem, Christus, est primogenitus creaturae, sed secundum quod huiusmodi factus est caput Ecclesiae. Duo occurrunt hic exponenda. Et primo quomodo corpus sit Ecclesia, et secundo quomodo Christus est caput.

Ecclesia dicitur corpus ad similitudinem unius hominis, et hoc dupliciter, scilicet et quantum ad distinctionem membrorum, Eph. c. IV, 11: dedit quosdam quidem apostolos, quosdam autem prophetas, etc., et quantum ad servitia, quae licet sint distincta, tamen unum servit alteri, I Cor. XII, 25: pro invicem sollicita sint membra; Gal. VI, 2: alter alterius onera portate, et cetera. Item, sicut constituitur unum corpus ex unitate animae, ita Ecclesia ex unitate spiritus. Eph. IV, 4: unum corpus et unus spiritus. I Cor. X, 17: unus panis et unum corpus multi sumus, et cetera.

Item est alia consideratio membrorum ad caput Ecclesiae, scilicet ad Christum. Ipse enim Christus est caput Ecclesiae. Ps. III, 3: tu exaltas caput meum, et cetera. Et exponit quid est esse caput, dicens qui est principium, et cetera. Caput enim respectu aliorum membrorum habet tria privilegia. Primo, quia distinguitur ab aliis ordine dignitatis, quia est principium et praesidens; secundo in plenitudine sensuum, qui sunt omnes in capite; tertio in quodam influxu sensus et motus ad membra. Et ideo primo ostendit quomodo Christus est caput ratione dignitatis; secundo ratione plenitudinis gratiarum, ibi quia in ipso complacuit; item tertio ratione influentiae, ibi et per eum.

Ecclesia quidem habet duplicem statum, scilicet gratiae in praesenti et gloriae in futuro, et est eadem Ecclesia, et Christus est caput secundum utrumque statum: quia primus in gratia, et primus in gloria.

Quantum ad primum dicit qui est principium, quia non solum est in gratia secundum quod homo, sed etiam omnes sunt iustificati per fidem Christi. Rom. V, 19: per obedientiam unius hominis iusti constituuntur multi. Et ideo dicit qui est principium, scilicet iustificationis et gratiae in tota Ecclesia, quia etiam in veteri testamento sunt aliqui iustificati per fidem Christi. Io. VIII, 25: ego principium qui loquor, et cetera. Ps. CIX, 4: tecum principium, et cetera.

Item est principium quantum ad statum gloriae. Ideo dicit primogenitus ex mortuis. Quia enim resurrectio mortuorum est quasi quaedam secunda generatio, quia homo in ea ad vitam aeternam reparatur, Matth. XIX, v. 28: in regeneratione, cum sederit filius hominis, etc., et prae omnibus primus est Christus: ideo est primogenitus ex mortuis, id est eorum qui sunt geniti per resurrectionem. Sed contra de Lazaro Io. XI. Respondeo. Dicitur quod iste et alii non resurrexerunt ad illam vitam immortalem, sed ad mortalem; sed Christus resurgens ex mortuis iam non moritur, ut dicitur Rom. VI, 9. Apoc. I, 5: primogenitus mortuorum, et cetera. I Cor. XV, 20: nunc autem Christus resurrexit a mortuis primitiae dormientium. Et hoc, ut in omnibus sit ipse principatum tenens, quantum ad dona gratiae, quia ipse est principium; quantum ad dona gloriae, quia ipse est primogenitus. Eccli. XXIV, 9: in omni gente et in omni populo primatum habui, et cetera.

Deinde cum dicit quia in ipso, etc., ostendit dignitatem capitis quantum ad plenitudinem gratiarum omnium.

Alii enim sancti habuerunt divisiones gratiarum, sed Christus habuit omnes. Ideo dicit quia in ipso, et cetera. Singula verba pondus suum habent. Complacuit, designat quod dona hominis Christi non erant ex fato seu meritis, ut dicit Photinus, sed ex divinae voluntatis complacentia assumentis hunc hominem in unitatem personae. Matth. III, 17: hic est filius meus, et cetera. Item dicit omnem, quia alii habent hoc donum, alii aliud. Io. XIII, 3: omnia dedit in manus eius. Item dicit plenitudinem, quia aliquis aliquod habuit donum, sed non plenitudinem eius, seu virtutis, quia forte invitus in aliquo defecit. Sed Io. I, 14 dicitur de Christo: vidimus eum plenum gratiae et veritatis. Eccli. c. XXIV, 16: in plenitudine sanctorum detentio mea.

Item dicit habitare. Alii enim acceperunt usum gratiae ad tempus, quia spiritus prophetarum non semper adest prophetis, sed in Christo est habitualiter, quia semper ad votum in Christo est dominium huius plenitudinis. Io. I, 33: super quem videris spiritum descendentem, et in eo manentem, et cetera.

Deinde cum dicit et per eum, etc., ostendit Christum esse caput Ecclesiae ratione influxus. Et haec est tertia ratio capitis. Et primo ostendit influxum gratiae; secundo exponit quod dixerat, ibi pacificans.

Dicit ergo primo: dico quod complacuit non solum quantum ad hoc quod haberet in se, sed etiam ut per eum ad nos derivaret. Unde dicit et per eum reconciliare omnia in ipsum. II Cor. V, 19: Deus erat in Christo mundum reconcilians sibi. Exponit autem qualis sit ista reconciliatio, et quomodo omnia reconciliata. In reconciliatione autem sunt duo consideranda: primo in quo conveniunt qui reconciliantur. Discordes enim diversas habent voluntates. Reconciliati autem consentiunt in aliquo uno. Et sic voluntates prius discordes concordant in Christo. Et huiusmodi voluntates sunt et hominum, et Dei, et Angelorum. Hominum, quia Christus homo est; Dei, quia Deus est. Item discordia erat inter Iudaeos qui volebant legem, et gentiles qui non volebant legem; sed utrosque Christus concordat, quia ex Iudaeis est, et quia absolvit observantias legis. Et haec concordia est facta per sanguinem, et cetera.

Inter Deum enim et hominem causa discordiae fuit peccatum; inter Iudaeos et gentiles lex. Christus per crucem destruxit peccatum, et implevit legem. Et ita removit causam discordiae. Hebr. XII, 22: accessistis ad Sion montem, et civitatem Dei viventis Ierusalem, et cetera. Et sic reconciliati sumus. Et ita sunt pacata, sive quae in caelis, ut Angeli et Deus, sive quae in terris, scilicet Iudaei et gentiles. Ideo Christo nato dicitur Lc. II, v. 14: gloria in altissimis Deo, et in terra pax hominibus, et cetera.

Item in resurrectione dixit: pax vobis, etc., ut habetur Io. XX, 20. Eph. c. II, 14: ipse enim est pax nostra, qui fecit utraque unum, et cetera. Deinde cum dicit et vos, etc., ponitur commendatio Christi per dona eis collata. Ubi primo commemorat statum praeteritum; secundo Christi beneficium, ibi nunc autem, etc.; tertio quid exigatur ab eis, ibi si tamen, et cetera. Status enim praeteritus habuit tria mala. Quantum enim ad intellectum erant ignorantes; quantum ad effectum, inimici iustitiae; quantum ad actum, in multis peccatis. Quantum ad primum dicit alienati, et cetera. Quantum ad secundum et inimici sensus, secundum unam litteram; et ostendit defectum sapientiae quam praedicabant Iudaei de uno Deo. Io. III, 19: dilexerunt magis tenebras quam lucem. Sed numquid tenebantur ad legem Moysi? Dicendum est quod sic, quantum ad cultum unius Dei. Vel alienati sensu, id est ex electione contradicentes ei ex malitia. Iob XXXIV, 27: qui quasi de industria recesserunt ab eo. Quantum ad tertium dicit in operibus malis. Io. III, 19: erant enim eorum opera mala, et cetera. Deinde cum dicit nunc autem, ponit beneficia Christi. Et primum est reconciliatio in corpore eius. Et dicit in corpore carnis, non quod aliud sit corpus, et aliud caro; sed ad ostendendum quod accepit corpus in esse naturae. Io. I, 14: et verbum caro factum est, et cetera. Et idem corpus carnis, id est, mortale. Rom. VIII, 3: Deus filium suum mittens in similitudinem peccati, et cetera.

Secundum est sanctificatio. Unde dicit ut exhiberet vos sanctos. Hebr. XIII, 12: Iesus ut sanctificaret populum, et cetera. Tertium est ablutio a peccatis, ibi et immaculatos. Hebr. IX, 14: sanguis Christi per spiritum sanctum semetipsum obtulit Deo, emundabit conscientiam nostram, et cetera. Item quantum ad futura, ibi et irreprehensibiles. II Petr. III, 14: satagite immaculati et inviolati ei inveniri in pace, et cetera. Et addit coram ipso. I Reg. XVI, 7: homo videt quae foris patent, dominus autem intuetur cor.

Exigit a nobis firmitatem fidei et spei; ideo subiungit, dicens si tamen permanetis in fide fundati. Fides est sicut fundamentum, ex cuius firmitate tota firmatur Ecclesiae structura. Item et stabiles in spe non moti a seipsis, et immobiles, quasi non excidentes a spe per alios. A spe, inquam, Evangelii, id est quam dat Evangelium de bonis regni caelorum. Matth. IV, 17: poenitentiam agite, appropinquabit enim regnum caelorum. Nec est excusatio, quia est praedicatum, videlicet per apostolos. Utitur praeterito pro futuro, propter certitudinem eius. In universa creatura, quae sub, etc., id est omni creaturae novae, id est fidelibus, quibus paratum erat.

Le Christ, tête de l’Église

Après avoir présenté le Christ par comparaison avec Dieu et avec toutes les créatures, l’Apôtre le présente ici par comparaison avec l’Église. D’abord d’une manière générale, ensuite d’une manière qui concerne plus spécialement les Colossiens : Vous-mêmes qui étiez devenus, etc... ; en troisième lieu, il le présente par rapport à sa propre personne : car je suis devenu… Sur le premier point, il présente d’abord le statut du Christ par rapport à toute l’Église, ensuite il l’explique : il est le principe.

Il dit donc : Celui par qui nous sommes rachetés, le Christ, est le premier-né de toutes créatures, mais cela relativement au fait qu’il est devenu la tête de l’Église. Ici il faut expliquer deux choses pour comprendre qu’il est la tête de l’Eglise.

D'abord, comment l’Église est-elle est un corps ? Deuxièmement, comment le Christ en est-il la tête ?

On dit que l’Église est un corps à cause d’ une double ressemblance avec le corps de l’homme : comme lui, elle a des membres distincts : "Il a fait les uns apôtres, d’autres prophètes, etc..." (Ephésiens, IV, 11) , et ces membres se servent l’un l’autre, car bien que distincts, se servent l’un l’autre. "de manière que... les membres aient également soin les un des autres" (1 Corinthiens XII, 25) ; "Portez les fardeaux les uns des autres" (Gal. VI, 2). Ensuite, de même que le corps est un parce qu’il est constitué d’ une âme unique, de même l’Église par un même Esprit. "Il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit" (Ephésiens, IV, 4). Et dans la première aux Corinthiens, X, 17 : "Puisqu’il y a un seul pain, nous formons un seul corps, tout en étant plusieurs, etc...".

Au sujet des membres, il y a une autre considération à faire concernant la tête de l’Église, c'est-à-dire le Christ. Car c’est le Christ lui-même qui est la tête de l’Église : "Tu m’as fait remonter, etc... " (Ps. IX, 15) ( ?). Saint Paul explique ainsi comment le Christ est la tête de l’Eglise : il est le principe, etc... La tête a sur les autres membres trois privilèges : elle se distingue des autres dans l’ordre de la dignité, parce qu’elle est le principe, et qu’elle préside; en plénitude de vie, parce qu’elle réunit en elle tous les sens; en influence, parce qu’elle communique aux membres sensation et mouvement. Autant de motifs de dire que le Christ est la tête de l’Église : à cause de sa dignité, à cause de la plénitude de sa grâce : Dieu s’est plu à faire cohabiter en lui ; et de son influence : et par lui…

La primauté du Christ

L’Église vit en deux états : celui de la grâce dans le temps présent celui de la gloire dans l’éternité. Toutefois c’est une seule Église dont le Christ est le chef, selon ces deux états, parce qu'il est le premier en grâce et en gloire.

Le premier en grâce: Lui, il est le principe, dit saint Paul, car non seulement il possède la grâce en tant qu’homme, mais c’est par la foi en lui que nous sommes tous justifiés : "par l’obéissance d’un seul tous sont constitués justes" (Romains V, 19). C’est pourquoi Lui, il est le principe de la justification et de la grâce pour l’Église, car même dans l’Ancien Testament c’est par la foi du Christ qu’il y a eu quelques justes. "Moi qui vous parle, je suis le principe, etc... " (Jean, VIII, 25) ; "A toi le principat, etc... " (Ps.CIX, 3).

Le premier en gloire : il est le premier-né d’entre les morts. La résurrection des morts est comme une seconde génération puisque l’homme y est restauré pour la vie éternelle : "Au jour de la régénération, le Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire." (Matthieu, XI. 28). Le Christ étant le premier entre tous, il est le premier-né entre les morts, c’est-à-dire de ceux qui sont engendrés par la résurrection. - Mais Lazare ? (Jean XI) dira-t-on. - Lazare et d'autres furent ressuscités, non pour la vie immortelle, mais pour reprendre la vie mortelle, tandis que "Le Christ, ressuscité d’entre les morts ne meurt plus." (Rom. VI, 9). "le premier-né d’entre les morts" (Apoc I, 5); "Maintenant le Christ est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis" (I Corinthiens XV, 20). Et cela, pour qu’il ait la primauté en tout, dans l’ordre de la grâce et de la gloire, puisqu’il est le Premier-né. "J’ai obtenu la primauté sur toute race et sur tout peuple, etc..." (Ecclésistique, XXIV, 9).

La grâce du Christ

Ensuite, quand Paul dit : en lui, etc... il montre la dignité de la tête parce qu’elle est la plénitude de toutes les grâces.

D’autres saints ont reçu partiellement la grâce : le Christ l'a eue sans réserve : car en lui, etc... Chaque parole, ici, a du poids. Il a plu à Dieu : c’est dire que les dons du Christ homme ne lui sont point venus du destin ou de ses mérites, comme le prétendait Photin, mais du bon plaisir de Dieu élevant cet homme dans l’unité d’une Personne : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, etc..." (Matth., III, 17).

Toute sa plénitude, ajoute l’Apôtre : Ceux-ci reçoivent tel don, ceux-là tel autre. Pour le Christ, dit saint Jean (XIII, 3), "son Père a tout remis entre ses mains". De même, il dit la plénitude : certains reçoivent un don, mais n’en reçoivent pas la plénitude, ils n’ont pas toute la vertu, car peut-être malgré eux défaillent-ils sur quelque point. Mais le Christ, dit encore saint Jean (I, 14), "nous l’avons vu tout plein de grâce et de vérité". "Je détiens la plénitude des saints" (Ecclésiastique, XXIV, 16)

Habitât en lui. D’autres ont reçu l’usage de la grâce pour un temps; les prophètes, par exemple, n'ont pas sans cesse l’esprit de prophétie ; tandis que dans le Christ la plénitude de la grâce est à demeure et il en use à son gré, en maître : "Sur lui, tu verras l’Esprit descendre et demeurer, etc...." (Jean, I, 33).

L’influence du Christ

Ensuite, en disant et par lui, etc... , Paul montre que le Christ est la tête de l’Église en raison de son influence. C’est la troisième raison. Il montre d’abord l’influence de la grâce, il explique ensuite ses propos : en faisant la paix.

Saint Paul dit donc d’abord : Il a plu à Dieu que la plénitude de la grâce habitât dans le Christ, non seulement pour qu’il la possédât, mais aussi pour qu’il la fît dériver sur nous : réconcilier par lui toutes choses avec lui-même. "Dieu réconciliait le monde avec lui-même dans le Christ" (II Cor. V, 19). Ici il explique cette réconciliation et comment se réconcilient toutes choses. Or, dans « réconciliation », il faut considérer deux choses : la première, c’est ce sur quoi s’accordent ceux qui se réconcilient. En effet, être en désaccord, c’est avoir des volontés opposées; se réconcilier, c’est s’entendre sur quelque un point. Or précisément les volontés auparavant en désaccord se sont mises en accord dans le Christ, et les volontés de ce genre sont celles des hommes, de Dieu et des anges : des hommes, car le Christ est homme; de Dieu, car il est Dieu. Il y avait désaccord entre les Juifs qui voulaient la Loi et les Gentils qui n’en voulaient pas, et le Christ les met en accord, car d’une part il est juif et de l’autre il délivre des observances légales.

Cette réconciliation s’est faite par le sang de la croix, etc... Entre Dieu et l’homme, la cause de discorde était le péché; entre les Juifs et les Gentils, la Loi ; par sa croix, le Christ détruit le péché et accomplit la loi, écartant la cause du désaccord : "Vous avez pu vous approcher de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant qui est la Jérusalem céleste, etc..." (Hébreux XIII, 22). C’est ainsi que nous avons été réconciliés, et c’est ainsi que les choses ont été pacifiées, soit celles qui sont dans le ciel, comme entre les Anges et Dieu, soit celles qui sont sur la terre, comme entre les Juifs et les Gentils. Aussi à la naissance du Christ, on entend ce cantique; "Gloire à Dieu dans le ciel, sur la terre paix aux hommes, etc..." (Luc, II, 14).

Les bienfaits du Christ

Après sa résurrection, Jésus dit : "La paix soit avec vous" (Jean XX, 20) ; "C’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un" (Eph.II, 14). Ensuite, quand Paul dit : Vous-mêmes, etc... , il signale la bonté du Christ à travers les bienfaits qui leur ont été prodigués : il rappelle d’abord leur état antérieur, en second lieu les bienfaits accordés par le Christ : Voici qu’à présent, etc... ; troisièmement, ce qui est exigé d’eux : si du moins, etc...

Ainsi donc trois désordres caractérisaient l’état passé des Colossiens : dans l’esprit, l’ignorance ; la haine de la justice dans le cœur et dans leur activité beaucoup de péchés. Sur le premier point, Paul dit : étrangers, etc... ; sur le second : ennemis par vos pensées, etc... (selon l’une des versions), et il montre le manque de sagesse de la doctrine des Juifs concernant le Dieu unique ; "ils ont préféré les ténèbres à la lumière" (Jean III, 19). Mais étaient-ils tenus, demandera-t-on, par la loi de Moïse ? Il faut répondre que oui, pour ce qui regarde le culte du Dieu unique ; ou bien : étrangers par vos pensées [(autre version)], c'est-à-dire s’opposant délibérément à lui par malice : "ils se sont volontairement écartés de lui". Sur le troisième point : par leurs œuvres mauvaises. "Parce que leurs œuvres étaient mauvaises, etc..." (Jean III, 19). En disant : mais voici qu’à présent, il présente les bienfaits du Christ. Le premier consiste à vous avoir réconciliés dans son corps. Et l’Apôtre dit dans son corps de chair, non pas que le corps et la chair soient deux choses différentes[1], mais pour montrer qu’il a pris un corps dans son être profond. "Et le Verbe s’est fait chair, etc..." (Jean I, 14), car « corps de chair », c’est la même chose que « corps mortel ». "En envoyant son propre fils dans une chair semblable à celle du péché, etc....."

Le second bienfait est la sanctification : pour vous faire paraître saints. "[Jésus a souffert] pour sanctifier le peuple par son sang" (Heb., XIII, 12). Puis la purification des péchés : sans tache. "Le sang du Christ qui, par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera notre conscience, etc..." (Hébreux IX, 14). Et même la préservation pour l’avenir : sans reproche, dit l’Apôtre. "Faites tous vos efforts afin qu’il vous trouve sans tache et irréprochables dans la paix" (II Pierre, III, 14). Mais l’Apôtre ajoute : devant lui, car "l’homme ne voit les choses que par le dehors, tandis que le Seigneur regarde le cœur" (I Rois, XVI, 7).

[Pour obtenir ces bienfaits], l’Apôtre exige de tous la fermeté de la foi et de l’espérance, car la foi est comme le fondement dont la solidité maintient tout l’édifice de l’Église : Si du moins vous demeurez fondés dans la foi, et inébranlables, ne chancelant point dans l’espérance à la suggestion des autres; oui, inébranlables dans l’espérance que vous donne l’Évangile d’obtenir les biens du royaume des cieux : "Faites pénitence, car le Royaume des cieux est proche" (Matth., IV, 17). Il n’y a point d’excuse, car cet Évangile a été prêché par les apôtres ; saint Paul se sert du passé pour le futur à cause de la certitude, qu’il a, [que l’Évangile sera prêché] à toutes les créatures qui sont sous le ciel, etc... c'est-à-dire à toute créature nouvelle, à savoir aux fidèles pour lesquels il était préparé.

 

 

 

Lectio 6

Leçon 6 — Colossiens 1, 24-29 : Souffrances pour le corps du Christ

[24] qui nunc gaudeo in passionibus pro vobis et adimpleo ea quae desunt passionum Christi in carne mea pro corpore eius quod est ecclesia

[25] cuius factus sum ego minister secundum dispensationem Dei quae data est mihi in vos ut impleam verbum Dei

[26] mysterium quod absconditum fuit a saeculis et generationibus nunc autem manifestatum est sanctis eius

[27] quibus voluit Deus notas facere divitias gloriae sacramenti huius in gentibus quod est Christus in vobis spes gloriae

[28] quem nos adnuntiamus corripientes omnem hominem et docentes omnem hominem in omni sapientia ut exhibeamus omnem hominem perfectum in Christo Iesu

[29] in quo et laboro certando secundum operationem eius quam operatur in me in virtute

1, 24 En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Eglise.

1, 25 Car je suis devenu ministre de l'Eglise, en vertu de la charge que Dieu m'a confiée, de réaliser chez vous l'avènement de la Parole de Dieu,

1, 26 ce mystère resté caché depuis les siècles et les générations et qui maintenant vient d'être manifesté à ses saints:

1, 27 Dieu a bien voulu leur faire connaître de quelle gloire est riche ce mystère chez les païens : c'est le Christ parmi vous ! L’espérance de la gloire !

1, 28 Ce Christ, nous l'annonçons, avertissant tout homme et instruisant tout homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait dans le Christ.

1, 29 Et c'est bien pour cette cause que je me fatigue à lutter, avec son énergie qui agit en moi avec puissance.

[87851] Super Col., cap. 1 l. 6 Postquam commendavit Christum in comparatione ad Deum et ad universam creaturam, ad totam Ecclesiam et ad ipsos Colossenses, hic commendat eum in comparatione ad seipsum, ostendens se eius ministrum. Et primo ponit ministerium; secundo ostendit fidelitatem ministrando, ibi qui nunc gaudeo; tertio ministerii magnitudinem, ibi cuius factus sum.

Dicit ergo: dico quod praedicatum est in universa creatura, cuius, Evangelii, factus sum minister, praedicandi, non mea auctoritate, sed praedicationi ministerium exhibens. I Cor. IV, 1: sic nos existimet homo ut ministros Christi et dispensatores, et cetera. Sed est minister fidelis, quod patet, quia non refugit pati pericula quin diligenter exequatur. Unde primo ostendit quo affectu sustinet passiones; secundo quo fructu, ibi adimpleo, et cetera. Affectu quidem laeto, quia nunc gaudeo, etc., pro vobis, id est, propter vestram utilitatem. II Cor. I, 6: sive tribulamur pro vestra exhortatione et salute, et cetera. Et propter gaudium vitae aeternae quod inde expecto, quod est fructus ministerii eius. Iac. I, 2: omne gaudium existimate, fratres mei, cum in tentationes varias incideritis, scientes, et cetera. Phil. II, 17: si immolor super sacrificium fidei vestrae, gaudeo et congratulor, et cetera.

Et etiam hoc fructu, ut adimpleam ea, quae desunt passionum Christi, et cetera. Haec verba, secundum superficiem, malum possent habere intellectum, scilicet quod Christi passio non esset sufficiens ad redemptionem, sed additae sunt ad complendum passiones sanctorum. Sed hoc est haereticum, quia sanguis Christi est sufficiens ad redemptionem, etiam multorum mundorum. I Io. c. II, 2: ipse est propitiatio pro peccatis nostris, et cetera. Sed intelligendum est, quod Christus et Ecclesia est una persona mystica, cuius caput est Christus, corpus omnes iusti: quilibet autem iustus est quasi membrum huius capitis, I Cor. XII, 27: et membra de membro.

Deus autem ordinavit in sua praedestinatione quantum meritorum debet esse per totam Ecclesiam, tam in capite quam in membris, sicut et praedestinavit numerum electorum. Et inter haec merita praecipue sunt passiones sanctorum. Sed Christi, scilicet capitis, merita sunt infinita, quilibet vero sanctus exhibet aliqua merita secundum mensuram suam. Et ideo dicit adimpleo ea quae desunt passionum Christi, id est totius Ecclesiae, cuius caput est Christus. Adimpleo, id est, addo mensuram meam. Et hoc in carne, id est ego ipse patiens. Vel quae passiones desunt in carne mea. Hoc enim deerat, quod sicut Christus passus erat in corpore suo, ita pateretur in Paulo membro suo, et similiter in aliis. Et pro corpore, quod est Ecclesia, quae erat redimenda per Christum. Eph. V, 27: ut exhiberet ipse sibi Ecclesiam gloriosam, non habentem maculam neque rugam. Sic etiam omnes sancti patiuntur propter Ecclesiam, quae ex eorum exemplo roboratur. Glossa: passiones adhuc desunt, eo quod paritoria meritorum Ecclesiae non est plena, nec adimplebitur, nisi cum saeculum fuerit finitum. Paritoria autem est vas, vel domus, ubi pariter multa inferuntur.

Deinde cum dicit cuius sum, etc., ostendit dignitatem ministerii tripliciter. Primo ex materia adoptionis; secundo ex fine ad quem dicitur, ibi ut impleamini, etc.; tertio ex usu, ibi quoniam vos, cum, et cetera.

Sed diceret aliquis: estne magnum hoc ministerium? Et respondet dicens: ita est, quia traditum est mihi secundum dispensationem. Quod dupliciter potest exponi, scilicet active; et sic est sensus: id est, ut dispensem vobis divina, fideliter tradens ea, et haec potestas data est mihi. Vel passive, et tunc est sensus: id est, secundum quod mihi dispensatum est a Deo. Eph. IV, 11: dedit quosdam quidem apostolos, quosdam prophetas, et cetera. Act. XIII, 2: segregate mihi Barnabam et Paulum in opus ad quod assumpsi eos, et cetera.

Ecce quis est finis, certe non pecunia, nec gloria propria, sed aliquod magnum, ad quod accepi, quia ut impleam, et cetera. Et primo ostendit dignitatem eius ad quod accepit; secundo ostendit quod est illud quod est Christus. Item primo commendat magnitudinem eius ex diffusa praedicatione et occultatione et manifestatione. Accipitur autem ad conversionem gentilium. Unde ut adimpleam verbum non praedicationis, sed dispensationem aeternam Dei, id est ut mea praedicatione impletum ostendam verbum Dei, id est, Dei dispensationem, et praeordinationem et promissionem de verbo Dei incarnando; vel dispensationem Dei aeternam, qua disposuit ut gentes per Christum converterentur ad fidem veri Dei.

Et hoc oportebat impleri. Num. XXIII, 19: dixit ergo, et non faciet, locutus est, et non implebit? Is. LV, 11: verbum quod egredietur de ore meo non revertetur ad me vacuum, sed faciet quaecumque volui, et prosperabitur, et cetera. Sed hoc disposuit impleri per ministerium Pauli. Unde dicit ut impleam hoc mysterium, scilicet inquantum est res abscondita; quia mysterium quod est absconditum est hoc verbum. Is. XXIV, 16: secretum meum mihi est, et cetera. Quod absconditum fuit a saeculis, id est, a principio saeculorum, et omnibus generationibus hominum, qui hoc scire non potuerunt. Eph. III, 9: quae sit dispensatio sacramenti absconditi a saeculis in Deo.

Nam et si philosophi antiqui quaedam de Christi deitate videantur dixisse vel propria, vel appropriata, sicut Augustinus invenit in libris Platonis: in principio erat verbum, etc., tamen quod verbum caro factum est, nullus scire potuit. Sed dicis: nonne fuit scitum per prophetas? Respondeo. Dicendum est quod sic, tamen inquantum pertinebat ad Evangelium, vel non ita aperte sicut apostoli sciverunt.

Deinde cum dicit nunc autem, etc., agit de manifestatione eius, et primo ostendit quibus manifestatum est; secundo ostendit quare manifestatum est eis, ibi quibus voluit. Dicit ergo: manifestatum est nunc, scilicet tempore gratiae. II Cor. VI, 2 : ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis. Haec autem est scientia sanctorum. Sap. X, 10: dedit illi scientiam sanctorum, et cetera. Iob XXXVI, 33: annuntiat de ea amico suo, et cetera.

Sed hoc non propter eorum merita, sed propter beneplacitum suum. Unde dicit quibus voluit Deus, et cetera. Io. XV, 15: quae audivi a patre meo, nota feci vobis. Et subdit: non vos me elegistis, sed ego elegi vos, et cetera. Matth. XI, 26: ita placitum fuit ante te.

Notas facere divitias gloriae sacramenti huius, quia per hoc quod ista fuerunt occulta, Deus apparet abundanter gloriosus. Nam olim notus in Iudaea Deus, sed per hoc sacramentum conversionis gentilium gloria Dei notificatur per totum mundum. Io. XVII, 4: ego te clarificavi, et cetera. Et hoc in gentibus, scilicet quod completur in eis. Rom. V, 2: gloriamur in spe gloriae filiorum Dei. Et Rom. XI, 33: o altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei.

Hoc verbum est quod est Christus, id est, quod per Christum adipiscimur, scilicet spem gloriae, quae olim videbatur promissa solum Iudaeis. Act. X, 45: mirabantur quod et in nationes diffusa est gratia, et cetera. Rom. V, 1: iustificati ex fide pacem habeamus, et cetera. Et post: et gloriamur in spe gloriae filiorum Dei, et cetera. Is. XI, 10: radix Iesse qui stat in signum populorum, et cetera.

Sic ergo ostenditur origo ministerii et finis. Sed subdit usum eius, cum dicit quem nos, et cetera. Et circa hoc tria facit, quia primo ostendit usum eius; secundo fructum, ibi ut exhibeamus, tertio auxilium sibi impensum ad consequendum etc.; usum, ibi in quo et laboro. Usus eius est nuntiare Christum. Et ponit usum et modum utendi. Ps. IX, 11: annuntiate inter gentes studia eius, et cetera. I Io. I, 1: quod vidimus et audivimus, annuntiamus vobis, et cetera. Modus ponitur ibi corripientes, etc., quod est perfecta Annuntiatio, quia omni homini, non solum Iudaeis. Matth. ult.: docete omnes gentes, et cetera.

Modus etiam eius est docere veritatem, et refellere falsitatem. Et ideo dicit corripientes omnem hominem, vel infideles in vita II Cor. X, 4: arma militiae nostrae non sunt carnalia, sed potentia Deo ad destructionem munitionum, consilia destruentes, et cetera. Et docentes omnem hominem in omni sapientia, scilicet quae est cognitio Dei. Sap. XV, 3: nosse enim te, consummata iustitia est, et scire iustitiam et veritatem tuam radix est immortalitatis, et cetera. Et I Cor. II, 6: sapientiam loquimur, et cetera. Fructus autem hic est quod homines ducuntur ad perfectum. Unde dicit ut exhibeamus omnem hominem, scilicet cuiuscumque conditionis, perfectum, non in lege, sed in Christo. Matth. V, 48: estote perfecti, et cetera.

Sed numquid quilibet tenetur ad perfectionem? Non, sed intentio praedicatoris ad hoc debet esse. Est autem duplex perfectio charitatis: una de necessitate praecepti, scilicet ut in corde nihil admittat contrarium Deo. Matth. XXII, 37: diliges dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et cetera. Alia de necessitate consilii, ut abstineat etiam a licitis, et haec est perfectio supererogationis. Sed ad hoc habuit auxilium a Deo. Unde dicit in quo laboro certando contra infideles et peccatores. II Tim. II, 3: labora sicut bonus miles Christi, et cetera. Item eiusdem IV, 7: bonum certamen certavi, et cetera. Et hoc secundum operationem eius. I Cor. c. XV, 10: gratia Dei mecum. Quam operatur in me, quia hoc facit Deus in me, in virtute miraculorum, scilicet praebendo virtutem. Lc. ult.: sedete in civitate donec induamini virtute ex alto.

Après avoir parlé du Christ par comparaison avec Dieu, par comparaison avec toute créature, avec l’Église entière et par comparaison avec les Colossiens, ici il le présente par comparaison avec lui-même, en montrant qu’il est son ministre. Il définit d’abord ce ministère, puis il affirme la fidélité dont il y a fait preuve : je trouve ma joie ; enfin la grandeur de ce ministère : je suis devenu.

Cet Évangile prêché à toute créature, moi, Paul, j’en ai été fait ministre; je ne prêche point de ma propre autorité, mais j’ai reçu le ministère de la prédication... "Ainsi qu’on nous regarde comme des ministres du Christ et des dispensateurs, etc..." (I Corinthiens IV, 1). Paul est un serviteur fidèle, ce qui va de soi. Il n’hésite pas à subir des périls pour exercer ce ministère avec courage. Ainsi donc, Paul montre de quel coeur il supporte les tribulations ; ensuite avec quel fruit : j’endure, etc... D’un cœur joyeux, puisque je trouve ma joie, etc... pour vous, c'est-à-dire dans votre intérêt. "Si nous sommes affligés, c’est pour votre consolation et pour votre salut, etc..." (II Corinthiens 1, 6). C’est aussi à cause de la joie de la vie éternelle que j’en attends, fruit de mon ministère. "Ne voyez qu’un sujet de joie, mes frères, dans l’épreuve de toute sorte qui tombera sur vous; sachez, etc.. " (Jacques I, 2). "Dût mon sang servir de libation dans le sacrifice et dans le service de votre foi, je m’en réjouis et vous en félicite, etc..." (Philippiens II, 17).

Un autre fruit [de ces labeurs] est que ce qui manque aux souffrances du Christ, je l’achève, etc... Ces paroles, entendues superficiellement, pourraient recevoir cette mauvaise compréhension que la Passion du Christ ne suffirait pas pour la rédemption et qu’il a fallu la compléter par les souffrances des saints. Ce serait hérétique : le sang du Christ suffit au rachat même d’un grand nombre de mondes. "Il est lui-même une victime de propitiation pour nos péchés, etc..." (I Jean, X 2). Au contraire, il faut comprendre : le Christ, et l’Eglise forment une seule personne mystique, dont la tête est le Christ, et le corps tous les justes. Chacun des justes est comme un membre pour cette tête. "[Vous êtes le corps du Christ] et vous êtes ses membres, chacun pour sa part" (I Corinthiens XII, 27). Dieu donc a déterminé, dans son décret de prédestination, la somme de mérites que doit acquérir l’Eglise entière, tant dans ses chefs que dans ses membres; de même qu’il a prédestiné le nombre des élus. Les souffrances des saints sont parmi les principaux de ces mérites. Mais les mérites de la tête, le Christ, sont infinis; les saints apportent quelques mérites, chacun selon sa mesure. Ainsi s’expliquent les paroles de l’Apôtre : ce qui manque à la Passion du Christ, c’est-à-dire de l’Eglise entière dont le Christ est la tête, je l’achève, j’ajoute ma mesure ; et cela dans ma chair, en souffrant moi-même, ou encore en passant par les souffrances qui manquent à ma chair. Il manquait au Christ, comme il avait souffert en tant que Christ, dans son propre corps, de souffrir en Paul, l’un de ses membres, et de même en tous les autres. Je l’achève pour son corps, l’Église, qui devait être rachetée par le Christ. "… pour la faire paraître devant lui, cette Eglise, glorieuse, sans tache, sans ride" (Ephésiens V, 27). Tous les saints souffrent ainsi pour l’Eglise qui reçoit de leur témoignage une nouvelle force. La Glose fait ce commentaire : il manque des souffrances parce que le trésor de l’Église n’est pas encore plein; il ne le sera qu’à la fin des temps. Ce trésor, c’est comme un vase ou une maison où l’on accumule les richesses.

 

La mission de Paul

Ensuite, quand saint Paul dit : J’en ai été fait ministre, etc... il explique la dignité de ce ministère de trois façons. D’abord par la matière de l’adoption, deuxièmement par la fin vers laquelle elle tend : de réaliser, etc... , troisièmement par l’usage : car vous-mêmes, etc... . - Mais, demandera t-on, s’agit-il d’un ministère important ? - Oui, répond l’Apôtre, car il m’a été conféré en vue de la charge [que Dieu m’a donnée] auprès de vous. Ce qui peut s’expliquer de deux façons : soit d’une manière active ; le sens est alors : afin que je vous dispense les mystères divins, les rapportant fidèlement : c’est ce pouvoir qui m’a été donné ; soit d’une manière passive ; le sens est alors : en fonction de ce qui m’a été conféré par Dieu. "Il a fait les uns apôtres, d’autres prophètes, etc... " (Eph. IV, 11) ; "Mettez-moi à part Barnabé et Paul pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés, etc... ". [J’exerce ce ministère] non pas, certes, pour que je cherche de l’argent ou une gloire personnelle, mais quelque chose de grand. J’ai reçu ce ministère afin d’annoncer pleinement, etc... Paul montre d’abord la dignité du ministère qu’il a reçu, ensuite il explique ce mystère : ce qu’est le Christ parmi vous. Il met donc d’abord en évidence la grandeur de ce ministère effectué par la prédication diffusée partout, tant d’une manière cachée que d’une manière manifeste. Il l’a reçu pour la conversion des Gentils. Oui, afin d’annoncer pleinement non pas la parole d’une prédication personnelle, mais le décret éternel de Dieu. Il faut comprendre : ma prédication doit montrer accomplie la parole du Seigneur, je veux dire le décret de Dieu, la prédestination et la promesse qu’il a faite de l’incarnation du Verbe; et aussi le décret éternel par lequel Dieu a arrêté que les Gentils seraient convertis par le Christ à la foi au vrai Dieu. Il fallait qu’elle s’accomplit: "Est-ce Dieu qui dit et ne fait pas? Qui parle et n’exécute pas ?" (Nombres XXIII, 19.) "Ma parole qui sort de ma bouche, ne revient pas à moi sans effet, sans avoir exécuté ce que j’ai voulu et accomplit ce pour quoi je l’ai envoyée, etc..." (Isaïe, LV, 11). Or Dieu a décidé d’achever la révélation de ce mystère par le ministère de Paul qui écrit : afin que j’accomplisse ce mystère, c’est-à-dire en tant qu’il est encore une chose cachée, car ce mystère caché, c’est cette parole même; "Ce mystère est mien, etc..." (Isaïe XXIV, 16) mystère caché aux siècles, c’est-à-dire depuis le commencement des siècles, et aux générations passées dont aucune n’a pu connaître "l’économie du mystère qui avait été caché depuis le commencement en Dieu" (Ephésiens III, 9). Car si les philosophes de l’antiquité semblent avoir écrit de la divinité du Christ quelque chose de vrai ou se rapprochant du vrai, comme ce que saint Augustin a relevé dans Platon : "Au commencement était le Verbe", toutefois personne n’a pu savoir que le Verbe s’est fait chair.

- Mais les Prophètes ? direz-vous. Ne l’ont-ils point su ? - Si, mais en tant que cette vérité appartenait à l’Evangile et encore d’une manière moins explicite que les apôtres.

 

La manifestation du grand mystère

Ensuite en disant mais manifesté maintenant, etc... , Paul parle de la manifestation du mystère et il montre tout d’abord à qui il a été manifesté, puis pour quelle raison il leur a été manifesté : à qui Dieu a voulu. Ce mystère est donc manifesté aujourd’hui, le temps de la grâce. "Voici le temps favorable, voici le jour du salut" (II Cor VI, 2). Et c’est là la science des saints ; "Il lui donna la science des choses saintes, etc..." (Sag. X, 10) ; "Dieu annonce sa venue à son ami, etc... " (Job, XXXV 33).

Ce mystère a été révélé aux saints non pas en raison de leurs propres mérites, mais par le bon plaisir divin. C’est Dieu qui a voulu, etc... dit saint Paul. "Ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître" (Jean XV, 15), et il ajoutait : "Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis, etc...". "Mon Père, cela a été ton bon plaisir" (Matt., XI, 26).

"Dieu a voulu faire connaître les richesses de gloire de ce mystère" par cela même que ce mystère ayant été caché, la gloire de Dieu éclate plus abondante, car si le Seigneur était autrefois connu en Judée, par ce mystère de la conversion des Gentils la gloire divine est déclarée au monde. "Père, je vous ai glorifié sur la terre, etc..." (Jean, XVII, 4), et cela chez les Gentils, c'est-à-dire qu’il serait achevé en eux. "Nous nous glorifions de notre espoir en la gloire des enfants de Dieu" (Rom. V, 2). "O profondeur inépuisable et de la sagesse et de la science de Dieu !" (Romains XI, 33). Cette parole est ce qu’est le Christ, c’est-à-dire ce que nous atteignons par lui, l’espérance de la gloire qui paraissait autrefois réservée aux Juifs. Ceux-ci "étaient tout hors d’eux-mêmes en voyant que le don du Saint-Esprit était répandu même sur les Gentils, etc..." (Actes, X, 45). "Et donc, étant justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu, etc.." et plus loin : "et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu" (Rom.V, 1). "Le rejeton de Jessé, élevé comme un étendard pour les peuples, etc..." (Isaïe, X, 10). Sont donc ainsi développés le début et la fin de son ministère. Mais il ajoute ce qu’est son utilité : Ce Christ, nous l’annonçons, etc... A ce sujet, Paul fait trois choses : il montre d’abord l’usage, ensuite le fruit : pour que nous rendions, etc... ; troisièmement, les aides qu’il fournit sans compter pour atteindre ce but. L’usage : C’est pour cela que je travaille. Car l’usage qu’il fait de son ministère, c’est d’annoncer le Christ. Et il indique comment : "Publiez parmi les peuples ses hauts faits, etc..." ; "Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, etc..." (1 Jean I, 1). La manière, il l’indique par : reprenant tous les hommes, etc... , c’est la prédication parfaite, , laquelle s’adresse non plus seulement aux Juifs, mais au monde entier : "Allez, enseignez toutes les nations." (Matth. XXVIII, 19). La manière de Paul, c’est d’enseigner la vérité et combattre l’erreur : nous reprenons tous les hommes, même les infidèles, à raison de leur vie. "les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles; elles sont puissantes devant Dieu pour renverser les forteresses ; nous renversons les raisonnements, etc..." (II Cor X, 4). "Nous les instruisons en toute sagesse", la sagesse qui est la connaissance de Dieu. "Vous connaître est la justice parfaite, et connaître la justice et votre puissance est la racine de l’immortalité, etc..." (Sagesse XV, 3). "nous prêchons une sagesse, etc..." (I Corinthiens II, 6). Le fruit de la mission de Paul, c’est que les hommes sont conduits à la perfection ; aussi dit-il : afin que nous rendions tout homme, quelle que soit sa condition, parfait non dans la loi, mais dans le Christ. "Soyez parfaits, etc... " (Matth V, 48)

Chacun est donc tenu à la perfection ? - Non, mais le prédicateur doit chercher ce but. Il y a une double perfection de la charité : l’une de nécessité de précepte, n’admettant dans le coeur rien de contraire à Dieu : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, etc..." (Matth XXII, 37); l’autre, de conseil, demandant qu’on s’abstienne même des choses permises; celle-ci est une perfection de surérogation. Pour la pratiquer, saint Paul eut un secours de Dieu; c’est ce qui lui fait dire : C’est pour cela que je travaille et que je lutte contre les infidèles et les pécheurs. "Prends ta part de souffrances comme un bon soldat du Christ, etc..." (II Tim II, 3) ; "J’ai combattu le bon combat, etc... (II Tim IV, 7). Et cela, selon la force que Dieu me donne, car "c’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis" (I Corinthiens XV, 10), force qui agit en moi, car Dieu produit tout en moi par la vertu de ses miracles, c’est-à-dire en me donnant cette force. "Séjournez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de cette force d’en haut » (Luc XXIV, 49)

 

 

Caput 2

CHAPITRE 2 — MISE EN GARDE CONTRE LES FAUSSES DOCTRINES

Lectio 1

Leçon 1 — Colossiens 2, 1-5 : I- CONTRE LES ERREURS DES PHILOSOPHES

[1] volo enim vos scire qualem sollicitudinem habeam pro vobis et pro his qui sunt Laodiciae et quicumque non viderunt faciem meam in carne

[2] ut consolentur corda ipsorum instructi in caritate et in omnes divitias plenitudinis intellectus in agnitionem mysterii Dei Patris Christi Iesu

[3] in quo sunt omnes thesauri sapientiae et scientiae absconditi

[4] hoc autem dico ut nemo vos decipiat in subtilitate sermonum

[5] nam et si corpore absens sum sed spiritu vobiscum sum gaudens et videns ordinem vestrum et firmamentum eius quae in Christo est fidei vestrae

 

2, 1 Oui, je désire que vous sachiez quelle dure bataille je dois livrer pour vous, pour ceux de Laodicée, et pour tant d'autres qui ne m'ont jamais vu de leurs yeux;

2, 2 afin que leurs cœurs en soient stimulés et qu'étroitement rapprochés dans l'amour ils parviennent au plein épanouissement de l'intelligence qui leur fera pénétrer le mystère de Dieu,

2, 3 dans lequel se trouvent, cachés, tous les trésors de la sagesse et de connaissance !

2, 4 Je dis cela pour que nul ne vous abuse par des discours spécieux.

2, 5 Sans doute, je suis absent de corps; mais en esprit je suis parmi vous, heureux de voir le bel ordre qui règne chez vous et la solidité de votre foi au Christ.

[87852] Super Col., cap. 2 l. 1 Supra commendavit statum fidelium, qui est gratiae, et actorem, scilicet Christum, hic protegit eos contra contrariantia huic statui, et primo contra doctrinam corrumpentem; secundo contra perversos mores, III capite, ibi igitur si consurrexistis. Circa primum duo facit, quia primo ostendit sollicitudinem de eorum statu; secundo tuetur eos contra malam doctrinam, ibi hoc autem dico. Iterum prima pars dividitur in tres particulas. Quia primo ponit sollicitudinem; secundo personas de quibus sollicitatur, ibi pro vobis; tertio de quo sit sollicitus, ibi ut consolentur. Dicit ergo volo enim vos scire qualem habeam sollicitudinem, scilicet magnam.

Et hoc pertinet ad bonum praelatum. Rom. XII, 8: qui praeest in sollicitudine. Lc. II, 8: pastores erant in eadem regione vigilantes et custodientes vigilias noctis supra gregem suum. Et non solum pro a se conversis et sibi praesentibus, sed etiam pro aliis. Unde dicit pro vobis, scilicet quos non vidi corpore, sed mente, et non solum pro istis, sed etiam pro illis qui non viderunt, et cetera. Sollicitus quippe erat pro toto mundo. Sap. XVIII, v. 24: in veste poderis Aaron totus erat orbis terrarum, et cetera. Sic in mente apostoli. II Cor. c. XI, 28: praeter ea quae extrinsecus sunt, instantia mea quotidiana sollicitudo omnium Ecclesiarum, et cetera.

Sed de quibus magis sollicitatur? Respondeo, de non visis, quantum ad aliquid, quia nesciebat quid fieret circa eos, non autem simpliciter. Deinde cum dicit ut consolentur, ostendit de quo sollicitus sit, scilicet de eorum consolatione. Et primo hoc ponit; secundo, quomodo possit hoc haberi, ibi instructi. Dicit ergo ut consolentur, id est, per me habeant consolationem spiritualem, cuius consolationis factivum est bonum. Est enim factivum gaudii, ut qui tristatur de aliquo, consoletur de alio aeque bono. Duo autem sunt quae consolantur nos, scilicet meditatio sapientiae, Sap. VIII, 9: erit allocutio cogitationis et taedii mei. Aliud est oratio. Iac. V, 13: tristatur quis in vobis? Oret; aequo animo est? Psallat.

Consequenter cum dicit instructi, etc., ponit specialiter sapientiae instructionem. Duplex est hic littera, scilicet quae dicta est, et quae habetur in Glossa sic: ut consolentur corda ipsorum instructorum, etc., ad cognoscendum, et cetera. Et est idem sensus.

Instructio ergo sapientiae consolatur contra mala temporalia. Debet autem hic esse instructus de via, et ideo dicit in charitate, quae scilicet est via ad Deum. I Cor. XII, 31: adhuc excellentiorem viam vobis demonstro, si linguis, et cetera. Instructi ergo in charitate qua Deus nos diligit, et qua nos eum diligimus. Utrumque enim nos consolatur, scilicet et quia dominus diligit nos. Gal. II, 20: vivo ego, et cetera. Et post: qui dilexit me et tradidit semetipsum pro me, et cetera. Eph. II, 4: dives in misericordia, propter nimiam charitatem suam, qua dilexit nos, et cetera. Item quia nos Deum diligimus, nos consolamur, quia consolatio est amici, si pro eo sustineat mala. Eccli. XXII, v. 31: et si evenerint mihi mala, propter illum sustinebo.

Et subdit et in omnes divitias, id est, in omni capacitate. Intellectus enim noster est in potentia ad aliquid cognoscendum; sed intellectus Angeli in sua creatione impletus est scientia intelligibilium. Et ideo oportet quod nostro intellectui humano superveniat scientia, vel per disciplinam: sed haec est insufficiens, quia numquam aliquid tantum potest sciri sic, quod capacitatem eius impleat; vel per revelationem divinam et donum Dei: et haec est sufficiens. Eccli. XV, 5: implevit eum dominus spiritu sapientiae et intellectus, et cetera. Et ideo dicit plenitudinis intellectus, id est, in copiam. Sap. VIII, 5: quid sapientia locupletius? Is. XXXIII, 6: divitiae salutis sapientia et scientia. Instructi ergo in copia divinae sapientiae, quae copia implet intellectum.

Et hoc habebimus cognoscendo Deum. Et ideo dicit in agnitionem mysterii, etc., id est, ad cognoscendum veritatem sacramenti huius occulti, scilicet quod Deus sit pater Iesu Christi. Vel mysterii Dei patris, quod est Christus. Ideo dicitur Matth. XI, 25 de apostolis: abscondisti haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. Vel in agnitione aeternae generationis et incarnationis Christi. Sap. VI, c. 16: cogitare ergo de illa sensus est consummatus. Augustinus: beatus qui te novit, infelix qui te non novit. Per cognitionem Dei habet homo omnem plenitudinem. Io. c. XVII, 3: haec est vita aeterna, ut cognoscant te solum verum Deum, et cetera.

Sed numquid per cognitionem Christi impletur intellectus? Respondeo sic, quia in eo sunt omnes thesauri, et cetera. Deus habet omnium rerum notitiam, et haec notitia comparatur thesauro. Sap. VII, 14: infinitus enim est thesaurus hominibus, et cetera. Thesaurus est divitiae congregatae, sed effusae non dicuntur thesaurus, sed quae in uno sunt. Deus enim sapientiam suam sparsit super omnia opera sua, Eccli. I, 10. Et secundum hoc non habet rationem thesauri, sed secundum quod huiusmodi rationes uniuntur in uno, scilicet sapientia divina, et omnes huiusmodi thesauri sunt in Christo. Sapientia enim est cognitio divinorum, scientia vero est creaturarum cognitio. Quicquid autem de Deo potest sciri pertinens ad sapientiam, totum Deus abundanter in se cognoscit. Item, quicquid potest cognosci de creaturis, cognoscit in se supereminenter. Quicquid autem in sapientia Dei est, est in verbo suo uno, quia uno simplici actu intellectus cognoscit omnia, quia in eo non est scientia in potentia nec in habitu. Et ideo in isto verbo sunt omnes thesauri, et cetera.

Sed addit absconditi, quia quod mihi aliquid absconditur, contingit dupliciter, scilicet vel propter debilitatem intellectus mei, vel propter velamen oppositum, sicut quis non videt candelam, vel quia caecus est, vel velata est. Ita in verbo Dei sunt omnes thesauri sapientiae et scientiae, sed absconditi nobis qui non habemus limpidos oculos, sed lippos, Io. XII, 35: adhuc modicum lumen in vobis est, et quia est velatum duplici velamine, scilicet creaturae, quia intellectus noster nunc ad illam cognitionem non potest nisi per similitudinem creaturarum. Rom. I, v. 20: invisibilia Dei per ea quae facta sunt intellecta conspiciuntur, et cetera. Secundo est velatum in carne, Io. I, 14: et verbum caro factum est.

Et si aliquid videmus de Deo, non tamen totum. Is. XLV, 15: vere tu es absconditus. Num. XX, 6: aperi eis thesaurum tuum. Ponamus quod aliquis habeat candelam velatam, non quaereret aliunde lumen; sed potius quod habitum ab eo reveletur, et ideo non oportet sapientiam quaerere nisi in Christo. I Cor. II, 2: non existimavi me aliquid scire, nisi Christum Iesum, et cetera. Et I Io. III, v. 2: cum apparuerit, id est, revelabitur, similes ei erimus, scilicet omnia scientes; sicut qui haberet librum ubi esset tota scientia, non quaereret nisi ut sciret illum librum, sic et nos non oportet amplius quaerere nisi Christum.

Deinde cum dicit hoc autem dico, etc., instruit et monet eos contra doctrinam corrumpentem. Seducebantur autem a quibusdam philosophis contra fidem, et ab haereticis qui docebant observantias legalium. Ideo primo instruit eos contra philosophos, secundo contra iudaizantes, ibi in quo et circumcisi. In scientia vero mundana duo continentur, quia est quaedam scientia loquendi, et quaedam scientia rerum, et ideo dupliciter possunt decipere. Ideo primo munit eos contra philosophos decipientes eos per scientiam loquendi; secundo contra decipientes eos per scientiam rerum, ibi videte ne quis. Primo manifestat deceptionem; secundo assignat rationem, ibi nam si corpore. Dicit ergo: dico quod in Christo est omnis scientia. Et hoc dico, ne quaerentes alibi scientiam, decipiamini. Et dicit ut nemo, id est nec Demosthenes, nec Tullius, vos decipiat in sublimitate sermonis. Is. XXXIII, 19: populum imprudentem non videbis, populum alti sermonis, et cetera. Sed numquid est peccatum uti sermonibus sublimibus? Respondeo. Non, quia etiam sancti viri elegantius loquuntur quam etiam rhetores mundi, sicut Ambrosius, Hieronymus, et Leo Papa. Nam si licet uti ad persuadendum in malo ornata locutione, multo magis in bono.

Dans la première partie de sa (ch. 1), Paul a fait ressortir la grandeur de l’état des fidèles par la grâce et celle de l’auteur de cette grâce, le Christ. Il va maintenant prémunir les Colossiens contre ce qui menace cet état, soit les doctrines fausses (ch. II), soit les mauvaises moeurs (ch. III) : si vous avez été ressuscités. Il fait d’abord deux choses : il montre le soin qu’il a pris à leur état, ensuite il les prévient contre les mauvaises doctrines : je dis cela. Cette première partie est à nouveau subdivisée en trois sous-parties : son souci, tout d’abord, ensuite les personnes pour lesquelles il se donne du mal : pour vous ; enfin sur quoi portent les soins qu’il prend : afin que leurs cœurs soient stimulés.

Il dit donc : Oui, je désire que vous sachiez quelle dure bataille je dois livrer pour vous.

 

Sollicitude de Paul

Cette sollicitude est grande, comme il sied à un bon supérieur. "Que celui qui préside le fasse avec zèle" (Rom. XII, 8) "les bergers passaient les nuits aux champs à la garde de leur troupeau" (Luc, II, 8). Sollicitude qui ne se borne pas à ceux que l’Apôtre a convertis lui-même et à ceux qui sont présents devant lui, mais à tous les autres. C’est pourquoi il dit : pour vous, c'est-à-dire pour ceux que je n’ai pas vus de mes yeux, mais que j’ai vus par l’esprit, et non seulement pour ceux-là, mais aussi pour ceux qui ne l’ont jamais vu, etc... Il était, en vérité, plein de sollicitude pour le monde entier; la Sagesse (XVIII, 14) écrit d’Aaron: "Sur sa robe qui tombait jusqu’à terre était tout l’univers, etc... "; ainsi du coeur de l’Apôtre : "Sans parler de tant d’autres choses, rappellerai-je mes soucis de chaque jour, la sollicitude de toutes les églises, etc... ?" (II Corinthiens XI, 28). De qui donc s’inquiétait-il le plus ? Je réponds qu’il s’inquiétait davantage de ceux qu’il n’avait point vus parce qu’il ignorait ce qui se passait chez eux, en tout cas pas directement. Enfin, quand il dit : ... Que leurs coeurs soient réconfortés, il montre sur quoi portent les soins qu’il prend, à savoir de leur réconfort. Il pose d’abord ce point, puis explique comment cela peut se faire : étroitement rapprochés. En disant donc : que leurs cœurs soient réconfortés, il signifie qu’il s’agit de ce réconfort spirituel que produit le bien; la joie revient, en effet, et celui qui était triste à propos d’une chose se console de quelque bien de valeur égale. Pour nous, deux choses nous apportent réconfort : la méditation de la Sagesse : "elle est une consolation dans mes soucis et mes peines" (Sag., VIII, 9); et l’oraison : "Quelqu’un parmi vous est-il dans l’affliction ? Qu’il prie. Est-il dans la joie ? Qu’il chante des cantiques" (Jac., V, 13).

En conséquence, quand Paul dit : étroitement unis, etc... , il développe en particulier le réconfort qu’apporte la sagesse. Il y a ici deux lectures possibles de ce qui est écrit ; la Glose porte : afin que leurs cœurs soient réconfortés de ce qui les unit, etc... pour connaître, etc... Le sens est le même.

L’enseignement de la sagesse nous réconforte contre les maux temporels. Mais comme avant tout nous devons connaître notre voie, Paul ajoute : dans la charité, parce qu’elle est la voie qui mène à Dieu, "Je vais vous montrer la voie excellente entre toutes : quand je parlerais les langues, etc...", (I Corinthiens XII, 31). Soyons tous unis dans la charité par laquelle Dieu nous aime et par laquelle nous l’aimons. Nous eu tirerons double réconfort : d’abord de savoir que le Seigneur nous aime; "Si je vis, etc... [dans la foi au Fils de Dieu] qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi" (Galates, II, 20). "Dieu, qui est riche en miséricorde, nous a aimés d’un amour extrême, etc..." (Ephésiens, II, 4). Mais réconfort aussi de sentir que nous aimons Dieu : l’ami n’est-il pas heureux de souffrir pour celui qu’il aime ? Ecclés. XXII, 31 : "si des malheurs fondent sur moi, je les supporterai pour mon ami"

 

Connaissance des mystères du Christ

Paul ajoute : "Qu’ils soient enrichis d’un plein épanouissement de l’intelligence", c’est-à-dire dans toute l’étendue de leur capacité. En effet, notre intelligence à nous est en puissance de connaissance ; tandis que l’intelligence de l’ange, dès sa création, a été remplie de la science des choses intelligibles, et il faut donc que la science soit acquise par notre intelligence humaine. Celle-ci peut lui venir par l’enseignement, moyen insuffisant parce que jamais rien ne peut être connu de façon à satisfaire l’entière capacité de l’esprit; ou par révélation divine, par le don de Dieu : et cela est suffisant : "Le Seigneur a rempli son serviteur de l’esprit de sagesse et d’intelligence, etc... " (Ecclésiastique, XV, 5). C’est pourquoi Paul souhaite la pleine intelligence ou sagesse surabondante : "Quoi de plus riche que la sagesse ?" (Sag.VIII, 5); "Tu auras en abondance le salut, la sagesse et la connaissance" (Isaïe XXXIII, 6). Nous sommes ainsi élevés dans l’abondance de la divine sagesse qui répond à toute la capacité de l’esprit. Nous la goûterons dans la connaissance de Dieu. Paul dit donc : dans l’épanouissement de la connaissance du mystère, etc... , c'est-à-dire à la connaissance de la vérité de ce mystère caché : Dieu est le Père du Christ Jésus et que le mystère de Dieu le Père, c’est le Christ; "Ces choses, vous les avez cachées aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux petits" (Matt., XI, 25), et encore dans la révélation de la génération éternelle et de l’incarnation du Christ. "Penser à elle, c’est la perfection de la sagesse." (Sag. VI, 16). "Bienheureux, disait saint Augustin, celui qui vous connaît, malheur à qui vous ignore ! " Quand il a cette connaissance de Dieu, l’homme possède toute plénitude, car "la vie éternelle, c’est de vous connaître, vous, le seul vrai Dieu, etc..." (Jean, XVII, 3).

- Mais, vraiment, la connaissance du Christ remplit-elle l’intelligence ? - Sans doute, car en lui sont cachés tous les trésors, etc... Dieu connaît toutes choses, et cette connaissance est comparée à un trésor : "La sagesse est pour les hommes un trésor infini, etc..." (Sagesse VII, 14). Un trésor signifie non des richesses dispersées, mais amassées en un monceau; comme Dieu répand sa sagesse "sur toutes ses oeuvres" (Ecclés., I, 10), ce n’est donc pas sous cet aspect que nous l’appelons un trésor, mais en ce sens que les raisons suprêmes des choses sont toutes réunies en un sommet qui est la sagesse divine. Et tous les trésors de cette sagesse sont dans le Christ. Voici comment. La sagesse est la connaissance des choses divines; la science, elle, est la connaissance des créatures. D’une part, tout ce qui peut être connu de Dieu appartenant à la sagesse, Dieu le connaît surabondamment en lui-même; d’autre part, ce qu’on peut savoir des créatures, il le connaît aussi en lui d’une manière suréminente. Or tout ce qui est en la sagesse de Dieu, est en son Verbe unique, car c’est d’un acte unique et simple de l’intelligence qu’il connaît tout, la science ne pouvant être en lui en l’état de puissance ou d’habitude. Voilà pourquoi en ce Verbe sont tous les trésors, etc...

Mais ils y sont cachés, ajoute saint Paul. Une chose peut m’être cachée d’une double manière : par la faiblesse de mon intelligence ou parce qu’un voile s’interpose; par exemple, un tel ne voit pas ce flambeau parce que il est aveugle ou parce que le flambeau est voilé. Ainsi, tous les trésors de la sagesse et de la science sont bien dans le Verbe de Dieu, mais cachés à nous qui n’avons pas les yeux clairs, mais malades : "La lumière n’est plus que pour peu de temps au milieu de vous" (Jean XII, 35). Un double voile nous le dérobe : le voile de notre condition naturelle, car, ici-bas, notre intelligence ne peut parvenir à la connaissance de Dieu que par le moyen des similitudes tirées des créatures : "Les invisibles perfections de Dieu sont rendues visibles à l'intelligence par le moyen de œuvres, etc..." (Romains, I, 20); et aussi le voile de la chair, car "le Verbe s’est fait chair" (Jean I, 14). S’il nous arrive de voir quelque chose de Dieu, nous ne le voyons jamais tout entier. "Vous êtes vraiment le Dieu caché" (Isaïe, XLV, 15). Mais, "ouvrez-nous votre trésor" (Nombr., XX, 6). Imaginons que quelqu’un ait sous la main un flambeau voilé, il ne va pas chercher la lumière ailleurs ? Il cherche plutôt à soulever le voile. Ne cherchons donc point la sagesse ailleurs que dans le Christ : "Je n’ai pas jugé que je dusse savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié, etc... " (I Corinthiens II, 2). "au temps de cette manifestation, c'est-à-dire quand il se sera révélé, nous lui serons semblables" (I Jean III, 2), c’est-à-dire nous saurons tout. Par exemple, l’heureux possesseur d’un livre où serait toute science, ne chercherait qu’à apprendre ce livre : de même, nous aussi, il ne faut pas que nous cherchions davantage que le Christ.

 

La séduction du beau langage

Quand ensuite l’Apôtre dit : Je dis cela, etc... il continue en prémunissant les Colossiens contre les fausses doctrines des philosophes attaquant la foi ou des hérétiques imposant les observances légales. Il s’en prend d’abord aux philosophes, ensuite aux judaïsants : en lequel et circoncis. Or dans la science du monde, il y a deux choses : l’art de la parole et la science des choses; les deux peuvent tromper. Aussi l’Apôtre avertit les Colossiens contre les philosophes qui trompent par l’art de la parole, et ensuite contre ceux qui trompent par la science des choses : Prenez garde qu’il ne se trouve quelqu’un. Paul exprime d’abord sa déception, puis il en donne la raison : car si je suis absent de corps.

Je dis que toute science est dans le Christ, je vous le dis pour vous éviter de chercher la science ailleurs et d’être déçus. Et il ajoute : pour que personne afin que personne, ni Démosthène, ni Cicéron, ne vous trompe par des discours élevés et subtils. "Le peuple insolent, tu ne le verras plus, le peuple au langage obscur, etc... ". Est ce donc péché d'user de discours élevés ? - Certes non; il arrive même que les saints parlent avec plus d'élégance que les rhéteurs du siècle, par exemple Ambroise, Jérôme, le pape Léon. Si l’on se permet les ornements du discours pour pousser au mal, combien plus doit-il être permis de les employer pour le bien !

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — Colossiens 2, 6-10 : La persévérance des Colossiens

[6] sicut ergo accepistis Christum Iesum Dominum in ipso ambulate

[7] radicati et superaedificati in ipso et confirmati fide sicut et didicistis abundantes in gratiarum actione

[8] videte ne quis vos decipiat per philosophiam et inanem fallaciam secundum traditionem hominum secundum elementa mundi et non secundum Christum

[9] quia in ipso inhabitat omnis plenitudo divinitatis corporaliter

[10] et estis in illo repleti qui est caput omnis principatus et potestatis

2, 6 Le Christ tel que vous l'avez reçu, Jésus le Seigneur, c'est en lui qu'il vous faut marcher,

2, 7 enracinés et édifiés en lui, appuyés sur la foi telle qu'on vous l'a enseignée, et débordant d'action de grâces.

2, 8 Prenez garde qu'il ne se trouve quelqu'un pour vous réduire en esclavage par le vain leurre de la « philosophie », selon une tradition toute humaine, selon les éléments du monde, et non selon le Christ.

2, 9 Car en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité,

2, 10 et vous vous trouvez en lui associés à sa plénitude, lui qui est la Tête de toute Principauté et de toute Puissance.

[87853] Super Col., cap. 2 l. 2 Supra monuit ne per aliquam fallaciam sermonis decidant a fide, hic ponit rationem monitionis, quae sumitur ex bonis quae in istis erant, quae non debebant perdere, sed proficere in eis. Et primo commemorat bona habita; secundo ostendit quomodo in eis proficiant, ibi sicut ergo. Circa primum duo facit; quia primo ostendit qualiter sunt sibi nota bona eorum; secundo quae bona in eis sunt, ibi gaudens. Dicit ergo nam et si, etc.; quasi dicat: licet non praedicaverim vobis, nec vestra facta oculis videam, tamen spiritus vobis intersum per affectionem gaudens de bonis vestris.

I Cor. V, 3: absens quidem corpore, praesens vero spiritu. Prov. X, 1: filius sapiens laetificat patrem, et cetera. Et hoc quia revelabatur sibi per spiritum sanctum, et ideo dicit sed spiritu vobiscum sum. IV Reg. V, v. 26: nonne cor meum in praesenti erat, quando reversus est homo de curru in occursum tui, et cetera. Gaudens, inquam, sum, quia videns sum ordinem, id est, ordinatam vestram conversationem. I Cor. XIV, 40: omnia honeste et secundum ordinem fiant in vobis. Iud. V, v. 20: stellae manentes in ordine et cursu suo, et cetera. Et firmamentum, et cetera. II Tim. II, v. 19: firmum fundamentum Dei stat, et cetera. Et hoc in Christo. Eph. III, 17: habitare Christum per fidem in cordibus vestris, et cetera.

Ecclesia enim est spirituale aedificium. Eph. c. II, 21: in quo omnis aedificatio constructa crescit in templum sanctum in domino. Huius autem bonitas consistit in debito fundamento, quod est fides, et in debita superaedificatione. Et ideo haec duo posuit.

Deinde cum dicit sicut ergo, etc., monet eos ad haec servanda. Et primo ad proficiendum, secundo ad persistendum, tertio ad gratias agendum. Dicit ergo sicut accepistis Christum dominum nostrum, non pervertendo, in ipso ambulate. Rom. XII, 9: adhaerentes bono. Ecclesia quandoque comparatur spirituali aedificio. I Cor. III, 17: templum Dei sanctum est, quod estis vos. Quandoque arbori, quia fert fructum. Et eadem est comparatio fundamenti ad domum, et radicis ad arborem, quia utriusque firmitas est radix et fundamentum: Christus. Is. XI, 10: erit radix Iesse quae stat in signum populorum. I Cor. III, v. 11: fundamentum aliud nemo potest ponere praeter id quod positum est, quod est Christus Iesus. Ideo dicit radicati, scilicet sicut boni rami, et superaedificati in ipso, et confirmati, scilicet sicut boni lapides, hoc est si perstiteritis in fide eius. I Petr. ult.: adversarius vester, etc., et post: cui resistite fortes in fide, et cetera. Et hoc sicut didicistis, scilicet in vera fide. Gal. I, 9: si quis vobis evangelizaverit praeter id quod accepistis, anathema sit, et cetera.

Abundantes in illo in gratiarum actione, id est, gratias agentes abundanter. I Thess. ult.: in omnibus gratias agite. II Mach. c. I, 11: de magnis periculis a Deo liberati, magnifice gratias agimus ipsi, et cetera.

Deinde cum dicit videte, monet ne decipiantur per vanam sapientiam. Et primo ponit monitionem, secundo rationem, ibi in ipso. Circa primum, primo docet vitare quod potest decipere; secundo ostendit quare illud decipiat, ibi secundum traditionem. Sed quod aliquis decipiatur per sapientiam saecularem, dupliciter contingit, scilicet quandoque per principia realia philosophiae, quandoque per sophisticas rationes. Et utrasque docet cavere. Unde dicit ne quis, etc., id est, per philosophica documenta. Is. c. XLVII, 10: sapientia tua et scientia haec decepit te. Multi enim sunt propter philosophiam decepti a fide deviantes. Ier. X, 14: stultus est factus omnis homo a scientia sua. Quantum ad secundum dicit et inanem fallaciam, quae non fundatur nisi super apparenti involutione verborum. Eph. V, 6: nemo vos seducat inanibus verbis.

Sed quomodo seducens? Qui seducit, oportet habere aliquid apparens, et aliquid non existens. Ideo primo ponit principium apparentiae; secundo defectum existentiae. Principium apparentiae est duplex, id est, auctoritas philosophorum et quantum ad hoc dicit secundum traditionem hominum, id est, secundum ea quae aliqui tradiderunt propria ratione. Ps. XCIII, 11: dominus scit cogitationes hominum, quoniam vanae sunt. Aliud est adinventio rationis, quando scilicet aliquis vult metiri ea quae sunt fidei, secundum principia rerum et non secundum sapientiam divinam. Ex hoc enim multi decipiuntur. Et ideo dicit secundum elementa mundi, et cetera. Sap. XIII, 1: neque operibus attendentes cognoverunt quis esset artifex, et cetera. Quanto enim causa est altior, tanto habet superiorem effectum. Unde qui voluerit considerare effectus superiores secundum causas inferiores, decipitur; ut si quis consideret motum aquae secundum virtutem aquae, non potest scire causam refluxus maris, sed sic, si consideret eum secundum virtutem lunae. Unde multo magis decipitur qui considerat proprios Dei effectus secundum elementa mundi. Et haec est causa apparentiae.

Sed numquid sunt semper respuendae traditiones hominum et rationes? Respondeo: non, sed tunc quando procedit physica ratio secundum illas, et non secundum Christum. Infra eodem: non tenentes caput ex quo totum corpus per nexus et coniunctiones subministratum et constructum crescit in augmentum Dei. Vel potest exponi secundum elementa mundi, mensurando scilicet veritatem fidei secundum veritatem creaturarum. Vel hoc dicit propter idololatras colentes idola, et dicentes Iovem caelum. Vel secundum Iudaeos, ut sit sensus per philosophiam, id est, per rationem volentium trahere ad legalia, secundum elementa mundi, id est secundum observationes corporales. Gal. IV, 3: sub elementis mundi eramus servientes. Sed prima expositio est melior. Deinde cum dicit quia in ipso, etc., ponit rationem praedictorum, dicens: quidquid non est secundum Christum, respuendum est.

Sed numquid est Christus tantus, ut pro eo omnia respui debeant? Et respondet quod ita: quod ostendit tripliciter. Primo per comparationem ad divinitatem; secundo per comparationem ad fideles, ibi et estis; tertio per comparationem ad Angelos, ibi qui est caput. Dicit ergo: ideo respuendum est quod est contra eum, quia ipse est Deus. Unde plus est ei standum quam omnibus, quia in ipso habitat, et cetera. Deus enim est in omnibus, sed in quibusdam per participationem similitudinis suae bonitatis, ut in lapide et aliis huiusmodi. Et talia non sunt Deus, sed habent in se aliquid Dei; non eius substantiam, sed similitudinem eius bonitatis. Et ideo non habitat in eis plenitudo divinitatis, quia non est ibi secundum substantiam.

Item est in mentibus sanctis per operationem, quae per amorem et cognitionem attingunt Deum. Et ideo Deus est in eis secundum gratiam, sed non corporaliter, sed secundum effectum gratiae; nec est plenitudo, sed secundum aliquos effectus terminatos.

Sed in Christo est corporaliter, quod exponitur tripliciter. Corpus enim dividitur contra umbram. Infra eodem: quae sunt umbra futurorum, et cetera. Et sic Deum contingit dupliciter inhabitare, vel secundum umbram, vel corporaliter, id est realiter. Primo modo inhabitabat in veteri lege, sed in Christo inhabitabat corporaliter, id est realiter et secundum veritatem.

Secundo modo exponitur, quia alii sancti inhabitantur solum secundum animam, non secundum corpus. Rom. VII, 18: scio quod non habitat in me, id est in carne mea, bonum; sed in Christo divinitas inhabitat corporaliter: quia inhabitatio Dei, qua sanctos inhabitat, est per operationem, idest per amorem et cognitionem, quod est opus solius mentis rationalis; sed in Christo inhabitat per assumptionem hominis in unitatem personae. Unde quidquid pertinet ad hominem, totum inhabitatur a Deo: et ideo caro et mens inhabitatur, quia ambo sunt unita verbo. Io. c. I, 14: et, verbum caro factum est. Sed tertio modo est sensus.

Tribus enim modis est Deus in rebus. Unus est communis per potentiam, praesentiam, et essentiam; alius per gratiam in sanctis; tertius modus est singularis in Christo per unionem. Corpus autem tres dimensiones habet. Et plenitudo divinitatis his modis in Christo superabundat; ideo corporaliter dicitur in eo esse. Et primus quidem modus est quasi longitudo, quia se extendit ad omnia; item latitudo est per charitatem; item quantum ad profundum, incomprehensibilis. Sed ex hoc Nestorius errat, dicens unionem factam per inhabitationem tantum, dicens verbum inhabitasse carnem. Sed contra hoc est quod apostolus dicit, Phil. II, 7: exinanivit semetipsum, et cetera. Habitare autem hominem non est exinanire, sed hominem fieri, et subdit: in similitudinem hominum factus, et ideo habitabilis dicitur Christus, non quasi alius sit qui habitat et qui inhabitatur, sed ipse est et homo et Deus, in quo habitat plenitudo divinitatis.

Deinde cum dicit et estis in illo, etc., ostendit idem per comparationem ad alios. Quasi dicat: omnia accepistis. Io. I, v. 16: de plenitudine eius, et cetera. Sciendum est autem quod Platonici dicunt, quod divina dona perveniunt ad homines mediantibus substantiis separatis. Et hoc est verum etiam secundum Dionysium, sed hoc est quoddam speciale, quia ab eo immediate qui replet Angelos. Io. I, 18: unigenitus Dei filius, qui est in sinu patris, ipse enarravit, et cetera. Hebr. II, 3: cum initium accepisset enarrari per dominum ab his qui audierunt, et cetera. Et ideo dicit qui est caput omnis principatus et potestatis, inquantum est rex eorum et dominus, non per conformitatem naturae, quia sic caput est hominum. Et tangit istos ordines, qui videntur habere quamdam praeeminentiam.

Après avoir averti les Colossiens de ne pas se laisser écarter de la foi par des discours fallacieux, 1'Apôtre leur donne maintenant la raison de sa recommandation : les Colossiens ont déjà fait du bien, ils doivent le conserver et le développer. Il évoque d’abord le bien qu’ils ont fait, il montre en second lieu de quelle manière ils en ont profité : Ainsi donc. Sur le premier point, il fait deux choses : il montre d’abord quelles sont les bonnes choses qui sont venues à sa connaissance, ensuite ce qu’il y a de bien chez eux : je suis heureux. Puis il dit : "Si je suis absent de corps, etc..."; comme s’il disait : bien que ce ne soit pas moi qui vous ai évangélisés et que je n’ai point vu de mes yeux vos œuvres, en esprit je suis toutefois au milieu de vous par l’affection dont je vous entoure, par la joie que je ressens de vos oeuvres. "Pour moi, absent de corps, mais présent d’esprit" (I Cor V, 3). "Le fils sage fait la joie de son père, etc...". (Prov X, 1) Et parce que cela lui a été révélé par l’Esprit Saint, il ajoute : en esprit je suis au milieu de vous. "Mon esprit n’est-il pas allé avec toi lorsque cet homme a quitté son char pour venir à ta rencontre, etc... ?" (IV Rois V, 26). Oui, je me réjouis quand je vois l’ordre qui règne parmi vous, c'est-à-dire votre conduite si bien réglée. "Que tout se fasse avec bienséance et avec ordre" (I Cor XIV, 40). "Les étoiles ont combattu, etc..." (Juges V, 20) et la solidité [de votre foi dans le Christ]. "Le fondement solide posé par Dieu demeure ferme, etc..." (II Tim II, 19). Et cela dans le Christ. "Que le Christ habite dans vos coeurs par la foi, etc..." (Ephésiens, III, 17). L’Eglise est un édifice spirituel : "C’est dans le Christ Jésus que tout l’édifice bien ordonné s’élève pour former un temple saint dans le Seigneur" (Ephésiens II, 21). Sa perfection est de reposer sur un fondement solide, la foi, et d’être harmonieux dans ses parties. Et c’est ce qu’a rappelé l'Apôtre.

 

La vie dans le Christ

Ensuite quand Paul dit : Ainsi donc, etc... , il avertit les Colossiens de ne rien perdre du bien qu’ils ont fait : d’abord pour en tirer profit, ensuite pour persister dans le bien, troisièmement pour en rendre grâces. Il dit donc : Vous avez reçu le Christ Jésus Notre Seigneur, non pour le perdre, mais pour marcher avec lui. "^Soyez de ceux] qui s’attachent au bien" (Rom XII, 9). La Sainte Écriture compare l’Église tantôt à un édifice spirituel : "Le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple" (Cor. III, 17); tantôt à un arbre, parce qu’elle porte des fruits. La comparaison est la même du fondement à l’édifice que de la racine à l’arbre, parce que la solidité de l’un et de l'autre repose sur la racine et le fondement, qui est le Christ : "la racine de Jessé élevée comme un étendard pour les peuples" (Isaïe, XI, 10) ; "Personne ne peut poser un autre fondement, que celui qui est déjà posé, savoir Jésus-Christ." (1 Cor. III, 11). C’est pourquoi Paul dit : enracinés, c'est-à-dire comme des rameaux de qualité, et édifiés en lui et appuyés, comme des pierres solides, si vous persistez dans la foi en lui. "Votre adversaire, etc... résistez-lui, fermes dans la foi (I Pierre V, 8). Et cela, comme vous l’avez appris, c'est-à-dire dans la foi véritable. Et"si quelqu’un vous annonce un autre évangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème, etc...!" (Gal., I, 9). L’Apôtre ajoute : Faisant des progrès dans le Christ avec action de grâce ; comprenez : rendez grâces avec abondance. "En toutes choses rendez grâces" (I Thess., V, 18). "Sauvés par Dieu de grands périls, c’est de grandes actions de grâces que nous lui rendons, etc..." (II Ma I, 11).

 

La fausse sagesse

L’Apôtre poursuit : prenez garde de ne pas vous laisser séduire par la vaine sagesse. Il donne d’abord son avertissement, puis la raison : car en lui. A propos de l’avertissement, il commence par leur apprendre ce qui peut tromper ; il montre ensuite pourquoi ces choses sont trompeuses : selon une tradition. Que l’on peut tromper par une sagesse mondaine, il l’établit d’une double façon : [les sages du monde] trompent en se servant tantôt de principes réels de philosophie et tantôt de sophismes. Évitez l’un et l’autre : veillez à ce que personne, etc... . Méfiez vous des doctrines philosophiques : "Ta sagesse et ta science, ce sont elles qui t’ont séduit" (Isaïe XLVII, 10). Nombreux en effet sont ceux qui, par la philosophie, ont été séduits et éloignés de la foi : "La science de ces hommes les rend insensés" (Jérémie, X, 14). Sur les raisons de son avertissement, Paul dit : Méfiez-vous de ces vaines tromperies qui n’ont d’autre fondement qu’un brillant agencement des mots. "Ne vous laissez pas séduire par de vains discours" (Ephésiens V, 6).

Mais comment ces discours peuvent-ils séduire ? - Le séducteur prend les apparences du vrai tout en enseignant ce qui n’existe pas. Paul pose d’abord les principes de l’apparence du vrai, ensuite ceux du défaut d’existence. Apparences du vrai, dans deux sens, parce que les sophistes s’appuient sur l’autorité des philosophes : sur la tradition des hommes, dit l’Apôtre, c’est-à-dire ces doctrines que certains ont transmises en se fondant sur leur propre raison : "Le Seigneur connaît ces pensées des hommes et il sait qu’elles sont vaines". (Ps. XCIII, 11). D’autre part, elles sont le fruit du travail de la raison : ils veulent mesurer les choses de la foi à la mesure des choses humaines et non selon la divine sagesse ; beaucoup sont ainsi trompés. Paul dit : selon les éléments du monde, etc... "[Insensés ceux qui n’ont pas su] par la considération de ses œuvres, reconnaître l’Ouvrier" (Sag. XIII, 1). Car plus une cause est haute, plus élevé est l’effet; considérer des effets supérieurs dans des causes inférieures, c’est se tromper ; celui qui voudrait juger du mouvement de l’eau par la vertu même de l’eau ne comprendrait point la cause du reflux de la mer, tandis qu’il la comprendra s’il la considère dans l’influence de la lune. Combien donc se trompe celui qui étudie les oeuvres de Dieu selon les éléments du monde ! Telles sont les causes de ces « apparences du vrai ». Mais faut-il toujours rejeter les "traditions des hommes" et les raisonnements ? Non, mais seulement lorsque la raison naturelle procède selon ses propres lois et non selon le Christ. Paul le dira un peu plus loin (II, 19) : sans s’attacher au chef, duquel tout le corps, à l’aide des liens et des jointures, s’entretient et grandit par l’accroissement que Dieu lui donne". On peut aussi expliquer selon les éléments du monde : en mesurant les vérités de la foi selon la vérité des créatures. Ou bien l’Apôtre fait allusion aux païens voués au culte des idoles et disant que le ciel est Jupiter. Ou bien, s’il est fait allusion aux Juifs, il faut entendre par la philosophie les raisonnements de ceux qui veulent asservir aux observances légales, par les éléments du monde les pratiques corporelles : "Nous étions asservis aux éléments du monde" (Gal. IV, 3). Mais la première explication est préférable. En disant ensuite : parce qu’en lui, etc... Paul expose la raison des paroles qu’il vient de dire : tout ce qui n’est pas selon le Christ doit être rejeté.

 

Tout est dans le Christ

- Mais, dira-t-on, le Christ est-il si grand qu’il faille tout rejeter pour lui ? - Oui, répond l’Apôtre, et il le montre de trois manières : soit que vous le considériez dans se rapports avec Dieu, soit avec les fidèles : et vous êtes…, soit avec les anges : lui qui est la Tête. Donc, dit Paul, tout ce qui est contre lui, il faut le rejeter d’abord parce qu’il est Dieu. Il faut se tenir au Christ de préférence à tout le reste, car en lui habite, etc.... Dieu est en toutes choses, mais [de manières diverses] : en certaines créatures parce qu’il leur donne de lui ressembler de quelque manière à sa bonté, par exemple dans la pierre et autres choses de ce genre; ces créatures ne sont pas Dieu, mais elles ont en elles quelque chose de Dieu, non sa substance, mais quelque ressemblance de la bonté de son être; la plénitude de la Divinité n’est pas en elles parce que Dieu n’est point là selon sa substance. Dieu est aussi dans les âmes saintes, par son opération : par l’amour et la connaissance elles atteignent Dieu. Dieu est donc en elles par la grâce; non pas corporellement, mais selon les effets de cette grâce ; il n’y a pas ici non plus de plénitude car les effets de la grâce sont limités. Mais dans le Christ, Dieu habite corporellement, expression qui peut avoir un triple sens. Premièrement si l’on oppose le corps à l’ombre, comme l’Apôtre le fera un peu plus loin, II, 17: "Toutes ces choses n’ont été que l’ombre de celles qui devaient arriver, etc...", alors Dieu peut être présent soit comme en ombre soit corporellement, c’est-à-dire en réalité. Ainsi habitait-il en ombre dans la loi ancienne, tandis qu’il habite corporellement, c'est-à-dire réellement, véritablement, dans le Christ.

Deuxième sens : les saints jouissent de la présence de Dieu dans leur âme mais non dans leur corps : "Je sais que le bien ne se trouve pas en moi" (Romains, VII, 18), c’est-à-dire dans ma chair, tandis que dans le Christ la divinité habite corporellement. Dieu habite dans les saints par son opération, par l’amour et la connaissance qui sont l’œuvre de leur seule intelligence rationnelle. Mais dans le Christ Dieu habite par le fait qu’il a élevé cet homme à l’unité de la personne divine, de sorte que Dieu y remplit de sa présence tout ce qui est de l’homme, le corps et l’âme, tous deux unis au Verbe qui s’est fait chair : "Et le Verbe s’est fait chair" (Jean I, 14).

Troisième raison : on distingue une triple présence de Dieu dans les êtres : - Une présence commune à tous qui fait que Dieu est en eux par sa puissance, par sa présence et par son essence; - sa présence par la grâce, chez les saints; - enfin cette présence par l’union [hypostatique] qui n’appartient qu’au Christ. D’autre part le corps a trois dimensions. Et comme la plénitude de la divinité surabonde dans le Christ de ces trois manières, on dit qu’il y est corporellement. - La première dimension est comme la longueur parce que cette présence s’étend à tout; - la seconde comme la largeur, par la charité; la troisième dimension, c’est la profondeur, son incompréhensibilité. Mais, sur ce point, Nestorius fait erreur, disant que l’union avec le Verbe s’est faite par la présence seulement et que le Verbe n’a fait qu’habiter la chair [de l’homme]. L’Apôtre enseigne le contraire : "Il s’est anéanti lui-même, etc..." (Phil., II, 7). Faire sa demeure dans l’homme n’est pas s’anéantir, il faut pour cela se faire homme; aussi l’Apôtre ajoute-t-il : "en se rendant semblable aux hommes". Et donc on dit que le Christ "est habité", non comme si autre était celui qui habite et autre celui qui est habité, mais comme il est lui-même homme et Dieu, la plénitude de la divinité est en lui. Quand Paul dit : Vous êtes rendus parfaits en lui, etc...", il explique la même chose par comparaison avec les autres, comme s’il disait : de lui vous avez tout reçu. "Nous tous, nous avons reçu de sa plénitude, etc..." (Jean, I, 16). Il faut se rappeler que les Platoniciens enseignent que les dons divins nous arrivent par l’intermédiaire des substances séparées ; et cela est vrai au sentiment de Denys lui-même. Mais il faut voir ici quelque chose de spécial, parce que ces dons nous viennent immédiatement de celui qui comble les anges. "Le Fils unique de Dieu, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître, etc.." (Jean, I, 18). "[Le message de salut], annoncé d’abord par le Seigneur, nous a été sûrement transmis par ceux qui l’ont entendu de lui, etc..." (Hébreux II, 3). C’est pourquoi saint Paul dit : Lui qui est le chef de toute principauté et de toute puissance, en tant que leur roi et seigneur; mais non par conformité de nature, parce que, sous ce dernier rapport, il est chef de l’humanité : s’il parle de ces ordres angéliques, c’est qu’ils paraissent jouir de quelque prééminence.

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — Colossiens 2, 11-15 : II- CONTRE LE FAUX ASCETISME DES JUDAISANTS

[11] in quo et circumcisi estis circumcisione non manufacta in expoliatione corporis carnis in circumcisione Christi

[12] consepulti ei in baptismo in quo et resurrexistis per fidem operationis Dei qui suscitavit illum a mortuis

[13] et vos cum mortui essetis in delictis et praeputio carnis vestrae convivificavit cum illo donans vobis omnia delicta

[14] delens quod adversum nos erat chirografum decretis quod erat contrarium nobis et ipsum tulit de medio adfigens illud cruci

[15] expolians principatus et potestates traduxit palam triumphans illos in semet ipso

 

2, 11 C'est en lui que vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas de main d'homme, par l'entier dépouillement de votre corps charnel; telle est la circoncision du Christ :

2, 12 ensevelis avec lui lors du baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui l'a ressuscité des morts.

2, 13 Vous qui étiez morts du fait de vos fautes et de votre chair incirconcise, Il vous a fait revivre avec lui ! Il nous a pardonné toutes nos fautes !

2, 14 Il a effacé, au détriment des ordonnances légales, la cédule de notre dette, qui nous était contraire; il l'a supprimée en la clouant à la croix.

2, 15 Il a dépouillé les Principautés et les Puissances et les a données en spectacle à la face du monde, en les traînant dans son cortège triomphal de la croix.

[87854] Super Col., cap. 2 l. 3 Supra munivit fideles contra deceptiones saecularis sapientiae, hic instruit et munit eos contra haereticos, volentes eos ad legalia trahere, quos primo docet vitare; secundo excludit eorum falsam seductionem, ibi nemo, et cetera. Iterum prima in duas, quia primo ostendit legalia esse impleta in Christo; secundo ea excludit, ostendens quod non tenentur ad ipsa, ibi nemo vos.

L’Apôtre vient de mettre les fidèles en garde contre la déception que cause la fausse sagesse du siècle; il va maintenant les prémunir contre les hérétiques qui voulaient les entraîner aux observances légales. Il leur apprend d’abord à éviter ces gens-là ; il réfute leurs théories fallacieuses : que personne, etc... et démontre que, le Christ a mis fin à ces observances légales ; ensuite il les rejette, montrant qu’on ne saurait plus y être obligé.

Inter legalia autem primum est circumcisio, in qua Iudaei profitebantur observantiam veteris legis: sicut nos in Baptismo profitemur observantiam novae legis. Gal. V, 3: testificor omni circumcidenti se, quoniam debitor est universae legis faciendae. Unde dicit quod fideles sunt circumcisi quadam spirituali circumcisione. Ex quo sequitur quod illa cessat. Unde primo ostendit quali circumcisione sunt circumcisi; secundo in quo accipitur haec circumcisio, ibi consepulti; tertio assignat rationem huius circumcisionis, ibi et vos cum mortui.

Circa primum sciendum est quod duplex est circumcisio, scilicet carnalis et spiritualis. Per Christum vero sumus circumcisi, non circumcisione carnali, sed spirituali. Et ideo primo excludit carnalem; secundo adstruit spiritualem. Dicit ergo: in quo, scilicet Christo, circumcisi estis circumcisione non manufacta. Rom. II, 28: non enim qui in manifesto Iudaeus est; neque quae in manifesto in carne est circumcisio, sed qui in abscondito Iudaeus est, et circumcisio cordis in spiritu, non littera, et cetera.

In expoliatione corporis carnis. Hoc dupliciter potest legi. Uno modo sic. Dico: circumcisi, non manufacta circumcisione, vos dico manentes, in expoliatione, etc., id est, carnalis corruptionis, secundum illud I Cor. XV, 50: caro et sanguis regnum Dei non possidebunt, etc.; quasi dicat: ideo circumcisi, quia non habetis iam vitia carnis. Infra III, 9: expoliantes vos veterem hominem cum actibus suis, et cetera.

Vel, dico, circumcisione non manufacta, quae circumcisio manufacta consistit in expoliatione corporis carnis, quae abscinditur ab alia. Unde alia littera habet: cutis carnis, scilicet corporis carnis, id est particulae corporis, quae est caro, non quod aliud sit corpus et aliud caro. Et dicit carnis, alludens legi, ubi fit mentio de carne. Gen. XVII, 11: circumcidetis carnem praeputii vestri, et cetera. Et hoc ut ostenderet, quod est quaedam carnalis observantia. Sed nos non tali sumus circumcisi, sed circumcisione Christi. Sicut enim Christus assumpsit similitudinem carnis peccati, id est carnem passibilem, ut a peccato liberaret; ita et remedia legis, ut a legis observantia liberaret. Vel quam Christus facit in nobis, quae est spiritualis circumcisio, ut dicitur Rom. II, 29, non littera, sed spiritu.

Secundo ostendit quod adepti sumus eam in Baptismo, et sic Baptismus est spiritualis circumcisio. Et primo ostendit quod in Baptismo exhibetur figura mortis Christi; secundo quod in eo accipitur conformitas ad resurrectionem Christi, ibi in quo et resurrexistis. Dicit ergo consepulti, et cetera. Quia in eo exprimitur similitudo mortis Christi, ut sicut Christus ponitur primo in cruce, et postea in sepulchro: ita qui baptizatur, ponitur sub aqua, et ter, sicut stetit Christus triduo in sepulchro. Consepulti etiam, id est, baptizati ad similitudinem mortis Christi, ut sicut in ea destruxit peccatum, ita et in Baptismo. Et sicut resurrexit de sepulchro, ita et nos a peccatis in re, et a corruptione carnis in spe. Et hoc per fidem operationis Dei, quia virtute Dei resuscitatus est.

Ps. XL, 11: resuscita me, et retribuam eis, et cetera. Et credens hanc resurrectionem fit particeps huius resurrectionis. Rom. VIII, 11: qui suscitavit Iesum Christum a mortuis, vivificabit et mortalia corpora vestra. Sed et Christus resuscitavit se. Eadem est enim operatio patris et filii. Ps. CVII, 3: exurgam diluculo, et cetera.

Deinde cum dicit et vos cum, etc., ostendit rationem similitudinis; et primo ostendit similitudinem; secundo modum dictorum, ibi delens, et cetera. Littera non est difficilis. Dixi vos circumcisos, quia consepulti estis Christo in Baptismo. Et comparavit Baptismum sepulturae et morti. Sed potest dici quod ad propositum magis esset si dicatur, quod primo ostenditur quod Baptismus sit circumcisio; secundo ostendit rationem quare, quia scilicet peccatum est superfluitas, et caro praeputii est superfluitas. Idem ergo est deponi peccatum, et praeputium. Sed in Baptismo deponitur peccatum, ergo est idem quod circumcisio. Et ideo dicit cum essetis mortui in delictis, id est, propter delicta vestra. Ps. XXXIII, 22: mors peccatorum pessima. Et praeputio carnis vestrae, id est, carnalis concupiscentiae, quod pertinet ad originale, quasi astricti reatu malorum actuum et peccati mortalis. Hoc faciens Christus, convivificavit, et cetera. Eph. II, 1: cum essetis mortui delictis et peccatis vestris, et cetera. Et hoc removens a vobis omne peccatum, condonans et remittens vobis omnia delicta. Idem est igitur circumcidi et convivificari, et hoc in Baptismo per remedium mortis peccati, et cum circumcidimur per remotionem peccati originalis.

 

Sed quomodo condonavit? Respondeo. Dicendum est quod homo peccando duo incurrit, scilicet reatum culpae, et servitutem Diaboli. Et ideo dicit quomodo sunt peccata condonata. Primo quantum ad remotionem servitutis diabolicae; secundo ponit ablationem reatus culpae, ibi expolians, et cetera. Dicit ergo delens, et cetera. Quod decretum dupliciter potest intelligi. Uno modo lex vetus. Eph. II, 15: legem mandatorum decretis evacuans, et cetera. Et sic loquitur hic ad Iudaeos; quasi dicat: et vos convivificavit. Chirographum est Scriptura manualis, et proprie fit pro cautione contractuum. Quicumque frangit decretum Dei, efficitur reus culpae. Et hic reatus consistit et in memoria hominis inde perturbata et maculata, et in memoria Dei iudicaturi, et Daemonum qui cruciaturi sunt.

Hoc ergo remanens in memoria, vocatur chirographum: Christus ergo est qui condonavit omnia, et hoc delens chirographum, id est memoriam transgressionis, quod, chirographum vel decretum, erat adversus nos, quia utrumque erat contra nos. Lex quidem, quia faciebat cognitionem peccati, et non iuvabat; chirographum autem, quia memoria transgressionis ad puniendum erat. Et dicit decreti, quia non remittit sic ut faciat quod non peccaveris, sed quia non est in memoria Dei ad puniendum, nec in Daemonis memoria ad accusandum, nec in te ad contristandum. Ps. XXXI, 1: beati quorum remissae sunt iniquitates, et quorum tecta sunt peccata, et cetera. Vel communiter loquitur non solum ad Iudaeos, sed ad omnes. Unum decretum factum est primo homini, Gen. II, 16: ex omni ligno Paradisi comede, de ligno autem scientiae boni et mali ne comedas. In quacumque die comederis, morte morieris.

Sed huiusmodi decretum est homo transgressus, et propter hoc in memoria est chirographum contrarium nobis, quod Christus delevit. Et quomodo? In cruce, quando tulit ipsum de medio, et cetera. Consuetudo enim erat quod solvens omnia ad quae quis tenebatur, scindebatur chirographum. Homo autem erat in peccato, sed Christus solvit pro bonis patiendo. Ps. LXVIII, 5: quae non rapui, tunc exolvebam. Et ideo simul cum morte Christi, hoc chirographum est destructum, et ideo dicit tulit de medio, id est sustulit de rerum natura, et hoc affigens illud cruci, per quam satisfaciens Deo tulit peccatum nostrum.

Deinde cum dicit expolians, etc., ostendit quomodo liberavit a servitute peccati. Detur enim quod usurarius propter cautionem teneat hominem captum, non sufficeret destructio cautionis, nisi liberaretur. Sic et Christus. Et ideo dicit expolians, et cetera. Haec expoliatio refertur ad sanctos mortuos ante passionem Christi, et sic Christus eos de Inferno expoliando liberavit. Zach. IX, 11: tu quoque in sanguine testamenti tui emisisti vinctos tuos de lacu, in quo non erat aqua. Is. c. XLIX, 25: equidem et captivitas a forti tolletur, et quod ablatum fuerit a robusto, salvabitur. Si autem intelligatur de vivis, sic expoliavit eos, scilicet Daemonibus. Lc. XI, 22: si autem fortior illo superveniens vicerit eum, universa arma eius auferet, in quibus confidebat, et spolia eius distribuet. Io. XII, 31: princeps huius mundi eiicietur foras. Dicit ergo expolians principatus et potestates id est, ipsos Daemones. Eph. ult.: adversus principes et potestates, adversus mundi rectores tenebrarum harum, et cetera.

Traduxit ipsos sanctos confidenter tamquam auctoritatem habens: in caelum, quantum ad mortuos; et quantum ad vivos, in regnum gloriae vel gratiae suae. Vel traduxit, id est, extra duxit, id est, expulit principatus ex homine. Is. LI, 9: induere fortitudinem brachium domini, et cetera. Palam, id est evidenti iudicio, quo cognoscatur quod traducti sunt. Olim enim totus mundus servivit idolis, nunc non. Vel palam, id est, coram multitudine Angelorum, tum quia descendit ad Infernum sanctorum, tum quia ascendit in caelum. Et hoc triumphans in semetipso, id est, in sua virtute. Phil. III, 21: secundum operationem qua possit etiam subiicere sibi omnia. Alia littera sic habet: et exuens se carne, principatus et potestates exemplavit fiducialiter triumphans. Et exponitur sic: exuens se carne, id est, mortalitate. I Cor. XV, v. 50: caro et sanguis regnum Dei non possidebunt, id est, mortalitas carnalis corruptionis. Rom. VI, 9: Christus resurgens ex mortuis iam non moritur, mors illi ultra non dominabitur. II Cor. V, 16: et si cognovimus secundum carnem Christum, sed nunc iam non novimus. Exemplavit, id est, in se exemplum praebuit, quomodo sunt vincendi. Reliqua non mutantur.

 

La circoncision spirituelle

Parmi les observances légales, la première est la circoncision, par laquelle les Juifs professaient leur observance de la loi ancienne, comme le baptême est pour nous le signe que nous professons la loi nouvelle : "Je déclare à tout homme qui se fait circoncire qu’il est tenu d’accomplir la loi tout entière." (Gal.V, 3). Mais, dit-il, les fidèles reçoivent comme une circoncision spirituelle, ce qui les dispense de la circoncision ancienne. Ainsi, il leur montre tout d’abord de quelle circoncision ils sont circoncis ; ensuite en qui leur est conférée la circoncision nouvelle : ensevelis; en troisième lieu, il leur donne les raisons de cette circoncision : vous qui étiez morts.

Il est, en effet, une circoncision de la chair que nous refusons désormais, et une circoncision de l’esprit : dans le Christ nous avons été circoncis d’une circoncision qui n’est pas de main d’homme, mais qui est spirituelle. Donc il rejette la circoncision charnelle et met en lumière la spirituelle : c’est en lui, c'est-à-dire dans le Christ, que vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’est pas de main d’homme. "Le vrai Juif, ce n’est pas celui qui l’est au dehors, et la vraie circoncision, ce n’est pas celle qui paraît dans la chair. Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement, et la circoncision, c’est celle du coeur, dans l’esprit et non dans la lettre, etc..." (Rom. II, 28). D’une circoncision qui vous a dépouillés de ce corps de chair... Ces paroles peuvent s’entendre dans un double sens. Celui-ci d’abord : Vous qui êtes circoncis d’une circoncision qui n’est pas de main d’homme, vous demeurez dépouillés du corps charnel, etc..., c’est-à-dire de la corruption de la chair, car "la chair et le sang ne posséderont point le royaume de Dieu, etc..." (I Cor XV, 50). C’est une manière de dire : Vous êtes circoncis puisque vous n’avez plus les vices de la chair et que "vous avez dépouillé le vieil homme et ses oeuvres" (Col., III, 9). - Un autre sens serait : Vous n’êtes pas circoncis de cette circoncision de main d’homme [qui consiste dans le dépouillement du corps de chair] dont une partie est retranchée. Aussi une autre version porte : de la peau de la chair, c’est-à-dire d’une petite partie du corps qui est chair. Non pas qu’autre soit le corps et autre la chair, et Paul dit : de la chair par allusion à ce passage de la Loi où il est dit "Vous circoncirez votre chair, etc..." (Gen., XVII, 11), et pour montrer qu’il s’agit d’observances charnelles. Ce n’est pas cette circoncision que nous avons reçue, mais celle du Christ. De même en effet que Jésus-Christ, pour nous délivrer du péché, a pris la ressemblance de la chair de péché, c’est-à-dire a pris une chair passible, de même il s’est soumis, pour nous délivrer des observances légales, aux remèdes de la loi. Ou bien il s’agit de la circoncision que le Christ opère en nous, qui est une circoncision spirituelle : "dans l’âme et non dans la lettre" (Rom. II, 29).

En second lieu, Paul montre que nous recevons cette circoncision au baptême, qui est une circoncision spirituelle. Il explique d’abord que nous y trouvons la figure de la mort du Christ, ensuite que nous y sommes rendus conformes au Christ ressuscité : vous avez été ressuscités avec lui. Aussi dit-il : ensevelis, etc... Le baptême rappelle la mort du Christ, d’abord pour ceci : de même que Jésus, après avoir été cloué à la croix, fut enfermé dans le Sépulcre, ainsi le baptisé est plongé dans l’eau, et par trois fois, tout comme le Christ demeura trois jours dans le tombeau. Ensevelis également parce que le baptême rappelle aussi la mort du Christ en tant qu’il détruit le péché comme le Baptême. Et de même que Jésus est ressuscité du tombeau, ainsi devons nous ressusciter du péché en réalité, et de la corruption de la chair, en espérance de la résurrection : cela se fait par la foi à l’action de Dieu, qui l’a ressuscité. "Rétablis-moi, et je leur donnerai leur rétribution" (Ps. XL, 11). Croire à cette résurrection, c’est y être associé. "Celui qui a ressuscité le Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels" (Romains VIII, 11). Mais n’oublions pas que Jésus s’est aussi ressuscité lui-même, car Père et le Fils agissent ensemble. "Que j’éveille l’aurore !" (Ps. CVII, 3)

Quand Paul dit ensuite : Vous qui étiez morts, etc..., il montre la raison de cette ressemblance ; il l’établit d’abord, ensuite il explique ces paroles : Il a effacé, etc... Le sens littéral n’offre aucune difficulté. Vous êtes circoncis, a dit l’Apôtre, parce que le baptême vous a ensevelis avec le Christ et il compare le baptême à une mort et à une sépulture. Mais il serait peut-être plus logique de dire que saint Paul commence par dire que le baptême est une circoncision et qu’il montre ensuite pourquoi : le péché est une superfluité, comme l’est la chair du prépuce, et c’est pareil de quitter celui-ci [dans la circoncision] ou celui-là [dans le baptême]. C'est pour cela que l’Apôtre écrit : Vous qui étiez morts par vos péchés, c'est-à-dire à cause de vos péchés : "La mort dans le péché est la pire des morts" (Ps. XXXIII, 22). Et par l’incirconcision de votre chair, par la concupiscence charnelle, fruit du péché originel, vous qui étiez comme liés par la responsabilité des actes mauvais et des péchés mortels, le Christ vous a rendus à la vie avec lui, etc... Et cela en écartant de vous tout péché, "en vous pardonnant et en vous remettant toutes vos fautes". Être circoncis et être vivifiés, c’est donc la même chose, et c’est ce qui a lieu dans le baptême quand nous est appliqué le remède à la mort du péché et dans la circoncision par la rémission du péché originel.

 

Le pardon de la faute

Mais comment le Christ nous a-t-il pardonné ? Rappelons-nous que le péché a fait tomber l’homme dans deux maux : la responsabilité de la faute et la servitude du démon. Paul dit donc comment les péchés nous sont pardonnés ; d’abord en ce qui concerne le rachat de la servitude du démon ; ensuite en ce qui concerne l’effacement de la responsabilité de la faute : Il a dépouillé, etc... Aussi, dit saint Paul, le Christ a détruit l’acte, etc.... Ce décret peut s’entendre de deux manières : la première de la loi ancienne : "Le Christ a abrogé la loi des ordonnances avec ses prescriptions, etc..." (Ephésiens II, 15). Paul s’adresserait donc aux Juifs pour leur dire : Vous aussi, il vous a vivifiés. Le terme « cédule » signifie un écrit fait à la main et, à proprement parler, un acte pour la sûreté des contrats. Quiconque viole le décret de Dieu est coupable d’une faute. Le souvenir de cette prévention demeure à la fois en l’homme qui en est troublé et souillé, en Dieu qui doit juger, et dans les démons qui doivent torturer. Ce souvenir ainsi fixé est ce qu’on peut appeler la cédule. Le Christ a donc tout pardonné en détruisant cette cédule, c'est-à-dire en abolissant le souvenir de notre faute, en supprimant la loi; loi et cédule qui étaient l’une et l’autre contre nous, dit l’Apôtre, car la loi ne faisait que mettre en évidence notre péché sans nous aider, et la cédule rappelait la nécessaire punition. Et Paul dit ordonnances légales parce que, s’il pardonne, le Christ ne peut pas faire que vous n’ayez point péché, mais seulement effacer le souvenir de votre faute en Dieu qui ne châtiera pas, dans les démons qui ne pourront accuser, et en vous qui n’en serez plus attristé. "Heureux celui dont la transgression a été remise, dont le péché est pardonné, etc... " (Ps XXXI ,1) ! Mais l’Apôtre s’adresse communément non seulement aux Juifs, mais à tous, et rappelle le précepte donné au premier homme : "Tu peux manger de tous les arbres du jardin, mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourra certainement" (Gen., II, 16). L’homme viola cette défense, et de cette transgression il restait le souvenir, la cédule qui témoignait contre nous et que le Christ a fait disparaître. Comment ? en la clouant à la croix, et ainsi il l’a supprimée, etc... . C’était la coutume, quand un débiteur s’acquittait entièrement, qu'on détruisait la cédule [de sa dette]; ainsi pour l’homme qui était sous la dette du péché : le Christ a payé pour nous en souffrant : "Devrai-je donc rendre ce que je n’ai pas pris ?" (Ps LXVIII, 5). Cette cédule a été détruite au moment même où il mourait, il l’a fait disparaître du milieu des créatures, c'est-à-dire qu’il l’a effacée de la nature même des choses et, en la clouant à la croix qui satisfaisait à Dieu et effaçait notre péché.

 

La délivrance de la servitude

Ensuite quand saint Paul dit : Il a dépouillé, il montre comment le Christ nous a délivrés de la servitude du péché. Imaginons en effet qu’ un usurier tienne son débiteur captif à cause d’une caution : ce ne serait pas assez de détruire la cédule de garantie, si le débiteur n’était pas libéré. Ainsi du Christ : Paul dit : Il a dépouillé les Principautés et les Puissances, etc..., ce dépouillement fait référence aux hommes saints morts avant la Passion du Christ ; aussi le Christ les a-t-il libérés de l’enfer par un dépouillement : "Pour toi aussi, à cause du sang de ton alliance, je retirerai tes captifs de la fosse sans eau" (Zach. IX, 11). "Arrachera-t-on au puissant sa proie, et les justes qu’on a faits captifs échapperont-ils ?" (Isaïe XLIX, 25). Par contre, si par « dépouillement » Paul fait référence aux vivants, alors il les a libérés des démons. "Qu’il en survienne un plus fort qui le vainque, il lui enlève toutes les armes dans lesquelles il mettait sa confiance, et il distribue ses dépouilles". (Luc XI, 22). "Le prince de ce monde sera chassé dehors" (Jean, XII, 31). Donc, dit Paul : Il a dépouillé les Principautés et les Puissances, c'est-à-dire les démons eux-mêmes. Car "nous avons à lutter contre les princes, contre les puissance contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, etc..." (Ephésiens VI, 12). Hardiment, ces saints, il les a livrés, en tant qu’il a autorité : dans le ciel, sur les morts ; et dans son règne de gloire et de grâce, sur les vivants. Ou alors il les a livrés, c'est-à-dire mis dehors, expulsés, ces Principautés et ces Puissances, de l’homme : "Bras du Seigneur, élevez-vous! Armez-vous de force, etc..." (Isaïe LI, 9). A la face du monde, c'est-à-dire par un jugement éclatant grâce auquel on connaîtrait qu’ils étaient délivrés. Autrefois en effet, le monde entier était asservi aux idoles, ce n’est plus le cas maintenant. Mais à la face du monde peut aussi signifier : en présence de la multitude des Anges, en descendant en cette partie des enfers où étaient les saints et en montant aux cieux ; il les a entraînées dans son triomphe par sa propre vertu. "…par sa vertu puissante qui lui assujettit toutes choses (Phil. III, 21). Une autre version porte : En se dépouillant de sa chair, il a confirmé par son exemple les Principautés et les Puissances, en triomphant avec confiance. Cela s’explique ainsi : en se dépouillant de sa chair, c'est-à-dire par sa condition mortelle, d’homme mortel ayant un corps corruptible : "Ni la chair ni le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu." (I Cor. XV, 50). "Une fois ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus : la mort sur lui n’a plus d’empire (Rom VI, 9) ; "si nous avons connu le Christ selon la chair, à présent nous ne le connaissons plus de cette manière." (II Cor. V, 16). Il a confirmé par son exemple, c'est-à-dire : par son exemple il a montré comment il faut vaincre ces puissances. Le reste du texte ne change pas.

 

 

Lectio 4

Leçon 4 — Colossiens 2, 16-23 : Les observances abolies

[16] nemo ergo vos iudicet in cibo aut in potu aut in parte diei festi aut neomeniae aut sabbatorum

[17] quae sunt umbra futurorum corpus autem Christi

[18] nemo vos seducat volens in humilitate et religione angelorum quae non vidit ambulans frustra inflatus sensu carnis suae

[19] et non tenens caput ex quo totum corpus per nexus et coniunctiones subministratum et constructum crescit in augmentum Dei

[20] si mortui estis cum Christo ab elementis mundi quid adhuc tamquam viventes in mundo decernitis

[21] ne tetigeris neque gustaveris neque contrectaveris

[22] quae sunt omnia in interitu ipso usu secundum praecepta et doctrinas hominum

[23] quae sunt rationem quidem habentia sapientiae in superstitione et humilitate et ad non parcendum corpori non in honore aliquo ad saturitatem carnis

2, 16 Dès lors, que nul ne s'avise de vous critiquer sur des questions de nourriture et de boisson, ou en matière de fêtes annuelles, de nouvelles lunes ou de sabbats.

2, 17 Tout cela n'est que l'ombre des choses à venir, mais la réalité, c'est le corps du Christ.

2, 18 Que personne ne vous séduise, en se complaisant dans d'humbles pratiques, dans un culte des anges, tandis qu’il s’égare en des choses qu’il n’a pas vues, bouffi qu'il est d'un vain orgueil par sa pensée charnelle,

2, 19 et qu’il ne s'attache pas à la Tête dont le Corps tout entier reçoit cohésion et accroissement, par les liens et jointures, pour réaliser sa croissance en Dieu.

2, 20 Du moment que vous êtes morts avec le Christ aux éléments du monde, pourquoi vous plier à des ordonnances comme si vous viviez encore dans ce monde ?

2, 21"Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas",

2, 22 tout cela pour des choses vouées à périr par leur usage même ! Voilà bien les prescriptions et doctrines des hommes !

2, 23 Ces sortes de règles peuvent faire figure de sagesse par leur affectation de religiosité et d'humilité qui ne ménage pas le corps; en fait elles sont sans valeur réelle et ne servent qu’à la satisfaction de la chair.

[87855] Super Col., cap. 2 l. 4 Supra ostendit legalia esse impleta in Christo propter circumcisionem in eo impletam, quae est legalium professio, hic concludit eos non obligari ad legalia praecepta caeremonialia. Caeremonialia vero erant quatuor, scilicet sacrificia, sacra, sacramenta, et observantiae. Sacrificia immolabantur Deo, ut oves, vituli, et huiusmodi. Sacra erant sicut vasa, et solemnia tempora. Sacramenta erant tria, scilicet circumcisio, agnus paschalis, et consecratio sacerdotum. Observantiae autem erant ea, quae pertinebant ad singularem conversationem populi Israel, ut cibi, vestes, et huiusmodi. Quaedam vero praedictorum pertinebant ad quosdam, ut sacrificia, vasa, et alia huiusmodi; quaedam ad omnes. De primis autem non facit mentionem, sed de tangentibus totum populum, sicut nunc Baptismus. Facit autem mentionem de observantiis, quia abstinebant a certis cibis, Lev. c. XI, 26, ut de quadrupedibus, ab his quae ungulam non dividunt. In potu etiam, vas quod non haberet operculum, immundum erat, et quicquid in eo erat.

Et ideo quantum ad hoc dicit nemo vos iudicet in cibo, id est condemnabiles putet in hoc quod utimini cibis vel potibus prohibitis in lege. Rom. c. XIV, 3: qui non manducat, manducantem non iudicet, et cetera. Item facit mentionem de sacris ad temporum solemnitatem pertinentibus. In veteri autem lege erat solemnitas iugis, ut sacrificium vespertinum et matutinum; quaedam autem quae certis temporibus fiebant, et horum: quaedam fiebant pluries in anno, quaedam semel tantum, sicut Pascha, Scenopegia, et Pentecostes; sed sabbatum, et Neomenia pluries, quia illud qualibet hebdomada, istud semel in mense. Et huius ratio erat, quia omnia festa tendunt ad honorem Dei. Impendimus autem Deo honorem, vel propter aliquod aeternum, et sic est iuge sacrificium; vel propter aliquod temporale, et hoc quantum ad totum hominum statum; et sic sunt duo, scilicet creationis beneficium, et sic est sabbatum. Ex. XX, v. 8: memento ut diem sabbati sanctifices, et ratio ponitur ibi: quia septimo die requievit. Et ratio allegorica est, quia significat quietem Christi in sepulchro; et anagogice, quietem animae in Deo.

Aliud est beneficium propagationis et conservationis, quod etiam fit per tempus. Et quia Iudaei observabant tempora a luna, ideo dicit festum Neomeniae, id est, novae lunae. Sunt etiam aliae causae, scilicet liberationis specialis, et sic superadditae sunt aliae solemnitates; et ideo dicit aut in parte diei festi, aut Neomeniae, quae fit quolibet mense aut sabbatorum, pro qualibet septimana.

Et dicit sabbatorum, quia sabbatum est requies, et isti habebant plura sabbata, quia septimum diem et septem septimanas, scilicet Pentecosten, quae in septima septimana est a Pascha, quae est principium anni, et septimum mensem, et septimum annum, in quo fit remissio debitorum. Item septima septimana annorum, id est, in iubilaeo. Et ideo dicit sabbatorum; quasi dicat: nullus vos condemnet, quia haec non observatis. Et hoc quia sunt umbrae futurorum, scilicet Christi. Et ideo veniente veritate, debet cessare umbra. Corpus autem Christi, id est, corpus pertinens ad Christum. Quando quis videt umbram, sperat quod corpus sequatur. Legalia autem sunt umbra praecedens Christum, et eum figurabant venturum. Et ideo dicit corpus, id est, veritas rei pertinet ad Christum; sed umbra ad legem.

Deinde cum dicit nemo vos seducat, etc., loquitur contra seductores et deceptores. Et primo monet ut non decipiantur; secundo arguit deceptos, ibi si ergo mortui. Item primo reddit cautos a seductione; secundo ostendit per quid seducantur, ibi volens in humilitate; tertio in quo deficiat, ibi quae non vidit. Dicit ergo nemo vos seducat, scilicet a veritate quam dixi. Eph. V, 6: nemo vos seducat inanibus verbis. Seducunt enim in humilitate isti pseudo-apostoli introducentes legalia, quia utebantur simulata sanctitate.

Sanctitas autem in duobus consistit, scilicet in humili conversatione, et cultura Dei. Isti autem ostendebant humilem conversationem, cum apparebat eos non curare de rebus mundi. Et ideo dicit in humilitate. Eccli. XIX, 23: est qui nequiter se humiliat, et interiora eius plena sunt dolo. Item dicebant se praedicare ad reverentiam Dei. Et ideo dicit et religione Angelorum. Religio enim est secundum Tullium, quae cuidam naturae, quam divinam vocant, cultum et caeremoniam affert. II Tim. III, 5: habentes quidem speciem pietatis, virtutem autem eius abnegantes. Et secundum Glossam legitur sic: in religione, etc., quia per hoc intendunt, quod videantur esse Angeli, id est, nuntii Dei. Matth. VII, 15: attendite a falsis prophetis et cetera. Vel in religione Angelorum ad litteram, quia vetus lex est tradita per Angelos in manu mediatoris, ut dicitur Gal. III, 19. Hebr. c. II, 2: si enim qui per Angelos dictus est sermo, factus est firmus, et cetera. Et isti dicebant cultum legis observandum quia tradita per Angelos.

Sed tamen triplex est eorum defectus, scilicet scientiae, iustitiae et fidei. Et quantum ad primum dicit volens quae non vidit, id est, intellexit persuadere, et semper repetere: nemo vos seducat. Isti enim nesciebant quo fine data esset lex. I Tim. I, v. 7: volentes esse legis doctores, non intelligentes neque quae loquuntur, neque de quibus affirmant. Quantum ad secundum dicit ambulans frustra inflatus, licet sic humilitatem praetendant. Et ponit duo, scilicet quod religio eorum sit inutilis, quia ambulant frustra, scilicet operantes opera quae non prosunt ad vitam aeternam. Sap. III, 11: inutilia sunt opera eorum. Iob XXXIX, 16: frustra laboravit nullo timore cogente. Item, quod praetendunt falsam humilitatem. Unde dicit inflatus, et cetera. Differentia est inter inflatum et pinguem; quia pingues, veritatis sunt pleni, inflati vero vacui, sed vento extensi. Qui ergo vere sunt humiles, sunt pleni, sed qui apparent tantum inflati, sunt vacui. Sap. IV, 19: dirumpe illos inflatos sine voce. Hoc sensu intelligitur illud scientia inflat I Cor. VIII, 1. Haec sapientia est gravis, scilicet quia inflat, non quae ex Deo. Matth. XVI, 17: caro et sanguis non revelavit tibi, et cetera.

Quantum ad tertium dicit non tenens caput, scilicet Christum per fidem. Et talis decipitur, quia sine Christo est in tenebris. I Tim. VI, 3: si quis non acquiescit sanis verbis, et cetera.

Sed quare est caput? Respondet, dicens: quia ab eo dependet totum bonum corporis, scilicet Ecclesiae. In corpore enim naturali sunt duo bona, scilicet compactio membrorum, et augmentum corporis. Et hoc habet Ecclesia a Christo. Ex eo enim dependet totum corpus. Rom. XII, 5: multi unum corpus sumus in Christo. Et ideo dicit coniunctiones; in corpore enim est duplex coniunctio membrorum, scilicet secundum contactum, quia manus est coniuncta ulnae, haec pectori, et sic de aliis. Alia est connexio seu coniunctio nervorum. Et ideo dicit coniunctum et connexum. Sic in Ecclesia est coniunctio per fidem et scientiam. Eph. IV, 5: unus dominus, una fides, unum Baptisma. Sed hoc non sufficit, nisi sit connexus charitatis, et connexio sacramentorum; et ideo dicit subministratum per nexus, quia per charitatem unus subministrat alteri. Augetur etiam per Christum, qui crescit, scilicet corpus, constructum sic, in augmentum Dei, id est quod Deus facit in nobis. Ps.: beatus vir cuius est auxilium abs te, ascensiones in corde suo disposuit, et cetera. Vel Dei, id est Christi, qui Deus corpus auget, dum augetur Ecclesia. Eph. IV, v. 12: ad consummationem sanctorum in opus ministerii, in aedificationem corporis Christi, et cetera.

Deinde cum dicit si ergo mortui, etc., arguit etiam deceptos. Et primo ponit rationem redargutionis ex conditione deceptorum; secundo ex conditione eorum in quibus decipiebantur, ibi quae omnia sunt. Conditio eorum erat libertas, quia sicut erant mortui peccato, ita et legi. Unde servare eam non debebant. Dicit ergo si ergo mortui estis cum Christo, mortui legi, ab elementis mundi, id est a legalibus observantiis, quia Iudaei serviebant Deo vero, tamen sub elementis, sed gentiles ipsis elementis; quid adhuc, veritate cognita, tamquam viventes in mundo, ut Iudaei, discernitis, tangenda et comedenda, scilicet dicentes: ne tetigeritis hoc, quia peccatum est, neque gustaveritis de porco et anguilla, Lev. c. XI, 7 et 11.

Deinde cum dicit quae omnia, etc., ostendit qualia sunt ex parte legalium, dicens, quod sunt noxia, et vana, et gravia. Unde dicit quae omnia sunt in interitu, quia mortifera post passionem Christi, ponentibus spem in eis; sed post tempus gratiae divulgatae simpliciter omnibus sunt mortifera. Quod dico propter opinionem Hieronymi et Augustini, quae supra Gal. II cap. ponitur. Ad interitum ergo et in mortem perducentia sunt. Et si dicatur: quare ergo legimus vetus testamentum? Dico quod legimus ad testimonium, non ad usum. Et ideo dicit sunt in interitu ipso usu, id est non assumuntur ad testimonium, sed ad usum.

Item sunt vana, quae non innituntur rationi nec auctoritati. Sed haec non innituntur auctoritati divinae, sed humanae, unde dicit secundum praecepta. Sed numquid non sunt praecepta a Deo? Respondeo sic: ad tempus, quousque venerit veritas. Matth. XV, 6: irritum fecistis mandatum Dei propter traditiones vestras. Item non innituntur rationi, quia sunt habentia rationem sapientiae in superstitione; quasi dicat: non habent rationem, quae inducant nisi ad superstitionem, idest, ad religionem supra modum, et extra tempus ipsorum observatum. Et in humilitate, scilicet simulata tantum secundum deiectionem; quia qui liberatur per Christum a servitute legis, non debet se iterum supponere servituti. Gal. c. V, 1: nolite iterum sub iugo servitutis contineri.

Servantur tamen aliqua, quae et si non auctoritate divina, tamen humana ratione sunt utilia; sed hoc deficit hic. Sunt enim gravia haec, secundum se considerata. Tria autem desideramus, scilicet quietem, honorem, et sufficientiam, quae haec legalia non habent. Subtractio enim ciborum contraria est saturitati. Inducunt etiam laborem, propter observantias multiplices. Nec sunt ad honorem, sed ad confusionem multam, ut illa aspersio cineris, et huiusmodi. Act. XV, 10: hoc est onus, quod neque nos, neque patres nostri portare potuimus. Non ad parcendum corpori, id est, Ecclesiae, non in honore aliquo, id est non ad honorem Dei, sed ad saturitatem carnis, id est, ad implendum carnalem affectum.

L’Apôtre a montré plus haut que les observances légales ont donc été accomplies dans le Christ lorsqu’il s’est soumis à la circoncision, profession publique de ces observances; il en conclut maintenant que nous ne sommes point obligés aux préceptes cérémoniels de la Loi. Ces préceptes étaient au nombre de quatre : les sacrifices qui étaient offerts à Dieu, les choses sacrées, les sacrements, les observances. Les sacrifices étaient ceux qu’on offrait à Dieu comme les brebis, les génisses, etc. Les choses sacrées étaient entre autres les vases, les jours voués aux solennités. Les sacrements étaient au nombre de trois, la circoncision, l’agneau pascal et la consécration des prêtres. Quant aux observances, elles concernaient le détail de la vie du peuple d’Israël comme la nourriture, le vêtement, et autres détails de ce genre. Quelques-uns de ces préceptes s’adressaient seulement à un petit nombre de Juifs, par exemple ceux qui regardaient les saints sacrifices, les vases sacrés, etc... : l’Apôtre n’en parle pas. D’autres, au contraire, étaient faits pour tout le peuple, comme pour nous le baptême, et ce sont de ceux-là qu’il est fait mention. L’Apôtre parle particulièrement des observances qui défendaient de manger certains aliments : Lév. XI, 26 qui concerne les quadrupèdes qui n’ont pas la corne divisée ; en matière de boisson, un vase qui n’avait pas de couvercle et était réputé pour cela impur avec tout ce qu’il contenait. Que personne donc ne vous juge sur le manger, c'est-à-dire n’estime que vous êtes condamnables parce que vous faites usage d’aliments ou de boissons défendues par la Loi. "Que celui qui ne mange pas ne condamne point celui qui mange, etc... " (Rom., XIV, 3). Saint Paul parle ensuite des rites sacrés se rapportant à la solennité des temps. L’ancienne loi avait des solennités perpétuelles, comme le sacrifice du matin et du soir, et d’autres qui ne se célébraient qu’à des temps déterminés, d’autres encore qui avaient lieu plusieurs fois par an, ou une seule fois comme la Pâque, la Scénopégie, la Pentecôte; soit assez fréquemment comme le sabbat qui était hebdomadaire et la néoménie, mensuelle. Voici la justification de ces fêtes. Leur fin à toutes, c’est la gloire de Dieu. Nous glorifions Dieu d’abord pour ce qui est éternel : c’est le motif du sacrifice perpétuel; puis pour ce qui tient au temps : et cela concerne tout le statut des hommes. Et [il faut que l’homme rende hommage] pour tous les bienfaits reçus pour sa création d’abord, et c’est la raison du sabbat : "Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat" (Exode XX, 8), et on en donne la raison : c’est que le Seigneur s’est reposé le septième jour, lequel, allégoriquement signifie le repos du Christ dans le tombeau, et anagogiquement le repos de l’âme en Dieu. Rendons hommage pour notre conservation et prolongation qui se font dans le temps; et comme les Juifs réglaient le temps d’après le cours de la lune, l’Apôtre parle de la néoménie, ou nouvelle lune. Les Juifs avaient, en outre, des motifs particuliers [de célébrer des fêtes], par exemple leur délivrance; il y avait dond d’autres solennités qui s’ajoutaient : aussi saint Paul parle des "jours de fête", ou des Néoménies (qui avaient lieu chaque mois) et "des jours de sabbat" (chaque semaine). Paul dit : les sabbats. Le sabbat est le jour du repos, mais les Juifs avaient plusieurs sabbats, car ils marquaient le septième jour et sept semaines, c’est-à-dire la Pentecôte qui vient dans la septième semaine après la Pâque, le commencement de l’année, le septième mois et la septième année, dans laquelle on remettait les dettes, et la septième semaine dans laquelle se célébrait le jubilé. Voilà pourquoi l’Apôtre parle des jours de sabbat, comme pour dire : Que personne ne vous condamne si vous n’observez point ces fêtes, car "ce n’est là que l’ombre de ce qui doit venir ensuite", c'est-à-dire du Christ. La vérité resplendissant, l’ombre doit s’évanouir. "La réalité se trouve dans le corps du Christ." Si vous voyez l’ombre, vous vous attendez à ce que le corps suive : or les observances légales sont l’ombre qui précédait le Christ et annonçait sa venue; Paul dit donc le corps pour signifier que la réalité se trouve dans le Christ, tandis que l’ombre concerne la Loi.

 

Les imposteurs

L’Apôtre poursuit : Que personne ne vous séduise, etc…Il s’en prend aux séducteurs et aux imposteurs. Il avertit d’abord les Colossiens de ne pas se laisser tromper, ensuite il convainc ceux qui l’ont été : si donc vous êtes morts. De même il les met en garde contre la séduction, puis il montre par quoi ils se laissent séduire : en se complaisant dans d’humbles pratiques ; en troisième lieu en quoi il y a séduction : qu’ils n’ont pas vues. Paul dit donc : Que personne ne vous séduise, c’est-à-dire ne vous détourne de la vérité que je vous ai annoncée. "Que personne ne vous séduise par de vains discours." (Ephésiens V, 6). Car ces faux apôtres séduisent par une humilité affectée et introduisent les observances légales en se servant d’une sainteté feinte. La vraie sainteté repose sur deux points essentiels une vie humble et la glorification de Dieu; ces faux apôtres faisaient parade d’humilité en affectant de ne pas s’occuper des choses du monde : [en se complaisant] dans d’humbles pratiques, dit l’Apôtre : "Il y en a. qui s’humilient malicieusement et dont le fond du coeur est plein de tromperie" (Ecclés. XIX, 29). Ils prétendaient aussi prêcher à la gloire de Dieu : dans un culte des Anges. Selon Cicéron en effet, la religion consiste à rendre culte et respect à une nature quelconque qu’on appelle divine. "Ils ont les dehors de la piété, mais ils ont rejeté le pouvoir [de Dieu]" (II Tim III, 5). La Glose lit ainsi : dans la religion, etc... parce que ces gens s’efforcent d’être pris pour des anges, c'est-à-dire pour des envoyés de Dieu : "Gardez-vous des faux prophètes, etc..." (Matth. VII, 15). Ou bien, à la lettre : dans le culte des anges, parce que la Loi ancienne a été édictée "par le ministère des Anges" (Gal. III, 19). "Si déjà la parole promulguée par des anges a eu son effet, etc..." (Hébr. II, 2). Les séducteurs prétendaient qu’il fallait honorer la Loi parce qu’elle avait été transmise par des anges.

En réalité, ces séducteurs péchaient triplement : en même temps contre la science, la justice et la foi. Contre la science, car, dit l’Apôtre, ils s’égarent en des choses qu’ils n’ont pas vues, ils prétendent à force de les répéter, persuader des choses qu’ils ignorent : Que personne ne vous séduise.. Ils ignorent en effet à quelle fin fut donnée la Loi ? "ils ont la prétention d’être des docteurs de la loi, et ils ne comprennent ni ce qu’ils disent ni ce dont ils se portent garants." (I Tim. I, 7). Ils pèchent contre la justice : "Ils s’enflent d’un vain orgueil", bien qu’ils fassent parade d’humilité. Ici Paul distingue : toute leur religion est inutile, ils marchent en vain, car leurs oeuvres ne servent à rien pour la vie éternelle : "ses efforts sont infructueux." (Sagesse III, 11). "Que son travail soit vain, elle ne s’en inquiète pas." (Job XXXIX, 16). C’est à cause de leur humilité affectée que l’Apôtre dit qu’ils s’enflent d’orgueil, etc... Entre l’enflure et la plénitude il y a cette différence que être plein, c’est être plein de la vérité, tandis que l’enflure ne cache que le vide : "Le Seigneur les brisera, et, réduits au silence, les précipitera" (Sag., IV, 19); c’est en ce sens qu’il faut comprendre l’expression "la science enfle" (I Cor. VIII, 1). Tandis que la sagesse est grave : ce qui enfle, c’est ce qui n’est pas de Dieu. "Ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, etc... ".

 

La croissance du Christ mystique

Troisièmement, quand l’Apôtre dit : sans s’attacher au chef, c'est-à-dire au Christ, ces séducteurs pèchent contre la foi ; se séparer de lui, c’est l’erreur, ce sont les ténèbres : "Si quelqu’un n’adhère pas à la doctrine qui est conforme à la piété, etc..." (I Timothée VI, 3).

Mais pourquoi dit-on que le Christ est la tête ? Parce que de lui dépend toute la vie du corps qui est l’Eglise. Le corps naturel jouit de deux qualités : l’union des membres et leur accroissement ; c’est ce que le Christ donne à l’Eglise car de lui dépend tout le corps ; "Quoique plusieurs, nous ne formons qu’un corps en Jésus-Christ." (Romains XII, 5). Ici saint Paul parle des jointures; on peut, en effet, distinguer dans le corps, l’union par le contact, comme de la main et du bras, du bras et de la poitrine, etc... ; et l’union par connexion des nerfs : cohésion et accroissement. Ainsi dans l’Eglise existe d’abord l’union par la foi et la science : "Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême" (Eph., IV, 5). Mais cela ne suffirait pas si ne s’ajoutaient le noeud de la charité et le lien des sacrements : A l’aide des jointures, car par la charité un membre vient en aide à l’autre, et tout le corps grandit par le Christ, qui lui-même comme corps [mystique], en reçoit l’accroissement que Dieu produit en nous. "Heureux l’homme qui ont en toi leur secours ; les montées leur sont à cœur, etc..." (Ps LXXXIV, 6). De Dieu, c'est-à-dire du Christ, qui produit l’accroissement du corps, c'est-à-dire de l’Église. "En vue du perfectionnement des saints, pour l’œuvre du ministère, pour l’édification du Corps du Christ, etc... " (Eph. IV, 12).

 

Reproches aux faibles

En disant ensuite : Du moment que vous êtes morts, etc... l’Apôtre se met à reprendre ceux qui se sont laissés tromper. Il explique d’abord la raison de sa réfutation de leur condition de trompés, ensuite de la condition des points sur lesquels ils ont été trompés : tout cela pour des choses. Ils étaient libres, car ils étaient aussi bien morts à la loi qu’au péché et n’avaient plus à l’observer : S’il est vrai que vous êtes morts avec le Christ, morts à la loi, aux éléments du monde, c’est-à-dire aux observances légales, - car les Juifs servaient le vrai Dieu, mais ils vivaient sous les éléments du monde, liés par nature à ces élements -, pourquoi, maintenant que vous connaissez la vérité, agissez-vous comme si vous viviez dans le monde, à l’exemple des Juifs, et vous soumettez-vous à ces prescriptions : Ne touchez pas ceci, car ce serait un péché, ne mangez pas du porc ou de l’anguille ?" (Lév. XI, 7, 11).

Quand l’Apôtre dit : Tout cela pour des choses, etc... , il veut dire que ce sont des choses qui sont issues de la Loi et qu’elles sont nuisibles, vaines et pesantes. Il ajoute : "Ce sont choses qui vont à la corruption"; depuis la passion du Christ, elles sont mortelles pour ceux qui mettent en elles leur espérance, et depuis la promulgation de la grâce, mortelles, dans un sens absolu, pour tous. Je dis cela d’après l’opinion de saint Jérôme et de saint Augustin sur le chapitre II de la lettre aux Galates. Ce sont dons des choses qui mènent à la corruption et à la mort. - Mais alors, dira-t-on, pourquoi lire l’Ancien Testament ? - Aussi bien le lisons-nous pour y trouver un témoignage, et non pour le mettre en pratique. Encore une fois, ces choses vont à la corruption par l’usage même qu’on en fait, car elles ne sont pas prises pour le témoignage, mais pour en faire usage.

Et elles sont vaines, sans fondement aucun dans la sagesse et dans l’autorité. Elles ne s’appuyent pas sur l’autorité divine, mais sur une autorité humaine ; aussi Paul dit-il que ces défenses ne sont que des préceptes. "Mais, direz-vous, n’est-ce pas Dieu qui les a prescrits ? - Oui, mais pour un temps, jusqu’à la venue de la vérité. "Vous avez mis à néant la parole de Dieu par votre tradition" (Matth. XV, 6). Ces préceptes ne s’appuyent pas sur la raison parce qu’ils ont quelque renom de sagesse avec leur superstition et leur humilité ; c’est comme si Paul voulait dire : ils ne sont pas raisonnables parce qu’ils ne mènent qu’à la superstition, c'est-à-dire à une religion hors de la mesure et dont le temps est passé. Et cette humilité ne pourrait être que simulée, comme un abaissement, puisque, délivrés par le Christ de la servitude de la Loi, nous n’avons pas à nous y soumettre de nouveau ? "N’allez pas vous remettre sous le joug de l’esclavage" (Gal. V, 1).

Encore si ces observances étaient utiles, pourrait-on en garder quelques-unes, bien qu’elles s’appuient sur la seule autorité humaine, et non sur l’autorité divine. Mais ce n’est pas le cas. En effet elles sont lourdes et gênantes, considérées en elles-mêmes; or il y a trois choses que nous désirons : le repos, l’honneur et la satiété ; ces observances légales ne nous les donnent pas : ni une certaine satiété, puisqu’elles nous privent de nourriture; ni le repos, car c’est un vrai travail de se soumettre à tant d’observances; ni l’honneur, car ce sont des pratiques humiliantes, comme de se couvrir de cendres, et autres choses du genre. "C’est un joug que ni nos pères, ni nous n’avons pu porter?" (Act., XV, 10). Avec ce mépris pour le corps, poursuit l’Apôtre, c'est-à-dire pour l’Église, elles n’ont en réalité aucune valeur, comprenez pour la gloire de Dieu, et ne servent qu’à contenter la chair, c'est-à-dire qu’à assouvir nos sens charnels.

 

 

Caput 3

CHAPITRE 3: MISE EN GARDE CONTRE MAUVAISES MOEURS

Lectio 1

Leçon 1 — Colossiens 3, 1-7 : DEVOIRS GÉNÉRAUX LES VERTUS CHRÉTIENNES

[1] igitur si conresurrexistis Christo quae sursum sunt quaerite ubi Christus est in dextera Dei sedens

[2] quae sursum sunt sapite non quae supra terram

[3] mortui enim estis et vita vestra abscondita est cum Christo in Deo

[4] cum Christus apparuerit vita vestra tunc et vos apparebitis cum ipso in gloria

[5] mortificate ergo membra vestra quae sunt super terram fornicationem inmunditiam libidinem concupiscentiam malam et avaritiam quae est simulacrorum servitus

[6] propter quae venit ira Dei super filios incredulitatis

[7] in quibus et vos ambulastis aliquando cum viveretis in illis

3, 1 Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu.

3, 2 Songez aux choses d'en haut, non à celles de la terre.

3, 3 Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu :

3, 4 quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire.

3, 5 Mortifiez donc vos membres terrestres : fornication, impureté, passion coupable, mauvais désirs, et la cupidité qui est une idolâtrie;

3, 6 voilà ce qui attire la colère divine sur ceux qui résistent.

3, 7 Vous-mêmes, vous vous conduisiez naguère de la sorte, quand vous viviez parmi eux.

[87856] Super Col., cap. 3 l. 1 Supra apostolus monuit fideles contra seducentes, hic instruit eos contra perversitatem morum. Et primo proponit generalem doctrinam; secundo specialem, ibi mulieres subditae. Circa primum duo facit, quia primo instruit eos de habenda recta intentione finis; secundo de rectitudine humanae actionis, ibi mortificate. Iterum prima dividitur in duas partes, quia primo ponit modum instructionis; secundo assignat rationem, ibi mortui enim. Circa primum, primo ponit susceptum beneficium; secundo ex hoc concludit instructionis documentum, ibi quae sursum.

Beneficium est, quod surreximus cum Christo resurgentes, sed hoc dupliciter: uno modo per spem corporalis resurrectionis. I Cor. XV, 12: si autem Christus praedicatur quod resurrexit a mortuis, quomodo quidam dicunt in vobis quoniam resurrectio mortuorum non est? Item cum eo resurgente reparamur ad vitam iustitiae. Rom. IV, 25: traditus est propter delicta nostra, et resurrexit propter iustificationem nostram. Quasi dicat: si Christo resurgente et vos resurrexistis. II Cor. IV, 14: qui suscitavit dominum Iesum, et nos cum Iesu suscitabit.

Deinde cum dicit quae sursum, etc., concludit documentum debitum fini. Et primo per comparationem ad finem, et ut finem principaliter aliquis intendat; secundo ut secundum finem de aliis iudicet. Dicit ergo si consurrexistis cum Christo, quae sursum sunt quaerite. Matth. c. VI, 33: primum quaerite regnum Dei et iustitiam eius, et cetera. Hic enim est finis. Ps. XXVI, 4: unam petii a domino, et cetera. Et ideo hoc quaerite, ubi Christus sedet in dextera. Mc. ult.: dominus quidem Iesus postquam locutus est eis, assumptus est in caelum, et sedet a dextris Dei. Ps. CIX, 1: sede a dextris meis. Et intelligenda est dextra, non pars aliqua corporalis, sed similitudinaria. Dextra enim est potior pars hominis. Christus ergo sedet ad dextram, quia secundum quod homo, in potioribus bonis patris est, sed secundum quod Deus, in aequalitate eius est.

Et sic sit ordo in vobis, ut quia Christus est mortuus, et surrexit, et sic est assumptus a dextris Dei, ita et vos moriamini peccato, ut postea vivatis vita iustitiae, et sic assumamini ad gloriam. Vel nos resurreximus per Christum; ipse autem ibi sedet, ergo desiderium nostrum debet esse ad ipsum. Matth. XXIV, 28: ubi fuerit corpus, illuc congregabuntur et aquilae, et cetera. Matth. VI, 21: ubi est thesaurus tuus, ibi est et cor tuum. Item debemus iudicare de aliis secundum ipsum. Et ideo dicit quae sursum sunt sapite, et cetera. Astruit unum, et aliud negat. Sapit autem quae sursum sunt, qui secundum supernas rationes ordinat vitam suam, et de omnibus iudicat secundum eam. Iac. III, 15: haec est sapientia de sursum descendens. Sapit autem quae sunt super terram, qui secundum terrena bona omnia ordinat et iudicat, iudicans ea summa bona. Phil. III, 19: et gloria in confusione eorum, qui terrena sapiunt.

Deinde cum dicit mortui enim, etc., ponit rationem monitionis. Et primo commemorat quandam mortem; secundo innuit occultationem cuiusdam vitae, ibi et vita; tertio docet huius vitae manifestationem, ibi cum autem Christus.

Prius enim unum prohibuit, et aliud astruxit, et nunc ad haec duo redit. Primo sic: non sapite quae sunt terrena, quia mortui estis terrenae conversationi. Mortuus enim huic vitae non sapit ea quae sunt huius mundi, ita et vos, si mortui estis cum Christo, ab elementis huius mundi. Rom. VI, v. 11: existimate vos mortuos quidem esse peccato, viventes autem Deo. Is. XXVI, 14: morientes non vivant, gigantes non resurgant, et cetera.

Cum autem dixit existimate, etc., subdit: viventes. Et ideo alia vita est occulta, unde etiam hic dicit et vita vestra, et cetera. Et hanc vitam acquirimus nobis per Christum. I Petr. c. III, 18: Christus pro peccatis nostris mortuus est, iustus pro iniustis, et cetera. Quia vero haec vita est per Christum, Christus autem est occultus a nobis, quia est in gloria Dei patris. Et similiter vita, quae per eum nobis datur, est in occulto, ubi scilicet Christus est in gloria Dei patris. Prov. III, 16: longitudo dierum in dextra eius, et in sinistra eius divitiae et gloria. Ps. XXX, 20: quam magna multitudo dulcedinis tuae, quam abscondisti timentibus te, et cetera. Apoc. II, 17: vincenti dabo manna absconditum, et cetera.

Ideo cum dicit cum autem Christus, etc., ostendit quomodo manifestatur, scilicet sicut et Christus, quia dicitur in Ps. XLIX, 3: Deus manifeste veniet. Et ideo dicit cum autem apparuerit Christus, vita vestra, quia ipse est auctor vitae vestrae, et quia in amore eius et cognitione consistit vita vestra. Gal. II, 20: vivo ego iam non ego, vivit vero in me Christus. Tunc et vos apparebitis. I Io. III, 2: cum apparuerit, similes ei erimus, scilicet in gloria. Abac. III, 3: ab Austro veniet et sanctus de monte Pharan, et cetera.

Deinde cum dicit mortificate ergo, ordinat humanam actionem. Primo per cohibitionem peccatorum; secundo per instructionem bonorum morum, ibi induite vos. Circa primum duo facit, quia primo praemittit monitionem; secundo eius rationem exponit, ibi expoliantes vos. Iterum prima in duas, quia primo prohibet vitia carnalia, secundo rationem assignat, ibi propter quae. Circa primum duo facit; quia primo ponit generalem prohibitionem; secundo explicat in speciali, ibi quae sunt.

Dicit ergo. Non debetis sapere quae sunt super terram, sed mortificate quicquid terrenum et specialiter membra quae sunt, et cetera. Quod potest exponi similitudinarie, quia conversatio nostra est continens multos actus, sicut corpus multa membra, et in conversatione bona, prudentia est sicut oculus dirigens, fortitudo autem sicut pes portans. In mala vero, astutia sicut oculus, pertinacia vero sicut pes. Haec ergo membra sunt mortificanda.

Vel aliter. De membris corporis carnalibus dixit: mortui estis, etc., scilicet terrenae conversationi. Quomodo? Et respondens dicit mortificate, et cetera. In tantum ergo morimur culpae, inquantum vivificamur per gratiam. Vita enim gratiae reparat nos quantum ad mentem, non totaliter quantum ad corpus propter fomitem. Rom. VII, 25: ego ipse mente servio legi Dei; carne autem, legi peccati. Et paulo ante: video aliam legem in membris meis repugnantem legi mentis meae, et cetera. Qui ergo mortui estis quantum ad mentem, mortificate concupiscentiam in membris, quae sunt super terram, inquantum sunt super terram, et terrena corpora. I Cor. IX, 27 : castigo corpus meum et in servitutem redigo, etc., id est, non permittendo ei se pertrahi ad carnalia.

Et ideo ponit peccata in speciali. Et primo pure carnalia; secundo media, ibi et avaritiam. Inter carnalia maxime concupiscentia inclinat ad luxuriam, ubi est actus turpis. Et hoc vel secundum naturam animalis, non dicam rationis, quia omne peccatum est contrarium rationi. Et ideo dicit fornicationem. Tob. IV, v. 13: attende tibi ab omni fornicatione, et cetera. Vel contra naturam, et sic dicit immunditiam. Item delectatio est immunda, unde dicit libidinem. Item concupiscentia prava, unde dicit concupiscentiam malam.

Secundo ponit peccata media; et primo avaritiam, cuius obiectum est corporale, scilicet pecunia, et completur in delectatione spirituali, scilicet dominio talium. Et ideo communicat cum carnalibus peccatis. Et subdit quae est idolorum servitus. Eph. V, 5: aut avarus, quod est idolorum servitus. Sed numquid avaritia ex suo genere est species idololatriae, et avarus peccat tamquam idololatra? Respondeo. Dicendum est non secundum speciem, sed secundum similitudinem, quia avarus ponit vitam suam in pecunia. Idololatra est quando quis exhibet alicui imagini honorem debitum Deo. Avarus autem honorem debitum Deo exhibet pecuniae, quia tota sua vita circa hoc est. Quia vero avarus non intendit circa pecuniam se habere ut ad Deum, sicut idololatra, ideo est minus peccatum.

Deinde cum dicit propter quae venit ira Dei, ostendit rationem quare vitanda sunt haec peccata, et est duplex. Una quae movet omnes, et alia quae specialiter istos. Prima est vindicta Dei, quia propter carnalia venit ira, id est vindicta Dei, in filios diffidentiae, id est peccatores qui diffidunt de Deo, quia luxuria est filia desperationis, quia multi ex desperatione spiritualium dant se totaliter carnalibus. Vel diffidentiae, quia quantum est de se, non est confidendum ut corrigantur, et ideo venit ira Dei, sicut in Gen. VI, 17 et VII in diluvio, et XVIII, v. 26 et XIX, 24 de Sodomitis.

Alia ratio est, quia illi aliquando fuerunt tales. Unde dicit in quibus et vos ambulastis aliquando, scilicet de malo in peius. Et ponit hanc rationem propter duo, scilicet et propter id quod Petrus dicit I Petr. IV, 3: sufficit praeteritum tempus ad voluntatem gentium consummandam, qui ambulaverunt in luxuriis, etc.; et quia experti estis quod in eis non est utilitas, sed confusio. Rom. VI, v. 21: quem ergo fructum habuistis tunc in illis, in quibus nunc erubescitis?

Dans le chapitre précédent l’Apôtre a prémuni les fidèles contre ceux qui pouvaient les séduire ; il va maintenant les mettre en garde contre la perversité des moeurs, en leur donnant d’abord un enseignement général sur les vertus chrétiennes, en entrant dans le détail ensuite : Femmes, soyez soumises. Sur le premier point, il les instruit d’abord sur la doite intention que doivent avoir leurs buts, ensuite sur la rectitude de l’agir humain : Mortifiez donc. La première partie est à nouveau divisée en deux : il expose le mode de son enseignement, puis il en donne la justification : car vous êtes morts. Il rappelle donc d’abord le bienfait que nous avons reçu, puis il en tire une conclusion de son enseignement : songez aux choses d’en haut.

 

Vivre pour le ciel

Le bienfait que nous avons reçu, c’est que nous nous sommes levés pour ressusciter avec le Christ. Double bienfait : nous avons d’abord l’espoir de la résurrection corporelle; "On vous prêché que Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts : comment donc quelques-uns parmi vous disent-ils qu’il n’y a point de résurrection des morts ?" (I Corinthiens XV, 12). Et puis, par notre union à Jésus ressuscité, nous sommes guéris et rendus à la vie de justice "Il a été livré pour nos offenses et il est ressuscité par notre justification" (Rom., IV, 25). Autant dire : Si le Christ est ressuscité, vous l’êtes aussi avec lui, car "Celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus, nous ressuscitera aussi avec Jésus" (II Corinthiens IV, 14).

Ensuite, en disant Songez aux choses d’en haut, etc... , saint Paul tire la conclusion qui se rapporte à la fin; et d’abord, ar comparaison avec la fin, que nous devons chercher principalement cette fin et ensuite qu’il faut juger tout le reste par rapport à elle. Donc, dit-il, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut. "Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, etc..." (Matth. VI, 33); telle est notre fin en effet. "Je ne demande qu’une chose au Seigneur, etc..." (Ps. XXVI, 4). Ne cherchez donc, dit l’Apôtre, [que les choses d’en haut] où le Christ siège à la droite de Dieu : "Après leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut élevé dans le ciel où il est assis à la droite de Dieu" (Marc, XVI, 5) ; "Asseyez-vous à ma droite" (Ps., CIX, 1). Par droite, il ne faut évidemment pas entendre quelque partie corporelle, mais une similitude de puissance. Dans l’homme, la droite est le meilleur côté ; quand on dit que Jésus est à la droite de Dieu, il faut entendre qu’il a reçu, en tant qu’homme, communication du meilleur des biens de son Père, mais qu’en tant que Dieu, il est avec Dieu sur un pied d’égalité.

Pour vous, l’ordre, c’est que, comme Jésus est mort, est ressuscité et est monté à la droite du Père, ainsi vous mouriez au péché, vous ressuscitiez ensuite à la vie de justice et, ainsi justifiés, vous puissiez entrer dans la gloire. Ou bien nous sommes ressuscités par le Christ, or là où est Jésus, là doit tendre notre désir, car "où que soit le corps, là se rassembleront les aigles, etc..." (Matth., XXIV, 28), et "où es votre trésor, là aussi doit être votre coeur" (Matth. VI, 21). Jugeons de toutes choses par rapport à cette fin : Appliquez votre coeur aux choses d’en haut, etc... ; Paul sublime les choses d’en haut et refuse celles de la terre. Avoir du goût pour les choses d’en haut, c’est ordonner sa vie d’après des motifs surnaturels et tout juger par rapport au ciel. "C’est là la sagesse qui vient d’en haut" (Jacques III, 15). Au contraire, ils montrent du goût pour les choses de la terre, ceux qui règlent et estiment tout d’après les biens matériels, regardés comme biens suprêmes : "ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte, n’ayant de goût que pour les choses de la terre" (Phil., III, 19).

 

La vie en Dieu avec le Christ

L’Apôtre continue : Car vous êtes morts, en nous donnant la raison de son avertissement : il rappelle qu’[au baptême nous avons été frappés d’]une certaine mort, il indique que l’action de notre vraie vie est cachée, mais qu’elle doit être manifestée : Quand le Christ sera manifesté.

Paul en effet rejette l’amour des choses de la terre et exalte l’amour des choses d’en haut ; il revient maintenant sur sa pensée précédente : N’ayez pas de goût pour les choses de la terre puisque vous êtes morts à la vie terrestre. Quand on est mort à la vie d’ici-bas, on n’a plus le goût du monde ; ainsi vous aussi, si vous êtes morts avec le Christ, détachez-vous donc des éléments de ce monde. "Regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu." (Rom VI, 11). "Les morts ne vivront plus, les ombres ne ressusciteront pas, etc..." (Is., XXVI, 14).

Mais remarquez que s’il dit regardez-vous comme morts, il ajoute et comme vivants. Il est une vie cachée, ce qui lui fait dire et votre vie, etc.., et c’est cette vie que nous acquérons par le Christ : "Le Christ a souffert la mort pour nos péchés, lui juste pour des injustes, etc..." (I Pierre, III, 18). Et comme le Christ est la source de cette vie, et qu’il est caché à nos regards dans la gloire du Père, de même cette vie qui nous est donnée par lui, est cachée là où le Christ trône dans la gloire de son Père. "Dans sa droite est une longue vie; dans sa gauche, la richesse et la gloire" (Prov., III, 16) ; " Qu’elle est abondante, Seigneur, la douceur que tu tiens en réserve pour ceux qui te craignent, etc... ! " (Ps.XXX, 20); "A celui qui vaincra, je donnerai une manne cachée, etc...." (Apoc. II, 17)

Quand il dit Quand le Christ sera manifesté, Paul montre comment cette vie sera manifestée comme le Christ lui-même. "Il viendra, notre Dieu, et il ne se taira pas" (Ps. XLIX, 3) : Quand sera manifesté le Christ, qui est votre vie parce que c’est lui qui est l’auteur de votre vie et que votre vie consiste en son amour et sa connaissance : "Si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi." (Gal., II, 20). Alors vous aussi, vous serez manifestés ; "au temps de sa manifestation, nous lui serons semblables" (I Jean III, 2), c'est-à-dire dans la gloire. "Dieu viendra de Théman, et le Saint de la montagne de Pharan" (Habac., III, 3).

 

Éviter les péchés de la chair

Saint Paul dit ensuite : Mortifiez donc ; il donne la règle des actions humaines : d’abord s’abstenir du péché (5-11), puis suivre les bonnes moeurs (V, 12) : Revêtez donc.

Sur le premier point, il fait deux choses : il donne d’abord son avertissement, ensuite il en expose les motifs : Vous vous êtes dépouillés. La première partie se subdivise encore en deux : il réprouve les vices de la chair, puis il en donne la raison : voilà ce qui… Tout d’abord une interdiction générale, puis il l’explique dans le détail : qui sont…

Vous ne devez donc point, dit-il, montrer de goût pour les choses de la terre, mais mortifier en vous ce qui est terrestre et spécialement "les membres qui sont terrestres, etc...".

On peut expliquer ces paroles par une comparaison : de même que le corps a des membres divers, notre vie comprend des actes nombreux : ainsi dans une vie réglée, la prudence est comme l’oeil qui dirige, la force comme le pied qui porte; tandis que dans une vie mauvaise, l’astuce est comme l’oeil, l’opiniâtreté comme le pied. Ces membres-là, il faut les faire mourir.

Autre explication. A propos des membres du corps qui sont charnels, Vous êtes morts, dit l’Apôtre, à la vie terrestre. Mais comment ? - Parce que, ajoute-t-il, vous avez fait mourir ces membres, etc... Nous mourons donc au péché dans la mesure où la grâce nous vivifie; car la vie de la grâce opère notre renouvellement quant à l’âme, mais non pas totalement quant au corps, à cause du foyer [de la concupiscence] : "Par l’esprit, je suis l’esclave de la loi de Dieu, et par la chair l’esclave de la loi du péché" (Romains VII, 5, 23). Et un peu plus haut : "Je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de ma raison, etc..." Vous donc qui êtes morts quant à l’esprit, faites mourir la concupiscence en vos membres terrestres, en tant qu’ils sont charnels, et vos corps terrestres. Pour moi, "je traite rudement mon corps et je le tiens en servitude, etc..." (I Corinthiens IX, 27), c'est-à-dire que je ne lui permets point de se traîner aux choses de la chair.

L’Apôtre nomme en détail ces péchés. D’abord les péchés entièrement charnels, ensuite ceux qui le sont à moitié. Parmi les péchés charnels, la concupiscence nous pousse vers les actes honteux de la luxure; actes qui parfois respectent, je ne dis pas l’ordre de la raison, car tout péché est contraire à la raison, mais l’ordre de la nature animale : c’est alors la fornication : "Garde-toi de toute impureté, etc... " (Tob. IV, 13); ou bien actes qui sont même contre nature : c’est l’impureté; actes qui entraînent une délectation immonde, c’est la passion coupable; ou bien la concupiscence dépravée : les mauvais désirs.

Maintenant les vices moitié de la chair, moitié de l’esprit. L’avarice d’abord, dont l’objet est matériel, l’argent, mais qui s’achève dans la délectation que l’âme prend à le posséder. C’est par ce côté qu’elle tient aux péchés de la chair. Paul ajoute : Elle est une idolâtrie : "L’avare est un idolâtre." (Ephésiens V, 5). Mais vraiment l’avarice est-elle, dans son genre, une forme de l’idolâtrie, et l’avare commet-il le même péché que l’idolâtre ? - Absolument non, [idolâtrie et avarice n’appartiennent pas] à la même espèce de péché, mais il y a une ressemblance du fait que l’avare met sa vie en son argent. Il y a idolâtrie quand quelqu’un rend à une image l’honneur dû à Dieu. L’honneur dû à Dieu, l’avare le donne à l’argent, en ce sens que toute sa vie est là. Toutefois, comme l’avare n’entend pas considérer que son argent est Dieu ainsi que l’idolâtre le dit [de son image], son péché est moindre.

Quand il dit Voilà ce qui attire la colère divine, l’Apôtre donne deux raisons d’éviter ce genre de péchés : la première qui concerne tout le monde, la seconde qui regarde spécialement les Colossiens. La première est la vengeance de Dieu : c’est à cause des péchés charnels que la colère, c’est-à-dire la vengeance de Dieu s’appesantit sur ceux qui résistent, c'est-à-dire les pécheurs qui n’espèrent plus en Dieu; car la luxure est fille du désespoir : beaucoup se jettent totalement dans les désordres de la chair parce qu’ils n’osent plus compter sur les biens spirituels. Enfants de l’incrédulité aussi parce que, autant qu’il est en leur pouvoir, il n’y a guère d’espoir qu’ils se corrigent et que la colère divine descendra [sur eux], comme il arriva lors du Déluge (Gen., VI, 17 et VII) et du châtiment de Sodome (Gen XVIII, 26 et XIX, 24).

Une autre raison invoquée par l’Apôtre [pour que les Colossiens fuient les péchés de la chair], c’est qu’autrefois ils commirent ce genre de péchés. Vous marchiez quelquefois avec ces pécheurs, leur dit-il, vous alliez de mal en pis. Et il développe ce point pour les deux raisons que saint Pierre évoque dans sa première épître : "C’est bien assez d’avoir fait autrefois la volonté des païens, en vivant dans l’impudicité, etc..." (I Pierre, IV, 3). Et parce que vous avez fait l’expérience qu’il n’y a aucun bien à retirer de ces désordres, seulement la confusion. "Quel fruit aviez-vous alors des choses dont vous rougissez aujourd’hui ?" (Romains VI, 21)

 

 

 

Lectio 2

Leçon 2 — Colossiens 3, 8-13 : Éviter les péchés de l’esprit

[8] nunc autem deponite et vos omnia iram indignationem malitiam blasphemiam turpem sermonem de ore vestro

[9] nolite mentiri invicem expoliantes vos veterem hominem cum actibus eius

[10] et induentes novum eum qui renovatur in agnitionem secundum imaginem eius qui creavit eum

[11] ubi non est gentilis et Iudaeus circumcisio et praeputium barbarus et Scytha servus et liber sed omnia et in omnibus Christus

[12] induite vos ergo sicut electi Dei sancti et dilecti viscera misericordiae benignitatem humilitatem modestiam patientiam

[13] subportantes invicem et donantes vobis ipsis si quis adversus aliquem habet querellam sicut et Dominus donavit vobis ita et vos

3, 8 Et bien ! A présent, vous aussi, rejetez tout cela: colère, emportement, malice, outrage, vilains propos, doivent quitter vos lèvres;

3, 9 ne vous mentez plus les uns aux autres. Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements,

3, 10 et vous avez revêtu le nouveau, celui qui s'achemine vers la vraie connaissance en se renouvelant à l'image de son Créateur.

3, 11 Là, il n'est plus question de Grec ou de Juif, de circoncision ou d'incirconcision, de Barbare, de Scythe, d'esclave, d'homme libre; il n'y a que le Christ qui est tout et en tout.

3, 12 Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience;

3, 13 supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l'un a contre l'autre quelque sujet de plainte; le Seigneur vous a pardonnés, faites de même à votre tour.

[87857] Super Col., cap. 3 l. 2 Supra apostolus monuit fideles contra vitia carnalia, hic monet eos contra vitia spiritualia. Et primo ponit universalem admonitionem; secundo per partes distinguit. Dicit ergo: aliquando ambulastis in illis, sed nunc deponite et vos omnia, non solum carnalia, sed omnia. I Petr. II, 1: deponentes omnem malitiam, et omnem dolum, et simulationes, et invidias, et detractiones, et cetera. Distinguit autem vitia spiritualia in duo. Primo in peccatum cordis; secundo oris, ibi blasphemiam, et cetera. Et primo ponit iram. Ira enim viri iustitiam Dei non operatur Iac. I, 20, et haec est deponenda. Secundo indignationem, quae oritur ex ira, quae est quando quis reputat aliquem indignum eorum quae habet, vel ut comparetur alii. Is. XXVII, 4: indignatio non est mihi. Malitiam, quae consequitur ad haec duo, scilicet quando quis molitur malum proximo inferre. Iac. I, 21: abiicientes omnem immunditiam, et abundantiam malitiae, in mansuetudine, et cetera.

Deinde ponit peccata pertinentia ad peccatum oris: et sunt tria genera peccatorum oris. Per hoc enim peccatum designatur inordinatio mentis, et primo in comparatione ad Deum, et haec est blasphemia. Lev. XXIV, 14: educ blasphemum extra castra, et ponant omnes qui audierunt, manus suas super caput eius, et lapidet eum populus universus. Et sic quaecumque blasphemia est peccatum mortale. Sed quid si sit subito? Respondeo. Dicendum est quod si sit subito, ita quod non percipit se blasphemare, non peccat mortaliter. Sed credo quod, quantumcumque subito, si tamen percipit quod dicit verba blasphemiae, peccat mortaliter.

Secundo designat inordinationem circa concupiscentiam, dicens turpem sermonem de ore vestro. Eph. IV, 29: omnis sermo malus ex ore vestro non procedat, et cetera. Tertio inordinationem contra proximum, et hoc est mendacium. Prov. XIX, 5: qui loquitur mendacium, non effugiet.

Deinde cum dicit expoliantes, etc., ostendit rationem quare sunt vitanda praedicta vitia, quia scilicet deposita vetustate, debet indui novitas. Matth. IX, 16: nemo mittit commissuram panni rudis in vestimentum vetus, et cetera. Et primo ponit depositionem vetustatis; secundo assumptionem novitatis, ibi et induentes. Dicit ergo: deponite, hoc expoliantes, et cetera.

Nam hoc inveteratur per peccatum. Hebr. VIII, 13: quod autem antiquatur et senescit, prope interitum est. Haec vetustas propinquat corruptioni, quia peccatum est via ad corruptionem. Item per peccatum perditur virtus et decor spiritualis, quae quidem vetustas est introducta per peccatum primi parentis. Rom. V, 12: sicut enim per unum hominem peccatum in hunc mundum intravit, et per peccatum mors, ita et in omnes homines mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt. Hunc ergo veterem hominem, id est vetustatem peccati. Rom. VI, 6: vetus homo noster simul crucifixus est, ut destruatur corpus peccati, ut ultra non serviamus peccato, et cetera. Exuite cum actibus suis. Eph. IV, 22: deponite vos secundum pristinam conversationem veterem hominem, qui corrumpitur secundum desideria erroris, et cetera.

Novus homo est animus interius renovatus, quia homo, ante gratiam, habet mentem interiorem peccato subiectam, et quando reparatur per gratiam, habet novitatem. Ps. CII, 5: renovabitur ut aquilae iuventus tua. Gal. ult. 15: in Christo Iesu neque circumcisio, neque praeputium aliquid valet, sed nova creatura. Nova creatura est gratia innovans, sed adhuc vetustas remanet in carne. Sed si sequaris iudicium novi hominis, tunc induis novum hominem; si vero concupiscis secundum desideria carnis, induis vetustatem. Eph. IV, v. 24: induite novum hominem, qui secundum Deum creatus est in iustitia, et sanctitate veritatis. Deinde cum dicit et induentes, etc., describit novum hominem. Et primo ostendit renovationis modum, secundo ubi renovetur, tertio secundum quid renovatur. Ostendit ergo quod interior homo vetus per ignorantiam Dei, renovatur per fidem et agnitionem Dei. II Cor. III, 18: in eamdem imaginem transformamur a claritate in claritatem, tamquam a domini spiritu.

Sed ubi est haec renovatio? Ibi, scilicet ubi est imago Dei, quae non est in potentiis sensitivae partis, sed in mente. Unde dicit secundum imaginem, id est, ipsa Dei imago, quae est in nobis renovata, et hoc secundum imaginem eius, scilicet Dei, qui creavit eum. Dicitur autem novus creatus, quia anima rationalis non est ex traduce, sed a Deo creata.

Deinde cum dicit ubi non est, etc., ostendit hanc innovationem esse omnibus communem, alias non pertineret ad hominem inquantum homo. Et hoc quia facta est secundum aliquid quod convenit omnibus. Quintuplex autem hic cadit distinctio inter homines: una secundum sexum corporeum, et hanc excludit, dicens ubi non est masculus et foemina, quia non differunt mente, sed secundum sexum corporeum. Secunda per nationes, et hanc excludit, ibi gentilis et Iudaeus. Isti enim ex fidelibus, illi ex infidelibus, et tamen utrique mente rationales. Rom. III, 29: an Iudaeorum Deus tantum? Nonne et gentium? Tertia secundum ritum certum et proprium, quia quidam legis professionem, et quidam ritum eumdem non habebant. Rom. X, 12: idem dominus omnium, et cetera. Alia secundum linguam, ibi barbarus et Scytha. Scytha est versus Septentrionem, barbarietas autem extraneitatem dicit; unde barbari quasi extranei. Et simpliciter est barbarus qui extraneus est ab homine inquantum homo, et hoc est inquantum rationalis. Et ideo illi barbari sunt, qui non reguntur ratione et legibus, et ideo barbari naturaliter sunt servi, et in Christo non differunt, quia et si ius civile non habent, tamen legem habent Christi.

Alia secundum conditiones, quia quidam servi, quidam liberi: in Christo autem sunt omnes similes. Iob III, 19: parvus et magnus ibi sunt, et cetera.

Ergo non sunt hae differentiae in Christo, sed est omnia et in omnibus Christus. Non enim est circumcisio nisi per Christum, et libertas per Christum; si non es liber, libertas tua est Christus. Si non es circumcisus, circumcisio tua est Christus, et sic de aliis. Et in omnibus, quia omnibus beneficia sua dat.

L’Apôtre, plus haut, a mis en garde les fidèles contre les vices de la chair ; il les avertit maintenant contre les péchés spirituels : avertissement général d’abord, subdivisions ensuite. Il dit donc : Vous marchiez autrefois dans ces désordres; à présent, bannissez, vous aussi, tout cela, non seulement les vices charnels, mais tout ce qui est mal. "Ayant dépouillé toute malice et toute fausseté, la dissimulation et toutes sortes de médisances, etc..." (I Pierre II, 1). Saint Paul distingue deux sortes de péchés spirituels : ceux qui viennent du coeur, ceux qui procèdent des lèvres : outrage, etc... D’abord, la colère : "La colère de l’homme n’opère point la justice de Dieu." (Jacques I, 20). Il faut la rejeter. L’emportement, qui naît de la colère et consiste à regarder quelqu’un comme indigne de ce dont il dispose, ou à se comparer aux autres. La méchanceté, fille des précédentes, qui cherche à faire du mal au prochain : "Rejetant toute souillure et toute excroissance de méchanceté, recevez avec douceur." (Jacques I, 21)

Paul parle ensuite des péchés de la langue ; ils sont de trois sortes ; on comprend parmi ces péchés en effet un désordre de l’esprit à l’égard de Dieu ; c’est le blasphème, si sévèrement puni par l’ancienne loi: "Fais sortir du camp le blasphémateur : que tous ceux qui l’ont entendu posent leurs mains sur sa tête et que toute l’assemblée le lapide" (Lévitique XXIV, 14).

Tout blasphème est donc un péché mortel. - Mais s’il est irréfléchi ? – Je répondrais que s’il est vraiment tel, c’est-à-dire si le blasphémateur ne s’aperçoit point qu’il blasphème, il n’y a pas péché mortel. Mais je crois que quelque irréfléchi que soit le blasphème, du moment qu’on s’aperçoit qu’on profère des paroles blasphématoires, on pèche mortellement.

- [Autre péché de la langue] qui vient d’un désordre de l’esprit par rapport à la concupiscence : les paroles déshonnêtes doivent quitter vos lèvres; « que toute parole mauvaise soit absolument bannie de votre bouche » (Eph., IV, 29). - Enfin, le mensonge qui procède d’un désordre par rapport au prochain : "Celui qui dit des mensonges n’échappera pas" (Prov., XIX, 5).

 

Le vieil homme et le nouveau

Vous avez dépouillé, etc... C’est dire pourquoi il faut éviter les vices dont on vient de parler : après avoir dépouillé la vie ancienne, il faut adopter une vie nouvelle. "Personne, disait Jésus, ne met une pièce d’étoffe neuve à un vieux vêtement, etc..." (Matth., IX, 16). Paul explique d’abord ce que signifie « se dépouiller du vieil homme », puis « adopter une vie nouvelle » : vous avez revêtu. Il dit donc : rejetez, vous dépouillant de cela, etc...

C’est le péché qui fait "le vieil homme" : "ce qui est devenu ancien, ce qui est vieilli, est près de disparaître" (Hébr., VIII, 13). Cette vieillesse par conséquent est proche de la corruption, car le péché est la voie de la corruption ; et c’est aussi le péché qui nous fait perdre la vertu et la beauté spirituelle ; cette"vétusté" a été introduite par le péché de notre premier parent : "Par le fait d’un seul homme le péché est entré dans le monde, et à la suite du péché, la mort; la mort a donc atteint tous les hommes qui ont tous péché" (Romains V, 12). Et donc, dit l’Apôtre, dépouillez ce vieil homme, guérissez-vous de cette vétusté du péché; "notre vieil homme a été crucifié avec le Christ afin que le corps du péché fût détruit et que nous ne soyons plus les esclaves du péché, etc..." (Rom. VI, 6). Dépouillez-le avec ses pratiques; "vous avez été instruits à vous dépouiller, en ce qui concerne votre vie passée, du vieil homme corrompu par les convoitises trompeuses, etc..." (Éph., IV, 22). L’homme nouveau, c’est l’âme intérieurement renouvelée et délivrée du joug du péché auquel elle était pliée avant d’avoir reçu la grâce ; sa restauration par la grâce est un renouvellement : "Il renouvellera, votre jeunesse comme celle de l’aigle." (Ps. CII, 5). "En Jésus-Christ, la circoncision n’est rien, l’incirconcision n’est rien; ce qui est tout, c’est d’être une nouvelle créature" (Gal., VI. 15). Cette créature nouvelle, c’est la grâce qui renouvelle. Mais la vétusté demeure encore dans la chair; en suivant le jugement de l’homme nouveau, on revêt l’homme nouveau ; suivre les désirs de cette chair, c’est revêtir le vieil homme. "Revêtez l’homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables" (Eph. IV, 24). En disant vous avez revêtu, etc..., cet homme nouveau, l’Apôtre le décrit; il nous montre d’abord le mode de ce renouvellement, ensuite où il se produit, enfin selon quelles modalités ; il nous montre donc que le vieil homme intérieur, enfoncé dans l’ignorance de la Divinité, est renouvelé par la foi et la connaissance de Dieu. "Pour nous , nous sommes transformés en la même image, de plus en plus resplendissante, par l’action de l’Esprit du Seigneur" (II Cor., III, 18).

- Où s’opère ce renouvellement ? Là où est l’image de Dieu : non point dans les puissances sensibles mais dans l’esprit. A l’image de son Créateur, dit Paul : l’image même de Dieu, qui est restaurée en nous, à son image, c'est-à-dire à l’image de Dieu, son Créateur. Or on dit qu’il y a nouvelle création quand l’âme rationnelle est créée par Dieu sans intermédiaire.

Là il n’est plus, etc... : l’Apôtre ajoute que ce renouveau est commun à tous ; d’ailleurs ce renouvellement ne pourrait concerner l’homme en tant qu’homme, car il s’agit d’une réalité qui est commune à tous. Or il y a une quintuple distinction entre les humains : l’une en fonction du sexe ; Paul la rejette. "Il n’y a plus ni homme ni femme" (Gal., III, 28), car ils ont une âme pareille et ne diffèrent que par le sexe. Pas de distinction de nationalité : Paul la rejette : il n’y a plus ni Grec, ni Juif, car si les uns sortent d’entre les infidèles et les autres d’entre les fidèles, tous ont une âme raisonnable. "Dieu ne serait-il que le Dieu des Juifs ? Et Dieu des Gentils ?" (Rom., III, 29). Plus de distinction par des rites propres et déterminés, bien que les uns fassent profession de la Loi et d’autres n’observent pas les mêmes rites. "Le même Christ est le Seigneur de tous, etc... " (Rom., X, 12). - Pas de distinction de langue : il n’y a plus ni barbare, ni Scythe. La Scythie est au septentrion. Barbarie signifie terre et moeurs étrangères. Le barbare est étranger. Est absolument barbare celui qui est étranger à l’homme en tant qu’homme et ne suit pas la raison. Barbares, ceux qui ne vivent pas selon la raison, ni selon les lois. En ce sens, les esclaves sont par nature barbares, et donc ils ne sont pas différents dans le Christ, parce qu’ils n’ont point de droit civil, mais ont cependant la loi du Christ. - Enfin pas de distinction de condition : ni esclave, ni homme libre, dans le Christ tous sont pareils. "Là les petits et les grands se rencontrent, etc..." (Job, III, 19).

Donc, dans le Christ plus aucune de ces distinctions, mais le Christ est tout en tous. Il n’y a point de circoncision, sinon par le Christ; la liberté vient par le Christ; si vous n’êtes pas libre, le Christ est votre liberté; et si vous n’êtes pas circoncis, votre circoncision, c’est le Christ, et ainsi de suite. Et cela, en tous, car c’est tous les hommes qu’il comble de ses dons.

 

 

Lectio 3

Leçon 3 — Colossiens 3, 14-17 : La pratique des vertus

[14] super omnia autem haec caritatem quod est vinculum perfectionis

[15] et pax Christi exultet in cordibus vestris in qua et vocati estis in uno corpore et grati estote

[16] verbum Christi habitet in vobis abundanter in omni sapientia docentes et commonentes vosmet ipsos psalmis hymnis canticis spiritalibus in gratia cantantes in cordibus vestris Deo

[17] omne quodcumque facitis in verbo aut in opere omnia in nomine Domini Iesu gratias agentes Deo et Patri per ipsum

 

3, 14 Et puis, par dessus tout, la charité, en laquelle se noue la perfection.

3, 15 Avec cela, que la paix du Christ règne dans vos coeurs: tel est bien le terme de l'appel qui vous a rassemblés en un même Corps. Enfin, vivez dans l'action de grâces !

3, 16 Que la Parole du Christ réside chez vous en abondance: instruisez-vous en toute sagesse par des admonitions réciproques. Chantez à Dieu de tout votre coeur avec reconnaissance, par des Psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés.

3, 17 Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père !

[87858] Super Col., cap. 3 l. 3 Supra apostolus induxit fideles ad vitandum mala, hic inducit eos ad operandum bona, et primo ad opera particularium virtutum; secundo ad opera virtutum principalium perficientium animas, ibi super omnia. Et primo commemorat eorum conditionem; secundo subdit virtutum connumerationem, ibi viscera misericordiae. Dicit ergo: si induistis novum hominem, debetis induere novi hominis partes, scilicet virtutes. Rom. XIII, 12: abiiciamus ergo opera tenebrarum, et induamur arma lucis, quibus induimur, quando quicquid exterius apparet, est virtutibus ornatum. Sed quibus virtutibus? Aliter induuntur milites, aliter sacerdotes. Ergo induite vobis convenientia vestimenta, sicut electi Dei sancti. Et quod dicit electi, pertinet ad remotionem a malo; quod dicit sancti, ad donum gratiae. I Cor. VI, 11: abluti estis, sed sanctificati estis. Lev. XI, 44 et XIX, 2: sancti estote, quia ego sanctus sum dominus Deus vester. Quod dicit dilecti, pertinet ad praeparationem futurae gloriae. Io. XIII, 1: in finem dilexit eos, scilicet vitae aeternae.

Et describit hic vestimenta quae protegunt nos in adversis et prosperis, II Cor. c. VI, 7: per arma iustitiae a dextris et a sinistris. Et primo quae habenda in prosperis; secundo quae in adversis, ibi patientiam. In prosperis aliquid debemus, et, primo, proximo misericordiam. Et ideo dicit viscera misericordiae. Lc. I, 78: per viscera misericordiae Dei nostri, et cetera. Phil. II, v. 1: si qua viscera miserationis, etc., id est, misericordiam ex affectu procedentem. Ad omnes vero consequenter est habenda benignitas, quae est quasi bona igneitas. Ignis enim liquefacit et effluere facit humida. Si in te est bonus ignis, liquefacit quicquid humiditatis habes, et dissolvet. Hanc facit spiritus sanctus. Sap. I, 6: benignus est spiritus sapientiae. Eph. IV, 32: estote autem invicem benigni, misericordes et cetera. In corde debes habere humilitatem. Eccli. c. III, 20: quanto magnus es, humilia te in omnibus, et cetera. In exterioribus debes modestiam, quae ponit modum ne in prosperis excedas. Phil. IV, 4 : gaudete in domino semper, iterum dico, gaudete; modestia vestra nota sit omnibus hominibus. In adversis tria sunt arma habenda, scilicet patientia, quae facit quod animus propter adversa non amoveatur ab amore Dei et rectitudine iustitiae. Lc. XXI, 19: in patientia vestra possidebitis animas vestras.

Sed quia quandoque contingit quod aliquis a iustitia non declinat quantum est de se, tamen aliorum mores sunt ei importabiles, ideo dicit supportantes invicem. II Petr. II, 8: habitans apud eos qui de die in diem iustam animam iniquis operibus cruciabant. Rom. XV, v. 1: debemus nos firmiores imbecillitates infirmorum sustinere.

Tertio condonationem, ibi et donantes, etc., id est parcentes. II Cor. II, 10: nam et ego quod donavi, si quid donavi, propter vos in persona Christi. Condonat autem quis iniuriam, quando non habet rancorem ad eum, nec malum contra ipsum procurat. Sed quando necessitas puniendi est, tunc puniendus est. Et addit rationem sicut et dominus donavit vobis. Eccli. XXVIII, 3: homo homini servat iram, et a Deo quaerit medelam, et cetera. Matth. XVIII, 32: omne debitum dimisi tibi, etc.; et post: nonne ergo oportuit et te misereri conservi tui, sicut, et cetera.

Deinde cum dicit super omnia, etc., inducit ad principales virtutes perficientes alias. Et principalior est charitas inter virtutes, sapientia vero inter dona. Charitas quidem informat omnes virtutes, sapientia vero dirigit. Primo igitur inducit ad primum; secundo ad secundum, ibi verbum Christi. Primo inducit ad charitatem habendam, secundo ad charitatis effectus, ibi et pax.

Dicit ergo: super omnia induatis charitatem, quae omnibus praedictis maior est, ut dicitur I Cor. XIII, 13. Super omnia, id est, magis quam omnia, quia est finis omnium virtutum. I Tim. I, 5: finis autem praecepti est charitas, et cetera. Vel super omnia debemus habere charitatem, quia est super omnia alia. I Cor. XI: adhuc excellentiorem viam vobis demonstro, et cetera. Et hoc quia sine ipsa nihil valent alia. Et haec charitas figuratur per tunicam inconsutilem Io. c. XIX, 23. Et ratio huius quare est habenda, subditur, scilicet quia est vinculum. Secundum Glossam per omnes virtutes homo perficitur, sed charitas connectit eas ad invicem, et facit eas perseverantes, et ideo dicitur vinculum. Vel ex natura sua est vinculum, quia est amor, qui est uniens amatum amanti. Os. c. XI, 4: in funiculis Adam traham eos, in vinculis charitatis, et cetera. Sed addit perfectionis, quia est unumquodque perfectum, quando adhaeret fini ultimo, scilicet Deo, quod facit charitas. Deinde cum dicit et pax, etc., monet ad actus charitatis.

Et ponit duos actus, scilicet pacem et gratitudinem, et tertium innuit, scilicet gaudium. Dicit ergo et pax Christi, et cetera. Ex charitate mox oritur pax quae est, secundum Augustinum, tranquillitas ordinis, sibi a Deo instituti, quod facit charitas. Qui enim aliquem diligit, concordat cum eo in voluntate. Ps. CXVIII, 165: pax multa diligentibus legem tuam. Exultet, quia charitatis effectus est gaudium, quod sequitur ex pace. Prov. XII, 20: qui pacis ineunt consilia, sequitur eos gaudium.

Sed non dicit simpliciter pax, quia est pax mundi, quam Deus non venit facere, sed Christi, quam fecit inter Deum et hominem. Mc. IX, 49: pacem habete inter vos; quam annuntiavit Lc. ult. stetit Iesus in medio eorum, et dixit eis: pax vobis. Et debetis habere, quia in ista vocati estis. I Cor. VII, 15: in pace vocavit nos Deus. Et hoc est quod subdit in uno corpore, id est, ut sitis in uno corpore.

Effectus alius est ut sitis grati; ideo sequitur et grati estote. Sap. XVI, 29: ingrati spes tamquam hybernalis glacies tabescet, et disperiet tamquam aqua supervacua.

Deinde cum dicit verbum Christi monet ad sapientiam, et primo docet sapientiae originem; secundo sapientiae usum, ibi docentes. Ad hoc etiam quod quis habeat sapientiam veram, oportet considerare unde oriatur. Ideo dicit verbum Christi. Eccli. I, 5: fons sapientiae verbum Dei in excelsis. Ergo ex verbo Christi hauriatis eam. Deut. IV, 6: haec est sapientia vestra et intellectus coram populis, et cetera. I Cor. I, 30: qui factus est nobis sapientia a Deo, et cetera. Sed aliqui non habent verbum, ideo nec sapientiam. Et ideo dicit habitet. Prov. III, v. 3: circumda eas gutturi tuo, et describe in tabulis cordis tui, et cetera. Aliquibus sufficit modicum quid de verbo Christi, sed apostolus vult quod habeamus multum. Et ideo dicit abundanter. II Cor. c. IX, 8: potens est Deus omnem gratiam abundare facere in vobis, ut in omnibus semper omnem sufficientiam habentes, abundetis in omne opus bonum. Prov. II, 4: sicut thesauros effoderis eam, et cetera.

Et addit in omni sapientia, id est, in omnibus pertinentibus ad sapientiam Christi debetis studere scire. Act. XX, 27: non subterfugi, quo minus annuntiarem vobis omne consilium Dei. Eccli. XXI, 14: cor fatui quasi vas confractum, et omnem sapientiam non tenebit, et cetera. Triplex autem est usus huius sapientiae, scilicet instructionis, devotionis et directionis.

Instructio duplex, scilicet ad cognoscendum vera. Unde dicit docentes, quasi dicat: habitet ita abundanter in vobis, ut de omnibus sitis instructi per ipsum. II Tim. III, 16: omnis Scriptura divinitus inspirata utilis est ad docendum, ad arguendum, et cetera. Item ad cognoscendum bona; ideo dicit et commonentes vosmetipsos, id est, exhortantes vos ad bona opera. II Petr. I, 13: suscitare vos in commonitione, et cetera.

Secundo ponit usum devotionis. Unde dicit in Psalmis et hymnis. In Psalmis, qui designant iucunditatem bonae operationis. Ps. CXLVIII: laudate eum in voce exultationis, et cetera. Hymnus est laus cum cantico. Ps. CXLVIII, 14: hymnus omnibus sanctis eius, et cetera. Et canticis spiritualibus, etc., quia quicquid nos facimus, debemus referre ad bona spiritualia, ad promissa aeterna, et ad reverentiam Dei. Et ideo dicit in cordibus, et non in labiis tantum. I Cor. XIV, 15: psallam spiritu, psallam et mente. Is. XXIII, 13: populus hic labiis me honorat, cor autem eorum longe est a me. Et addit in gratia, scilicet recognoscentes gratiam Christi et beneficia Dei.

Sunt autem cantica Ecclesiae cordis principaliter; sed oris sunt ut excitetur canticum cordis et pro simplicibus et rudibus. Tertio ponit usum directionis in opere, dicens omne quodcumque facitis, etc., quia etiam locutio opus quoddam est. I Cor. c. X, 31: sive manducatis, sive bibitis, vel aliud quid facitis, omnia in gloriam Dei facite, et cetera. Sed contra: aut hoc est praeceptum, aut consilium: si praeceptum, peccat quicumque hoc non facit; sed peccat venialiter, quando quis hoc non facit; ergo quicumque peccat venialiter, peccat mortaliter. Respondeo. Quidam dicunt quod hoc est consilium, sed hoc non est verum. Sed dicendum est quod non est necessarium quod omnia in Deum referantur actu, sed habitu; qui enim facit contra gloriam Dei et praecepta eius, facit contra hoc praeceptum. Venialiter autem peccans, non facit contra hoc praeceptum simpliciter, quia licet non actualiter, tamen habitualiter refert omnia in Deum.

 

L’Apôtre invite maintenant les Colossiens à fuir le mal et il les pousse à pratiquer les vertus, quelques-unes d’abord, en particulier, puis les vertus principales qui élèvent l’âme : par-dessus tout. Il rappelle d’abord leur conduite, puis il énumère les vertus : Revêtez des sentiments de tendre compassion. Il dit donc : puisque vous avez revêtu l’homme nouveau, il faut en revêtir les devoirs, c'est-à-dire les vertus. "Dépouillons-nous des oeuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière" (Rom., XIII, 12); revêtus de ces vertus, que notre conduite extérieure soit ornée des vertus.

- Mais de quelles vertus ? Autre est le vêtement militaire, autre le vêtement sacerdotal. Revêtez ce que réclame votre condition, ce qui sied à des élus de Dieu, saints et bien-aimés. Il dit : élus, pour indiquer l’éloignement du mal; saints, pour rappeler le don de la grâce; "vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés" (I Cor., VI, 11) ; "vousserez saints, car je suis Yahweh votre Dieu" (Lév., XI, 44 et XIX, 2) ; enfin, en disant bien-aimés, ce qui a trait à la préparation à la gloire future. "il les aima jusqu’à la fin", c'est-à-dire jusqu’à la vie éternelle.

Et il décrit ces vêtements qui nous protègent dans l’adversité et dans la prospérité : ou "ces armes offensives et défensives que fournit la justice" (II Cor., VI, 7). D’abord les armes qu’il faut avoir dans la prospérité, ensuite celles qu’il faut avoir dans l’adversité : la patience. Dans la prospérité, il faut donner d’abord au prochain la miséricorde : Revêtez-vous, dit l’Apôtre, d’entrailles de miséricorde : "Par l’effet de la tendre miséricorde de notre Dieu, etc..." (Luc I, 78) ; "s’il est quelque tendresse, etc..." (Ph. II, 1), c'est-à-dire une miséricorde qui procède d’un sentiment profond. A tous il faut donner la bénignité qui est comme une bonne flamme[2]. Le feu liquéfie et fait sortir tout ce qui est humide. Si cette bonne flamme est en votre coeur, elle dissout toute l’humidité qui peut être en vous et la fait disparaître. C’est là l’œuvre de l’Esprit Saint, "qui est un esprit de bonté" (Sag., I, 6). "Soyez donc bons les uns pour les autres et pleins de miséricorde, etc..." (Eph. IV, 32). Dans le coeur, soyez humbles; "plus vous êtes grand, plus vous devez vous humilier" (Ecclés., III, 20). A l’extérieur, observez la modestie qui vous préviendra de tout excès dans la prospérité ; "réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps ; je le répète, réjouissez-vous ; que votre modestie soit connue de tous" (Ph., IV, 4). Dans l’adversité, nous avons besoin de trois sortes d’armes : de la patience d’abord, qui empêche l’âme, dans l’épreuve, de s’éloigner de l’amour de Dieu et de la justice : "Par votre patience vous posséderez vos âmes" (Luc, XXI, 19). Mais parfois, sans manquer à la justice pour soutenir une épreuve personnelle, nous avons de la peine à supporter le caractère du prochain; c’est pourquoi l’Apôtre ajoute : Supportez-vous mutuellement. "Nous devons, nous qui sommes forts, supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas" (Rom., XV, 1), [à l’exemple de Lot qui] "demeurait parmi les habitants de Sodome et qui avait chaque jour son âme vertueuse tourmentée de leurs oeuvres iniques" (II Pierre, II, 8). Nous avons aussi besoin de pardonner, ajoute saint Paul : pardonnez-vous, etc...; c'est-à-dire épargnez-vous : "car, pour moi, si j’ai pardonné, si tant est que je pardonne quelque chose, c’est à cause de vous et à la face du Christ (II Cor., II, 10). Quelqu’un pardonne une injustice quand il n’a pas de rancune contre celui qui l’a commise et quand il ne désire pas de mal contre lui. Cependant il faut punir quand il y a nécessité de le faire. Le motif, l’Apôtre l’indique : Pardonnez-vous, comme le Christ lui-même vous a pardonné. "L’homme conserve de la colère contre un autre homme; et il ose demander à Dieu son pardon, etc...!" (Ecclés., XXVIII, 3). "Serviteur méchant, je t’avais remis toute ta dette, etc... Ne devais-tu pas avoir pitié de ton compagnon comme, etc...?" (Matth., XVIII, 32).

 

La charité

Quand il dit ensuite : Par-dessus tout, etc..., l’Apôtre exhorte à la pratique des vertus principales qui perfectionnent les autres. La première des vertus est la charité, qui donne à toutes leur forme, comme le premier des dons est la sagesse qui les dirige toutes : il va parler de l’une et de l’autre : que la parole du Christ. Paul commence par exhorter à pratiquer la charité, ensuite il exalte les effets de cette charité : que la paix…

- D’abord la charité : Par-dessus tout, revêtez- vous de la charité, qui dépasse tout ce dont nous avons parlé (I Corinthiens XIII) : Par-dessus tout, c’est-à-dire plus que les autres, car la charité est la fin de toutes les vertus. "Cette règle a pour but la charité, etc..." (I Tim., I, 5). Nous devons pratiquer la charité par-dessus tout, parce que c’est une vertu qui est au-dessus de toutes. "Je vais vous montrer une voie excellente entre toutes, etc...". Sans elle, tout le reste ne vaut rien. Elle est figurée par la tunique sans couture dont parle saint Jean (XIX, 23). L’Apôtre nous dit pourquoi s’en revêtir : elle est le lien de la perfection. C’est que, dit la Glose, l’homme acquiert la perfection par toutes les vertus, mais la charité les unit entre elles et les fait durer; ainsi est-elle le lien ; ne l’est-elle d’ailleurs pas par nature puis qu’elle est l’amour qui unit l’aimant à l’aimé ? "Je les ai menés avec des cordeaux d’humanité, avec des liens d’amour" (Osée, XI, 4). Ajoutons que la charité n’est pas un lien quelconque, mais que c'est le lien de la perfection, parce que la perfection est d’adhérer à la fin dernière, Dieu. C’est ce que réalise la charité.

Voici maintenant les deux effets de la charité : la paix, l’action de grâce et Paul en ajoute un troisième : la joie. Que la paix du Christ, etc... De la charité naît bientôt la paix, définie par saint Augustin : la tranquillité dans l’ordre établi par Dieu, ordre auquel conduit la charité. En effet, celui qui aime quelqu’un s’accorde à vouloir comme celui qu’il aime. "Ceux qui aiment la loi du Seigneur jouissent d’une paix profonde" (Ps., CXV, 165). Que cette paix exulte dans vos cœurs : l’un des fruits de la charité, c’est la joie qui vient de la paix ; "Ceux qui n’ont que des conseils de paix sont dans la joie" (Prov., XIX, 20).

Remarquez que l’Apôtre ne dit pas simplement : la paix, car il y a une paix mondaine que Dieu ne veut pas, mais : la paix du Christ, celle que Jésus est venu établir entre Dieu et l’homme ; "soyez en paix entre vous" (Marc IX, 49) ; "Jésus se tint au milieu d’eux et leur dit: La paix soit avec vous" (Luc, XXIV, 36); nous devons avoir la paix, car c’est en elle que nous avons été appelés, etc... "Dieu nous a appelés dans la paix" (I Cor., VII, 15). Et c’est la raison pour laquelle Paul ajoute en un même corps, c'est-à-dire pour que vous formiez un corps unique.

Autre fruit de la charité : la reconnaissance : Vivez dans l’action de grâces, car "pour l’ingrat, son espérance fondra comme la glace et s’écoulera comme une eau inutile" (Sag., XVI, 29).

 

La sagesse

Que la parole du Christ habite, etc... L’Apôtre parle maintenant de la sagesse, de son origine et de son exercice : instruisez-vous. Pour distinguer qui possède la vraie sagesse, regardez d’où elle vient. Il dit donc : Que la parole du Christ habite. "La source de la sagesse, c’est le Verbe de Dieu au plus haut des cieux" (Ecclés., I, 5). Puisez-la donc dans la parole du Christ, "car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, etc... " (Deut., IV, 6), le Christ "qui, de par Dieu, a été fait pour nous sagesse, etc..." (I Corinthiens I, 30). Mais il en est qui ne connaissent pas cette parole de Jésus et n’ont point la sagesse : saint Paul souhaite que la parole du Christ habite en eux. "Attache-les à ton cou, grave-les sur la table de ton cœur, etc..." (Prov., III, 3). Certains se contentent d’ "un petit quelque chose" de la parole du Christ, mais l’Apôtre veut que nous la possédions en abondance. Il dit donc abondamment. "Dieu est puissant pour vous combler de toutes sortes de grâces afin que, ayant toujours en toutes choses de quoi satisfaire à tous vos besoins, il vous en reste encore abondamment pour toute espèce de bonnes œuvres." (II Corinthiens IX, 8). "Si tu la creuses comme pour découvrir un trésor, etc..." (Prov., II, 4)

Paul ajoute en toute sagesse, ce qui signifie : vous devez vous efforcer d’atteindre la connaissance dans tout ce qui touche à la sagesse du Christ. "Je n’ai pas omis de vous annoncer tout le dessein de Dieu" (Actes XX, 27) ; « l’intérieur de l’insensé est comme un vase fêlé, il ne retiendra aucune connaissance, etc..." (Ecclés.XXI, 14). Triple est l’exercice de la sagesse : elle se se manifestera par l’enseignement, la dévotion et la direction.

Enseignez sur deux plans : d’abord la vérité : instruisez-vous; que la parole du Christ habite en vous avec une telle abondance que vous sachiez par lui toutes choses. "L’Écriture divinement inspirée est utile pour enseigner, pour convaincre, etc..." (II Timothée III, 16). Enseignez le bien : par des admonitions réciproques, c’est-à-dire exhortez-vous aux bonnes oeuvres. "[J’ai à coeur de] vous rappeler constamment les choses de Dieu, etc..." (II Pierre, I, 12).

La sagesse se manifestera aussi par la dévotion : chantez à Dieu par des psaumes qui expriment la joie d’une bonne œuvre ; "Louez le Seigneur dans l’exultation" (Ps.CXLVIII), et par des hymnes, qui sont une louange célébrée avec chant ; "[l’hymne] est un sujet de louanges pour tous ses fidèles, etc..." (Ps.CXLVIII, 14), et par des cantiques spirituels, etc... car tout ce que nous faisons, nous devons le rapporter aux biens spirituels, aux promesses éternelles et à la gloire de Dieu. Aussi l'Apôtre ajoute-t-il Chantez dans votre coeur, et non seulement des lèvres ; "Je prierai avec l’esprit, mais je prierai aussi avec l’intelligence" (I Cor., XIV, 15). "Ce peuple m’honore des lèvres tandis qu’il tient son coeur éloigné de moi." (Isaïe XXIX. 13). Chantez dans l’action de grâces, en reconnaissant la grâce du Christ et les bienfaits de Dieu. Les cantiques de l’Eglise se chantent surtout de coeur, mais des lèvres aussi afin de provoquer la ferveur intérieure et en faveur de gens simples et peu instruits.

Enfin la sagesse se manifestera par des actes : Quoi que vous puissiez dire ou faire, etc..., car la parole aussi est une oeuvre. "Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quelque autre chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu, etc..." (1 Corinthiens X, 31). - On peut faire cette objection : Ceci est un précepte ou un conseil; si c’est un précepte, celui qui le viole commet un péché; cependant ne pas l’observer n’est qu’une faute vénielle; il s’ensuivrait donc qu’on fait à la fois un péché mortel et un péché véniel. - Voici la réponse : Certains ne voient là qu’un conseil, mais ce n’est pas vrai. Toutefois il faut affirmer qu’il n’est pas nécessaire que tous nos actes soient rapportés à Dieu par une intention actuelle, l’union habituelle suffit. En effet celui qui agit à l’encontre de la gloire de Dieu et ses commandements, agit contre ce précepte. Celui qui commet un péché véniel ne viole pas ce précepte d’une manière absolue, car si actuellement son intention ne va pas vers Dieu, habituellement il rapporte tout à Dieu.

 

 

Lectio 4

Leçon 4 — Colossiens 3, 18-25 : Devoirs particuliers: le foyer chrétien

[18] Femmes, soyez soumises à vos maris, comme il se doit dans le Seigneur.

[19] Maris, aimez vos femmes, et ne leur montrez point d'humeur.

[20] filii oboedite parentibus per omnia hoc enim placitum est in Domino

[21] patres nolite ad indignationem provocare filios vestros ut non pusillo animo fiant

[22] servi oboedite per omnia dominis carnalibus non ad oculum servientes quasi hominibus placentes sed in simplicitate cordis timentes Dominum

[23] quodcumque facitis ex animo operamini sicut Domino et non hominibus

[24] scientes quod a Domino accipietis retributionem hereditatis Domino Christo servite

[25] qui enim iniuriam facit recipiet id quod inique gessit et non est personarum acceptio

3, 18 Femmes, soyez soumises à vos maris, comme il se doit dans le Seigneur.

3, 19 Maris, aimez vos femmes, et ne leur montrez point d’humeur.

3, 20 Enfants, obéissez en tout à vos parents, c’est cela qui est beau dans le Seigneur.

3, 21 Parents, n’exaspérez pas vos enfants, de peur qu’ils ne se découragent.

3, 22 Esclaves, obéissez en tout à vos maîtres d’ici-bas, non d’une obéissance toute extérieure qui cherche à plaire aux hommes, mais en simplicité de coeur, dans la crainte du Maître.

3, 23 Quel que soit votre travail, faites le avec âme, comme pour le Seigneur et non pour des hommes,

3, 24 sachant que le Seigneur vous récompensera en vous faisant ses héritiers. C’est le Seigneur Christ que vous servez :

3, 25 qui se montre injuste sera certes payé de son injustice, sans qu’il soit fait acception des personnes.

 [87859] Super Col., cap. 3 l. 4 Posita generali instructione ad omnes, hic incipit ponere specialem. Primo dat quaedam specialia documenta pertinentia ad singulos status in Ecclesia; secundo quaedam communia omnibus statibus respectu certarum conditionum, in IV cap. ibi orationi instate. Prima in tres secundum tres connexiones ex quibus domus constituitur, secundum philosophum: quarum una est viri et uxoris; secunda patris et filii; alia domini et servi. Secunda, ibi filii. Tertia, ibi servi. Unaquaeque earum dividitur in duo secundum quod monet subditos ut obediant, superiores ut moderate imperent.

Dicit ergo mulieres, etc., et dicit sicut oportet, quia haec subiectio est ex lege divina ordinata. Gen. III, 16: sub viri potestate eris, et ipse dominabitur tui. I Cor. c. XIV, 34: mulieres in Ecclesiis taceant, non enim permittitur eis loqui, sed subditas esse, sicut et lex dicit. Et ratio huius est quia regere est rationis; viri autem magis vigent ratione, et ideo praesidere debent. Item addit in domino, quia omnia ordinata ad aliquos fines sunt referenda finaliter in Deum.

Deinde monet viros ut diligant eas, dicens viri, diligite uxores, hoc enim est naturale: quia vir et uxor quodammodo sunt unum. Eph. V, 25: viri, diligite uxores vestras, et cetera. Et prohibet ne eis sint amari. Mich. I, 12: infirmata est in bonum, quae habitat in amaritudinibus. Eph. IV, 31: omnis amaritudo, et ira, et indignatio, et clamor, et blasphemia tollatur a vobis, cum omni malitia.

Deinde cum dicit filii, etc., agit de secundo, et dicit filii, obedite per omnia, scilicet quae non sunt contra Deum. Hebr. c. XII, 9: parentes quidem carnis nostrae habuimus eruditores, et reverebamur eos, et cetera. Si vero praecipiant in his quae sunt contra Deum, sic intelligitur illud quod dicitur Lc. c. XIV, 26: si quis venit ad me, et non odit patrem suum et matrem, et cetera. Et hoc quia hoc est placitum domino, id est, in lege domini, quia lex charitatis non removet legem naturae, sed perficit. Est autem lex naturalis, quod filius subdatur curae patris. Ex. XX, 12: honora patrem tuum et matrem tuam, et cetera. Deinde cum dicit patres, nolite, etc., instruit parentes. Eph. VI, 4: et vos, patres, nolite ad iracundiam provocare filios, et cetera. Et hoc, ut non pusillo animo fiant, id est, ut non pusillanimes fiant. Et huius ratio est, quia homines retinent impressionem quam a pueritia habuerunt. Naturale autem est quod qui in servitute nutriuntur, semper sint pusillanimes. Unde ratio est cuiusdam, quare filii Israel non statim in terram promissionis sunt perducti: quia fuerant nutriti in servitute, et non habuissent audaciam contra inimicos pugnandi. Is. XXXV, 4: dicite pusillanimis, et cetera.

Deinde cum dicit servi, obedite, agit de tertio; et primo de servis ponit monitionem; secundo ostendit rationem, ibi scientes; tertio excludit dubitationem, ibi qui enim. Circa primum duo facit: quia primo monet eos ad obedientiam; secundo determinat obediendi modum, ibi non ad oculum. Dicit ergo servi, secundum carnalem conditionem, obedite per omnia, quae scilicet non sunt contra Deum. I Petr. II, v. 18: non tantum bonis et modestis, sed etiam dyscolis, et cetera. I Tim. ult.: quicumque sunt sub iugo servi, dominos suos omni honore dignos arbitrentur.

Deinde cum dicit non ad oculum, docet modum obediendi. Et ostendit duos modos obediendi: primo quod simpliciter et sine dolo; secundo ostendit quod voluntarie. Dicit ergo non ad oculum, scilicet quantum potest videri a domino. Eph. VI, 6 simile. Et dicit quasi hominibus placentes, quia non serviunt hoc modo, nisi ut placeant hominibus. Gal. I, 10: si adhuc hominibus placerem, servus Christi non essem. Ideo addit sed in simplicitate cordis, etc., id est, absque dolo, timentes dominum, sicut Iob I, v. 1: erat vir ille simplex et rectus ac timens Deum. Prov. XI, 3: simplicitas iustorum diriget eos, et cetera. Item voluntarie; unde dicit quodcumque facitis, ex animo, id est, prompte, operamini. Et hoc sicut domino, quia qui servit alicui propter ordinem iustitiae, facit hoc propter Deum, a quo est hic ordo. Rom. c. XIII, 2: qui potestati resistit, Dei ordinationi resistit. Eph. VI, 6: facientes voluntatem Dei ex animo, cum bona voluntate servientes, sicut, et cetera.

Deinde cum dicit scientes, ostendit duplicem rationem huius, et una est ex parte remunerationis, alia ex parte devotionis ad Deum. Dicit ergo: serviatis prompte, quia a domino accipietis retributionem haereditatis aeternae. Ps. XV, 6: funes ceciderunt mihi in praeclaris, etenim haereditas mea praeclara est mihi. Eph. VI, 8: scientes quoniam unusquisque quodcumque fecerit bonum, hoc recipiet a domino, sive servus, sive liber. Quorumdam enim fuit opinio quod actus iustitiae non est meritorius, quia hoc videbatur esse debitum, et hoc non est meritorium alicui dare quod suum est. Sed sciendum est quod ex hoc quod voluntarie facis, ex hoc ponis aliquid de tuo, quia de potestate tua est velle et non velle, et sic est meritorium. Servi autem ex debito serviunt domino, et ideo ut habeant mercedem hoc faciunt voluntarie. Sed sic servite eis quod a Deo non recedatis. Item alia ratio est, quia sic servitis domino Christo. Rom. XII, 11: spiritu ferventes, domino, et cetera.

Deinde cum dicit qui enim, removet dubitationem. Posset enim dicere servus: quomodo serviam ei qui facit mihi iniuriam? Et ideo dicit: non est tuum ut vindices te, subtrahendo ei quod suum est, sed expecta ab eo, qui potest, quia qui iniuriam facit, et cetera. II Cor. V, 10: omnes enim nos manifestari oportet ante tribunal Christi, ut referat unusquisque propria corporis prout gessit, sive bonum, sive malum. Eph. VI, 9: et personarum acceptio non est apud Deum. Act. X, 34: non est personarum acceptor Deus. Deinde cum dicit domini, ostendit qualiter domini se habeant ad servos. Et circa hoc duo facit: primo dat doctrinam; secundo reddit rationem eorum, ibi scientes. Dupliciter autem potest dominus gravare servos, scilicet faciendo contra eos quod iustitia legis prohibet, quia secundum leges non licet domino saevire in servum. Ideo dicit quod iustum est. Item si exigeret totum debitum, quod mansuetudo Christiana mitigat. Ideo dicit et aequum. Iob XXXI, 13: si contempsi subire, et cetera. Deinde cum dicit scientes, etc., ponitur ratio, quia sicut tu te habes ad eos, ita dominus ad te. Eph. VI, 8: scientes, et cetera.

Après avoir instruit les fidèles des devoirs communs à tous, l’Apôtre entre dans le détail et donne d’abord les règles spéciales qui règlent les différents états dans l’Église, ensuite certains principes communs à tous les états dans le respect des différentes conduites : soyez assidus à la prière (ch.IV). Les premiers de ces principes se divisent en trois suivant les trois liens sociaux qui, d’après le Philosophe, constituent la famille : lien de l’époux et de l’épouse, des parents et des enfants : vous, enfants ; du serviteur et du maître : vous, serviteurs. Pour chacune de ces catégories, l’Apôtre va recommander aux inférieurs d’obéir et aux supérieurs de commander avec modération.

 

L’époux et l’épouse

Ainsi donc, l’Apôtre dit : Femmes, etc... et comme il se doit parce que cette soumission est de précepte divin : "Tu seras sous la puissance de ton mari, et il dominera sur toi." (Gen., III, 16). "Que vos femmes se taisent dans les assemblées, car elles n’ont pas mission de parler, mais qu’elles soient soumises, comme le dit aussi la Loi." (I Cor., XIV, 34). Le motif de cette défense, c’est qu’il appartient à la raison de régir et que l’homme a plus de raison et qu’il doit présider. L’Apôtre ajoute: dans le Seigneur, car quelques buts particuliers que vous poursuiviez dans vos ordres, en fin de compte il faut tout ramener à Dieu.

Aux maris, saint Paul recommande d’aimer leurs femmes, disant : Maris, aimez vos femmes, ce qui est tout naturel puisque l’époux et l’épouse, d’une certaine manière, ne font plus qu’un. "Vous, maris, aimez vos femmes, etc..." (Eph., V, 25). Il leur défend d’être amers : "Pourrait-elle espérer le bonheur, celle qui demeure dans l’amertume ? (Mich., I, 12) ; "Que toute aigreur, toute animosité, toute colère, toute clameur, toute médisance, soient bannies du milieu de vous, ainsi que toute méchanceté" (Ephésiens IV, 31).

 

Parents et enfants

L’Apôtre traite ensuite le second point quand il dit : enfants, obéissez en tout à vos parents en tout ce qui n’est pas contre Dieu; "Puisque nos pères selon la chair nous ont châtiés et que nous les avons respectés, etc... (Hébr., XII, 9). Mais s’ils venaient à recevoir un ordre contre la loi divine, ils auraient à se souvenir de la parole de Jésus rapportée par saint Luc (XIV, 26) : "Si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père et sa mère, etc..." [Les enfants doivent obéir], car cela plaît au Seigneur, sa loi l’ordonne. Car la loi de la charité, loin de détruire la loi de la nature, la perfectionne; or la loi naturelle veut que le fils soit soumis à la sollicitude de son père : "Honore ton père et ta mère, etc..." (Exode, XX, 12). Ensuite Paul continue, adressant ses recommandations aux pères : Et vous, pères, n’irritez point, etc.. et deviennent pusillanimes. Le motif de ce conseil, c’est que l’homme retient l’impression reçue dans l’enfance. Il est naturel à ceux qui sont nourris dans la servitude de toujours demeurer pusillanimes : quelqu’un en a tiré le motif pour lequel les Israélites ne furent pas immédiatement conduits vers la Terre promise, parce que, nourris dans l’esclavage, ils n’auraient pas eu l’audace d’attaquer l’ennemi ? "Dites à ceux qui ont le cœur craintif, etc... (Isaïe, XXXV, 4).

 

Maîtres et serviteurs

Serviteurs, obéissez : L’Apôtre traite le troisième point et adresse d’abord aux serviteurs sa recommandation, puis il en donne la raison : sachant que ; enfin il exclt toute hésitation : qui se montre. Sur le premier point, il déclare d’abord aux serviteurs qu’ils doivent obéir, ensuite il précise la manière dont ils doivent obéir : non d’une obéissance toute extérieure. [Vous qui êtes] serviteurs, dans cette condition qui est selon la chair, obéissez à tout ordre qui n’est point contre Dieu, "non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais encore à ceux qui sont difficiles, etc.." (I Pierre, II, 18). "Que tous ceux qui sont sous le joug comme esclaves, estiment leurs maître dignes d’honneur" (I Timothée VI, 1).

Voici maintenant la manière d’obéir : pas à l’œil et Paul distingue deux manières d’obéir : avec simplicité et sans ruse ; volontairement. Il dit donc non pas à l’œil, c'est-à-dire seulement autant que le maître peut voir; même idée dans Eph., VI, 6. Non point comme s’ils voulaient plaire aux hommes, car telle n’est pas leur manière de servir, sauf pour plaire aux hommes. "Si j’en étais encore à plaire aux hommes, je ne serais pas un serviteur du Christ" (Gal., I, 10), mais dans la simplicité du cœur, etc... , c'est-à-dire sans ruse et dans la crainte du Seigneur, comme Job, "homme simple, droit et craignant Dieu" (Job, I, 1); car "la simplicité des hommes droits les conduit heureusement, etc..." (Prov., XI, 3) - Que l’obéissance soit volontaire : Quoique vous fassiez, faites-le de bon coeur, avec empressement, et ce comme pour le Seigneur, car si vous servez vos maîtres pour vous conformer à votre juste condition, votre service est pour Dieu, auteur de cette condition. "Celui qui résiste à l’autorité, résiste à l'ordre que Dieu a établi" (Rom., XIII, 2) ; "en serviteurs du Christ, qui font de bon cœur la volonté de Dieu" (Eph., VI, 6).

D’ailleurs, poursuit l’Apôtre, sachant que… vous avez un double motif d’obéir : d’un côté, la récompense éternelle, de l’autre l’amour que vous témoignez à Dieu. Il dit donc : Obéissez avec empressement parce que vous recevrez du Seigneur pour récompense l’héritage éternel. "Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse, oui, un splendide héritage m’est échu" (Ps. XV, 6). "Soyez assurés que chacun, soit esclave, soit libre, sera récompensé par le Seigneur de ce qu’il aura fait de bien" (Ephésiens VI, 8). On a prétendu que l’acte de justice n’est pas méritoire parce qu’il n’est que l’acquittement d’une dette et qu’il n’y a pas de mérite à payer ses dettes. Mais il faut se rappeler que par le seul fait d’agir volontairement vous y mettez quelque chose du vôtre, car il dépend de vous de vouloir ou de ne pas vouloir; et par là votre acte devient méritoire. D’ailleurs, les serviteurs servent leur maître par devoir et ils le font volontairement, de manière à obtenir une récompense. Toutefois, servez vos maîtres de telle sorte que vous ne vous écartiez pas de ce que vous devez à Dieu. D’ailleurs, autre raison, de cette manière, vous servez le Seigneur Jésus-Christ. "Demeurez dans la ferveur de l’esprit, c’est le Seigneur [que vous servez]" (Romains XII, 11).

Puis l’Apôtre, en disant : qui se montre, vient au devant d’une difficulté; un esclave pourrait lui dire : Comment servirai je celui qui est injuste envers moi ? - Saint Paul lui dit : Ce n’est pas à vous de tirer vengeance et de soustraire à votre maître ce qui est sien, attendez justice du Tout-puissant, car celui qui commet l’injustice, etc... "Nous tous, il nous faudra comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu’il a mérité étant dans son corps, selon ses œuvres, soit bien, soit mal" (II Corinthiens V, 10). Car "Dieu n’a pas d’égard à la condition des personnes" (Eph., VI, 10). "Dieu ne fait pas acception de personnes" (Actes X, 34). Quant aux maîtres, l’Apôtre leur montre comment ils peuvent se conduire vis-à-vis de leurs serviteurs ; il le fait de deux façons : il donne d’abord le principe, ensuite la justification : sachant que. Le maître peut être dur avec ses serviteurs de deux matières : en faisant contre eux ce qu’une juste loi interdit, puisque, en vertu des lois, il n’est pas permis au maître d’infliger des sévices aux serviteurs : ce qui est juste, ou en exigeant absolument tout leur dû contre la mansuétude chrétienne qui adoucit la condition des esclaves : ce qui est équitable. "Si j’ai méconnu le droit, etc... (Job, XXXI, 13). Ensuite, en disant sachant que, etc..., Paul explique le motif : comme vous vous serez conduits envers vos serviteurs, ainsi le Seigneur se conduira envers vous : "assurés que, etc... (Eph., VI, 8)

 

 

Caput 4

CHAPITRE 4 : PRIÈRE RECOMMANDATIONS DIVERSES

Lectio 1

Leçon unique — Colossiens 4, 1-19

[1] domini quod iustum est et aequum servis praestate scientes quoniam et vos Dominum habetis in caelo

[2] orationi instate vigilantes in ea in gratiarum actione

[3] orantes simul et pro nobis ut Deus aperiat nobis ostium sermonis ad loquendum mysterium Christi propter quod etiam vinctus sum

[4] ut manifestem illud ita ut oportet me loqui

[5] in sapientia ambulate ad eos qui foris sunt tempus redimentes

4, 1 Maîtres, accordez à vos esclaves le juste et l’équitable, sachant que, vous aussi, vous avez un Maître au ciel.

4, 2 Soyez assidus à la prière; qu’elle vous tienne vigilants dans l’action de grâces.

4, 3 Priez pour nous en particulier, afin que Dieu ouvre un champ libre à notre prédication et que nous puissions annoncer le mystère du Christ; c’est à cause de lui que je suis dans les fers;

4, 4 obtenez-moi de le publier en parlant comme je le dois.

4, 5 Conduisez-vous avec sagesse envers ceux du dehors; sachez tirer parti de la période présente.

[87860] Super Col., cap. 4 l. 1 Supra posuit specialia documenta ad singulos status hominum, hic ponit pertinentia ad omnes, tamen respectu diversorum. Et primo ostendit qualiter se habeant ad alios; secundo qualiter ad ipsos alii se habeant, ibi quae circa me, et cetera. Iterum prima in duas, quia primo ostendit quomodo se habeant ad ipsummet apostolum, eorum praelatum; secundo quomodo ad alios, maxime infideles, ibi in sapientia.

Circa primum duo facit, quia primo incitat eos universaliter ad orandum; secundo ut orent pro eo, ibi orantes. Debet autem oratio habere tria, scilicet quod sit assidua, grata, et vigilans. Assidua, unde dicit orationi instantes, id est, cum perseverantia orate. I Thess. V, 17: sine intermissione orate, et cetera. Lc. XVIII, 1: oportet semper orare, et numquam deficere. Item vigilans, ut animus non sit pressus; ideo subditur vigilantes. I Petr. IV, 7: vigilate in orationibus, et cetera. Lc. VI, 12: erat pernoctans in oratione, et cetera. Item grata, id est, in gratiarum actione, alias non meretur beneficia nova, si de acceptis esset ingratus; unde sequitur in gratiarum actione. Phil. IV, 6: cum gratiarum actione. I Thess. V, 18: in omnibus gratias agite. Consequenter rogat ut orent pro ipso, dicens orantes, etc., quia hoc est debitum quod subditi pro praelatis orent, quia praelati custodiunt eos, et eorum bonum est commune omnium. II Thess. III, 1: orate pro nobis, ut sermo domini currat, et cetera. Et hoc, ut Deus aperiat ostium, id est, os, per quod sermo a corde exit, et quod Deus det gratiam digne proferendi verbum suum. In apertione etiam significatur aliquid magnum. Matth. V, 2: aperiens os suum docebat eos, et cetera.

Et ideo subdit ad loquendum. I Cor. XIV, v. 2: spiritus est qui loquitur mysteria. Et his indigeo, quia propter verbum Christi, tribulationes patior. Ideo orandum est ut libere possim. II Tim. II, 9: laboro usque ad vincula. Et hoc modo ut aperiat, id est, ut manifestet, et cetera. Tria possunt esse impedimenta verbi, scilicet vel propter timorem, ideo dicit vinctus, vel propter altitudinem, ita quod subditi nequeant intelligere, ideo dicit ut manifestet, vel propter incongruitatem temporis vel modi; ideo dicit ut oportet. I Cor. III, 1: non potui vobis loqui quasi spiritualibus, et cetera. Lc. XII, 42: fidelis dispensator et prudens, quem, et cetera. Consequenter cum dicit in sapientia, etc., ostendit quomodo se habeant ad extraneos, et primo in conversatione; secundo quomodo in locutione, ibi sermo vester.

[6] sermo vester semper in gratia sale sit conditus ut sciatis quomodo oporteat vos unicuique respondere

Dicit ergo in sapientia ambulate ad eos qui foris sunt, id est infideles; in sapientia, id est, sapienter. Sap. VII, 28: neminem diligit Deus, nisi qui cum sapientia inhabitat, et cetera. Et huius causa est redimentes, et cetera. Redimit vexationem suam quando quis dimittit quod est de iure suo, ut vitet eam. Isti vexabantur ab eis, ideo vult quod redimant eam per sapientiam. I Petr. II, 12: conversationem vestram inter gentes habentes bonam, et cetera. Item docet, secundo, quomodo se habeant in loquendo. Et primo ut sermo sit gratus; unde dicit sermo vester semper in gratia. Eccli. VI, 5: lingua eucharis in bono homine abundabit. Secundo ut sit discretus; unde dicit sale conditus. Per salem intelligitur discretio: quia per ipsum omnis cibus conditus est sapidus, ita omnis actio indiscreta est insipida et inordinata. Marc, IX, 49: habete in vobis sal, et pacem habete inter vos. Et hoc ut sciatis, et cetera. Aliter enim est respondendum sapientibus, aliter insipientibus. Prov. c. XXVI, 4: non respondeas stulto iuxta stultitiam suam, ne efficiaris ei similis, et cetera. I Petr. III, 15: parati semper ad satisfactionem omni poscenti vos rationem, et cetera.

[7] quae circa me sunt omnia vobis nota faciet Tychicus carissimus frater et fidelis minister et conservus in Domino

[8] quem misi ad vos ad hoc ipsum ut cognoscat quae circa vos sunt et consoletur corda vestra

[9] cum Onesimo carissimo et fideli fratre qui est ex vobis omnia quae hic aguntur nota facient vobis

Deinde cum dicit quae circa me, etc. ostendit quid alii agant ad ipsos, et primo ostendit quid ad eos agant illi quos ad eos mittit; secundo quid cum apostolo remanentes, ibi salutat. Mittit autem ad eos legatum, quem primo describit tripliciter, et primo a dilectione, dicens charissimus frater, scilicet per charitatem, quae facit hominem auro pretiosiorem. Is. XIII, 12: pretiosior erit vir auro, et homo mundo obryzo, et cetera. Item a fide, unde dicit fidelis in ministerio. I Cor. IV, 2: hic iam quaeritur inter dispensatores ut fidelis quis inveniatur. Item ab humilitate, unde dicit et conservus, scilicet in executione ministerii; sed in domino, quia praelatus quaerere debet utilitatem eorum quibus praefertur, et Dei honorem. Sed ad quid mittitur? Ut cognoscat statum subditorum. Gen. XXXVII, 14: vade et vide si cuncta prospera sunt erga fratres tuos et pecora, et renuntia mihi quid agatur, et cetera. I Reg. c. XVII, 18: fratres tuos visitabis si recte agant, et cum quibus ordinati sunt disce. Item ut consoletur. Rom. I, 11: desidero enim videre vos ut aliquid impartiar vobis gratiae spiritualis ad confirmandos vos, id est, simul consolari in vobis, et cetera. Et dominus missus a patre ad hoc venit. Is. LXI, 2: ut consolarer omnes lugentes, et cetera. Item describit eius societatem cum Onesimo qui omnia quae hic aguntur, et cetera. Et vestra mihi, ut corrigam, et mea vobis, ut exemplum habeatis.

[10] salutat vos Aristarchus concaptivus meus et Marcus consobrinus Barnabae de quo accepistis mandata si venerit ad vos excipite illum

Deinde cum dicit salutat, etc., ostendit quo modo salutantur a remanentibus cum apostolo, et littera satis patet. De quo accepistis, et cetera. Act. XIII, 5 dicitur quod cum Paulus et Barnabas simul irent, quidam Ioannes Marcus sic se eis coniunxit quod postea recessit et iterum rediit. Et Paulus quidem noluit eum recipere, sed Barnabas. Et ideo Paulus recessit a Barnaba. Et propter hoc apostolus scripsit Colossensibus de Marco, quod non reciperent eum; sed nunc quia conversus erat, scribit ut eum recipiant: et hoc est, accepistis, et cetera. Vel fratrem Barnabae, de quo Barnaba accepistis, et cetera.

[11] et Iesus qui dicitur Iustus qui sunt ex circumcisione hii soli sunt adiutores in regno Dei qui mihi fuerunt solacio

[12] salutat vos Epaphras qui ex vobis est servus Christi Iesu semper sollicitus pro vobis in orationibus ut stetis perfecti et pleni in omni voluntate Dei

Et Iesus qui dicitur iustus, qui quidem erat vir sanctae conversationis; et ideo dicitur iustus. Qui sunt ex circumcisione, missi ad praedicandum Evangelium Christi. Phil. I, v. 18: quid enim? Cum omni modo sive per occasionem sive per veritatem Christus annuntietur. Et sic primo gentiles, secundo Iudaeos ponit. Epaphras qui ex vobis, etc., quia Asianus erat. Et ad hoc salutant, ut stetis perfecti. Iac. I, 4: sitis et perfecti, et cetera. Pleni, etc., id est, in omnibus, quae pertinent ad voluntatem Dei.

[13] testimonium enim illi perhibeo quod habet multum laborem pro vobis et pro his qui sunt Laodiciae et qui Hierapoli

[14] salutat vos Lucas medicus carissimus et Demas

Item ponit Lucam qui non fuit natus ex Iudaeis, ut videtur, quia fuit Antiochenus, medicus arte, quem specialiter nominat, quia fuit homo bonae auctoritatis in Ecclesia propter Evangelium quod scripsit apostolo adhuc vivente.

[15] salutate fratres qui sunt Laodiciae et Nympham et quae in domo eius est ecclesiam

[16] et cum lecta fuerit apud vos epistula facite ut et in Laodicensium ecclesia legatur et eam quae Laodicensium est vos legatis

Deinde dicit salutate, etc., ostendit quos salutent, et primo quomodo alios alienae Ecclesiae; secundo quomodo eos qui sunt de sua, ibi et eam quae est Laodicensium; ex quo habetur quod scripsit alias epistolas, quia istam de qua fit mentio hic, scilicet Laodicensium, et unam aliam ad Corinthios, praeter primam et secundam: quia in prima epistola, cap. V dicit: scripsi vobis in epistola, ne commisceamini fornicariis, et cetera. Sed ratio est duplex quare non sunt in canone: quia non constabat de earum auctoritate, quia forte erant depravatae, et perierant in Ecclesiis. Vel quia non continebant aliud quam ista.

[17] et dicite Archippo vide ministerium quod accepisti in Domino ut illud impleas

Et dicite Archippo: hic fuit praelatus eorum, et mandat ut moneant ipsum dicentes: vide, et cetera. II Tim. IV, 5: ministerium tuum imple. Et quidem tunc ministerium implet quando facit illud ad quod accepit. Sed videtur quod non pertineat ad subditum monere praelatum Ex. XIX, 24. Dicendum quod irreverenter arguere et vituperare est prohibitum, sed monere charitative potest, sicut Paulus Petrum Gal. II, 11. Sed quare non scripsit praelato? Quia praelatus est propter Ecclesiam, et non e converso.

[18] salutatio mea manu Pauli memores estote vinculorum meorum gratia vobiscum amen

Salutatio, et cetera. Consuetudo apostoli erat quod totam epistolam faciebat aliquem scribere, sed in fine ponebat aliquid de manu sua, II Thess. ult., ubi dicit: salutatio mea manu Pauli: idem et hic, ne fallerentur. Et dicit memores, etc., quia Romae vinctus erat: quia Iac. V, 10: exemplum accipite, fratres, exitus mali et longanimitatis et laboris et patientiae, prophetas, qui locuti sunt in nomine domini, et cetera. Hebr. ult.: mementote praepositorum vestrorum qui vobis locuti sunt verbum Dei, quorum intuentes exitum conversationis, imitamini fidem.

gratia vobiscum amen

Tandem concludens optat eis bonum, dicens gratia, et cetera. Io. I, 17: gratia et veritas per Iesum Christum facta est: cui sit laus et gloria, nunc et semper. Amen.

Plus haut, l’Apôtre a établi les règles particulières concernant les différents états des hommes ; maintenant il établit celles qui concernent tous les hommes, dans le respect, cependant, des différences. Il montre d’abord comment ils doivent se comporter vis-à-vis des autres, deuxièmement comment ils doivent se comporter vis-à-vis d’eux-mêmes : pour tout ce qui me concerne, etc... Le premier point se subdivise : premièrement, comment se comporter vis-à-vis de lui-même, l’apôtre, leur chef ; deuxièmement comment se comporter à l’égard des autres, surtout les infidèles : conduisez-vous avec sagesse. L’Apôtre commence par demander à tous les fidèles de prier, d’abord de prier pour lui : priez pour nous.. Or la prière doit avoir trois qualités, être persévérante, reconnaissante et vigilante. Persévérante : Persévérez dans la prière, c'est-à-dire priez avec persévérance. "Priez sans cesse" (I Thess., V, 17). "Il faut prier toujours et sans se lasser" (Luc, VIII, 1). Qu’elle vous tienne vigilants, ajoute-t-il, afin que l’esprit demeure libre ; "soyez prudents pour vaquer à la prière, etc... (I Pierre IV, 7) : "il passait la nuit à prier, etc..." (Luc, VI, 12); - reconnaisante : priez avec des actions de grâces, car on ne mérite pas de bienfaits nouveaux si l’on montre de l’ingratitude pour les bienfaits passés : dans l’action de grâces ; "avec des actions de grâces" (Ph., IV, 6) ; "Rendez grâces à Dieu en toutes choses" (I Thess. V, 18). Par conséquent, l’Apôtre leur demande de prier pour lui : priez pour nous, etc... Les fidèles ont le devoir de prier pour leurs supérieurs spirituels qui veillent sur eux et dont le ministère est le bien de tous. "Priez pour nous, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course, etc... " (Thess., III, 1). Ici il écrit : [Priez pour nous] afin que Dieu nous ouvre une porte, qu’il ouvre lui-même la bouche qui laisse passer la parole du coeur et qu’il donne la grâce d’annoncer dignement sa parole. Dans cette action même on reconnaît quelque chose de grand : "Et ouvrant la bouche, il enseignait, etc... " (Matth., V, 2).

Paul ajoute : et que nous puissions annoncer. "C’est en esprit qu’il dit les mystères" (I Cor., XIV, 2). J’ai besoin de ces prières, poursuit l'Apôtre, car à cause de la parole du Christ je souffre des tribulations : "Je souffre jusqu’à porter des chaînes" (II Timothée II, 9). - Priez de façon que Dieu ouvre, etc..., c'est-à-dire rende évident, etc... Il peut y avoir trois obstacles à la prédication, à savoir : à cause de la peur : je suis dans les fers ; à cause de la difficulté, telle que les fidèles ne puissent comprendre : de le publier ; soit le manque d’opportunité de temps et de manière : comme je le dois. "Je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, etc..." (I Cor., III, 1) ; "l’intendant fidèle et prudent que, etc... (Luc XII, 42). En conséquence, quand Paul dit Conduisez-vous avec sagesse, il montre comment se conduire envers ceux du dehors, d’abord dans la conduite de vie, ensuite dans le langage : que votre langage.

 

I- Rapports avec les païens

4, 6 Que votre langage soit toujours aimable, plein d’à-propos, avec l’art de répondre à chacun comme il faut.

Paul dit donc : "conduisez-vous avec sagesse avec ceux du dehors", c’est-à-dire les infidèles ; avec sagesse : "Dieu n'aime que celui qui habite avec la sagesse, etc..." (Sag., VII, 28); pour cette raison, tirez parti des circonstances, etc...: on tire parti des vexations quand on abandonne son droit pour les éviter; les fidèles étant opprimés par les païens, l’Apôtre leur conseille de se racheter de cette oppression par la sagesse. "Ayez une conduite honnête au milieu des Gentils." (Pierre, II, 12).

Paul leur enseigne, en second lieu, comment ils doivent se comporter dans leur langage ; et d’abord que leur langage soit toujours agréable : Que votre langage soit toujours agréable. "La langue du juste est riche d’affabilité" (Ecclés., VI, 5); ensuite que leur langage soit discret : qu’il soit relevé d’un grain de sel, - par grain de sel, il entend la discrétion - sans sel les aliments n’ont pas de saveur, sans discrétion nos actes n’ont pas de goût ni d’ordre. "Gardez le sel en vous et soyez en paix les uns avec, les autres" (Marc, IX, 49). Avec l’art de répondre, etc...: on ne parle point de même à des sages et à des têtes folles. "Ne répondez point au fou selon sa folie, de peur que vous ne lui deveniez semblable, etc..." (Prov., XXVI, 4). Mais "soyez toujours prêts à répondre avec douceur et respect à quiconque vous demande raison de, etc..." (I Pierre, III, 15).

 

II- Mission de Tichyque et d’Onésime

4, 7 Pour tout ce qui me concerne, Tychique vous informera, ce frère bien-aimé qui m’est un fidèle assistant et compagnon de service dans le Seigneur.

4, 8 Je vous l’envoie tout exprès pour vous donner de nos nouvelles et réconforter vos coeurs.

4, 9 Je lui adjoins Onésime, le fidèle et bien-aimé frère, qui est de chez vous. Ils vous apprendront tout ce qui se passe ici.

Paul dit ensuite : Pour tout ce qui me concerne, etc... ; il leur montre ce que les autres font pour eux, et d’abord ce que font pour eux ceux qu’il leur envoie, ensuite ce que font ceux qui restent avec lui : … vous salue. Il leur envoie donc un légat qu’il présente sous trois aspects : sur le plan de l’affection : ce frère bien-aimé, comprenez « aimé de charité », dont il dit qu’il est plus précieux que l’or : "Je rendrai les hommes plus rares que l’or fin, etc..." (Isaïe XIII, 12) ; sur le plan de la foi : un fidèle assistant : "ce que l’on cherche dans les dispensateurs, c’est que chacun soit trouvé fidèle" (I Cor., IV, 2) ; sur le plan de l’humilité : mon compagnon au service dans le Seigneur, c'est-à-dire dans l’exécution du ministère, mais dans le Seigneur, parce que le supérieur spirituel doit chercher le bien de ceux dont il est le chef et la gloire de Dieu. Pourquoi est-il envoyé ? Pour se rendre compte de la situation des fidèles. "Va donc, et vois si tes frères vont bien, et si le troupeau est en bon état, et tu m’en apportera des nouvelles, etc..." (Gen., XXXVII, 14) ; "Tu visiteras tes frères pour voir s’ils se portent bien, et tu t’informeras des désirs qu’ils peuvent avoir" (I Rois XVII, 18) ; sur le plan de la consolation enfin : "J’ai un vif désir de vous voir pour vous communiquer quelque don spirituel qui puisse vous affermir (Rom., I, 11), je veux dire de nous encourager ensemble au milieu de vous, etc... C’est dans ce but également que le Seigneur avait été envoyé par le Père : "pour consoler tous les affligés, etc... (Isaïe LXI, 2). De même, l’Apôtre évoque l’accord entre son envoyé et Onésime : ils vous apprendront tout ce qui se passe ici. Ce qui vous concerne me sera rapporté pour que je le règle; ce qui me concerne vous sera raconté pour vous servir d'exemple.

III- Salutations

4, 10 Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabé, au sujet duquel vous avez reçu des instructions : s’il vient chez vous, faites-lui bon accueil.

En disant Aristarque vous salue, etc.., Paul montre de quelle manière ceux qui sont restés avec lui saluent [les fidèles de Colosses] : le texte se suffit à lui-même. …au sujet duquel vous avez reçu, etc... : Il est raconté dans les Actes (XIII, 5) que pendant que l’Apôtre et Barnabé voyageaient ensemble, un certain Jean, surnommé Marc, se joignit à eux, puis s’en sépara, et revint de nouveau vers eux. Paul ne voulut pas le recevoir mais Barnabé le prit avec lui, ce qui fut cause que Paul se sépara de Barnabé. Pour cette raison, Paul avait écrit aux Colossiens de ne pas recevoir Marc, mais celui-ci ayant changé de sentiment, l’Apôtre leur dit de lui faire maintenant bon accueil : c’est l’explication de vous avez reçu, etc... Il peut aussi être question du frère de Barnabé, de la part duquel vous avez reçu, etc... .

4, 11 Jésus surnommé Justus vous salue également. De ceux qui nous sont venus de la Circoncision, ce sont les seuls qui travaillent avec moi pour le Royaume de Dieu; ils m’ont été une consolation.

4, 12 Epaphras, votre compatriote, vous salue; ce serviteur du Christ Jésus ne cesse de lutter pour vous dans ses prières, afin que vous teniez ferme, parfaits et bien établis dans tous les vouloirs divins.

Jésus, surnommé " le juste" : c’était un homme de vie sainte et pour cette raison appelé "le juste". Ce sont parmi les circoncis les seuls qui ont été envoyés pour prêcher l’Évangile du Christ : "Et qu’importe ? De quelque manière qu’on le fasse, que ce soit avec arrière-pensées ou sincèrement, le Christ est annoncé " (Philip. I, 18). Et Paul d’évoquer d’abord les Gentils, ensuite les Juifs. Epaphras, votre compatriote, etc... : en effet c’était un asiatique. Tous vous saluent pour que vous soyez parfaits : "afin que vous soyez parfaits, etc..." (Jacques I, 4). Bien établis dans [tous les vouloirs divins], c'est-à-dire dans tout ce qui concerne la volonté de Dieu.

4, 13 Oui, je lui rends ce témoignage qu’il prend beaucoup de peine pour vous, ainsi que pour ceux de Laodicée et pour ceux de Hiérapolis.

4, 14 Vous avez les salutations de Luc, le cher médecin, et de Démas.

L’Apôtre nomme aussi Luc, qui ne paraît pas avoir été Juif d’origine, mais né à Antioche, et médecin de profession. Il est spécialement nommé parce qu’il avait dans l’Église une grande autorité, ayant écrit son évangile du vivant même de saint Paul.

4, 15 Saluez les frères qui sont à Laodicée, avec Nymphas et l’Eglise qui s’assemble dans sa maison.

4, 16 Quand cette lettre aura été lue chez vous, faites qu’on la lise aussi dans l’Eglise des Laodicéens, et procurez-vous celle de Laodicée, pour la lire à votre tour.

En disant Saluez, saint Paul précise qui ils doivent saluer : d’abord ceux des autres Églises, ensuite ceux qui sont de leur Église : celle qui est à Laodicée ; de ceci on peut tenir que Paul écrivit d'autres épîtres, en particulier celles dont il est parlé ici, adressée aux Laodiciens, et une autre aux Corinthiens, en plus de la première et de la seconde, comme il est dit I Corinthiens V, 9 : "Je vous ai écrit dans ma lettre de ne pas avoir de relations avec les impudiques, etc... Il y a deux raisons pour lesquelles elles ne furent pas dans le Canon des Écritures : sans doute parce que leur authenticité n’était pas absolument sûre ; ou peut-être avaient-elles été altérées, peut-être étaient-elles perdues, peut-être encore ne contenaient-elles rien qui ne fût déjà dans les lettres que nous avons.

4, 17 Dites à Archippe: « Prends garde au ministère que tu as reçu dans le Seigneur, et tâche de bien l’accomplir. »

Dites à Archippe : c’était leur supérieur, et Paul leur ordonne de l’avertir en lui disant : Prends garde, etc... "Sois tout entier à ton ministère." (II Tim., IV, 5). Certes il remplit les charges de son ministère quand il fait ce pour quoi il l’a reçu. Mais il semble qu’il ne convienne pas à un inférieur de rappeler son devoir à un prélat (Ex., XIX, 24). Lui adresser des blâmes et des reproches irrespectueux, non; mais l’avertir avec charité, oui. Ainsi Paul a-t-il averti Pierre (Gal. II, 11). - Mais pourquoi l’Apôtre n’écrivait-il pas à l’évêque lui-même ? Parce que le prélat est pour l’Église, et non l’Église pour le prélat.

4, 18 Voici le salut de ma main, à moi, Paul. Souvenez-vous de mes chaînes !

Voici le salut, etc... Il avait coutume de faire écrire ses lettres par quelqu’un d’autre, mais d’ajouter à la fin un mot de sa main : "Voici mon salut, de ma main à moi, Paul" (II Thess., III, 17) ; il fait la même chose ici, pour éviter toute tromperie. Souvenez-vous de mes liens, ajoute-t-il, car il était en prison à Rome. "Comme modèle de générosité dans l’épreuve et de patience, prenez, frères, les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur, etc..." (Jac., V, 10). "Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont prêché la parole de Dieu, et, considérant quelle a été l’issue de leur vie, imitez leur foi." (Hébreux XIII, 7).

Il achève la lettre en leur souhaitant le bonheur : la grâce, etc...

4, 19 La grâce soit avec vous ! Cette "grâce et cette vérité qui sont venues par Jésus-Christ" (Jean, I, 17), auquel soient louange et gloire, aujourd'hui et toujours.

AMEN

 

Fin du commentaire de saint Thomas.

 

 

 



[1] Non pas qu’autre soit le corps et autre la chair. Cette expression montre que le Christ a reçu un corps dans son être naturel: "Le Verbe s’est fait chair", donc passible de la mort: "Dieu envoya, pour le péché, son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché" (Rom., VIII, 3).

[2] Voici le texte latin qui renferme une sorte de jeu de mots difficile à traduire en français: "Benignitas quae est quasi bona igneitas. "