LE LIVRE DES CAUSES

LIBER DE CAUSIS

Anonyme néoplatonicien

© Copyright traduction et notes par le Professeur Jean Ranchin, du CNAM, 2004

Première édition numérique http: //docteurangelique. free. fr 2004

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

Présentation du Livre des Causes 1

Le texte en latin et en français du Livre des Causes 2

Notes sur la traduction et ses choix. 39

Sources 39

Le texte 39

Le lexique 40

Sur certains mots. 41

Une tournure 43

Sur la graphie 43

A titre de consultation: Traduction Aristide Bocognano, 1937, Paris, Garnier, revue en 1991 par Pierre Magnard_ 44



 

Présentation du Livre des Causes

 

La version latine de ce petit traité apparaît pour la première fois dans la liste des ouvrages traduits de l’arabe à Tolède par Gérard de Crémone (1114-1187), sous le nom de «Liber Aristotelis de expositione de bonitatis pure». Cette traduction et nombre d’autres ont été faites à partir de 1150 à la demande de Raimond de Bourgogne (Raimondo de Borgoña) archevêque de Tolède, notamment par Dominicus Gundisalvus (Domingo González) et Abraham Ben Levi Ibn David dit Ibn Daoud ou Jean de Séville ou Jean de Luna (1110-1180).

Dès son introduction, il a une grande influence. Il est commenté par saint Albert le Grand, Roger Bacon, Siger de Brabant, Gilles de Rome, le pseudo Henri de Gand, puis saint Thomas d'Aquin et d'autres.

 


Il est au début attribué à Aristote aux motifs qu’Aristote est cité comme auteur dans le titre du manuscrit et que ce traité paraît dans  la droite ligne de l’étude des causes premières exposées dans la Métaphysique : «Il est donc manifeste que la science que nous avons à acquérir est celle des causes premières (puisque nous disons que nous connaissons chaque chose, seulement quand nous pensons connaître sa première cause.» Aristote, Métaphysique, A, 3, 983a-983b. Plusieurs commentateurs séparent les têtes de chapitre aristotéliciennes des commentaires attribués à un arabe. En 1268, Guillaume de Moerbeke traduit en latin la Στοιχείωσις Θεολογική ou Stoicheiosis Theologike de Proclus le Diadoque (v. 410-485), chef de l'école néoplatonicienne d'Athènes, sous le nom d’Elementatio theologica. Saint Thomas d’Aquin dispose de cette traduction. Il reconnaît dans le prologue de son Commentaire que le Liber de causis est constitué d’extraits de Proclus. Il écrit « en particulier parce que tout ce qui est contenu dans ce livre (de causis) est contenu de façon plus complète et plus élaborée dans l'autre ». L'attribution passe alors à Proclus.

 

Ce traité est significatif de la volonté néo-platonicienne de rationaliser la philosophie. Pour cela, il est présenté more geometrico comme Proclus l'avait inauguré pour ses Éléments de théologie. Ce mode d'exposition culminera beaucoup plus tard chez Spinoza dans une manière axiomatique.

 

Le Liber de causis ne contient pas de théorèmes mais des preuves ou des commentaires apportés à chaque proposition. L’auteur veut convaincre et pour cela il utilise plus qu’abondamment des locutions causales.

Une autre caractéristique du livre est l'abondance des arguments tels que « non est... nisi... nisi, etc. » significative de la manière apophatique.

 


Le Livre des Causes est constitué de 31 chapitres, 32 dans la majorité des manuscrits latins qui font commencer le chapitre V dans le chapitre IV. Chaque chapitre commence par une proposition, suivie d’un nombre variable d’arguments ou preuves.

Le texte de la proposition est mis en évidence par une graisse. Le dernier alinéa du chapitre résume le plus souvent la justification pour en faire approuver la justesse.

Les textes entre [ ] sont des variantes.

Les textes entre {} dans la version française sont purement explétifs.

<…> marque un membre de phrase probablement absent.

Les sources et les choix de traduction sont consignés en fin de document.

Nous avons adopté la présentation du texte latin de http://home.t-online.de/home/ravenn/causis.htm mise en ligne par Hans Zimmermann, Görlitz 2001 qui met en évidence l’articulation des phrases par césure, ne met pas de capitales en tête des phrases et n’ajoute pas de signes de ponctuation autre que le point.

 

 

Le texte en latin et en français du Livre des Causes

 

Proposition 1

1

omnis causa primaria

plus est influens super causatum suum quam causa universalis secunda.

Toute cause première

a plus d'influence sur son effet qu'une cause seconde universelle.

2

cum ergo removet causa universalis secunda virtutem suam a re

 

causa universalis prima non aufert virtutem suam ab ea.

En conséquence, dès lors qu’une cause seconde universelle retire sa puissance à une chose,

la cause première universelle ne lui ôte pas sa {propre} puissance.

3

quod est quia causa universalis prima agit in causatum causae secundae

 

antequam agat in ipsum causa universalis secunda quae sequitur ipsum.

C'est ainsi parce que la cause première universelle agit sur l’effet de la cause seconde

avant qu’agisse sur elle la cause universelle seconde qui la suit

4

cum ergo agit causa secunda quae sequitur causatum

non excusat ipsius actio a causa prima quae est supra ipsam.

En conséquence, la cause seconde qui est suivie par l’effet, agit,

{mais} son action n’exclut pas de la cause première qui est au-dessus d’elle.

5

et quando separatur causa secunda a causato quod sequitur ipsam

non separatur ab eo prima quae est supra ipsam

quoniam est causa ei.

Et quand la cause seconde est détachée de l'effet qui la suit,

la première qui est au-dessus d’elle n’est pas séparée d’elle,

parce qu'elle est sa cause.

6

et nos quidem exemplificamus illud per esse et vivum et hominem.

Et nous, en plus, nous donnons de cela l’exemple de l’être, du vivant et de l’homme.

7

quod est quia oportet ut sit res

esse in primis deinde vivum postea homo.

C'est ainsi parce qu'il faut que la chose soit

être en premier, ensuite vivant, enfin homme.

8

vivum ergo est causa hominis propinqua.

et esse causa eius longinqua.

Le vivant est donc la cause proche de l’homme ;

et l’être sa cause lointaine.

9

esse ergo vehementius est causa homini quam vivum

quoniam est causa vivo quod est causa homini.

Donc, l’être est plus fortement cause pour l’homme que le vivant,

parce qu’il est cause pour le vivant qui est cause pour l’homme.

10

et similiter quando ponis rationalitatem causam homini

 
est esse vehementius causa homini quam rationalitas

quoniam est causa causae eius.

Et de même, lorsqu'on pose la faculté de raisonner {comme} cause de l’homme,

l’être est plus fortement cause pour l’homme que la faculté de raisonner

parce qu’il est cause de sa cause.

11

et illius quod dicimus significatio est

quod quando tu removes virtutem rationalem ab homine

non remanet homo sed remanet vivum spirans sensibile.

 
et quando removes ab eo vivum

non remanet vivum sed remanet esse

quoniam esse non removetur ab eo

sed removetur vivum; quoniam causa non removetur per remotionem causati sui

remanet ergo homo esse.

cum ergo individuum non est homo, est animal

 
et, si non est animal, est esse tantum.

Et la preuve de ce que nous disons est

que lorsque toi tu ôtes à l’homme la puissance du raisonnement,

il ne reste plus un homme mais il reste un vivant animé, cela tombe sous le sens.

Et lorsque tu lui ôtes la vie,

il ne reste pas un vivant mais il reste un être,

parce que l’être ne lui est pas retiré,

mais la vie lui est retirée; parce que la cause n’est pas supprimée par le retrait de son effet,

l’homme reste donc un être.

En conséquence, l’indivisible (forme neutre : ce qui ne peut être séparé) n’est pas l’homme, c'est l’animé

et, si ce n’est pas l’animé, c'est encore un être.

12

iam igitur manifestum est et planum quod causa prima longinqua est plus comprehendens

et vehementius causa rei quam causa propinqua.

Par conséquent, dès maintenant il est montré et évident que la cause première lointaine a plus prise

et {est} plus fortement cause de la réalité que sa cause proche.

13

et propter illud fit eius operatio vehementioris adhaerentiae cum re

 
quam operatio causae propinquae.

et hoc quidem non fit secundum hoc

nisi quia res in primis non patitur

nisi a virtute longinqua

deinde patitur secundo a virtute quae est sub prima.

Et à cause de cela, il se fait que son œuvre est plus fortement attachée à la chose

que l’œuvre de la cause proche.

Et il n’en est pas fait selon ceci

si ce n’est parce qu’en premier la chose n’est supportée

que par une puissance lointaine;

après, en second,  elle est supportée par une puissance qui est sous la première.

14

et causa prima adiuvat secundam causam super operationem suam

quoniam omnem operationem quam causa efficit secunda

et prima etiam causa efficit

verumtamen efficit eam per modum alium, altiorem et sublimiorem.

Et la cause première appuie la cause seconde en son œuvre,

parce que toute œuvre que la cause seconde accomplit,

et la première l’accomplit aussi;

donc elle l’accomplit d’une manière autre, de plus loin et de plus haut.

15

et quando removetur causa secunda a causato suo

non removetur ab eo causa prima

quoniam causa prima est maioris et vehementioris adhaerentiae cum re quam causa propinqua.

Et quand la cause seconde est retirée à son effet,

la cause première n’en est pas retirée,

parce que la cause première est plus grandement et plus fortement attachée à la chose que la cause proche.

16

et non figitur causatum causae secundae nisi per virtutem causae primae.

Et l’effet n’est fixé à la cause seconde que par la puissance de la cause première.

17

quod est quia causa secunda quando facit rem

influit causa prima quae est supra eam super illam rem de virtute sua


quare adhaeret illud ei adhaerentia vehementi et servat eam.

C'est ainsi parce que quand la cause seconde fait une chose,

la cause première, qui est au-dessus d’elle, pénètre cette chose de sa puissance,

c’est pourquoi elle y est attachée par une attache plus forte et la conserve.

18

iam ergo manifestum est et planum

quod causa longinqua est vehementius causa rei quam causa propinqua quae sequitur eam

et quod ipsa influit virtutem suam super eam et servat eam

et non separatur ab ea separatione suae causae propinquae

immo remanet in ea et adhaeret ei adhaerentia vehementi

secundum quod ostendimus et exposuimus.

Dès lors manifestement, il est montré et évident

que la cause lointaine est plus fortement cause de la chose que la cause proche qui la suit,

et qu’elle la pénètre de sa puissance et la conserve,

et qu’elle n'en est pas séparée par la séparation de sa cause proche,

au contraire elle demeure en elle et lui est attachée par une attache forte,

comme nous l’avons fait voir et expliqué.

 

 

Proposition 2

19

omne esse superius

aut est superius aeternitate et ante ipsam

aut est cum aeternitate

aut est post aeternitatem sed supra tempus.

Tout être supérieur

ou bien précède l’éternité et est avant elle,

ou bien est avec l'éternité,

ou bien est après l'éternité mais au-dessus du temps.

20

esse vero quod est ante aeternitatem est causa prima

quoniam est causa ei.

En vérité l’être qui est avant l’éternité est la cause première,

parce qu’il est cause d’elle.

21

sed esse quod est cum aeternitate est intelligentia

quoniam est esse secundum

[secundum habitudinem unam, unde non patitur neque destruitur.]

Mais l’être qui est avec l’éternité est l’intelligence,

parce qu’il est un être second,

[second en un état un, d’où vient qu’il ne subit pas ni n'est destructible.]

22

esse vero quod est post aeternitatem et supra tempus est anima

quoniam est in horizonte aeternitatis inferius et supra tempus.

En vérité, l’être qui est après l’éternité et au-dessus du temps est l’âme,

parce qu’elle est plus basse dans l’horizon de l’éternité et au-dessus du temps.

23

et significatio quod causa prima est ante aeternitatem ipsam

est quod esse in ipsa est acquisitum.

Et la preuve que la cause première est avant l’éternité même,

c’est que l'être est acquis en elle.

24

et dico quod omnis aeternitas est esse

sed non omne esse est aeternitas.

[ergo esse est plus commune quam aeternitas.]

et causa prima est supra aeternitatem

quoniam aeternitas est causatum ipsius.

Et je dis que toute éternité est être,

tandis que tout être n’est pas éternité.

[Donc l’être est plus commun que l’éternité.]

Et la cause première est au-dessus de l’éternité,

parce que l’éternité est son effet.

25

et intelligentia [apponitur vel] parificatur aeternitati

quoniam extenditur cum ea

et non alteratur neque destruitur.

Et l’intelligence est [placée auprès de l'éternité ou] faite égale à l’éternité,

parce qu’elle a la même extension qu'elle;

et elle n'est pas altérable ni destructible.

26

et anima annexa est cum aeternitate inferius

quoniam est susceptibilior impressionis quam intelligentia

et est supra tempus, quoniam est causa temporis.

Et l’âme est attachée plus bas à l’éternité,

parce qu’elle est plus portée à recevoir une empreinte que l’intelligence,

et elle est au-dessus du temps, parce qu’elle est cause du temps.

 

 

Proposition 3

27

omnis anima nobilis tres habet operationes

[nam ex operibus eius est]

operatio animalis et operatio intellectibilis et operatio divina.

Toute âme noble a trois œuvres;

[car dans ses œuvres il y a]

l'œuvre animée et l'œuvre de l'intellect et l'œuvre divine.

28

operatio autem divina est

quoniam ipsa parat naturam cum virtute quae est in ipsa a causa prima.

Je dis que son œuvre est divine

parce qu’elle-même organise la nature avec la puissance qui est en elle du fait de la cause première.

29

eius autem operatio intellectibilis est

quoniam ipsa scit res per virtutem intelligentiae quae est in ipsa.

Je dis que son œuvre est de l'intellect

parce qu’elle-même connaît les choses par la puissance de l’intelligence qui est en elle.

30

operatio autem eius animalis est

quoniam ipsa movet corpus primum et omnia corpora naturalia

quoniam ipsa est causa motus corporum et causa operationes naturae.

Je dis que son œuvre est animée

parce qu’elle-même meut le corps premier et tous les corps de la nature,

parce qu'elle-même est cause du mouvement des corps et cause des œuvres de la nature.

31

et non efficit anima has operationes

nisi quoniam ipsa est exemplum superioris virtutis.

Et l’âme n’accomplit ces œuvres

que parce qu’elle-même est une copie de la puissance supérieure.

32

quod est quia causa prima creavit esse animae mediante intelligentia,

 

et propter illud facta est anima efficiens operationem divinam.

C'est ainsi parce que la cause première créa l’être de l’âme par l’intermédiaire de l’intelligence,

et à cause de cela l’âme est faite accomplissant {telle qu’elle accomplit} une œuvre divine.

33

postquam ergo creavit causa prima esse animae,

posuit eam sicut [stramentum] intelligentiae in quod efficiat operationes suas.

Après donc que la cause première créa {eut créé} l’être de l’âme,

elle l’a établie comme [litière] de l’intelligence sur laquelle celle-ci enfante ses propres œuvres.

34

propter illud ergo anima intellectibilis efficit operationem intelligentiae [intellectibilem].

[et quia anima suscipit impressionem intelligentiae]

facta est inferioris operationis quam ipsa in impressione sua

in id quod est sub ipsa.

À cause de cela donc, l’âme qui a l’intellect accomplit une œuvre de l'intelligence [de l’intellect].

[Et parce que l’âme recueille la marque de l’intelligence,]

elle est faite d’une œuvre inférieure à elle {à l'intelligence} dans l’empreinte

qu’elle met sur ce qui est au-dessous d’elle.

35

quod est quia ipsa non imprimit in res nisi per motum

 
scilicet quia non recipit quod est sub ea operationem eius nisi ipsa moveat ipsum.

propter hanc ergo causam fit quod anima movet corpora

de proprietate namque animae est ut vivificet corpora

quando influit super ea virtutem suam

et directe producit ea ad operationem rectam.

C'est ainsi parce qu'elle-même ne met une marque dans les choses que par le mouvement,

ainsi ce qui est sous son œuvre ne reçoit rien sinon qu'elle-même le meut.

 

Pour cette raison donc est faite la cause de ce que l’âme meut les corps;

c’est en effet de la propriété de l’âme que de vivifier les corps

quand elle applique sa puissance sur eux

et directement les mène vers une œuvre juste.

36

manifestum est igitur nunc quod anima habet tres operationes

quoniam habet virtutes tres

scilicet virtutem divinam et virtutem intelligentiae et virtutem eius essentiae


secundum quod narravimus et ostendimus.

Par conséquent maintenant il est montré que l’âme a trois œuvres

parce qu’elle a trois puissances:

évidemment la puissance divine et la puissance de l'intelligence et la puissance de son essence,

comme nous l’avons exposé et fait voir.

 

Proposition 4

37

prima rerum creatarum est esse

et non est ante ipsum creatum aliud.

La première des choses créées est l’être

et il n'est pas d’autre créé avant lui.

38

quod est quia esse est supra sensum et supra animam et supra intelligentiam

 

et non est post causam primam latius neque plus causatum [neque prius creatum] ipso.

C'est ainsi parce que l’être est au-dessus des sens et au-dessus de l’âme et au-dessus de l’intelligence,

et qu’il n’y a rien après la cause première de plus complet ni qui par soi a plus d'effet [ni qui a été auparavant créé].

39

propter illud ergo factum est superius creatis rebus omnibus et vehementius unitum.

À cause de cela donc, il est fait supérieur à toutes les choses créées et plus fortement un.

40

et non est factum ita nisi propter suam propinquitatem esse puro et uni vero

in quo non est multitudo aliquo modorum.

Et il n’est fait ainsi qu'à cause de sa proximité avec l’Être pur et l’Un vrai

en qui il n’y a aucune sorte de multiplicité.

41

et esse creatum quamvis sit unum tamen multiplicatur

scilicet quia ipsum recipit multiplicitatem.

Et bien que l'être créé soit un, pourtant il est multiplié,

c'est évident parce que lui-même reçoit la multiplicité.

42

et ipsum quidem non est factum multa nisi quia ipsum

quamvis sit simplex et non sit in creatis simplicius eo

tamen est compositum ex finito et infinito.

Et lui-même assurément n’est fait multiple que parce que lui-même,

bien qu’il soit simple et que parmi les créés il ne soit pas de plus simple que lui,

il est pourtant composé de fini et d’infini.

43

quod est quia omne quod ex eo sequitur causam primam

est achili [id est] intelligentia

completa et ultima in potentia et reliquis bonitatibus.

C'est pour cela que tout ce qui suit la cause première par lui,

est achili [c’est-à-dire] intelligence,

achevée et extrême en puissance et autres grâces.

44

et formae intellectibile in ipso sunt latiores et vehementius universales.

 

et quod ex eo est inferius est intelligentia iterum

verumtamen est sub illa intelligentia in complemento et virtute et bonitatibus.

et non sunt formae intellectibiles in illa ita dilatatae

 

sicut est earum latitudo in illa intelligentia.

et esse quidem creatum primum est intelligentia totum

verumtamen intelligentia in ipso est diversa per modum quem diximus.

Et en lui les formes de l'intellect sont plus amples et plus fortement universelles.

Et ce qui, venant de lui, est plus bas, est encore intelligence,

pourtant cette intelligence est inférieure en achèvement et puissance et grâces.

Et en elle {l’intelligence inférieure} les formes intelligibles ne sont pas étendues

autant qu'elles le sont dans la première intelligence.

Et véritablement, l'être premier créé est entièrement intelligence,

pourtant l’intelligence en lui est diverse selon la manière que nous avons dite.

45

et quia diversificatur intelligentia

fit illic forma intellectibilis diversa.

et sicut ex forma una, propterea quod diversificatur

in mundo inferiori proveniunt individua infinita in multitudine

similiter ex esse creato primo, propterea quod diversificatur

apparent formae intellectibiles infinite.

Et parce que l’intelligence est diversifiée,

en cela la forme de l'intellect est faite diverse.

Et comme d’une forme une, du fait qu’elle est diversifiée

des individus infinis en nombre {en} proviennent dans le monde inférieur,

de même de l’être premier créé, du fait qu’il est diversifié 

des formes de l'intellect surgissent à l'infini.

46

verumtamen, quamvis diversificentur non seiunguntur ab invicem

 
sicut est seiunctio individuorum.

Pourtant, quoiqu’elles soient diversifiées, elles ne sont pas séparées les unes des autres,

comme est la séparation des individus.

47

quod est quoniam ipsae uniuntur absque corruptione et separantur absque seiunctione

quoniam sunt unum habens multitudinem et multitudo in unitate.

C'est ainsi puisque elles-mêmes sont unies sans corruption et sont séparées sans désunion,

parce qu’elles sont l’unité qui a la multiplicité et la multiplicité dans l’unité.

48

et intelligentiae primae influunt super intelligentias secundas bonitates quas recipiunt a causa prima

et intendunt bonitates in eis, usque quo consequuntur ultimam earum.

Et les intelligences premières répandent sur les intelligences secondes les grâces qu’elles reçoivent de la cause première,

et elles étendent les grâces en elles jusqu’à atteindre la dernière.

 


De nombreux manuscrits latins font commencer ici la proposition V ici, les propositions suivantes sont inchangés au numéro près.

L’alinéa 49 devient alors tête de proposition. Nous donnons les deux divisions, la numérotation latine est entre ().

 

 

(Proposition 5)

49

intelligentiae superiores primae, quae sequuntur causam primam

imprimunt formas secundas, stantes, quae non destruuntur

 

ita ut sit necessarium iterare eas vice alia.

 

intelligentiae autem secundae imprimunt formas declines separabiles

sicut est anima.

Les intelligences supérieures premières, qui découlent de la cause première,

marquent les formes secondes, subsistantes, qui ne sont pas destructibles

en sorte qu’ {car sinon} il serait nécessaire de les faire à nouveau.

Cependant, les intelligences secondes marquent des formes diminuées séparables,

comme est l’âme.

50

ipsa namque est ex impressione intelligentiae secundae

quae sequitur esse creatum inferius.

En effet, celle-ci provient de la marque de l'intelligence seconde

qui est suivie par l’être créé au-dessous.

51

et non multiplicantur animae nisi per modum quo multiplicantur intelligentiae.


quod est quia esse animae iterum habet finem

sed quod ex eo est inferius est infinitum.

Et les âmes ne sont multipliées que par le mode dont les intelligences sont multipliées.

C'est ainsi parce que l’être de l’âme à son tour a une limite,

mais ce qui, venant de lui est inférieur, est sans limite.

52

igitur animae quae sequuntur alachili [id est] intelligentiam

sunt completae, perfectae, paucae declinationis et separationi


et animae quae sequuntur esse inferius

sunt in complemento et declinatione sub animabus superioribus.

Donc les âmes qui accompagnent alachili [c’est-à-dire] l’intelligence,

sont achevées, parfaites, peu d’elles {sont} enclines à la chute et à la séparation;

et les âmes qui découlent de l’être inférieur

sont, dans leur achèvement et leur inclination à la chute, au-dessous des âmes supérieures.

53

et animae superiores influunt bonitates

quas recipiunt ab intelligentia, super animas inferiores

Et les âmes supérieures répandent les grâces

qu’elles reçoivent de l’intelligence, sur les âmes inférieures.

54

et omnis anima recipiens ab intelligentia virtutem plus

est super impressionem fortior

et quod impressum est ab ea est fixum stans

et est motus eius motus aequalis continuus.

et illa in qua ex ea est virtus intelligentiae minus,

 

est in impressione sub animabus primis

et est quod ab ea impressum est debile, evanescens, destructibile.

Et toute âme recevant de l’intelligence une plus grande puissance

est plus forte dans son action d'insérer,

et ce qui est inséré par elle est fixe, subsistant,

et son mouvement est un mouvement uniforme, continu.

Et celle {l’âme} dans laquelle, venant d’elle {de l’intelligence} il y a une moindre puissance d’intelligence,

est au-dessous des âmes premières pour cette insertion,

et ce qui est inséré par elle est faible, évanescent et destructible.

55

verumtamen, quamvis sit ita

tamen permanet per generationem.

Pourtant, bien qu’il en soit ainsi,

l’âme perdure néanmoins par reproduction.

56

iam ergo ostensum est quare factae sunt formae intelligibiles multae

 

et non est esse nisi unum simplex

et quare factae sunt multae animae

quarum quaedam sunt fortiores alus quibusdam

et esse earum est unum simplex, in quo non est diversitas.

Dès lors manifestement, il est montré pourquoi les formes intelligibles sont faites multiples,

et qu'il n’y a d’être qu’un, simple,

et pourquoi les âmes sont faites multiples,

pourquoi certaines sont plus fortes que d’autres,

et que leur être est un et simple, en qui il n'y a pas de diversité.

 

 

Proposition 5 [6]

57

causa prima superior est narratione

et non deficiunt linguae a narratione eius nisi propter narrationem esse ipsius [ipsum]

quoniam ipsa est supra omnem causam

et non narratur nisi per causas secundas

quae illuminantur a lumine causae primae.

La cause première est supérieure à la description,

et les langues manquent à la décrire, au moins la description de son être,

parce qu'elle-même est au-dessus de toute cause;

et on ne peut la décrire que par les causes secondes

qui sont illuminées par la lumière de la cause première.

58

quod est quoniam causa prima non cessat illuminare causatum suum

et ipsa non illuminatur a lumine alio

quoniam ipsa est lumen purum supra quod non est lumen.

C'est ainsi puisque la cause première ne cesse d’illuminer son effet

et qu’elle-même n’est pas illuminée par une autre lumière,

parce qu'elle est la lumière pure au-dessus de laquelle il n’y a pas de lumière.

59

ex illo ergo facta est prima sola cuius deficit narratio

et non est ita nisi quia supra ipsam non est causa per quam cognoscatur.

De cela vient donc le fait qu’on ne peut pas décrire la première seule;

et ce n’est ainsi que parce qu'au-dessus d’elle, il n’y a pas de cause par laquelle elle est connue.

60

et omnis quidem res non cognoscitur et narratur nisi ex ipsa causa sua.


cum ergo res est causa tantum et non est causatum

non scitur per causam primam neque narratur

quoniam est superior narratione, neque consequitur eam loquela.

Et toute chose en vérité, n’est connue et n'est dite qu’à partir de sa propre cause.

En conséquence, (si) une chose est seulement une cause et n’est pas un effet,

elle n’est pas connue par la cause première ni n’est décrite

parce qu’elle est supérieure à la description, et qu'elle n'est pas atteignable par le langage.

61

quod est quia narratio non fit nisi per loquelam

et loquela per intelligentiam

et intelligentia per cogitationem, et cogitatio per meditationem

et meditatio per sensum.

causa autem prima est supra res omnes

quoniam est causa eis

propter illud fit quod ipsa non cadit

sub sensu et meditatione et cogitatione et intelligentia et loquela

non est ergo narrabilis.

C'est ainsi parce que la description n'est faite que par le langage

et le langage par l’intelligence,

et l’intelligence par la pensée, et la pensée par la réflexion,

et la réflexion par les sens.

Pour sa part, la cause première est au-dessus de toutes choses,

parce qu’elle en est la cause;

à cause de cela il se fait qu'elle ne tombe pas

sous le sens et la réflexion et la pensée et l’intelligence et la parole;

elle n’est donc pas descriptible.

62

et dico iterum quod res

aut est sensibilis et cadit sub sensu

aut est meditabilis et cadit sub meditatione

aut est fixa stans secundum dispositionem unam et est intellectibilis

aut est convertibilis, destructibilis, cadens sub generatione et corruptione


et est cadens sub cogitatione.

et causa prima est supra res intelligibiles sempiternas et supra res destructibiles


quapropter non cadunt super eam sensus neque meditatio neque cogitatio neque intelligentia.

Et je dis encore qu’une chose

ou bien est sensible et elle tombe sous les sens,

ou bien est pensable et elle tombe sous la pensée,

ou bien est fixe subsistante selon une disposition une et elle est de l'intellect,

ou bien est changeante, destructible, tombant sous la génération et à la corruption

et elle tombe sous la réflexion.

Et la cause première est au-dessus des choses intelligibles éternelles et au-dessus des choses destructibles,

c'est pourquoi ne tombent sur elle ni les sens, ni l’imagination, ni la raison, ni l’intelligence.

63

et ipsa quidem non significatur nisi ex causa secunda quae est intelligentia


et non nominatur per nomen causati sui primi nisi per modum altiorem et meliorem

quoniam quod est causati est causae iterum

verumtamen per modum sublimiorem et meliorem et nobiliorem

sicut ostendimus.

Et enfin elle-même {la cause première} n’est révélée qu’à partir de la cause seconde qui est l’intelligence

et elle n’est nommée par le nom de son premier effet que d’une manière plus élevée et plus parfaite,

parce que ce qui appartient à l’effet appartient également à la cause,

donc d’une manière plus élevée et plus parfaite et plus noble,

comme nous l’avons fait voir.

 

 

Proposition 6 [7]

64

intelligentia est substantia quae non dividitur.

L’intelligence est une substance qui n’est pas divisée.

65

quod est quia si non est cum magnitudine neque corpus neque movetur

tunc procul dubio non dividitur.

C'est ainsi parce que si elle n’a ni dimension ni corps ni n'est mue,

alors sans aucun doute, elle n’est pas divisée.

66

et iterum omne divisibile non dividitur

nisi aut in multitudinem aut in magnitudinem aut in motum suum.

Et encore, tout divisible ne peut être divisé

qu’en multiplicité ou en dimension ou dans son mouvement.

67

cum ergo res est secundum hanc dispositionem est sub tempore

quoniam non recipit divisionem nisi in tempore.

et intelligentia quidem non est in tempore

immo est cum aeternitate

quapropter facta est altior et superior omni corpore et omni multitudine.


quod si inveniatur in ea multitudo non invenitur nisi existens quasi sita res una.


cum ergo intelligentia sit secundum hunc modum, penitus divisionem non recipit.

En conséquence, une chose {qui} relève de cet ordre, est au-dessous du temps

parce qu'elle ne subit la division que dans le temps.

Et il est certain que l’intelligence n’est pas dans le temps,

que dis-je, elle est avec l’éternité;

c’est pourquoi elle est faite plus haute et plus élevée que tout corps et toute multiplicité.

Et si une multiplicité est trouvée en elle, elle n’y est que comme une chose existant de façon une.

En conséquence l’intelligence est selon ce mode, au plus profond d'elle elle n’est pas soumise à la division.

68

et significatio quidem illius est reditio sui super essentiam suam

scilicet quia non extenditur cum re extensa

ita ut sit una suarum extremitatum secunda ab alia.

Et assurément, la preuve de cela est son retour sur son essence,

il est évident qu’elle n'est pas étendue avec la chose étendue

car alors une de ses extrémités serait séparée de l’autre.

69

quod est quia quando vult scientiam rei corporalis <…> non extenditur cum ea


sed ipsa stat fixa secundum suam dispositionem

quoniam est forma a qua non pertransit aliquid.

et corpora quidem non sunt ita.

C'est ainsi parce que quand elle veut la connaissance de la chose corporelle <…> elle n'est pas étendue avec elle,

mais elle-même reste fixe selon sa disposition,

parce qu'elle est la forme d’où rien ne s’écoule.

Et assurément, les corps ne sont pas ainsi.

70

et significatio <…> quod intelligentia non est corpus

neque dividitur eius substantia et operatio eius

est quod utraeque sunt res una.

et intelligentia quidem est multa propter bonitates quae adveniunt ei a causa prima.

 

et ipsa quamvis multiplicetur per hunc modum

tamen quia appropinquat uni

fit unum et non dividitur.

et intelligentia quidem non recipit divisionem

quoniam est primum creatum quod creatum est a causa prima

et unitas est dignior ea quam divisio.

Et la preuve <…> que l’intelligence n’est pas un corps

et que ni sa substance ni son œuvre ne sont divisées,

c’est que l’une et l’autre sont chose une.

Et assurément l’intelligence est multiple à cause des grâces qui lui viennent de la cause première.

Et bien qu’elle-même soit multipliée par ce mode,

elle approche pourtant de l’Un,

elle est faite une et n’est pas divisée.

Et assurément l’intelligence ne subit pas la division,

parce qu’elle est le premier créé qui est créé par la cause première,

et que l’unité est plus digne d’elle que la division.

71

iam ergo verificatum est

quod intelligentia substantia est

quae non est cum magnitudine

neque corpus

neque movetur per aliquem modorum motus corporei

quapropter facta est supra tempus et cum aeternitate

sicut ostendimus.

Dès lors manifestement, il est avéré

que l’intelligence est une substance

qui n’a pas de dimension,

ni corps,

ni n'est mue par un des modes du mouvement corporel

c’est pourquoi elle est faite au-dessus du temps et avec l’éternité,

comme nous l’avons fait voir.

 

 

Proposition 7 [8]

72

omnis intelligentia scit quod est supra se et quod est sub se

 

verumtamen scit quod est sub se quoniam est causa ei

 
et scit quod est supra se quoniam acquirit bonitates ab eo.

Toute intelligence connaît ce qui est au-dessus d’elle et ce qui est en dessous d’elle

donc elle connaît ce qui est au-dessous d’elle parce qu’elle en est la cause,

et elle connaît ce qui est au-dessus d’elle parce qu’elle en acquiert des grâces.

73

et intelligentia quidem est substantia intellectibilis

ergo secundum modum suae substantiae scit res quas acquirit de super

 

et res quibus est causa.

Et assurément, l’intelligence est une substance de l'intellect;

donc, selon le mode de sa substance, elle connaît les choses qu’elle reçoit d’en haut

et les choses dont elle est cause.

74

ergo ipsa discernit quod est supra eam et quod est sub ea

et scit quod illud quod est supra se est causa ei

et quod est sub ea est causatum ab ea

et cognoscit causam suam et causatum suum per modum qui est causa eius

scilicet per modum suae substantiae.

Donc elle discerne ce qui est au-dessus d'elle et ce qui est au-dessous d’elle,

et elle sait que ce qui est au-dessus est sa cause

et que ce qui est au-dessous est son effet

et elle connaît sa cause et son effet par le mode qui est sa cause,

évidemment par le mode de sa substance.

75

et similiter omnis sciens non scit rem meliorem et rem inferiorem et deteriorem

 

nisi secundum modum suae substantiae et sui esse

non secundum modum secundum quem res sunt.

Et de même, tout connaissant ne connaît une chose plus parfaite et une chose inférieure et moins bonne

que selon le mode de sa substance et de son être,

{ et } non selon le mode selon lequel ces choses sont.

76

et si hoc ita est

tunc procul dubio bonitates quae descendunt super intelligentiam a causa prima

 

sunt in ea intellectibiles

et similiter res corporae sensibiles

sunt in intelligentia intellectibiles.

Et s’il en est ainsi,

alors sans aucun doute les grâces qui descendent de la cause première sur l’intelligence

sont intelligibles en elle

et, de même, les choses corporelles sensibles

sont intelligibles dans l'intelligence.

77

quod est quoniam res quae sunt in intelligentia non sunt impressiones ipsae


immo sunt causae impressionum.

et significatio illius est

quod intelligentia ipsa est causa rerum quae sunt sub ea per hoc quod est intelligentia.

 

si ergo intelligentia est causa rerum per hoc quod est intel ligentia

tunc procul dubio causae rerum in intelligentia sunt intellectibiles etiam.

C'est ainsi puisque les choses qui sont dans l’intelligence ne sont pas les marques elles-mêmes,

au contraire elles sont les causes des marques.

Et la preuve de cela est

que l’intelligence elle-même est cause des choses qui sont sous elle, en ce qu’elle est l'intelligence.

Si donc l’intelligence est cause des choses en ce qu’elle est l'intelligence,

alors sans aucun doute, dans l’intelligence les causes des choses sont aussi de l'intellect.

78

iam ergo manifestum est quod res supra intelligentiam et sub ea


sunt per virtutem intellectibilem

et similiter res corporeae cum intelligentia sunt intellectibiles

et res intellectibiles in intelligentia sunt intellectibiles

quoniam ipsa est causa causae earum

et quoniam ipsa non apprehendit res nisi per modum suae substantiae


et ipsa quia est intelligentia apprehendit res apprehensione intellectibili


sive intellectibiles sint res sive corporeae.

Dès lors manifestement, il est montré que les choses au-dessus de l’intelligence et au-dessous d’elle,

sont par la puissance de l’intellect;

et de même les choses corporelles avec intelligence sont intelligibles

et les choses intelligibles dans l’intelligence sont intelligibles,

parce qu’elle-même est cause de leurs causes ;

et parce qu’elle-même ne comprend les choses que selon le mode de sa substance

et elle-même, parce qu’elle est intelligence, comprend les choses par une compréhension de l'intellect,

que ces choses soient de l'intellect ou corporelles.

 

 

Proposition 8 (9)

79

omnis intelligentiae fixio et essentia est

per bonitatem puram quae est causa prima.

L'immobilité et l’essence de toute intelligence viennent

du bien pur qui est la cause première.

80

et virtus [quidem] intelligentiae est vehementioris unitatis

quam res secundae quae sunt post eam,

quoniam ipsae non accipiunt cognitionem eius.

et non est facta ita nisi quia causa est ei quod est sub ea.

Et [assurément] la puissance de l’intelligence a une unité plus forte

que les choses secondes qui sont après elle,

parce qu'elles- mêmes ne reçoivent pas la connaissance qu'elle a.

Et il n'en est ainsi que parce qu’elle est cause de ce qui est sous elle.

81

et significatio eius est illud cuius nos rememoramur

intelligentia est regens omnes res quae sunt sub ea per virtutem divinam


quae est in ea et per eam retinet res

quoniam per eam est causa rerum

et ipsa retinet omnes res quae sunt sub ea et comprehendit eas.

Et la preuve de ceci est que nous nous rappelons:

l’intelligence est régente de toutes choses qui sont sous elle par la puissance divine

qui est en elle et par cette puissance elle maintient ces choses,

parce qu'elle est cause des choses par elle;

et elle-même maintient toutes les choses qui sont sous elle et elle les enveloppe.

82

quod est quoniam omne quod est primum rebus et causa eis,

est retinens illas res et regens eas

et non evadit ab eo ex ipsis aliquid propter virtutem suam altam.

ergo intelligentia est princeps rerum quae sunt sub ea et retinens eas et regens eas

sicut natura regit res quae sunt sub ea per virtutem intelligentiae.

 

et similiter intelligentia regit naturam per virtutem divinam.

C'est ainsi puisque tout ce qui est premier pour les choses et cause d'elles,

est ce qui les maintient et les régit,

et rien qui est d’elles ne lui échappe, à cause de sa puissance élevée.

Donc l’intelligence est au commencement des choses qui sont sous elle, et c’est elle qui les maintient et les régit,

comme la nature régit les choses qui sont sous elle par la puissance de l’intelligence.

Et de même, l’intelligence régit la nature par la puissance divine.

83

et intelligentia quidem non facta est retinens res quae sunt post eam

 

et regens eas et suspendens virtutem suam super eas

nisi quoniam ipsae non sunt virtus substantialis ei

[ immo] ipsa est virtus virtutum substantialium

quoniam est causa eis.

Et assurément l’intelligence n’est ce qui maintient les choses qui sont après elle

et ce qui les régit et ce qui tient sa puissance au-dessus d’elles

que parce qu'elles-mêmes ne sont pas une puissance indépendante d'elle,

[bien plutôt] c’est elle qui est la puissance des puissances substantielles,

parce qu'elle est leur cause.

84

et intelligentia quidem comprehendit generata et naturam

et horizontem naturae scilicet animam

nam ipsa est supra naturam.

Et assurément, l’intelligence enveloppe les engendrés et la nature

et l’horizon de la nature, évidemment l’âme

car elle-même est au-dessus de la nature.

85

quod est quia natura continet generationem

et anima continet naturam

et intelligentia continet animam.

C'est ainsi parce que la nature contient la génération

et l’âme contient la nature

et l’intelligence contient l’âme.

86

ergo intelligentia continet omnes res

et non est facta intelligentia ita nisi propter causam primam

quae supereminet omnibus rebus

quoniam est causa intelhigentiae et animae et naturae et reliquis rebus.

Donc l’intelligence contient toutes les choses;

et l’intelligence n'est ainsi qu’à cause de la cause première

qui s’élève au-dessus de toutes choses,

parce qu'elle est cause de l’intelligence et de l’âme et de la nature et des autres choses.

87

et causa quidem prima non est intelligentia neque anima neque natura

immo est supra intelligentiam et animam et naturam

quoniam est creans omnes res.

verumtamen est creans intelligentiam absque medio

et creans animam et naturam et reliquas res mediante intelligentia.

Et assurément la cause première n’est pas l’intelligence ni l’âme ni la nature,

au contraire elle est au-dessus de l’intelligence et de l’âme et de la nature,

puisqu’elle est créatrice de toutes choses.

Pourtant, elle est créatrice de l’intelligence sans intermédiaire

et {elle est} créatrice de l’âme et de la nature et des autres choses par l’intermédiaire de l’intelligence.

88

et scientia quidem divina non est sicut scientia intellectibilis

 

neque sicut scientia anima

immo est supra scientiam intelligentiae et scientiam animae

 

quoniam est creans scientias.

Et assurément, la connaissance divine n’est pas comme la connaissance de l’intellect

ni comme la connaissance de l’âme;

au contraire elle est au-dessus de la connaissance de l’intelligence et de la connaissance de l’âme,

puisqu'elle est créatrice des connaissances.

89

et quidem virtus divina est supra omnem virtutem intellectibilem et animalem et naturalem

quoniam est causa omni virtuti.

Et assurément la puissance divine est au-dessus de toute puissance de l’intellect et de l’animé et de la nature,

puisqu’elle est cause de toute puissance.

90

et intelligentia est habens yliathim

quoniam est esse et forma et similiter anima est habens yliathim.

et natura est habens yliathim

et causae quidem primae non est yliathim

quoniam ipsa est esse tantum.

Et l’intelligence possède l’yliathim {la forme}

puisqu’elle est être et forme et de même l’âme possède l’yliatim.

Et la nature détient l’yliathim.

Et assurément la cause première n’est pas yliathim

puisqu’elle est seulement être.

91

quod si dixerit aliquis necesse est ut sit yliathim

dicemus

yliathim suum est infinitum

et individuum suum est bonitas pura

influens super intelligentiam omnes bonitates et super reliquas res

mediante intelligentia.

Et si quelqu’un a dit qu'il est nécessaire qu’elle soit yliathim,

nous disons

que son yliathim est l’infini

et son individu est le bien pur

répandant toutes ses grâces sur l’intelligence et sur les autres choses

par l’intermédiaire de l'intelligence.

 

 

Proposition 9 (10)

92

omnis intelligentia plena est formis

verumtamen ex intelligentus sunt quae continent formas minus universales

et ex eis sunt quae continent formas plus universales.

Toute intelligence est pleine de formes;

pourtant, parmi les intelligences il y en a qui contiennent des formes moins universelles

et parmi elles il y en a qui contiennent des formes plus universelles.

93

quod est

quoniam formae quae sunt in intelligentiis secundis inferioribus per modum particularem

sunt in intelligentiis primis per modum universalem

et formae quae sunt in intelligentiis primis per modum universalem

sunt in intelligentiis secundis per modum particularem.

C'est ainsi

puisque les formes qui sont dans les intelligences secondes inférieures par un mode particulier,

sont dans les intelligences premières par le mode universel;

et les formes qui sont dans les intelligences premières par un mode universel

sont dans les intelligences secondes par un mode particulier.

94

et in primis intelligentiis est virtus magna

quoniam sunt vehementioris unitatis quam intelligentiae secundae inferiores


et in intelligentiis secundis inferioribus sunt virtutes debiles

quoniam sunt minoris unitatis et pluris multiplicitatis.

Et il y a une grande puissance dans les intelligences premières,

puisqu'elles sont plus fortement unies que les intelligences secondes inférieures;

et il y a des puissances faibles dans les intelligences secondes inférieures

puisqu’elles sont moins unies et plus multipliées.

95

quod est quia intelligentiae propinquae uni puro vero

sunt minoris quantitatis et majoris virtutis

et intelligentiae quae sunt longinquiores ab uno puro vero sunt pluris quantitatis et debilioris virtutis.

C'est ainsi puisque les intelligences proches de l’Un pur vrai

sont moindres en quantité et plus grandes en puissance,

et les intelligences qui sont plus éloignées de l’Un pur et vrai sont en plus grand nombre et moindres en puissance.

96

et quia intelligentiae propinquae uni puro vero sunt minoris quantitatis


accidit inde ut formae quae procedunt ex intelligentiis primis

procedant processione universali unita.

Et parce que les intelligences proches de l’Un pur vrai sont moindres en quantité,

de là vient que les formes qui procèdent des intelligences premières,

procèdent par procession une universelle.

97

et nos quidem abbreviamus et dicimus

qùod formae quae adveniunt ex intelligentiis primis secundis 

sunt debilioris processionis et vehementioris separationis.

Et assurément, nous abrégeons et disons

que les formes qui arrivent des intelligences premières aux secondes

{le} sont par une procession plus faible et une séparation plus forte.

98

quapropter fit quod intelligentiae secundae proiciunt visus suos super universalem formam

quae est in intelligentiis universalibus

et dividunt eam et separant eam

quoniam ipsae non possunt recipere illas formas secundum veritatem et certitudinem earum

nisi per modum secundum quem possunt recipere eas

[scilicet per separationem et divisionem].

C’est pourquoi il résulte que les intelligences secondes jettent leurs regards sur la forme universelle

qui est dans les intelligences universelles,

et la divisent et la séparent,

puisque elles-mêmes ne peuvent recevoir ces formes selon leur vérité et leur certitude

que par le mode par lequel elles peuvent les recevoir,

[évidemment par séparation et division.]

99

[et similiter aliqua ex rebus non recipit quod est supra eam 

nisi per modum secundum quem potest recipere ipsum]

non per modum secundum quem est res recepta.

[Et de même, quelqu'une de ces choses ne reçoit ce qui est au-dessus d’elle

que par le mode selon lequel elle peut le recevoir,]

non pas par le mode selon lequel est la chose reçue.

 

 

Proposition 10 (11)

100

omnis intelligentia intelligit res sempiternas

quae non destruuntur neque cadunt sub tempore.

Toute intelligence comprend les choses éternelles

qui ne sont pas détruites ni ne tombent sous le temps.

101

quod est quoniam si intelligentia est semper quae non movetur

tunc ipsa est causa rebus sempiternis

quae non destruuntur nec permutantur

neque cadunt sub generatione et corruptione.

et intelligentia quidem non est ita

nisi quia intelligit rem per esse suum

et esse suum est sempiternum quod non corrumpitur.

C'est ainsi puisque si l’intelligence est éternellement ce qui n’est pas mû,

alors elle-même est cause pour les choses éternelles

qui ne sont pas détruites ni ne sont modifiées

ni ne tombent dans la génération et la corruption.

Et assurément l’intelligence n’est ainsi

que parce qu’elle comprend la chose par son être,

et son être est éternel, lui qui n'est pas corruptible.

102

cum ergo hoc sit ita

dicimus

quod res destructibiles <…> sunt ex corporeitate

scilicet ex causa corporea temporali

non ex causa intellectibili aeterna.

En conséquence ceci étant ainsi,

nous disons

que les choses destructibles <…> viennent de la corporéité,

évidemment d’une cause corporelle temporelle,

non d’une cause éternelle de l'intellect.

 

 

Proposition 11 (12)

103

primorum omnium quaedam sunt in quibusdam

per modum quo licet ut sit unum eorum in alio.

Certains de tous les premiers sont dans d'autres

par un mode qui permet à l'un d'être en un autre.

104

quod est quia in esse sunt vita et intelligentia

et in vita sunt esse et intelligentia

et in intelligentia sunt esse et vita.

C'est ainsi parce que dans l’être sont la vie et l’intelligence,

et dans la vie sont l’être et l’intelligence,

et dans l’intelligence sont l’être et la vie.

105

verumtamen esse et vita in intelligentia sunt duae al achili idest intelligentiae

 

et esse et intelligentia in vita sunt duae vitae

et intelligentia et vita in esse sunt duo esse.

Pourtant, l’être et la vie dans l’intelligence sont deux al achili c’est-à-dire des intelligences,

et être et intelligence sont deux vies dans la vie,

et l’intelligence et la vie sont deux êtres dans l’être.

106

et illud [quidem] non est ita nisi quia unumquodque primorum

aut est causa aut causatum.

causatum ergo in causa est per modum causae

et causa in causato per modum causati.

Et [assurément] ce n'est ainsi que parce que chacun des premiers

ou est cause ou {est} effet.

Donc l’effet est dans la cause par le mode de la cause,

et la cause est dans l’effet par le mode de l’effet.

107

et nos [quidem] abbreviamus et dicimus

quod res agens, vel quae est in ea per modum causae

non est in ea nisi per modum qui est causa eius,

sicut sensus in anima per modum animalem

et anima in intelligentia per modum intellectibilem

et intelligentia in esse per modum essentialem

et esse primum in intelligentia per modum intellectibilem

et intelligentia in anima per modum animalem

et anima in sensu per modum sensibilem.

Et [assurément] nous abrégeons et disons

qu’une chose agissant, ou qui est en elle par le mode de la cause,

n'est en elle que par le mode qui est sa cause,

comme les sens dans l’âme par le mode animé

et l’âme dans l’intelligence par le mode de l'intelligence

et l’intelligence dans l’être par le mode de l'essence,

et l’être premier dans l’intelligence par le mode de l'intellect,

et l’intelligence dans l’âme par le mode animé,

et l’âme dans les sens par le mode sensible.

108

et redeamus et dicamus

quod sensus in anima et intelligentia in causa prima sunt per modos suos

 

secundum quod ostendimus.

Et nous reprenons et disons

que les sens dans l’âme et l’intelligence dans la cause première sont par leurs modes,

comme nous l’avons fait voir.

 

 

Proposition 12 (13)

109

omnis intelligentia intelligit essentiam suam.

Toute intelligence comprend son essence.

110

quod est quia intelligens et intellectum sunt simul

cum ergo est intelligentia intelligens et intellectum

tunc procul dubio videt essentiam suam.

C'est ainsi parce que le comprenant et le compris sont ensemble,

en conséquence l’intelligence est le comprenant et le compris,

alors sans aucun doute elle voit son essence.

111

et quando videt essentiam suam

scit quod intelligit per intelligentiam essentiam suam.

Et, lorsqu’elle voit son essence,

elle sait qu’elle comprend son essence par l’intelligence.

112

et quando scit essentiam suam

scit reliquas res quae sunt sub ea

quoniam sunt ex ea.

Et lorsqu’elle connaît son essence,

elle connaît les autres choses qui sont sous elle,

parce qu’elles viennent d’elle.

113

verumtamen in ea sunt per modum intellectibilem.

ergo intelligentia et res intellectae sunt unum.

Donc elles sont en elle selon le mode de l'intellect.

Donc l’intelligence et les choses connues sont un.

114

quod est quia si res intellectae

et intelligentia sunt unum et intelligentia scit esse suum

tunc procul dubio quando scit essentiam suam, scit reliquas res

 

et quando scit reliquas res, scit essentiam suam

et quando scit res

tunc ipsa non scit eas nisi quia sunt intellectae.

ergo intelligentia scit essentiam suam et scit res intellectas simul

 

sicut ostendimus.

C'est ainsi parce que, si les choses comprises

et l’intelligence sont un, et {si} l’intelligence connaît son être,

alors, sans aucun doute, lorsqu'elle connaît son essence, elle connaît les autres choses,

et lorsqu’elle connaît les autres choses, elle connaît son essence,

et lorsqu’elle connaît les choses,

alors elle-même ne les connaît que parce qu’elles sont de l’intellect.

Donc l’intelligence connaît son essence et elle connaît les choses pensées ensemble,

comme nous l’avons fait voir.

 

Proposition 13 (14)

115

in omni anima res sensibiles sunt per hoc 

quod est exemplum eis, et res intellectibiles in ea sunt

quia scit eas.

Les choses sensibles sont dans toute âme par le fait

qu’elle en est le modèle, et les choses de l'intellect sont en elle

parce qu’elle les connaît.

116

et non facta est ita nisi

quia ipsa expansa est inter res intellectibiles

quae non moventur et inter res sensibiles quae moventur.

Et ce n’est fait ainsi que

parce qu’elle-même est déployée parmi les choses de l'intellect,

qui ne sont pas mues, et parmi les choses sensibles qui sont mues.

117

et quia anima sic est

fit quod imprimit res corporeas

quapropter facta est causa corporum

et facta est causata ex intelligentia quae est ante eam.

Et parce que l'âme est ainsi,

il se fait qu’elle marque les choses corporelles,

c'est pourquoi elle est cause des corps

et  elle est causée par l’intelligence qui est avant elle.

118

res igitur quae imprimuntur ex anima

sunt in anima per intentionem exempli

scilicet quia res sensibiles exemplificantur secundum exemplum animae


et res quae cadunt supra animam

sunt in anima per modum acquisitum.

Par conséquent les choses qui sont marquées par l’âme

sont dans l'âme par la tension {force} du modèle,

évidemment parce que les choses sensibles sont copiées d’après le modèle de l’âme ;

et les choses qui tombent au-dessus de l’âme

sont dans l’âme par le mode de l’acquisition.

119

cum ergo hoc sit ita redeamus et dicamus

quod res sensibiles omnes in anima sunt per modum causae 

praeter [propter] quod anima est causa exemplaris.

En conséquence ceci étant ainsi, nous reprenons et disons

que toutes les choses sensibles sont dans l’âme par le mode de la cause,

{et} de plus [à cause] que l’âme est cause de leur modèle.

120

et intelligo per animam virtutem agentem res sensibiles.

Et je comprends par âme la puissance agissante des choses sensibles.

121

verumtamen virtus efficiens in anima non est materialis 

et virtus corporea in anima est spiritualis

et virtus imprimens in rebus habentibus dimensiones est sine dimensione.

Pourtant la puissance efficiente dans l’âme n’est pas matérielle,

et la puissance corporelle dans l’âme est spirituelle,

et la puissance qui s’imprime dans les choses ayant des dimensions est sans dimension.

122

res autem intellectibiles in anima sunt per modum accidentalem

scilicet quia res intellectibiles quae non dividuntur sunt in anima per modum divisibilem.

ergo res intellectibiles unitae sunt in anima per modum qui multiplicatur


et res intellectibiles quae non moventur sunt in anima per modum motus.

Cependant les choses de l'intellect sont dans l’âme par le mode de l'accident,

évidemment parce que les choses de l'intellect qui ne sont pas divisées sont dans l'âme par le mode de la division.

Donc, les choses de l'intellect unes, sont dans l’âme par le mode qui est la multiplicité;

et les choses de l'intellect qui ne sont pas mues, sont dans l’âme par le mode du mouvement.

123

iam ergo ostensum est quod <…> res intellectibiles et sensibiles sunt in anima


verumtamen res sensibiles corporeae motae

sunt in anima per modum animalem spiritualem unitum

et quod res intellectibiles unitae quiescentes

sunt in anima per modum qui multiplicatur [secundum] motum <…>.

Dès lors manifestement, il est montré que <…>  les choses de l'intellect et sensibles sont dans l’âme,

donc les choses sensibles, corporelles, mues

sont dans l'âme par le mode animé, spirituel, un,

et que les choses de l'intellect, unes, en repos,

sont dans l'âme par le mode qui est la multiplicité, [selon] le mouvement <…>.

 

 

Proposition 14 (15)

124

omnis sciens qui scit essentiam suam

est rediens ad essentiam suam reditione completa.

Tout connaissant qui connaît son essence

retourne vers son essence par un retour complet.

125

quod est quia scientia non est nisi actio intellectibilis.

cum ergo scit sciens suam essentiam

tunc redit per operationem suam intellectibilem ad essentiam suam.

C'est ainsi parce que la connaissance n’est que l’action de l'intellect.

En conséquence le connaissant connaît son essence,

alors il retourne à son essence par son œuvre de l'intellect.

126

et hoc non est ita nisi quoniam sciens et scitum sunt res una

quoniam scientia scientis essentiam suam est ex eo et ad eum


est ex eo quia est sciens, et ad eum quia est scitum.

Et cela n'est ainsi que parce que le connaissant et le connu sont chose une,

parce que la connaissance du connaissant est son essence {qui} vient de lui et va vers lui

vient de lui parce qu'il est le connaissant et va vers lui parce qu'il est le connu.

127

quod est quia propterea quod scientia est scientia scientis

 

et sciens scit essentiam suam

est eius operatio rediens ad essentiam suam

ergo substantia eius est rediens ad essentiam ipsius iterum.

C’est ainsi parce qu’en conséquence de ce que la connaissance est la connaissance du connaissant,

et {que} le connaissant connaît son essence,

son œuvre est de retourner vers son essence,

donc sa substance revient à nouveau constamment à son essence.

128

et non significo per reditionem substantiae ad essentiam suam

nisi quia est stans

fixa per se

non indigens in sui fixione et sui essentia re alia rigente ipsam

 

quoniam est substantia simplex

sufficiens per seipsam.

Et par le retour de la substance à son essence,

je ne prouve {pas autre chose} qu'elle est elle-même subsistante,

fixe par elle-même,

n’ayant pas besoin dans sa fixité et son essence d’autres choses pour s’affermir,

parce qu'elle est une substance simple,

suffisante par elle-même.

 

 

Proposition 15 (16)

129

omnes virtutes quibus non est finis

pendentes sunt per infinitum primum quod est virtus virtutum

 

non quia ipsa sit acquisita fixa, stans in rebus entibus


immo est virtus rebus entibus habentibus fixionem.

Toutes les puissances auxquelles il n’y a pas de limite,

sont celles qui dépendent d’un infini premier qui est la puissance des puissances,

non parce qu'elle-même serait acquise, fixe, subsistante dans des choses existantes,

au contraire parce qu’elle est puissance pour les choses existantes qui ont la fixité.

130

quod si aliquis dicat quod ens primum creatum

scilicet intelligentia, est virtus etiam cui non est finis

dicemus quod non est ens creatum virtus

immo est ei virtus quaedam.

Et si quelqu’un dit que l’être premier créé,

à savoir l’intelligence, est aussi une puissance en laquelle il n’y a pas de limite,

nous disons que l’être créé n’est pas puissance,

mais a quelque puissance.

131

et virtus quidem eius non est facta infinita nisi inferius non superius

quoniam ipsa non est virtus pura quae

non est virtus, nisi quia est virtus et est res quae non finitur inferius neque superius. 

ens autem primum creatum scilicet intelligentia habet finem 

et virtuti eius est finis

secundum quem remanet causa eius.

Et assurément, sa puissance n’est faite infinie qu’inférieure, non supérieure ;

parce qu'elle n’est pas la puissance pure

qui n’est puissance que parce qu’elle est puissance, et qui est une réalité qui n’est finie ni pour son inférieur ni pour son supérieur.

Et l’être premier créé, évidemment l’intelligence, a sa limite

et à sa puissance il y a une limite

dans la mesure où sa cause perdure.

132

ens autem primum creans est infinitum primum purum.

Or l’être premier créateur est infini premier pur.

133

quod est quia si entibus fortibus non est finis

propter suam acquisitionem ab infinito primo puro propter quod sunt entia infinita

et si ens primum ipsum est quod ponit res quibus non est finis

 

tunc ipsum procul dubio est supra infinitum.

C'est ainsi parce que, s'il n'y a pas de limite aux êtres forts

à cause de son acquisition à partir de l’infini premier pur, à cause de quoi ils sont des êtres infinis,

et que si l’être premier lui-même est ce qui établit les choses qui n’ont pas de limite,

alors sans aucun doute il est au-dessus de l’infini.

134

ens autem creatum primum scilicet intelligentia non est non finitum

immo dicitur quod est infinitum

neque dicitur quod est ipsummet quod est non finitum.

Cependant l’être créé premier, évidemment l’intelligence, n’est pas sans limite:

au contraire on dit qu’il est infini,

et on ne dit pas qu'il est en lui-même ce qui est sans limite.

135

ens ergo primum est mensura entium primorum intellectibilium 

et entium secundorum sensibilium

scilicet quia ipsum est quod creavit entia

et mensuravit ea mensura convenienti omni enti.

Donc, l’être premier est la mesure des êtres premiers intelligibles

et des êtres seconds sensibles,

évidemment parce que lui-même est celui qui créa les êtres,

et les mesura avec la mesure convenant à tout être.

136

redeamus ergo et dicamus quod ens primum creans est supra infinitum


sed ens secundum creatum est infinitum

et quod est inter ens primum creans et ens secundum creatum est non finitum.

Donc, nous reprenons et disons que l’être premier créateur est au-dessus de l’infini,

mais que l’être second créé est infini;

et ce qui se trouve entre l’être premier créateur et l’être second créé est sans limite.

137

et reliquae bonitates simplices

sicut vita et lumen et quae sunt eis similia

sunt causae rerum omnium habentium bonitates

scilicet quod infinitum est a causa prima et causatum primum est causa omnis vitae

et similiter reliquae bonitates descendentes a causa prima super causatum primum in primis

et est intelligentia

deinde descendunt super reliqua causata intellectibilia et corporea

mediante intelligentia.

Et toutes les autres grâces simples,

comme la vie et la lumière et celles qui leurs sont semblables,

sont les causes de toutes les choses qui ont des grâces ;

évidemment parce que l’infini provient de la cause première et {est} le premier causé pour toutes les vies

et de même pour les autres grâces descendant de la cause première d’abord sur le premier effet,

et il est l’intelligence,

ensuite elles descendent sur tous les autres effets de l'intellect et corporels,

par l’intermédiaire de l’intelligence.

 

 

Proposition 16 (17)

138

omnis virtus unita plus est infinita quam virtus multiplicata.

Toute puissance une est plus infinie qu’une puissance multiple.

139

quod est quia infinitum primum quod est intelligentia est propinquum uni puro vero.

Propter illud ergo factum est quod in omni virtute propinqua Uni vero

est infinitas plus quam in virtute longinqua ab eo.

C'est ainsi parce que l’infini premier qui est l’intelligence, est proche de l’Un, pur vrai.

Donc, à cause de cela il se fait que, dans toute puissance proche de l’Un vrai,

il y a plus d’infinité que dans une puissance éloignée de lui.

140

quod est quia virtus

quando incipit multiplicari tunc destruitur unitas eius

et quando destruitur eius unitas destruitur eius infinitas.

et non destruitur infinitas eius nisi quia dividitur.

C'est ainsi parce qu'une puissance,

lorsqu’elle commence à se multiplier, alors son unité est détruite,

et, lorsque son unité est détruite, alors son infinité est détruite.

Et son infinité n'est détruite que parce qu’elle se divise.

141

et illius quidem significatio est virtus divisa

et quod ipsa quanto magis aggregatur et unitur

magnificatur et vehementior fit et efficit operationes mirabiles

 

et quanto magis partitur et dividitur

minoratur et debilitatur et efficit operationes viles.

Et assurément, la preuve est la puissance divisée,

et le fait que plus elle-même est assemblée et unie,

plus elle est grande et forte et plus elle fait et accomplit des œuvres admirables;

et plus elle se partage et se divise,

[plus] elle est diminuée et affaiblie et accomplit des œuvres basses.

142

iam igitur manifestum est et planum

quod virtus quanto plus approximat uni puro vero fit vehementior eius unitas

et quanto vehementior fit unitas est infinitas in ea magis apparens et manifestior

et sunt operationes eius operationes magnae mirabiles et nobiles.

Par conséquent, dès maintenant, il est montré et évident

qu'une puissance, plus elle est proche de l’Un pur vrai, plus son unité est forte,

et plus forte est faite son unité, plus visible et plus manifeste est l’infinité en elle

et ses œuvres sont des œuvres grandes, admirables et nobles.

 

 

Proposition 17 (18)

143

res omnes habent entia propter ens primum

et res vivae omnes sunt motae per essentiam suam propter vitam primam,

et res intellectibiles omnes habent scientiam propter intelligentiam primam.

Toutes choses ont l’être à cause de l’être premier,

et toutes les choses vivantes sont mues par son essence à cause de la vie première,

et toutes les choses de l'intellect ont la connaissance à cause de l’intelligence première.

144

quod est quia si omnis causa dat causato suo aliquid 

tunc procul dubio ens primum dat causatis omnibus ens.

C'est ainsi parce que, si toute cause donne quelque chose à son effet,

alors sans aucun doute, l’être premier donne l’être à tous les effets.

145

et similiter vita dat causatis suis motum

quia vita est processio procedens ex ente primo quieto sempiterno


et primus motus.

Et de même, la vie donne le mouvement à ses effets,

parce que la vie est une procession procédant de l’être premier en repos, éternel,

et {qu’elle est} le premier mouvement.

146

et similiter intelligentia dat causatis suis scientiam.

Et de même l’intelligence donne la connaissance à ses effets.

147

quod est quia omnis scientia vera non est nisi intelligentia

et intelligentia est primum sciens quod est

et est influens scientiam super reliqua scientia.

C'est ainsi parce que toute connaissance vraie n’est qu'intelligence

et l’intelligence est le premier connaissant qui soit,

et elle est ce qui répand constamment la connaissance sur les autres connaissants.

148

redeamus autem et dicamus quod ens primum est quietum

et est causa causarum

et si ipsum dat omnibus rebus ens

tunc ipsum dat eis per modum creationis.

vita autem prima dat eis quae sunt sub ea vitam

non per modum creationis immo per modum formae.

et similiter intelligentia non dat eis

quae sunt sub ea de scientia et reliquis rebus

nisi per modum formae.

Et nous reprenons et nous disons que l’être premier est en repos

et est cause des causes,

et, si lui-même donne l’être à toutes choses,

alors il le leur donne par le mode de la création.

Et la vie première donne la vie à ceux qui sont sous elle,

non par le mode de la création, mais par le mode des formes.

Et de même l’intelligence ne donne, à ceux

qui sont sous elle, la connaissance et d'autres choses

que par le mode des formes.

 

 

Proposition 18 (19)

149

ex intelligentiis est quae est intelligentia divina

quoniam ipsa recipit ex bonitatibus primis

quae procedunt ex causa prima receptione multa.

et de eis est quae est intelligentia tantum

quoniam non recipit ex bonitatibus primis nisi

mediante intelligentia prima.

et ex animabus est quae est anima intellectibilis quoniam est pendens per intelligentiam

et ex eis est quae est anima tantum.

et ex corporibus naturalibus est cui est anima regens ipsum et faciens directionem super ipsum;

et de eis sunt quae sunt corpora naturalia tantum

quibus non est anima.

Parmi les intelligences, il y a celle qui est intelligence divine,

parce qu’elle-même reçoit des grâces premières

qui procèdent de la cause première, en réception abondante.

Et parmi elles, il y a celle qui est intelligence seulement

parce qu'elle ne reçoit des grâces premières que par l’intermédiaire de l’intelligence première.

Et parmi les âmes, il y a celle qui est âme intelligible parce qu’elle dépend par l’intelligence;

et parmi elles il y a celle qui est âme seulement.

Et parmi les corps naturels, il y a celui dont l'âme par dessus lui, est le régent et est le gouvernement;

et parmi eux, il y a ceux qui sont seulement des corps naturels

qui n’ont pas d’âme.

150

et hoc non fit ita nisi quoniam est ipsa <…>

neque intellectibilis tota

neque animalis tota

neque corporea tota non

neque pendet per causam quae est supra eam

nisi quae est ex ea completa integra

et quae pendet per causam quae est supra eam.

Et cela n’est fait ainsi que parce qu’elle-même n’est <…>

ni tout l'intellect,

ni tout l’animé,

ni tout le corporel,

ni ce qui dépend par la cause qui est au-dessus d’elle,

mais qu’elle est ce qui à partir d’elle est complet, achevé

et qui dépend par la cause qui est au-dessus d’elle.

151

scilicet quia non omnis intelligentia pendet per bonitates esse causae primae


nisi quae ex eis est intelligentia completa in primis integra.

 

Ipsa enim potest recipere bonitates descendentes ex causa prima


et pendere per eas ut vehemens fiat sua unitas.

C’est évident parce que toute intelligence ne dépend par grâces de l’être de la cause première

que par celle d’entre elles qui est intelligence complète dès l'origine, {et} entière.

En effet, elle-même peut recevoir les grâces qui proviennent de la cause première

et en dépendre par elles, en sorte que son unité soit forte.

152

et similiter non omnis anima pendet per intelligentiam

nisi quae ex eis est completa integra et vehementius simul cum intelligentia

 

per hoc quod pendet per intelligentiam

et est intelligentia completa.

Et de même, toute âme ne dépend pas de l’intelligence

sinon celle d'entre elles qui est complète, entière et plus fortement avec l’intelligence

en ce qu’elle dépend de l’intelligence,

et est intelligence complète.

153

et similiter iterum non omne corpus naturale habet animam

nisi quod ex eis est completum integrum quasi sit rationale.

Et de même à nouveau tout corps naturel n’a pas une âme

sinon celui d'eux qui est complet, entier, comme s’il avait la raison.

154

et secundum hanc formam sunt reliqui ordines intellectibiles.

Et les autres ordres de l'intellect sont selon cette forme..

 

 

Proposition 19 (20)

155

causa prima regit res creatas omnes praeter quod commisceatur cum eis.

La cause première régit toutes les choses créées, en outre elle n'est pas mélangée avec elles.

156

quod est quia regimen non debilitat unitatem eius exaltatam super omnem rem


neque destruit eam

neque prohibet eam essentia unitatis eius seiuncta a rebus quin regat  eas.

C'est ainsi parce que l'action de gouverner n’affaiblit pas son unité élevée au-dessus de toute chose

ni ne la détruit

et l’essence de son unité séparée des choses n’empêche pas qu’elle les régit bien plus.

157

quod est quia causa prima est fixa stans cum unitate sua pura semper


et ipsa regit res creatas omnes

et influit super eas virtutem vitae et bonitates secundum modum virtutum earum [receptibilium]

et possibilitatem earum.

Prima enim bonitas influit bonitates super res omnes influxione una;

verumtamen unaquaeque rerum recipit ex illa influxione

secundum modum suae virtutis et sui esse.

C'est ainsi parce que la cause première est fixe, subsistant toujours avec son unité pure,

et elle-même régit toutes les choses créées

et elle répand sur elles la puissance de la vie et les grâces selon le mode de leur puissance [de réception]

et de leur capacité.

En effet le bien premier répand ses grâces sur toutes choses d’un flux unique;

donc chaque chose reçoit ce flux d'elle

selon le mode de sa puissance et de son être.

158

et bonitas prima non influit bonitates super res omnes nisi per modum unum


quia non est bonitas nisi per suum esse et suum ens et suam virtutem

ita quod est bonitas et bonitas et ens sunt res una.

sicut ergo ens primum et bonitas sunt res una

fit quod ipsum influit bonitates super res influxione communi una <…>.


et diversificantur bonitates et dona ex concursu recipientis.

quod est quia recipientia bonitates non recipiunt aequaliter

 

immo quaedam eorum recipiunt plus quam quaedam

hoc quidem est propter magnitudinem suae largitatis.

Et le bien premier ne répand ses grâces sur toutes les choses que par un mode unique,

parce qu'il n’est le bien que par son être et son étant et sa puissance,

ainsi qu'est le bien, et que le bien et l’étant sont une seule chose.

Comme donc l’étant premier et le bien sont une seule chose,

il se fait que lui-même répand ses grâces sur les choses par un flux commun unique <…>.

Et les grâces et les dons sont diversifiés par la rencontre avec le recevant.

C'est ainsi parce que ceux qui reçoivent les grâces ne les reçoivent pas également,

au contraire certains en reçoivent plus que d’autres,

{et} c'est à cause de la grandeur de ses libéralités {du bien premier}.

159

redeamus ergo et dicamus quod inter omne agens quod agit per esse suum tantum

et inter factum suum non est continuator neque res alia media.

 

et non est continuator inter agens et factum nisi additio super esse


scilicet quando agens et factum sunt per instrumentum

et non facit per esse suum et sunt composita.

quapropter recipiens recipit per continuationem inter ipsum et factorem suum

 
et est tunc agens seiunctum a facto suo <…>.

Nous reprenons donc et nous disons que, entre tout agissant qui agit par son être seul

et ce qu'il fait, il n’y a pas de moyen terme (1*) ni autre chose intermédiaire entre eux.

Et il n’y a de moyen terme entre l’agissant et son action, qu’un ajout à l’être {un surcroît d'être},

c'est évident lorsque l’agissant et l'action sont {liés} par un procédé

et qu'il {l’agissant} ne fait pas par son être et qu’ils sont composés.

C’est pourquoi le recevant reçoit par un moyen terme entre lui-même et celui qui le fait,

et alors l’agissant est séparé de son action <…>.

160

agens vero inter quod et inter factum suum non est continuator penitus


est agens verum et regens verum faciens res per finem decoris


post quod non est possibile ut sit decus aliud

et regit factum suum per ultimum regiminis.

L’agissant vrai, qui n’a pas le moindre moyen terme entre lui-même et ce qu’il fait,

est ce qui agit vraiment et gouverne vraiment, faisant les choses au comble de la vertu,

après lui il n’est pas possible qu’il y soit quelque autre vertu,

et il régit son action par le gouvernement le plus haut qui soit.

161

quod est quia regit res per modum quem agit et non agit nisi per ens suum


ergo ens eius iterum est regimen eius quapropter fit quod regit

et agit per ultimum decoris

et regimen in quo non est diversitas neque tortuositas.

et non diversificantur operationes et regimen propter causas primas

nisi secundum meritum recipientis.

C'est ainsi parce qu'il régit les choses par le mode qu'il {par lequel il} agit et qu’il n’agit que par son étant;

donc son étant est également son gouvernement, c’est pourquoi il se fait qu’il régit et agit par la vertu la plus haute qui soit

et {par} un gouvernement dans lequel il n’y a ni diversité ni détours.

Et les œuvres et le gouvernement par les causes premières ne sont diversifiées

que selon le mérite de celui qui les reçoit.

 

 

Proposition 20 (21)

162

primum est dives per seipsum et non est dives majus.

Le premier est riche par soi-même et il n’est pas de plus riche que lui.

163

et significatio eius est unitas eius

non quia unitas sit sparsa in ipso

immo est unitas pura

quoniam est simplex in fine simplicitatis.

Et la preuve de cela est son unité,

non que l’unité soit éparse en lui-même,

{mais} bien plutôt il est une unité pure,

parce qu’il est simple d’une simplicité achevée.

164

si autem aliquis vult scire quod causae prima est dives

proiciat mentem suam super res compositas

et inquirat de eis inquisitione perscrutata.

inveniet enim omne compositum diminutum

indigens quidem aut alio aut rebus ex quibus componitur.

res autem simplex <… > una quae est bonitas est una

et unitas eius est bonitas et <…>  bonitas est res una.

Et si quelqu’un veut comprendre que la cause première est riche,

qu’il projette son esprit sur les choses composées

et qu’il s’enquière d’elles par une recherche soigneuse.

Il trouve{ra} en effet que tout composé est moindre,

pauvre puisqu’il est composé ou bien d'un autre ou bien de choses de lui.

Mais la chose une simple <…> qui est le bien, est une

et son unité est le bien, et <…> le bien est chose une.

165

illa ergo res est dives majus quae influit

et non fit influxio super ipsam per aliquem modorum.

reliquae autem res intellectibiles aut corporeae sunt non divites per seipsas

 
immo indigent uno vero influente super eas bonitates et omnes gratias.

Elle est donc plus riche cette chose qui répand,

et sur laquelle aucun flux ne se répand par un autre des modes.

Mais les autres choses, de l'intellect ou corporelles, ne sont pas riches par elles-mêmes,

bien plus, elles ont besoin que l’Un vrai répande sur elles ses bontés et toutes ses grâces.

 

 

Proposition 21 (22)

166

causa prima est super omne nomen quo nominatur.

La cause première est au-dessus de tout nom par lequel on la nomme.

167

quoniam non pertinet ei diminutio neque complementum solum;

 

quoniam diminutum est non completum

et non potest efficere operationem completam quando est diminutum.

et completum apud nos quamvis sit sufficiens per seipsum

tamen non potest creare aliquid aliud neque influere a seipso aliquid omnino

Parce que l'amoindrissement ne s'applique pas à elle non plus que l’achèvement;

parce que l’amoindri n’est pas achevé

et il ne peut pas accomplir une œuvre achevée quand il est amoindri.

Et selon nous, ce qui est achevé, bien qu’il soit suffisant par soi-même,

ne peut cependant pas créer quelque autre chose ni répandre quoi que ce soit de lui-même. (*2)

168

si ergo hoc ita est apud nos tunc dicimus

quod primum non est diminutum neque completum tantum

immo est supra completum

Si donc il en est ainsi selon nous, alors nous disons

que le premier n’est pas amoindri, ni même achevé,

mais qu'il est au-dessus de l’achevé.

169

quoniam est creans res et influens bonitates super eas influxione completa


quoniam est bonitas cui non est finis neque dimensiones.

Parce qu’il est celui qui crée les choses et répand les grâces sur elles en un flux achevé,

parce qu'il est le bien en qui il n’y a ni limite ni dimensions.

170

bonitas ergo prima implet omnia saecula bonitatibus verum tamen omne saeculum non recipit de illa bonitate nisi secundum modum suae potentiae

Donc le bien premier comble tous les siècles de grâces; mais pourtant toute la durée ne reçoit de cette bonté que selon le mode de son pouvoir.

171

iam ergo ostensum est et manifestum

quod causa prima est super omne nomen quo nominatur

et superior eo et altior.

Dès lors manifestement, il est évident et montré

que la cause première est au-dessus de tout nom qu'on la nomme

et supérieure à lui et plus élevée.


Proposition 22 (23)

172

omnis intelligentia divina scit res per hoc quod ipsa est intelligentia

et regit eas per hoc quod est divina.

Toute intelligence divine connaît les choses en ce qu’elle-même est intelligence,

et elle les gouverne en ce qu’elle est divine.

173

quod est quia proprietas intelligentiae est scientia

et non est eius complementum et integritas nisi ut sit sciens.

regens ergo est deus benedictus et sublimis

quoniam ipse replet res bonitatibus.

et intelligentia est primum creatum et est plus similis deo sublimi

et propter illud regit res quae sub ea sunt

et sicut deus benedictus et excelsus influit bonitatem super res

similiter intelligentia influit scientiam super res quaea sunt sub ea.

C'est ainsi parce que la propriété de l’intelligence est la connaissance,

et il n'est pour elle d'autre achèvement et de totalité que d’être connaissant.

Donc Dieu, béni et grand, est celui qui régit,

parce qu’il emplit lui-même les choses de grâces.

Et l’intelligence est le premier créé et est le plus semblable à Dieu grand,

et à cause de cela elle régit les choses qui sont sous elle.

Et comme Dieu, béni et très-haut, répand la bonté sur les choses,

de même l’intelligence répand la connaissance sur les choses qui sont sous elle.

174

verumtamen quamvis intelligentia regat res quae sunt sub ea

tamen deus benedictus et sublimis praecedit intelligentiam per regimen

et regit res regimine sublimioris et altioris ordinis quam sit regimen intelligentiae

 


quoniam est illud quod dat intelligentiae regimen.

Donc, bien que l’intelligence régisse les choses qui sont sous elle,

pourtant Dieu, béni et grand, précède l’intelligence par son gouvernement,

et régit les choses selon un gouvernement d’un ordre plus élevé et plus haut que le fait le gouvernement de l’intelligence,

parce qu’Il est ce qui donne le gouvernement à l’intelligence.

175

et significatio illius est quod res quae

recipiunt regimen intelligentiae recipiunt regimen creatoris intelligentiae


quod est quia non refugit regimen eius aliqua ex rebus omnino


quoniam vult ut faciat recipere bonitatem suam [simul] omnes res.

quod est quia non est quod omnis res desiderat intelligentiam

nec desiderat recipere eam

et res omnes desiderant bonitatem ex primo

et desiderant recipere ipsam desiderio multo.

[et] in illo non est aliquis qui dubitet.

Et la preuve de cela est que les choses qui

reçoivent le gouvernement de l’intelligence, reçoivent le gouvernement du créateur de l’intelligence,

c'est ainsi parce qu'aucune de toutes les choses n’échappe à Son gouvernement,

parce qu’Il veut faire que [ensemble] toutes choses reçoivent sa bonté.

C’est ainsi parce qu'il n’est pas de chose qui ne désire l’intelligence

ni désire la recevoir,

et toutes choses désirent la bonté venant du premier

et désirent la recevoir avec un grand désir.

[Et] De cela il n’est personne qui doute.

 

 

Proposition 23 (24)

176

causa prima existit in rebus omnibus secundum dispositionem unam

sed res omnes non existunt in prima secundum dispositionem unam.

La cause première existe dans toutes les choses selon une disposition une,

mais toutes les choses n’existent pas dans la {cause} première selon une disposition une.

177

quod est quia quamvis causa prima existat in rebus omnibus

tamen unaquaeque rerum recipit eam secundum modum suae potentiae.

C'est ainsi parce que, bien que la cause première existe dans toutes les choses,

pourtant chacune la reçoit selon le mode de son pouvoir.

178

quod est quia ex rebus sunt quae recipiunt causam primam receptione unita

 

et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione multiplicata

et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione aeterna

et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione temporali

et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione spirituali

et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione corporali.

C'est ainsi parce que, parmi les choses, il en est qui reçoivent la cause première par une réception unitaire,

et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une réception multiple,

et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une réception éternelle,

et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une réception temporelle,

et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une réception spirituelle,

et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une réception corporelle.

179

et diversitas quidem receptionis non fit ex causa prima sed propter recipiens.


quod est quia suscipiens diversificatur:

propter illud ergo susceptum etiam diversificatur.

influens vero existens unum non diversum

influit super omnes res bonitates aequaliter;

bonitas namque influit super omnes res ex causa prima aequaliter.

 

res igitur sunt causa diversitatis influxionis bonitatis super res.

 

procul dubio igitur non inveniuntur res omnes in prima per modum unum.

 

iam autem ostensum est quod causa prima invenitur in omnibus rebus per modum unum

et non inveniuntur in ea omnes res per modum unum.

Et assurément la diversité de la réception n'est pas le fait de la cause première mais à cause du recevant.

C'est ainsi parce que le recueillant est diversifié,

à cause de cela donc ce qui est recueilli est diversifié.

En vérité ce qui influe étant un et non diversifié,

répand ces grâces également sur toutes choses;

en effet les grâces pénètrent en toutes choses également à partir de la cause première.

Par conséquent, les choses sont la cause de la diversité de la pénétration des grâces dans les choses.

Par conséquent sans aucun doute, toutes les choses ne sont pas obtenues de la {cause} première par un mode unique.

Dès maintenant cependant, il est montré que la cause première se trouve dans toutes choses par un mode un

et que toutes les choses ne sont pas trouvées en elle sur un mode unique.

180

ergo secundum propinquitatis causae primae

et secundum modum quo res potest recipere causam primam

secundum quantitatem illius potest recipere ex ea et delectari per eam.

 

quod est quia non recipit res ex causa prima

et delectatur in ea nisi per modum esse sui.

et non intelligo per esse nisi esse et cognitionem

nam secundum modum quo cognoscit res causam primam creantem

secundum quantitatem illam recipit ex ea et delectatur in ea

sicut ostendimus.

Donc, {c'est} selon la proximité de la cause première

et selon le mode par lequel la chose peut recevoir la cause première,

{qu'alors} selon sa quantité elle {la chose} peut recevoir d'elle {de la cause première} et être attirée par elle,.

C'est ainsi parce que la réalité ne reçoit de la cause première

et n'est attirée en elle, que par son mode d'être.

Et je n’entends par être que l’être et la connaissance,

car c’est selon un mode que la chose connaît la cause première créatrice,

selon la quantité qu'elle reçoit d'elle et est attirée en elle,

comme nous l’avons fait voir.

 

 

Proposition 24 (25)

181

[substantiae unitae intellectibiles non sunt generatae ex re alia. ]

omnis substantia stans per essentiam suam est non generata ex re alia.

[Les substances unies de l’intellect ne sont pas engendrées par une autre chose. ]

Toute substance subsistant par son essence n’est pas engendrée par autre chose.

182

quod si aliquis dicat

possibile est ut sit generata ex re alia

dicemus

si possibile est ut substantia stans per essentiam suam sit generata ex re alia

 

procul dubio est substantia illa diminuta

indigens ut compleat eam illud ex quo generatur.

Et si quelqu’un dit:

« il est possible qu’elle soit engendrée par une autre chose »,

nous disons:

s’il est possible qu’une substance subsistant par son essence soit engendrée par autre chose,

sans aucun doute cette substance est moindre,

pauvre, en sorte que ce qui l’engendre doit l’achever.

183

et significatio illius est generatio ipsa.

Et la preuve de cela est la génération elle-même.

184

quod est quia generatio non est nisi via ex diminutione ad complementum.

 

nam si invenitur res non indigens in generatione sui

 

scilicet in sua forma et sua formatione

re alia nisi se

et est ipsa causa formationis suae et sui complementi

est completa integra semper.

C'est ainsi parce que la génération n’est que le passage d’un état moindre à l'achèvement.

Car, si une chose est obtenue de façon qui n’est pas pauvre dans sa génération,

évidemment dans sa forme et sa formation,

et {que} rien d'autre, sauf elle-même,

n'est cause de sa formation et de son accomplissement,

elle est accomplie, entière, toujours.

185

et non fit causa formationis suae et sui complementi

nisi propter relationem suam ad causam suam semper.

illa ergo comparatio est formatio eius et ipsius complementum simul.

Et elle n’est cause de sa formation et de son accomplissement

qu’à cause de sa relation à sa cause, toujours.

Donc, ce rapport est en même temps sa formation et son accomplissement.

186

iam ergo manifestum est

quod omnis substantia stans per essentiam suam non est generata ex re alia.

Dès lors manifestement, il est montré

que toute substance subsistante par son essence n’est pas engendrée par une autre chose.

 

 

Proposition 25 (26)

187

omnis substantia stans per seipsam est non cadens sub corruptione.

Toute substance subsistant par elle-même ne peut pas tomber dans la corruption.

188

si autem aliquis dicat

possibile est ut substantia stans per seipsam cadat sub corruptione


dicemus

si possibile est ut substantia stans per seipsam cadat sub corruptione


possibile est ut separetur eius essentia et sit fixa

stans per essentiam suam sine essentia sua.

et hoc est inconveniens et impossibile

quoniam propterea quod est una simplex non composita

est ipsa causa et causatum simul.

omnis autem cadentis sub corruptione non fit corruptio

nisi propter separationem suam a causa sua

dum vero permanet res pendens per causam suam retinentem eam et servantem eam

non perit neque destruitur.

si ergo hoc ita est

substantiae stantis per essentiam suam non separatur causa semper

quoniam est inseparabilis ab essentia sua

propterea quod causa eius est ipsa in formatione sui.

Si quelqu’un dit :

« il est possible qu’une substance subsistant par elle-même tombe dans la corruption »,

nous disons :

s’il est possible qu’une substance subsistant par elle-même tombe dans la corruption,

il est possible que son essence soit séparée d'elle et qu’elle soit fixe,

subsistante par son essence, sans son essence.

Et cela est incongru et impossible,

parce que, en conséquence de ce qu'elle est une, simple non composée,

elle est en même temps sa propre cause et {son} effet.

Or, toute chose tombant dans la corruption n’est faite corruption

qu'à cause de sa séparation d'avec sa cause;

en vérité, une chose dépendant de sa cause, qui la maintient et la conserve, perdure,

elle ne périt pas ni n’est détruite.

Donc, s'il en est ainsi,

la cause n'est jamais séparée de la substance subsistant par son essence,

parce qu’elle est inséparable de son essence,

en conséquence de quoi sa cause est elle-même dans sa formation.

189

et non fit causa suiipsius nisi propter relationem suam ad causam suam

et illa relatio est formatio eius.

et propterea quia est semper relata ad causam suam

et ipsa est causa illius relationis

est ipsa causa suiipsius per modum quem diximus

quod non perit neque etiam destruitur

quoniam est causa et causatum simul

sicut ostendimus nuper.

Et elle n'est faite cause de soi même qu’à cause de sa relation à sa cause;

et cette relation est sa formation.

Et en conséquence, parce qu'elle est toujours reliée à sa cause

et est elle-même cause de la relation à sa cause,

elle est elle-même cause de soi-même par le mode que nous avons dit,

à savoir qu'elle ne périt pas ni non plus n'est détruite,

parce qu’elle est en même temps cause et effet,

comme nous l’avons fait voir peu avant.

190

iam ergo verificatum est

quod omnis substantia stans per seipsam non destruitur neque corrumpitur.

Dès lors manifestement, il est avéré

que toute substance subsistant par elle même n'est pas détruite et n'est pas corrompue.

 

 

Proposition 26 (27)

191

omnis substantia destructibilis non sempiterna

aut est composita aut est delata super rem aliam.

Toute substance destructible et non éternelle

soit est composée soit est portée par autre chose.

192

propterea quod substantia

aut est indigens rebus ex quibus est et est composita ex eis

 

aut est indigens in fixione sua et sua essentia deferente.

cum ergo separatur deferens eam corrumpitur et destruitur.

Et en conséquence une substance,

soit a besoin des choses à partir desquelles elle est et elle est composée d’elles,

soit manque de stabilité et d’apport d’essence.

En conséquence, une fois séparée de ce qui lui apportait {cela}, elle se corrompt et se détruit.

193

quod si substantia non est composita neque delata

est simplex et semper non destruitur neque minuitur omnino

Et si une substance n’est pas composée ni anéantie,

elle est simple et jamais elle n’est détruite ni tout à fait anéantie.

 

Proposition 27 (28)

194

omnis substantia stans per essentiam suam est simplex non dividitur.

Toute substance subsistant par son essence est simple, elle n’est pas divisée.

195

quod si dixerit aliquis

possibile est ut dividatur

dicemus

si possibile est ut substantia stans per se dividatur et est ipsa simplex

 

possibile est ut essentia partis eius sit per essentiam eius iterum

 

sicut essentia totius.

si ergo possibile est illud redit pars super seipsam

et est omnis pars eius rediens super seipsam

sicut est reditio totius super essentiam suam

et hoc est impossibile.

si ergo est impossibile

substantia stans per seipsam est indivisibilis et est simplex.

Et si quelqu’un dit:

« il est possible qu’elle soit divisée »,

nous disons:

s’il est possible qu’une substance subsistant par soi se divise et soit simple par elle-même,

{alors} il est possible que l’essence d’une partie d’elle subsiste par son essence,

comme essence du tout.

Si donc cela est possible, cette partie fait retour sur elle-même,

et toute partie d’elle fait retour sur elle-même,

tout comme il y a retour du tout sur son essence;

et cela est impossible.

Si donc cela est impossible,

une substance subsistant par elle-même est indivisible et est simple.

196

si autem non est simplex sed est composita

pars eius est melior parte et pars eius vilior parte

ergo res melior est ex re viliori et res vilior ex re meliori

quando est omnis pars eius seiuncta ab omne parte eius.

Si cependant elle n’est pas simple mais est composée,

une partie d’elle est une partie meilleure et une partie d’elle est pire,

donc la chose meilleure vient du pire et le pire du meilleur,

lorsque toute partie est séparée de toute autre partie d’elle.

197

quare est universitas eius non sufficiens per seipsam

cum indigeat partibus suis ex quibus componitur.

et hoc quidem non est de natura rei simplicis

immo de natura substantiarum compositarum.

C’est pourquoi son tout n'est pas suffisant par lui-même,

du moment qu’il a besoin de ses parties dont il est composé.

Et cela assurément ne relève pas de la nature de la chose simple,

mais de la nature des substances composées.

198

iam ergo constat

quod omnis substantia stans per essentiam suam

est simplex non dividitur

et quando non recipit divisionem et est simplex

non est recipiens corruptionem neque destructionem.

Dès lors manifestement il est certain

que toute substance subsistant par son essence

est simple, elle n’est pas divisée;

et quand elle ne reçoit pas la division et qu’elle est simple,

elle n’est pas celle qui reçoit la corruption ni la destruction.

 

 

Proposition 28 (29)

199

omnis substantia [simplex est] stans per seipsam

scilicet per essentiam suam.

Toute substance [simple est] subsistante par elle-même,

évidemment par son essence.

200

[nam ipsa] est creata sine tempore

et est in substantialitate sua superior substantiis temporalibus.

[Car elle-même] est créée hors du temps,

et elle est supérieure aux substances temporelles dans sa substantialité.

201

et significatio illius est quod non est generata ex aliquo

quoniam est stans per essentiam suam

et substantiae generatae ex aliquo sunt substantiae compositae cadentes sub generatione..

Et la preuve de cela est qu’elle n’est pas engendrée par quelque chose,

parce qu’elle est subsistante par son essence ;

et les substances engendrées par quelque chose sont des substances composées tombant sous la génération.

202

iam ergo manifestum est

quod omnis substantia stans per essentiam suam non est nisi in non tempore

et qui est altior et superior tempore et rebus temporalibus.

Dès lors manifestement, il est montré

que toute substance subsistant par son essence n’est que dans l’intemporel

et qu’elle est plus haute et supérieure au temps et aux choses temporelles.


Proposition 29 (30)

203

omnis substantia creata in tempore

aut est semper in tempore et tempus non superfluit ab ea


quoniam est creata et tempus aequaliter

aut superfluit super tempus et tempus superfluit ab ea

quoniam est creata in quibusdam horis temporis.

Toute substance créée dans le temps,

ou bien est toujours dans le temps et le temps ne déborde pas d’elle

parce qu’elle est créée et (est) pareille au temps,

ou bien elle déborde sur le temps et le temps déborde d’elle,

parce qu’elle est créée dans certains moments du temps.

204

quod est quia si creata sequuntur se ad invicem

et substantiam superiorem non sequitur

nisi substantia ei similis non substantia dissimilis ei

sunt substantiae similes substantiae superiori

et sunt substantiae creatae a quibus non superfluit tempus

ante substantias quae non assimilantur substantiis sempiternis

et sunt substantiae abscissae a tempore

creatae in quibusdam horis temporis.

non est ergo possibile

ut continuentur substantiae creatae in quibusdam horis temporis cum substantiis sempiternis

quoniam non assimilantur eis omnino.

substantiae ergo sempiternae in tempore sunt illae

quae continuantur cum substantiis sempiternis

et sunt mediae inter substantias fixas et inter substantias sectas in tempore.

 

et non est possibile

ut substantiae sempiternae quae sunt supra tempus

sequantur substantias temporales creatas in tempore

nisi mediantibus substantiis temporalibus sempiternis in tempore.

C’est ainsi parce que si les [choses] créées se succèdent mutuellement,

et que n’est suivie d’une substance supérieure

qu’une substance semblable à elle, {et} non une substance dissemblable à elle,

il y a des substances semblables aux substances supérieures

et ce sont les substances créées à partir d’elles que le temps ne déborde pas,

avant les substances qui ne sont pas comparables aux substances éternelles,

et il y a des substances qui sont interrompues par le temps,

créées dans quelques moments du temps.

Donc il n’est pas possible

que les substances créées dans certains moments du temps soient en continuité avec les substances éternelles,

parce qu’elles ne leur sont pas comparables.

Donc les substances éternelles dans le temps sont celles

qui sont en continuité avec les substances éternelles,

et elles sont intermédiaires entre les substances fixes et les substances découpées dans le temps.

Et il n’est pas possible

que les substances éternelles qui sont au-dessus du temps

soient suivies par les substances temporelles créées dans le temps,

sinon par l’intermédiaire des substances temporelles qui perdurent dans le temps.

205

et istae quidem substantiae non factae sunt mediae

nisi quoniam ipsae communicant substantiis sublimibus in permanentia

 

et communicant substantiis temporalibus abscissis in tempore per generationem


ipsae enim quamvis sint sempiternae

tamen permanentia earum est per generationem et motum.

Et assurément ces substances ne sont faites intermédiaires

que parce qu’elles-mêmes ont des rapports avec les substances les plus hautes constamment,

et ont des rapports avec les substances temporelles interrompues dans le temps par la génération;

elles-mêmes en effet, bien qu’elles soient éternelles,

leur permanence vient par la génération et le mouvement.

206

et substantiae sempiternae cum tempore sunt similes substantiis sempiternis


quae sunt supra tempus per durabilitatem et non assimilantur eis in motu et generatione.

substantiae autem sectae in tempore non assimilantur substantiis sempiternis


quae sunt supra tempus per aliquem modorum.

si ergo non assimilantur eis

tunc non possunt recipere eas neque tangere eas.

necessariae ergo sunt substantiae quae tangunt substantias sempiter nas quae sunt supra tempus

et erunt tangentes substantias sectas in tempore.

Et les substances éternelles avec le temps sont semblables aux substances éternelles

qui sont au-dessus du temps par la durée et [mais] ne leur sont pas comparables dans le mouvement et la génération.

Or les substances découpées dans le temps ne sont pas comparables aux substances éternelles

qui sont au-dessus du temps par quelque mode.

Si donc elles ne leur sont pas comparables,

alors elles ne peuvent les recevoir ni être en contact avec elles.

Donc, les substances en contact avec les substances éternelles qui sont au-dessus du temps sont nécessaires,

et elles seront en contact avec les substances découpées dans le temps.

207

ergo aggregabunt per motum suum

inter substantias sectas in tempore et inter substantias sempiternas quae sunt supra tempus.

et aggregabunt per durabilitatem suam

inter substantias quae sunt supra tempus et inter substantias quae sunt sub tempore

scilicet cadentes sub generatione et corruptione.

et aggregabunt inter substantias bonas et inter substantias viles

ut non priventur substantiae viles substantiis bonis

et priventur omni bonitate et omni conveniente

et non sit eis remanentia neque fixio.

Donc elles s’assembleront par leur mouvement

entre les substances découpées dans le temps et les substances éternelles qui sont au-dessus du temps.

Et elles s’assembleront par leur durée

entre les substances qui sont au-dessus du temps et les substances qui sont au-dessous du temps,

tombant évidemment sous la génération et la corruption.

Et elles s’assembleront entre les substances bonnes et les substances viles,

pour que les substances viles ne soient pas séparées des substances bonnes,

ni de toute bonté et de tout ce qui leur est approprié,

et qu’ainsi ni la permanence ni la stabilité ne leur manquent.

208

iam ergo ostensum est ex hoc quod durabilitatis duae sunt species

 

quarum una est aeterna et altera est temporalis.

verumtamen una durabilitatum duarum est stans quieta

et durabilitas altera movetur

et una earum aggregatur et operationes eius omnes simul

neque quaedam earum est ante quamdam

et altera est currens extensa

quaedam operationes eius sunt ante quasdam.

et universalitas unius earum est per essentiam suam

et universalitas alterius est per partes suas

quarum unaquaeque est seiuncta suae compari per modum primum et postremum.

Dès lors manifestement, il est établi à partir de cela, que les durées sont de deux sortes,

l’une est éternelle, l’autre est temporelle.

Donc la première des deux durées est subsistance, en repos,

et l’autre durée est mue ;

et la première d’elles est rassemblée et toutes ses œuvres sont simultanées,

aucune d’elles n’étant antérieure à une autre,

et l’autre est courante, étendue,

certaines de ses œuvres sont avant les autres.

Et la totalité de la première est par son essence,

et la totalité de la seconde est par ses parties

dont chacune est séparée de sa pareille par le mode de l’avant et de l’après.

209

iam ergo manifestum est quod substantiarum quaedam sunt

quae sempiternae sunt supra tempus

et ex eis sunt sempiternae aequales tempori et tempus non superfluit ab eis

 

et ex eis sunt quae abscissae sunt a tempore

et tempus superfluit ab eis ex superiori earum et ipsarum inferiori

[scilicet ex principio earum usque ad extremum ipsarum]

et sunt substantiae cadentes sub generatione et corruptione.

Dès lors manifestement, il est montré que certaines substances éternelles sont

celles qui sont au-dessus du temps,

et que parmi elles, il en est qui sont éternelles égales au temps, et le temps ne les déborde pas,

et que parmi elles il en est qui sont découpées par le temps

et le temps les déborde, de la plus haute à la plus basse d’entre elles,

[évidemment de leur début jusqu’à leur fin,]

et elles sont les substances tombant sous la génération et la corruption.

 

 

Proposition 30 (31)

210

inter rem cuius substantia et actio sunt in momento aeternitatis

et inter rem cuius substantia et actio sunt in momento temporis

existens est medium

et est illud

cuius substantia est ex momento aeternitatis

et operatio ex momento temporis.

Entre une chose dont la substance et l’action sont dans le moment de l’éternité

et une chose dont la substance et l’action sont dans un moment du temps,

un médiateur existe,

et ce médiateur est

ce dont la substance relève du moment de l’éternité

et ce dont l’œuvre relève dans le moment du temps.

211

quod est quia res cuius substantia cadit sub tempore

scilicet quia tempus continet eam

est in omnibus dispositionibus suis cadens sub tempore

quare et eius actio cadit sub tempore quoniam

quando substantia rei cadit sub tempore

procul dubio et eius actio cadit sub tempore.

res autem cadens sub tempore in omnibus dispositionibus suis

seiuncta est a re cadente sub aeternitate in omnibus dispositionibus suis.

continuatio autem non est nisi in rebus similibus.

necesse est igitur ut sit res alia tertia media inter utrasque

 

cuius substantia cadat sub aeternitate et ipsius actio cadat sub tempore.

C’est ainsi parce qu’une chose dont la substance tombe sous le temps,

évidemment le temps la contient,

elle tombe constamment sous le temps en toutes ses dispositions,

et c’est pourquoi son action aussi tombe sous le temps, parce que

lorsque la substance de la chose tombe sous le temps,

sans aucun doute aussi son action tombe sous le temps.

Cependant la chose tombant sous le temps en toutes ses dispositions

est séparée de la chose qui tombe sous l’éternité en toutes ses dispositions.

Or la continuité n’est qu’entre choses semblables.

Par conséquent il est nécessaire qu’il y ait une troisième chose autre, médiateur entre elles

dont la substance tombe sous l’éternité et dont l’action tombe sous le temps.

212

impossibile namque est

ut sit res cuius substantia cadat sub tempore et actio eius sub aeternitate


sic enim actio eius melior esset ipsius substantia

hoc autem est impossibile.

En effet, il est impossible

qu’il y ait une chose dont la substance tombe sous le temps et son action sous l’éternité :

car ainsi son action serait plus parfaite que sa propre substance ;

or cela est impossible.

213

manifestum igitur est

quod inter res cadentes sub tempore cum suis substantiis et suis actionibus

 

et inter res quarum substantiae et actiones sunt cadentes sub momento aeternitatis

sunt res cadentes sub aeternitate per substantias suas

et cadentes sub tempore per operationes suas

sicut ostendimus.

Par conséquent, il est montré

qu’entre les choses qui tombent sous le temps avec leur substance et avec leur action,

et entre les choses dont la substance et l’action tombent sous le moment de l’éternité,

il y a des choses tombant sous l’éternité par leur substance

et tombant sous le temps par leur œuvre,

comme nous l’avons fait voir.

 

Proposition 31 (32)

214

omnis substantia cadens in quibusdam dispositionibus suis sub aeternitate

et cadens in quibusdam dispositionibus suis sub tempore

est ens et generatio simul.

Toute substance tombant sous l’éternité en certaines de ses dispositions

et tombant sous le temps en certaines de ses dispositions

est être et génération à la fois.

215

[omnis] enim res cadens sub aeternitate est ens vere

et omnis res cadens sub tempore est generatio vere.

si ergo hoc ita est

tunc si res una est cadens sub aeternitate et tempore est ens

et generatio non per modum unum sed per modum et modum.

Car [toute] chose tombant sous l’éternité est véritablement être

et toute chose tombant sous le temps est véritablement génération.

Si donc cela est ainsi,

si une chose une tombe constamment sous l’éternité et le temps, elle est être

et génération non par un mode unique, mais par un mode et un (autre) mode.

216

iam ergo manifestum est ex eo quod diximus

quod omne generatum cadens per substantiam suam sub tempore

est habens substantiam pendentem per ens purum

quod est causa durabilitatis et causa rerum sempiternarum omnium et destructibilium.

Dès lors manifestement, il est montré à partir de ce que nous avons dit,

que tout engendré tombant par sa substance sous le temps

possède une substance qui dépend de l’être pur,

qui {lui-même} est la cause de la durée et la cause de toutes les choses éternelles et {ou} périssables.

217

necessarium est unum faciens adipisci unitates et ipsum non adipiscatur

 

sed reliquae unitates omnes sunt acquisitae.

Il est nécessaire que l'Un soit celui qui fait obtenir les unités et que lui-même ne soit pas obtenu,

mais toutes les autres unités sont acquises.

218

et illius quidem significatio est quod dico

si invenitur unum faciens acquirere non acquisitum

tunc quae differentia inter ipsum et primum acquirere faciens ?

non enim potest esse

quin aut sit simile ei in omnibus dispositionibus suis

aut sit inter utraque differentia.

si ergo est simile ei in omnibus dispositionibus suis

tunc unum eorum non est primum et alte rum secundum.

et si unum eorum non est simile alteri in omnibus dispositionibus suis

tunc procul dubio unum eorum est primum et alterum secundum.

illud ergo in quo est unitas fixa non inventa ex alio

est unum primum verum

sicut ostendimus

et illud in quo est unitas inventa ex alio est praeter unum primum verum.

si ergo est ex alio est ex uno primo acquisita unitas.

provenit ergo inde ut uni puro vero

et reliquis unis sit unitas iterum

et non sit unitas nisi propter unum verum quod est causa unitatis.

Et la preuve de ceci est ce que je dis:

s’il se trouve un Un faisant acquérir et {lui-même} non acquis,

quelle est alors la différence entre lui et le premier qui fait acquérir ?

En effet, il ne peut pas être autrement

bien plus ou bien il lui est semblable dans toutes ses dispositions

ou bien il y a une différence entre eux.

Si donc il lui est semblable dans toutes ses dispositions,

alors l’un d’eux n’est pas premier ni l’autre second.

Et si l’un d’eux n’est pas semblable à l’autre dans toutes ses dispositions,

alors sans aucun doute l’un d’eux est premier et l’autre second.

Donc celui en qui il y a une unité fixe qui ne vient pas d’un autre

est l’Un premier vrai,

comme nous l’avons fait voir;

et celui en qui il y a une unité venant d’un autre, est après l’Un premier vrai.

Si donc il provient d’un autre, son unité est acquise de l’Un premier.

De là vient donc aussi qu’il y a unité pour l’Un pur vrai

et pour les autres uns, et qu’il n’y a d’unité

qu’à cause de l’Un vrai, qui est cause de l’unité.

219

iam ergo manifestum est et planum

quod omnis unitas post unum verum est acquisita creata

verumtamen unum verum purum est creans unitates

faciens acquirere

non acquisitum

sicut ostendimus.

Dès lors manifestement, il est montré et évident

que toute unité après l’Un vrai est acquise, créée ;

donc l’Un vrai pur est celui qui crée les unités,

fait acquérir,

n’est pas acquis,

comme nous l’avons fait voir

 

 

 

Notes sur la traduction et ses choix.

 

Sources

 

Nous avons utilisé les textes originaux disponibles dans les sites :


http://home.t-online.de/home/ravenn/causis.htm


http://hiphi.ubbcluj.ro/fam/texte/liber_de_causis.htm

http://www.forumromanum.org/literature/anonymus/causis.html

ainsi que le texte et la traduction d'Aristide Bocognano disponible dans :


https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique/fichiers/page.htm#_Toc64652346

Un fac-similé des têtes de chapitre d'un texte arabe est disponible dans : http://home.t-online.de/home/ravenn/caus-01.htm


Nous avons utilisé le dictionnaire latin-français en ligne de Gérard Jeanneau http://perso.wanadoo.fr/prima.elementa/index.html

Nous recommandons vivement ce site qui contient un dictionnaire soigneusement établi, une grammaire courte, quelques textes latins et de nombreux liens.

 

Nous avons consulté « Recherches sur le Liber de Causis », Cristina D’Ancona Costa, Vrin, Paris, 2002.

Cet ouvrage fait un point très complet des origines du texte latin. Il contient un nombre considérable de références et cite largement de nombreux auteurs. Il fait autorité dans ce domaine.

 

Le texte

 

Le Liber de causis est issu du courant néoplatonicien rationalisant. Les modifications apportées par le rédacteur arabe dans le sens de son monothéisme ne font pas partie de notre propos ; nous prenons le texte latin tel qu’il est avec plusieurs de ses variantes signalées entre [].

Il tend à démontrer et est souvent apophatique. Ses phrases sont faites au moins pour convaincre par une argumentation serrée. Ces caractères rendent l'ouvrage latin assez aride par un emploi très important d’adverbes et d’expressions causales en vue d’amener la conviction.

 

Nous avions deux partis possibles. Le premier était de rédiger un document présentant les propositions et les commentaires de façon didactique dans le meilleur français possible, traduction littéraire. Le second était de conserver la structure détaillée du texte, ses répétitions et les moyens employés pour entrainer la conviction du lecteur, traduction littérale. Nous avons pris ce dernier parti. Pour cela nous avons construit le lexique ci-dessous qui donne nos choix constants de traduction pour chaque mot ou expression.

Notre but est de rester fidèle au style du texte pour lui conserver une partie de sa saveur initiale.

 

Hors le cas typique de la répétion et...et...et, on relève de nombreuses répétitions, un exemple est le (178) qui contient cinq fois «et ex eis sunt quae recipiunt» . Nous avons conservé ces répétions entières, considérant que c'était la volonté claire de l'auteur.


Certains mots appartenant à la langue propre au texte sont relativement difficiles à traduire. Nous présentons nos choix et leurs motifs après le lexique.

 
On note dans les alinéas 98-99 une interpolation probable.


Le chapitre 8 contient deux mots particuliers :

Le chapitre 9 contient un mot particulier :

        le mot transcrit de l’arabe «achili» ou « alachili» c’est-à-dire l’intelligence.

 

Le lexique

 

Nous avons essayé de rendre au mieux et autant que possible toujours de la même façon les adverbes, formes adverbiales et conjonctions


« aliqua, aliquis » par « quelque parmi ».

« autem » par « cependant » ou « or » ou simplement « et » quand il n’y a pas d’opposition

« ergo » par « donc »

« cum ergo » par « en conséquence »

« enim » par « car »

« esse vero » par « en vérité »

« iam » par « dès maintenant » ou «dès lors»

« iam ergo » par « dès lors manifestement »

« iam igitur » par « par conséquent dès maintenant »

« igitur » par « par conséquent » « donc » faible, particule de transition quand elle est en tête de la phrase.

« immo » par « que dis-je » ou « au contraire » ou « mais »

« inde » par « aussi » ou « de là »

« ita » par « ainsi » ou « autant » dans une comparaison

« nam » par « car »

« namque » par « en effet »

« per hoc quod » par « en ce que »

« praeter » par « {et} en outre »

« propter » par « à cause de »

« propterea » par « en conséquence »

« quamvis » par « bien que »

« quanto » par « d'autant plus »

« quapropter » par « c'est pourquoi »

« quia » par « parce que », « que » en bas-latin remplaçant une proposition infinitive du latin classique.

« quidem » par « assurément » pour signifier la certitude ou « en plus »

« quin » (de « qui non » ablatif) par « bien plus »

« quod » seul en tête de phrase est devenu explétif et presque équivalent à « et » par « à savoir que » ou « mais ».

« quod est quia » par « c'est ainsi parce que » (37 fois)

« quod est quia propterea » par « en conséquence, c'est ainsi parce que »

« quod est quoniam » par « c'est ainsi puisque » (5 fois)

« quoniam » par « parce que »

« scilicet » par « évidemment » ou « c'est évident » en tête de phrase, dans le sens premier « il est évident » (21 fois)

« sic » par « ainsi »

« sicut » par « comme »

« similiter » par « de même »

« tamen » par « pourtant »

« tantum » par « seulement »

« tunc » par « alors »

« vero » par « vraiment » ou « en vérité »

« verumtamen » par « pourtant » ou « mais pourtant » ou « donc » après une incise

 

Sur certains mots.

 

« bonitas » est le plus souvent traduit par « bonté » plus rarement par « bienfait ».

En français «bonté» a quatre sens principaux : penchant à faire le bien ; à être doux et indulgent ; qualité de ce qui est bon ; amabilité ; et au pluriel manifestation de bienveillance. Ces sens sont faibles et ne nous paraissent pas convenir à l’effet des causes première ou secondes. C’est pourquoi nous avons préféré le mot «grâces» pour « bonitates », conservant « bonté » pour « bonitas », ainsi « bonitas pura » est traduit par « bonté pure » selon l'usage. Nous avons tenu compte à la fois du sens initial d'une effusion de l'Un et de l'acception judéo-chrétienne. La Septante traduit les mots et expressions hébraïques de bonté (sens fort), de fidélité et de miséricorde de Dieu à l'égard de son peuple par le grec « charis » (1) la beauté, le charme ; 2) la faveur, le bienfait ; 3) la reconnaissance pour un présent ou un bienfait reçu).

« charis » a été traduit par « gratia » en latin. Par exception nous avons traduit « bonitates et gratias » par « bontés et grâces » en (65).


Éléments de justification :

L'abondance de la grâce divine du psalmiste est rendue « bonitates » et « benignitates, » Junius et Tremellius (1575, version latine de la bible hébraïque pour les pays calvinistes utilisée par Spinoza); par « beneficia, » bible d'Anvers dite Piscator traduite de l'allemand (1604-1606); par « gratias, » Johannes Cocceius (1603-1669, œuvres complètes 1673). Pour  Saint Paul, la grâce (gratia) désigne la bonté sans limite de Dieu qui travaille le cœur de l'homme pour répandre partout ses dons. (1 Co 2,12; 2 Co 9,8, 14; 1 Tm 1,14).

Plus récemment, Vasilescu, dans http://www.unibuc.ro/eBooks/filologie/vasilescu/17/voc17.htm écrit :

grâce n. f.
-    ce qu'on accorde à quelqu'un pour lui être agréable, sans que cela lui soit dû (avantage, bienfait, don, faveur): demander, solliciter, obtenir, recevoir une grâce;

      -     amabilité, honneur: Me ferez-vous la grâce de lire cette poésie?

-          -          faveur de Dieu, la bonté divine, la bénédiction: Que la grâce de Dieu vous comble!

-         -         aide surnaturelle qui rend l'homme capable d'accomplir la volonté de Dieu et de parvenir au salut (har): Je vous salue, Marie, pleine de grâce. « Réjouis-toi, le Seigneur t'a accordé une grâce particulière, Il est avec toi ». (Luc 1, 28).

 

Sur le couple « diminutio-completio », voir le renvoi *2 ci-dessous.


« fit » seul par « il est fait »

« fit quod » par « il résulte que »

« fit ut » par « il se fait que »

« formatio » chapitre 25 (26) a été traduit par « formation ». Il faut l’entendre avec la nuance de création.

« heliatim-hyliathim-yliatim » mot arabe non traduit est attesté par ailleurs comme traduction du grec « morphè ». Il peut désigner aussi l'« eidos » d'Aristote, la forme. Les premiers auteurs médiévaux l'avaient cru dérivé du grec « hylè » la matière, qu'Aristote oppose à l'eidos.

« imprimere », ce verbe a le sens d’imposer sa marque ou une marque. Nous l’avons traduit rarement par « imprimer », plus souvent par « marquer » quand on pouvait faire une confusion avec l’activité moderne d’imprimerie.

« influere » «influere» est transitif alors que influer est intransitif. Les expressions telles que «influunt bonitatis» ne peuvent pas être traduites par « ils influent des bontés ». Le plus proche serait «injecter», nous ne l’avons pas retenu car «injecter des grâces» paraît bien étrange.

Nous avons distingué deux cas.

1)     «influere» est pris transitivement. Dans ce cas nous avons choisi de le traduire par « répandre » transitif qui a les sens d’étendre au loin et surtout de faire entrer dans l’esprit. Dans les phrases telles que « Prima enim bonitas influit bonitates  » le bien premier répand ses grâces. Épandre qui vient d’«expandere» n’était pas possible.

2)      «influere» est pris intransitivement comme dans « bonitas influit super omnes res » (179). Nous l’avons alors traduit par influer ou insérer.

« intelligentia » « intellectibilis » d’intelligo (inter+ligo) et d’intellego (inter+lego). Les origines sont deux verbes ligo, ligare, ligavi, ligatum pour lier, attacher, joindre, unir et lego, legere, legi, lectum pour ramasser, cueillir, prendre, choisir, élire. Les deux graphies « intellego » et « intelligo » paraissent avoir été sensiblement équivalentes à partir de l'empire, phénomène de palatisation bien connu.

Nous avons systématiquement respecté les deux écritures : « intelligence » pour « intelligentia » et « de l'intellect » pour « intellectibilis » à l'exception des endroits où « res intellictibiles » était manifestement mis pour « les choses pensées ».

« intelligere » et « scire » sont deux verbes dont les sens sont voisins. Ils sont employés concurremment au moins dans les chapitres 12 et 14. Nous avons choisi de les traduire respectivement par « comprendre » avec un intention plus active que « connaître ».

« invenire » a été traduit par causer, sens assez rare en un endroit (179): « non inveniuntur res omnes in prima per modum unum ». Sinon il faudrait croire que l'auteur pense que les choses créées sont de tout éternité présentes dans la cause première. Les autres occurences ont été traduites par « se trouver ». Peut-être y a-t-il un jeu de mot sur invenire en (179).

« magnitudo » a été traduit par « dimension » eu égard à son caractère spatial.

« melior » a un sens plus fort que « meilleur » par son voisinage avec « sublimior », « nobilior », nous l’avons traduit par « plus parfait » sauf en opposition avec «vilior»

« secundum modum » a été traduit par « selon le mode »

« per modum » a été traduit par « par le mode »

« potentia » a été traduit par « pouvoir ».

« res extensa » a été traduit par réalité étendue, cette expression reprise par Descartes correspond au monde déployé qui a des dimensions, longueur, largeur. Il s'agit d'un aspect spatial et non temporel.

« scientia » a été traduit par « connaissance », suivant en cela la traduction de « scire » par « connaître »

« sensus » le sens. Nous avons pris le parti du pluriel systématique. Le sens en français n’est plus que très rarement associé à la sensation. Le sens est plus signification. Nous avons donc traduit « sensus » par « les sens ».

« significatio » mot-à-mot « ce qui fait signe » a été traduit presque partout par « preuve », si l’argument qui suit n’est pas probant par «le sens de».

« stans » du verbe « sto » a été traduit par « subsistant ».

« virtus » a été traduit par « puissance » selon l’usage bien que le mot signifiat aussi « miracle » au moyen-âge.

 

Une tournure

 

La périphrase est + participe présent comme « est regens » (81) mis pour « regit » ou « est retinens » (82) mis pour « retinet » est difficile à rendre.

«Pour ontologiser le verbe, on privilégiera sa forme nominale, l’infinitif, indépendant du temps, et qui lui sert donc de lemme dans les dictionnaires comme dans l’usage scolaire. Quant à ses autres formes, on les analysera, à la suite d’Aristote dans les Premiers analytiques (1, 46, 51, b 12) et la Métaphysique (D, 7, 1017 a 28) en copule (le verbe être ) plus participe présent, solution renouvelée par la grammaire de Port-Royal et reprise au moins jusqu’à Desclés (1987). Cela a permis au verbe de figurer le plus souvent parmi les mots catégorématiques.» in L'Être naquit dans le langage, un aspect de la mimésis philosophique,  François Rastier C.N.R.S.  http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier_Etre.html.

 

Une formule qui a fait grand bruit est « sum cogitans » de Spinoza qui a retiré le res de « sum res cogitans » de Descartes.

« La formule sum cogitans restitue au participe présent sa valeur spécifique qui consiste à évoquer une action en cours, et signifie donc littéralement “je suis pensant” au sens de “je suis en train de penser ». Spinoza et le problème de l’interprétation (Tractatus Theologico-Politicus, chap. 7). Pierre Macherey, professeur émérite.

http://www.univ-lille3.fr/set/sem/Macherey26112003.html

 

Elle peut être rendue comme fortement durative et traduite par l'indicatif accompagné de « constamment ».

Elle a aussi le sens d’une affirmation forte contenue dans le « est » qui rend la périphrase non comme un verbe d’action mais plutôt comme l’attribution d’un prédicat au sujet. L’intelligence possède la propriété de régner. En ce sens il serait préférable de substantiver le verbe quand on le peut, rendant le tout par « est la régente ».

Cette substantivation ne peut pas être appliquée à « est retinens » que l’on rend alors par « est celui qui maintient ». Cette traduction est en accord avec le texte de  «intelligentia est princeps omnium ». Nous avons traduit «est habens» par «possède».

 

Sur la graphie

 

Selon l'usage, nous avons mis en capitale les initiales de un et de dieu. Nous n’avons pas poursuivi l’emploi des capitales pour la cause première.

 

 

1*, renvoi de (159) «continuator» est inconnu en latin classique.

*2, renvoi de (167)

Certains auteurs rendent «diminutio-diminutum» par «imperfection-imparfait» et «complementus-completus» par «perfection-parfait». Nous ne les avons pas suivis, eu égard au fait que si Gérard de Crémone l’avait voulu, il eut utilisé le couple «imperfectus-imperfectio, perfectus-perfectio». On trouve en latin scolastique l’expression «completus et perfectus » (disputatio XXXV, De immateriali substantia creata, Francisco Suarez). Chez Abélard, le monde est créé « perfectus » et une œuvre est «completus ».

 

LE LIVRE DES CAUSES

LIBER DE CAUSIS

Anonyme néoplatonicien (peut-être écrit par Henri de Gand).

Ce livre, célèbre au XIII° siècle, fut longtemps attribué à Aristote. Il fut commenté entre autre par saint Albert le Grand, Roger Bacon, Siger de Brabant, Gilles de Rome et par saint Thomas d'Aquin

A titre de consultation: Traduction Aristide Bocognano, 1937, Paris, Garnier, revue en 1991 par Pierre Magnard

Chapitre 1

 

1 — Omnis causa primaria plus est influens super causatum suum quam causa universalis secunda.

1 — Toute cause première a plus d'influence sur son effet qu'une cause seconde universelle.

2 — Cum ergo removet causa universalis secunda virtutem suam a re, causa universalis prima non aufert virtutem suam ab ea.

2 — Ajoutons que, lorsque la cause seconde universelle enlève sa puissance à une réalité, la cause universelle première ne la lui enlève pas.

3 — Quod est quia causa universalis prima agit in causatum causae secundae, antequam agat in ipsum causa universalis secunda quae sequitur ipsum.

3 — On peut l'expliquer ainsi: la cause première universelle agit sur l’effet de la cause seconde, avant même que n’agisse sur lui la cause universelle seconde qui l’accompagne.

4 — Cum ergo agit causa secunda quae sequitur causatum, non excu sat ipsius actio a causa prima quae est supra ipsam.

4 — Ajoutons que, lorsque la cause seconde, qui accompagne l’effet, agit, son action n’échappe pas à la cause première qui est au-dessus d’elle.

5 — Et quando separatur causa secunda a causato, quaeb sequitur ipsumc, non separatur ab eo prima quae est supra ipsam, quoniam est causa ei.

5 — Et lorsque la cause seconde, qui accompagne l’effet, en est séparée, la cause première, qui est au-dessus de la cause seconde, n’est pas séparée de lui, car elle en est la cause.

6 — Et nos quidem exemplificamus illud per esse et vivum et hominem.

6 — Nous explicitons cela par l’exemple de l’être, du vivant et de l’homme.

7 — Quod est quia oportet ut sit res esse in primis, deinde vivum, postea homo.

7 — Car il convient que la réalité soit d’abord être, ensuite vivant, et enfin homme.

8 — Vivum ergo est causa hominis propinqua; et esse, causa eius longinqua.

8 — Le vivant est donc la cause prochaine de l’homme, et l’être est sa cause lointaine.

9 — Esse ergo vehementius est causa homini quam vivum, quoniam est causa vivo quod est causa homini.

9 — Ainsi l’être est, de manière plus importante, cause pour l’homme que le vivant, parce qu’il est cause pour le vivant qui est cause pour l’homme.

10 — Et similiter, quando ponis rationalitatem causam hominis, est esse vehementius causa homini quam rationalitas, quoniam est causa causae eius.

10 — De manière semblable, lorsqu'on pose que la rationalité est cause de l’homme, l’être est cause de l’homme plus fortement que la rationalité puisqu’il est cause de sa cause.

11 — Et illius quidema signumb est quod quando tu removes virtutem rationalem ab homme, non remanet homo etc remanet vivum spirans sen sibile. Et quando removes ab eo vivum, non remanet vivum sed remanet esse, quoniam esse non removetur ab eo, sed removetur vivum, quoniam causa non removetur per remotionem causati sui, remanet ergo homo esse. Cum ergo individuum non est homo, est animal et, si non est animal, est esse tantum.

11 — Et en vérité la preuve en est que, lorsqu’on enlève à l’homme la faculté rationnelle, il n’y a plus d’homme mais un vivant doué de souffle et de sensibilité. Et lorsqu’on lui enlève le vivant, le vivant ne demeure pas mais l’être reste, car l’être ne lui est pas soustrait mais seulement le vivant, puis que la cause n’est pas supprimée par le retrait de son effet; l’homme demeure donc être. Ajoutons que, lorsque un individu n’est pas un homme, il est un animal, et s’il n’est pas un animal, il est un être seulement.

12 — lam igitur manifestum est et planum quod causa prima longin qua est plus comprehendens et vehementius causa rei quam causa propinqua.

12 Il est donc désormais bien clair que la cause première lointaine embrasse davantage et est plus fortement cause de la réalité que sa cause prochaine.

13 — Et propter illud fit eius operatio vehementioris adhaerentiae cum re quam operatio causae propinquae. Et hoc quidem non fit secundum hoc nisi quia res in primis non patitur nisi a virtute longinqua; deinde patitur secundo a virtute quae est sub prima.

13 — Pour cette raison l’opération de la cause lointaine s’attache plus fortement à la réalité que l’opération de la cause prochaine. Et il n’en est ainsi que parce que la réalité ne subit d’abord qu’une puissance éloignée ce n’est qu’ultérieurement qu’elle subit une puissance qui est subordonnée à la première.

14 — Et causa prima adiuvat secundam causam super operationem suam, quoniam omnem operationem quam causa efficit secunda, et prima etiam causa efficit; verumtamen efficit eam per modum alium, altiorem et sublimiorem.

14 — Et la cause première aide la cause seconde en son opération, puis que toute opération que la cause seconde accomplit, la cause première l’effectue aussi; et elle l’effectue même d’une autre façon, plus noble et plus relevée.

15 — Et quando removetur causa secunda a causato suo, non removetur ab eo causa prima, quoniam causa prima est maioris et vehementioris adhae rentiae cum re quam causa propinqua.

15 — Et lorsque la cause seconde est retirée à son effet, la cause première n’en est pas retirée, puisque la cause première adhère davantage et plus fortement à la réalité que la cause prochaine.

16 — Et non figitur causatum causae secundae nisi per virtutem causae primae.

16 — Et l’effet n’est pas attaché à la cause seconde si ce n’est par la puissance de la cause première.

17 — Quod est quia causa secunda quando facit rem, influit causa prima quae est supra eam super illam rem de virtute sua, quare adhaeret illud ei adhae rentia vehementi et servat eam.

17 — On peut l'expliquer ainsi: lorsque la cause seconde produit une réalité, la cause première, qui est au-dessus d’elle, influe sur cette chose de par sa propre puissance. C’est pourquoi elle y adhère d’une adhérence plus forte et la conserve.

18 — lam ergo manifestum est et planum quod causa longinqua est vehementius causa rei quam causa propinqua quae sequitur eam, et quod ipsa influit virtutem suam super eam et servat eam, et non separatur ab ea separatione suae causae propinquae, immo remanet in ea et adhaeret ei adhaerentia vehementi, secundum quod ostendimus et exposuimus.

18 — Il est dès lors bien clair que la cause lointaine est plus fortement cause de la réalité que la cause prochaine, qui accompagne celle-ci, et qu’elle influe en elle sa puissance et la conserve, qu’elle ne se sépare pas de la réalité lorsque sa cause prochaine s’en sépare, mais qu’elle demeure plutôt en elle et adhère à elle d’une adhérence forte, comme nous l’avons montré et exposé.

 

Chapitre 2

 

19 — Omne esse superius aut est superius aeternitate et ante ipsam, aut est cum aeternitate, aut est post aeternitatem et supra tempus.

19 — Tout être supérieur est ou bien au-dessus de l’éternité et avant elle, ou bien avec elle, ou bien après elle et au-dessus du temps.

20 — Esse vero quod est ante aeternitatem est causa prima, quoniam est causa ei.

20 — L’être qui est avant l’éternité est la cause première, puisqu’il en est la cause.

21 — Sed esse quod est cum aeternitate est intelligentia quoniam est esse secundum, secundum habitudinem unam, unde non patitur neque destruitur.

21 — Mais l’être qui est avec l’éternité est l’intelligence, puisqu’il est un être second de façon unitaire, d’où vient qu’il ne pâtit ni ne connaît la destruction.

22 — Esse vero quod est post aeternitatem et supra tempus est anima, quoniam est in horizonte aeternitatis inferius et supra tempus.

22 — L’être qui est après l’éternité et au-dessus du temps est l’âme, puisqu’il est plus bas dans l’horizon de l’éternité et au-dessus du temps.

23 — Et significatio quod causa prima est ante aeternitatem ipsam, est quod esse in ipsa est acquisitum.

23 — Ce qui indique que la cause première est avant l’éternité même, c’est qu’en celle-ci l’être est acquis.

24 — Et dico quod omnis aeternitas est esse, sed non omne esse est aeternitas. Ergo esse est plus commune quam aeternitas. Et causa prima est supra aeternitatem, quoniam aeternitas est causatum ipsius.

24 — Et je dis que toute éternité est être, tandis que tout être n’est pas éternité. L’être est donc plus commun que l’éternité. Et la cause première est au-dessus de l’éternité, puisque l’éternité en est l’effet.

25 — Et intelligentia apponitur vel parificatur aeternitati, quoniam extenditur cum ea; et non alteratur neque destruitur.

25 — L’intelligence est conjointe ou égalée à l’éternité, puisqu’elle lui est coextensive, et elle ne connaît ni altération ni destruction.

26 — Et anima annexa est cum aeternitate inferius, quoniam est sus ceptibilior impressionis quam intelligentia, et est supra tempus, quoniam est causa temporis.

26 — L’âme enfin est rattachée plus bas à l’éternité, puisqu’elle est plus susceptible que l’intelligence de recevoir une impression, et elle est au-dessus du temps, puisqu’elle en est la cause.

 

Chapitre 3

 

27 — Omnis anima nobilis tres habet operationes; nam ex opera tionibusa eius est operatio animalis et operatio intellectibilis et operatio divina.

27 — Toute âme noble a trois opérations; en effet parmi ses opérations il y a une opération animante, une opération intellectuelle et une opération divine.

28 — Operatio autem divina est quoniam ipsa praeparatb naturam cum virtute quae est in ipsa a çausa prima.

28 — Son opération est divine parce qu’elle dispose la nature par la puissance qui est en elle du fait de la cause première.

29 — Eius autem operatio intellectibilis est quoniam ipsa scit res per virtutem intelligentiae quae est in ipsa.

29 — Son opération est intellectuelle parce qu’elle connaît elle-même les choses par la faculté de l’intelligence qui est en elle.

30— Operatio autem eius animalis est quoniam ipsa movet corpus pri mum et omnia corpora naturalia, quoniam ipsa est causa motus corporum et causa operationis naturae.

30 — Son opération est animante parce qu’elle meut elle-même le corps premier et tous les corps naturels, car elle est cause du mouvement des corps et cause de l’opération de la nature.

31 — Et non efficit anima has operationes nisi quoniam ipsa est exem plum superioris virtutis.

31 — Et l’âme n’effectue ces opérations que parce qu’elle est elle-même la copie de la puissance supérieure.

32 — Quod est quia causa prima creavit esse animae mediante intelli gentia, et propter illud facta est anima efficiens operationem divinam.

32 — Il en est ainsi parce que la cause première a créé l’être de l’âme par l’intermédiaire de l’intelligence, et c’est pour cette raison que l’âme, ainsi faite, effectue l’opération divine.

33 — Postquam ergo creavit causa prima esse animae, posuit eam sicut stramentum intelligentiae in quod efficiat operationes suas.

33 — Après donc que la cause première eût créé l’être de l’âme, elle l’a disposée comme une assise pour l’intelligence sur laquelle celle-ci puisse effectuer ses propres opérations.

34 — Propter illud ergo anima intellectibilis efficit operationem intel lectibilem. Et quia anima suscipitimpressionem intelligentiae, facta est infe rions operationis quam ipsa in impressione sua in id quod est sub ipsa.

34 — Pour cette raison donc, l’âme qui est douée d’intellect effectue une opération intellectuelle. Et parce que l’âme reçoit une impression de l’intelligence, elle est d’une opération inférieure â celle de l’intelligence lorsqu’elle s’imprime en ce qui est au-dessous d’elle.

35 — Quod est quia ipsa non imprimit in res nisi per motum, scilicet quia non recipit quod est sub ea operationem eius nisi ipsa moveat ipsum. Propter hanc ergo causam fit quod anima movet corpora; de proprietate namque animae est ut vivificet corpora quanniam influit super ea virtutem suam et directe proclucit ea ad operationem rectam.

35 — Il en est ainsi parce que l’âme ne s’imprime pas dans les choses si ce n’est par le mouvement (ce qui est en-dessous d’elle en effet ne reçoit son opération que si elle le meut). Pour cette raison donc l’âme se trouve mouvoir les corps; c’est en effet une propriété de l’âme de vivifier les corps lorsque elle influe sur eux sa propre puissance et les conduit directement à une opération droite.

36 — Manifestum est igitur nunc quod anima habet tres operationes, quoniam habet virtutes tres: scilicet virtutem divinam et virtutem intelligi bilema et virtutem eius essentiae, secundum quod narravimus et ostendimus.

36— Il est donc manifeste, selon ce que nous avons montré, que l’âme a trois opérations, puisqu’elle a trois puissances la puissance divine, la puissance intellectuelle et la puissance qui appartient à son essence, comme nous l’avons exposé et montré.

 

Chapitre 4

 

37 — Prima rerum creatarum est esse et non est ante ipsum creatum aliud.

37 — La première des choses créées est l’être et avant lui il n’y a pas d’autre créé.

38 — Quod est quia esse est supra sensum et supra animam et supra intelligentiam, et non est post causam primam latius neque plus causatumb ipso.

38 — On peut l'expliquer ainsi: l’être est au-dessus de la sensibilité, au-dessus de l’âme et au-dessus de l’intelligence, et qu’il n’y a après la cause première, rien qui soit plus ample et davantage causé.

39 — Propter illud ergo factum est superius creatis rebus omnibus et vehementius unitum.

39 — Pour cette raison, il a donc été fait supérieur à toutes les choses créées et plus fortement uni.

40— Et non est factum ita nisi propter suam propinquitatem esse puro et uni veroc, in quo non est multitudo aliquo modorum.

40 — Et il n’a été fait ainsi qu’en raison de sa proximité à l’être pur et Un vrai, en qui il n’y a multiplicité d’aucune sorte.

41 — Et esse creatum quamvis sit unum tamen multiplicatur, scilicet quia ipsum recipit multiplicitatem.

41 — Et quoiqu’il soit un, l’être créé se trouve multiplié, du moins parce qu’il reçoit la multiplicité.

42 — Et ipsum quidem non est factum multa, nisi quia ipsum, quam vis sit simplex et non sit in creatis simplicius eo, tamen est compositum ex finito et infinito.

42 — Et lui-même en vérité n’est fait multiple que parce que, même s’il est simple et qu’il n’y a rien de plus simple que lui parmi les créés, il est composé de fini et d’infini.

43 — Quod est quia omnequod ex eo sequitur causam primam est dehii id est intelligentia, completa et ultima in potentia et reliquis bonitatibus.

43 — Il en est ainsi parce que tout ce qui de lui jouxte la cause première est achili c’est-â-dire intelligence, achevée et extrême en pouvoir et autres perfections.

44 — Et formae inte1lectibile in ipso sunt latiores et vehementius uni versales. Et quod ex eo est inferius est intelligentia iterum, verumtamen est sub illa intelligentia in complemento et virtute et bonitatibus. Et non sunt formae intellectibiles in illa ita dilatatae sicut est earum latitudo in illa intel ligentia. Et esse quidem creatum primum est intelligentia totum, verumta men intelligentia in ipso est diversa per modum quem diximus.

44 — Et en lui les formes intelligibles sont plus amples et plus forte ment universelles. Et ce qui, de lui, vient plus bas est intelligence aussi, mais c’est une intelligence qui lui est inférieure en complétude, puissance et bontés. Et les formes intelligibles en elle ne sont pas aussi enveloppantes qu’elles le sont dans l’intelligence première. Et en vérité l’être premier créé est tout entier intelligence, mais en lui l’intelligence est diversifiée selon le mode que nous avons présenté.

45 — Et quia diversificatur intelligentia, fit illic forma intellectibilis diversa. Et sicut ex forma una, propterea quod diversificatur in mundo infe non, proveniunt individua infinita in multitudine, similiter ex esse creato primo, propterea quod diversificatur, apparent formae intellectibiles infinitaed.

45 — Et précisément parce que l’intelligence se diversifie, la forme intelligible devient diverse. Et de même que, d’une forme unique, du fait qu’elle est diversifiée dans le monde inférieur, proviennent des individus infinis en nombre, de même, de l’être premier créé, du fait qu’il est diversifié, surgis sent des formes intelligibles à l’infini.

46 — Verumtamen, quamvis diversificentur non seiunguntur ab mvi- cern sicut est seiunctio individuorum.

46 — Pourtant, quoiqu’elles soient diversifiées, elles ne sont pas dis jointes les unes des autres comme dans la disjonction des individus.

47 — Quod est quoniam ipsae uniuntur absque corruptione et sepa rantur absque seiunctione, quoniam sunt unum habens multitudinem et mul titudo in unitate.

47 — La raison en est qu’elles sont unies sans corruption et sont séparées sans disjonction, puisqu’elles sont l’unité douée de multiplicité et la multiplicité dans l’unité.

48 — Et inteffigentiae primae influunt super intelligentias secundas boni tates quas recipiunt a causa prima, et intendunt bonitates in eis, usquequo consequuntur ultimam earum.

48 — Et les intelligences premières influent sur les intelligences secondes les bontés qu’elles reçoivent de la cause première, et elles déploient les bontés en celles-ci jusqu’à atteindre la dernière d’entre elles.

49 — Inteiligentiae superiores primae, quae sequuntur causam primam, imprimunt formas secundas, stantes, quae non destruuntur ita ut sit neces sarium iterare eas vice alia. Intelligentiae autem secundae imprimunt for mas declines separabiles, sicut est anima.

49 — Les intelligences supérieures premières, qui jouxtent la cause première, impriment des formes secondes, stables, qui ne périssent pas de sorte qu’il soit nécessaire de les refaire à nouveau. Pour leur part, les intelligences secondes impriment des formes déclinantes et séparables, comme est l’âme.

50— Ipsa namque est ex impressione intelligentiae secundae quae sequi tur esse creatum inferius.

50 — Celle-ci en effet résulte de l’impression de l’intelligence seconde qui jouxte l’être créé plus bas.

51 — Et non multiplicantur animae nisi per modum quo multiplican tur intelligentiae. Quod est quia esse animae iterum habet finem, sed quod ex eo est inferius est infinitum.

51 — Et les âmes ne sont multipliées que de la manière dont les intelligences sont multipliées. Il en est ainsi parce que l’être de l’âme a derechef une limite, mais ce qui, de lui, est inférieur, est sans limite.

52 — Igitur animaè quae sequuntur al achili idest intelligentiam, sunt completae, perfectae, paucae decljnationis et separationis; et animae quae sequuntur esse inferius sunt in complemento et declinatione sub ariimabus superioribus.

52 — Donc les âmes qui jouxtent al achili, c’est-à-dire l’intelligence, sont achevées, parfaites et peu enclines à la chute et à la séparation: quant aux âmes qui jouxtent l’être plus bas, elles sont au-dessous des âmes supérieures quant à leur achèvement et leur tendance à la chute.

53 — Et animae superiores influunt bonitates, quas recipiunt ab intel ligentia, super animas inferiores.

53 — Et les âmes supérieures influent les bontés qu’elles reçoivent de l’intelligence sur les âmes inférieures.

54 — Et omnis anima recipiens ab intelligentia virtutem plus, est super impressionem fortior, et quod impressum est ab ea est fixum, stans, et est motus eius motus aequalis, continuus. Et illa in qua ex ea est virtus intelli gentiae minus, est in impressione sub animabus primis, et est quod ab ea impressum est debile, evanescens, destructibile.

54 — Et toute âme qui reçoit de l’intelligence davantage de puissance exerce plus fortement son impression; ce qui est imprimé par elle est établi d’une manière stable, et son mouvement est uniforme et continu. Mais l’âme, venant d’elle, dans laquelle la puissance de l’intelligence est moindre, reste, dans la marque qu’elle imprime, inférieure aux âmes premières, et ce qui est imprimé par elle est chancelant, évanescent et périssable.

55 — Verumtamen, quamvis sit ita, tamen permanet per genera tionem.

55 — Et pourtant, bien qu’il en soit ainsi, il n’en reste pas moins que l’âme perdure dans la génération.

56 — lam ergo ostensum est quare factae sunt formae intelligihiles mul tae, et non est esse nisi unum, simplex, et quare factae sunt rnultae animae, quarum quaedam sunt fortiores alus quibusdam, et esse earum est unum simplex, in quo non est diversitas.

56 — Nous avons donc désormais montré pourquoi les formes intelligibles ont été faites multiples, pourquoi il n’y a d’être qu’un et simple, pour quoi les âmes ont été rendues multiples, dont certaines plus fortes que d’autres, et pourquoi leur être est un et simple sans diversité.

 

Chapitre 5

 

57 — Causa prima superior est narrationea et non deficiunt linguae a narratione, eius nisi propter narrationem esse ipsius, quoniam ipsa est supra omnem causam; et non narratur nisi per causas secundas quae illuminan tur a lumine causae primae.

57 — La cause première est supérieure au discours, et les langues échouent à discourir d’elle, du moins à discourir sur son être, car elle est au-dessus de toute cause; et on en peut discourir seulement par les causes secondes, qui sont illuminées par la lumière de la cause première.

58 — Quod est quoniam causa prima non cessat illuminare causatum suum et ipsa non illuminatur a lumine alio, quoniam ipsa est lumen purum supra quod non est lumen.

58 — On peut l'expliquer ainsi: la cause première ne cesse d’illuminer son effet, et qu’elle n’est pas illuminée par une autre lumière, puisqu’elle est la lumière pure au-dessus de laquelle il n’est point de lumière.

59 — Ex illo ergo facta est prima sola cuius deficit narratio; et non est ita nisi quia supra ipsam non est causa per quam cognoscatur.

59 — Il en découle donc qu’il n’est que la cause première dont on ne puisse discourir; et il n’en est ainsi que parce que, au-dessus d’elle, il n’y a point de cause par laquelle on la connaisse.

60 — Etb omnis quidem res non cognoscitur et narratur nisi ex ipsa causa sua. Cum ergo res est causa tantum et non est causatum, non scitur per causam primam neque narratur, quoniam est superior narratione, neque consequitur eam loquela.

60 — Et toute chose, en vérité, n’est connue et dite qu’à partir de sa propre cause. Ajoutons que, lorsque une réalité est cause seulement et n’est pas effet, elle n’est pas connue par une cause première ni dite, puisqu’elle est supérieure au discours, et que nulle parole ne l’atteint.

61 — Quod est quia narratio non fit nisi per loquelam, et loquela per intelligentiam, et intelligentia per cogitationem, et cogitatio per meditatio nem, et meditatio per sensum. Causa autem prima est supra res omnes, quo niam est causa eis; propter illud fit quod ipsa non cadit sub sensu et medi tatione et cogitatione et intelligentia et loquela; non est ergo narrabilis.

61 — Il en est ainsi parce que le discours ne se fait que par la parole, la parole par l’intelligence, l’intelligence par la raison, la raison par l’imagination, l’imagination par le sens. Or la cause première est au-dessus de toutes choses, puisqu’elle en est la cause. C’est pourquoi, elle ne tombe pas sous le sens, l’imagination, la raison, l’intelligence et la parole; elle n’est donc pas susceptible d’être dite.

62 — Et dico iterum quod res, aut est sensibilis et cadit sub sensu, aut est meditabilis et cadit sub meditatione, aut est fixa stans secundum dispo sitionem unam et est intellectibilis, aut estc convertibilisd, destructibilis, cadens sub generatione et corruptione et est cadens sub cogitatione. Et causa prima est supra res intelligibiles sempiternas et supra res destructibiles, qua propter non cadunt super eam sensus neque meditatio neque cogitatio neque intelligentia.

62 — Et je dis encore ceci: ou bien la réalité est sensible, et elle tombe sous le sens, ou bien elle est imaginable, et elle tombe sous l’imagination, ou bien elle subsiste stable selon une disposition unique, et elle est intelligible, ou bien elle est changeante, destructible, sujette à la génération et à la corruption, et elle tombe sous la raison. Or la cause première est au-dessus des choses intelligibles perpétuelles, et au-dessus des choses destructibles, ce pour quoi ni le sens, ni l’imagination, ni la raison, ni l’intelligence ne l’appréhendent.

63 — Et ipsa quidem non significatur nisi ex causa secunda quae est intelligentia et non nominatur per nomen causati sui primi nisi per modum altiorem et meliorem, quoniam quod est causatoe est causae iterum, verum tamen per modum sublimiorem et meliorem et nobiliorem, sicut ostendimus.

63 — Et, en définitive, elle n’est signifiée qu’à partir de la cause seconde qui est l’intelligence. Elle n’est nommée par le nom de son premier effet que sur un mode meilleur et plus élevé, puisque ce qui appartient à l’effet appartient également à la cause, mais sur un mode plus haut, meilleur et plus noble, comme nous l’avons montré.

 

Chapitre 6

 

64 — Intelligentia est substantia quae non dividitur.

64 — L’intelligence est une substance qui n’est pas divisée.

65 — Quod est quia si non est cum magnitudine neque corpus neque movetur, tunc procul dubio non dividitur.

65 — Cela s’explique ainsi: si elle n’a ni grandeur, ni corps, ni mouvement, sans aucun doute elle n’est pas divisée.

66 — Et iterum omne divisibile non dividitur nisi aut in multitudinem aut in magnitudinem aut in motum suum.

66 — Et derechef tout être divisible n’est divisé qu’en multiplicité, grandeur ou mouvement.

67 — Cum ergo res est secundum hanc dispositionem, est sub tempore, quoniam non recipit divisionem nisi in tempore. Et intelligentia quidem non est in tempore, immo est cum aeternitate; quapropter facta est altior et supe rior omni corpore et omni multitudine. Quod si inveniatur in ea multitudo, non invenitur nisi existens quasi sita res una. Cum ergo intelligentia sit secun dum hunc modum, penitus divisionem non recipit.

67 — Ajoutons que, lorsque une réalité est selon cette disposition, elle est soumise au temps, car une réalité ne subit la division que dans le temps. Et, en vérité, l’intelligence n’est pas dans le temps: au contraire, elle est avec l’éternité; c’est pourquoi elle a été faite plus haute et plus élevée que tout corps et toute multiplicité. Et si l’on trouve en elle de la multiplicité, on ne la trouve que comme une réalité existant de façon une. Puisque donc l’intelligence est selon ce mode, elle n’admet absolument pas la division.

68 — Et significatio quidem illius est reditio sui super essentiam suam, scilicet quia non extenditur cum re extensa, ita ut sit una suarum extremita tum secunda ab alia.

68 — Et la preuve en est le retour de l’intelligence sur sa propre essence c’est-à-dire qu’elle ne devient pas coextensive à la réalité étendue de sorte qu’une de ses extrémités soit séparée de l’autre.

69 — Quod est quia quando vuit scientiam rei corporalis extenditur cum ea, etc ipsa stat fixa secundum suam dispositionem, quoniam est forma a qua non pertransit aliquid. Et corpora quidem non sunt ita.

69 — La raison en est que, lorsqu’elle veut connaître la réalité corporelle, elle lui devient coextensive et subsiste stable, selon sa disposition, puisqu’elle est la forme d’où rien ne diffuse. Des corps, en vérité, il n’en est pas ainsi.

70 — Et significatio quod intelligentia non est corpus neque dividitur eius substantia et operatio eius, est quod utraeque sunt res una. Et intelli gentia quidem est multa propter bonitates quae adveniunt ei a causa prima. Et ipsa quamvis multiplicetur per hunc modum, tamen quia appro pinquat Uni, fit unum et non dividitur. Et intelligentia quidem non recipit divisionem, quoniam est primum creatum quod creatum est a causa prima, et unitas est dignior ea quam divisio.

70 — Ce qui montre que l’intelligence n’est pas un corps, et que sa substance et son opération ne sont pas disjointes, c’est que l’une et l’autre ne font qu’un. Et pourtant l’intelligence est multiple à cause des bontés qui lui adviennent de la cause première. Mais bien qu’elle soit multipliée de cette façon, puisqu’elle-même s’approche cependant de l’Un, elle est une et n’est pas divisée. Et, en vérité, l’intelligence n’admet pas la division, parce qu’elle est le premier créé qui ait été créé par la cause première, et que l’unité est plus digne d’elle que la division.

71 — lam ergo verificatum est quod intelligentia substantia est quae non est cum magnitudine neque corpus neque movetur per aliquem modo rum motus corporei quapropter facta est supra tempus et cum aeternitate, sicut ostendimus.

71 — Donc, il est d’ores et déjà avéré que l’intelligence est une substance qui n’a ni grandeur, ni corps, ni mouvement sur un des modes du mouvement corporel: c’est pourquoi elle a été produite au-dessus du temps et avec l’éternité, comme nous l’avons montré.

 

Chapitre 7

 

72 — Omnis intelligentia scit quod est supra se et quod est sub se verumtamen scit quod est sub se quoniam est causa ci, et scit quod est supra se quoniam acquirit bonitates ab eo.

72 — Toute intelligence connaît ce qui est au-dessus d’elle et ce qui est en-dessous d’elle: mais elle connaît ce qui est au-dessous d’elle parce qu’elle en est la cause, et elle connaît ce qui est au-dessus d’elle parce qu’elle en reçoit les bontés.

73 — Et intelligentia quidem est substantia intellectibilis; ergo secun dum modum suae substantiae scit res quas acquirit desuper et res quibus est causa.

73 — Et, de fait, l’intelligence est une substance intelligible; donc elle connaît suivant le mode de sa substance les choses qu’elle reçoit d’en haut et les choses dont elle est la cause.

74 — Ergo ipsa discernit quod est supra eam et quod est sub ea, et scit quod illud quod est supra se est causa ci, et quod est sub ea est causatum ab ea; et cognoscit causam suam et causatum suum per modum qui est causa eius, scilicet per modum suae substantiae.

74 — Elle distingue donc ce qui est au-dessus et ce qui est au-dessous d’elle; elle sait que ce qui est au-dessus est sa cause et que ce qui est au-dessous est son effet. Elle connaît sa cause et son effet selon son rang de causalité, à savoir selon le mode de sa propre substance.

75 — Et similiter omnis sciens non scit rem meliorem et rem inferio rem et deteriorem nisi secundum modum suae substantiae et sui esse, non secundum modum secundum quem res sunt.

75 — Et, de la même façon, celui qui connaît ne connaît une réalité meilleure que lui et une réalité plus basse et moins bonne que lui, sinon selon le mode de sa propre substance et de son être propre, et non selon le mode suivant lequel ces choses sont.

76 — Et si hoc ita est, tunc proculdubio bomtates quae descendunt super intelligentiam a causa prima, sunt in ea intellectibiles et similiter res corpo reae sensibiles sunt in intelligentia intellectibiles.

76 — Et, s’il en est ainsi, sans aucun doute, les bontés qui descendent de la cause première sur l’intelligence sont, en elle, intelligibles; et, de la même façon, les choses corporelles sensibles sont, dans l’intelligence, intelligibles.

77 — Quod est quoniam res quae sunt in intelligentia non sunt impres siones ipsae, immo sunt causae impressionum. Et significatio illius est quod intelligentia ipsa est causa rerum quae sunt sub ea per hoc quod est intelli gentia tantuma. Si ergo intelligentia est causa rerum per hoc quod est intel ligentia, tunc procul dubio causae rerum in intelligentia sunt intellectibiles etiam.

77 — On peut l'expliquer ainsi: les choses qui sont dans l’intelligence ne sont pas les impressions elles-mêmes, mais bien plutôt les causes des impressions ce qui le montre est que l’intelligence elle-même est cause des choses qui sont sous elle, par cela seul qu’elle est intelligence. Si donc l’intelligence est cause des choses par cela qu’elle est intelligence, sans aucun doute les causes des choses dans l’intelligence sont aussi intelligibles.

78 — lam ergo manifestum est quod res supra intelligentiam et sub ea, sunt (in intelligentia)b per virtutem intellectibilem et similiter res corporeae cum intelligentia sunt intellectibiles et res intellectibiles in intelligentia sunt intellectibiles, quoniam ipsa est causa causaec earum; et quoniam ipsa non apprehendit res dflj per modum suae substantiae et ipsa, quia est intelli gentia, apprehendit res apprehensione intellectibili, sive intellectibiles sint res sive corporeae.

78 — Il est donc désormais clair que les choses qui sont au-dessus de l’intelligence et les choses qui sont au-dessous d’elle sont (dans l’intelligence) par une puissance intelligible; et, pareillement, que les choses corporelles au plan de l’intelligence, et les choses intelligibles dans l’intelligence sont intelligibles, puisqu’elle est elle-même cause de leur cause et que, puisqu’elle n’appréhende les choses que selon le mode de sa propre substance, elle-même, parce qu’elle est intelligence, appréhende les choses par une appréhension intelligible, que ces choses soient intelligibles ou qu’elles soient corporelles.

 

Chapitre 8

 

79 — Omriis intelligentiae fixio et essentia eiuse est per bonitatem puram quae est causa prima.

79 — La stabilité et l’essence de toute intelligence lui viennent du bien pur qui est la cause première.

80 — Et virtus quidem intelligentiae est vehementioris unitatis quam res secundae quae sunt post eam, quoniam ipsae non accipiunt cognitio nem eius. Et non est facta ita, nisi quia causa est ei quod est sub ea.

80 — C’est que la puissance de l’intelligence est d’une unité plus forte que les choses secondes qui viennent après elle, puisque celles-ci ne reçoivent pas la connaissance qui est sienne. Et elle ne se trouve telle que parce qu’elle est cause de ce qui est sous elle.

81 — Et significatio eius est illud cuius nosf rememoramur: intelligentia est regens omnes res quae sunt sub ea per virtutem divinam quae est in ea et per eam retinet res, quoniam per eam est causa rerum; et ipsa retinet omnes res quae sunt sub ea et comprehendit cas.

81 — Et la preuve en est ce que nous rappelons: l’intelligence est régente de toutes les choses qui sont sous elle par la puissance divine qui est en elle et par cette puissance elle maintient ces choses, car c’est par elle qu’elle en est cause; ainsi l’intelligence maintient toutes les choses qui sont sous elle et les enveloppe.

82 — Quod est quoniam omne quod est primum rebus et causa eis, est retinens illas res et regens cas et non evadit ab eo ex ipsis aliquid propter virtutem suam altam. Ergo intelligentia est princeps omnium” quae sunt sub ea et retinens eas et regens eas, sicut natura regit res quae sunt sub ea per virtutem intelligentiae. Et similiter intelligentia regit naturam per virtutem divinam.

82 — On peut l'expliquer ainsi: tout ce qui est premier pour les choses et qui est leur cause maintient et régit ces mêmes choses, et rien d’elles n’échappe à son emprise, du fait de sa haute puissance. Donc l’intelligence est principe des choses qui sont sous elle, et les maintient et les régit, comme la nature maintient et régit les choses qui sont sous elle, et ceci par la puissance de l’intelligence. Et, pareillement, l’intelligence régit la nature par la puissance divine.

83 — Et intelligentia quidem non facta est retinens res quae sunt post eam et regens eas et suspendens virtutem suam super eas, nisi quoniam ipsae non sunt virtus substantialis ei, immo ipsa est virtus virtutum substantia hum, quoniam est causa eis.

83 — En vérité l’intelligence ne se trouve maintenir les choses qui viennent après elle, les régir et déployer sa puissance au-dessus d’elles que parce que ces choses ne sont pas puissance substantielle à son égard: au contraire, c’est elle qui est la puissance des puissances substantielles, car elle en est la cause.

84 — Et intehligentia quidem comprehendit generata et naturam et hori zontem naturae scihicet animam, nam ipsa est supra naturam.

84 — Et ainsi, l’intelligence enveloppe les êtres engendrés et la nature et l’horizon de la nature, c’est-à-dire l’âme elle est en effet au-dessus de la nature.

85 — Quod est quia natura continet generationem et anima continet naturam et intelligentia continet animam.

85 — La raison en est la suivante: la nature contient la génération, l’âme contient la nature, l’intelligence contient l’âme.

86 — Ergo intelligentia continet omnes res; et non est facta intelligentia ita nisi propter causam primam quae supereminet omnibus rebus, quoniam est causa intelhigentiae et animae et naturae et rehiquis rebus.

86 — L’intelligence contient donc toutes choses; et il n’en est ainsi de l’intelligence qu’en raison de la suréminence de la cause première au-dessus de toutes choses, vu que celle-ci est cause de l’intelligence, de l’âme, de la nature et des autres choses.

87 — Et causa quidem prima non est intelligentia neque anima neque natura, immo est supra intelligentiam et animam et naturam, quoniam est creans omnes res. Verumtamen est creans inteihigentiam absque medio et creans animam et naturam et rehiquas res, mediante intelligentia.

87 — Et ainsi la cause première n’est pas l’intelligence, ni l’âme, ni la nature, mais elle est au-dessus de l’intelligence, de l’âme, de la nature, parce qu’elle crée toutes choses. A vrai dire, elle crée l’intelligence sans intermédiaire, mais elle crée l’âme, la nature et les autres choses par l’entremise de l’intelligence.

88 — Et scientia quidem divina non est sicut scientia intellectibilis neque sicut scientia animaeb; immo est supra scientiam intelligentiae et scientiam animae, quoniam est creans scientias.

88 — Et ainsi la science divine n’est pas comme la science de l’être intelligent ni comme la science de l’âme, mais elle est au-dessus de la science de l’intelligence et de la science de l’âme, parce qu’elle crée les sciences.

89 — Et quidem virtus divina est supra omnem virtutem intehlectibilem et animalem et naturalem, quoniam est causa omni virtuti.

89 — Et ainsi la puissance divine est au-dessus de toute puissance de l’intelligence, de l’âme et de la nature, parce qu’elle est cause de toute puissance.

90 — Et intehhigentia est habens helyatin quoniam est esse et forma et simihiter anima est habens helyatin. Et natura est habens helyatin. Et causae quidem primae non est helyatin, quoniam ipsa est esse tantum.

90 — Et l’intelligence possède une helyatin (Ce terme signifie ici forme) puisqu’elle est être et forme, et, de même, l’âme possède une helyatin, et la nature aussi. Et ainsi il n’y a pas d’helyatin de la cause première, parce qu’elle est seulement être.

91 — Quod si dixerit aliquis necesse est ut sit eid helyatin, dicemus helyatin suum est infinitum et individuum suum est bonitas pura, influens super intehligentiam omnes bonitates et super reliquas res mediante intelligentia.

91 — Et si quelqu’un disait: « il est nécessaire qu’elle ait une helyatin », nous dirons alors son helyatin est l’infini et son individualité est le bien pur, qui répand toutes ses bontés sur l’intelligence, et sur les autres choses par l’entremise de celle-ci.

92 — Omnis intelligentia plena est formis; verumtamen ex intelligen tus sunt quae continent formas minus universales et ex eis sunt quae conti nent formas plus universales.

92 — Toute intelligence est pleine de formes; pourtant, parmi les intelligences il y en a qui contiennent des formes moins universelles et d’autres qui contiennent des formes plus universelles.

93 — Quod est quoniam formae quae sunt in intelligentiis secundis infe rioribus per modum particularem, sunt in intelligentiis primis per modum universalem; et formae quae sunt in intelligentiis primis per modum uni versalem sunt in intelligentiis secundis per modum particularem.

93 — On peut l'expliquer ainsi: les formes qui sont dans les intelligences secondes et inférieures sur un mode particulier, sont dans les intelligences premières sur un mode universel; et les formes qui sont dans les intelligences premières sur un mode universel sont dans les intelligences secondes sur un mode particulier.

94 — Et primis aintelligentiis est virtus magna, quoniam sunt vehemen tioris unitatis quam intelligentiae secundae inferiores; et intelligentiisb secun dis inferioribus sunt virtutes debiles, quoniam sunt minons unitatis et plu- ris multiplicitatis.

94 — Et les intelligences premières ont une grande puissance parce qu’elles sont d’une unité plus forte que les intelligences secondes et inférieures; et les intelligences secondes et inférieures ont des puissances faibles parce qu’elles sont d’une moindre unité et d’une plus grande multiplicité.

95 — Quod est quia intelligentiae propinquaec Uni, puro vero sunt minons quantitatis et majoris virtutis, et intelligentiae quae sunt longinquio res ab Uno, puro vero sunt pluris quantitatis et debilioris virtutis.

95 — La raison en est la suivante: les intelligences proches de l’Un pur et vrai sont d’une quantité moindre et d’une plus grande puissance, et les intelligences qui sont plus éloignées de l’Un pur et vrai sont d’une quantité plus grande et d’une puissance moindre.

96 — Et quia intelligentiae propinquae Uni, puro vero sunt minons quantitatisd, accidit inde ut formae quae procedunt ex intelligentiis primis, procedant processione universali unita.

96 — Et parce que les intelligences proches de l’Un pur et vrai sont en quantité moindre, il en découle que les formes qui procèdent des intelligences premières, le font par procession une et universelle.

97 — Et nos quidem abbreviamus et dicimus qùod formae quae adve niunt ex intelligentiis primis secundis sunt debilioris processionis et vehe mentions separationis.

97 — En bref, nous disons que les formes qui viennent des intelligences premières aux secondes sont d’une procession plus faible et d’une séparation plus forte.

98 — Quapropter fit quod intelligentiae secundae proiciunt visus suos super universalem formam, quae est in intelligentiis universalibus, et divi dunt eam et separant eam, quoniam ipsae non possunt recipere illas formas secundum veritatem et certitudinem earum, nisi per modum secundum quem possunt recipere eas, scilicet per separationem et divisionem.

98 —. C’est pourquoi les intelligences secondes jettent leurs regards sur la forme universelle qui est dans les intelligences universelles, la divisent et la séparent, puisqu’elles ne peuvent recevoir ces formes selon leur vérité et leur détermination, si ce n’est sur le mode sur lequel elles peuvent les recevoir, c’est-à-dire par séparation et division.

99 — Et similiter aliqua ex rebus non recipit quod est supra eam nisi per modum secundum quem potest recipere ipsum, non per modum secun dum quem est res recepta.

99 — Et, pareillement, aucune des choses ne reçoit ce qui est au-dessus d’elle sinon sur le mode sur lequel elle peut le recevoir, et point sur le mode sur lequel est la réalité reçue.

 

Chapitre 10

 

100 — Omnis intelligentia intelligit res sempiternas quae non destruuntur neque cadunt sub tempore.

100 — Toute intelligence pense les choses perpétuelles, elles qui ne sont pas détruites et ne tombent pas sous le temps.

101 — Quod est quoniam si intelligentia est semper quae non movetur, tunc ipsa est causa rebus sempiternis quae non destruuntur nec permutan tur neque cadunt sub generatione et corruptione. Et intelligentia quidem non est ita, nisi quia intelligit rem per esse suum, et esse suum est sempiternum quod non corrumpitur.

101 — La raison en est la suivante: si l’intelligence est toujours ce qui n’est pas mû, elle est alors cause pour les choses perpétuelles, qui ne sont pas détruites ni changées et ne tombent pas sous la génération et la corruption. Et certes l’intelligence n’est telle que parce qu’elle pense chaque chose par son être propre, et son être propre est perpétuel, lui qui ne se corrompt pas.

102 — Cum ergo hoc sit ita, dicimus quod res destructibiles sunt ex corporeitate, scilicet ex causa corporea temporali, non ex causa intellecti bili aeterna.

102 — Puisqu’il en est ainsi, nous disons que les choses destructibles viennent de la corporéité, c’est-à-dire d’une cause corporelle et temporelle, non d’une cause intelligible et éternelle.

 

Chapitre 11

 

103 — Primorum omnium quaedam sunt in quibusdam per modum quo licet ut sit unum eorum in alio.

103 — Tous les êtres premiers sont les uns dans les autres selon qu’il est possible à chacun d’être en un autre.

104 — Quod est quia in esse sunt vita et intelligentia, et in vita sunt esse et intelligentia, et in intelligentia sunt esse et vita.

104 — On peut l'expliquer ainsi: dans l’être sont la vie et l’intelligence, dans la vie sont l’être et l’intelligence, et dans l’intelligence sont l’être et la vie.

105 — Verumtamen esse et vita in intelligentia sunt duae al achili, idest intelligentiae, et esse et intelligentia in vita sunt duae vitae, et intelligentia et vita in esse sunt duo esse.

105 — Cependant l’être et la vie sont dans l’intelligence deux al achili c’est-à-dire intelligences, l’être et l’intelligence sont dans la vie deux vies et l’intelligence et la vie sont dans l’être deux êtres.

106 — Et illud quidem non est ita nisi quia unumquodque primorum aut est causa aut causatum. Causatum ergo in causa est per modum causae et causa in causato per modum causati.

106 — Et il n’en est ainsi que parce que chacun des premiers principes est ou cause ou effet. L’effet, donc, est dans la cause selon le mode de la cause, et la cause est dans l’effet selon le mode de l’effet.

107 — Et nos quidem abbreviamus et dicimus quod res agens, vel quae est in rea per modum causae, non est in ea nisi per modum quib est causa eius, sicut sensus in anima per modum animalem, et anima in intelligentia per modum intellectibilem, et intelligentia in esse per modum essentialem, et esse primum in intelligentia per modum intellectibilem, et intelligentia in anima per modum animalem, et anima in sensu per modum sensibilem.

107 — En bref, nous disons qu’une réalité agissante, c’est-à-dire qui est dans une autre par mode de causalité, ne s’y trouve que selon son rang de causalité. De la sorte, le sens est dans l’âme sur le mode animé, l’âme dans l’intelligence sur le mode intelligible, l’intelligence dans l’être sur le mode essentiel, et l’être premier est dans l’intelligence sur le mode intelligible, l’intelligence dans l’âme sur le mode animé, l’âme dans le sens sur le mode sensible.

108 — Et redeamus et dicamus quod sensus in anima et intelligentia in causa prima sunt per modos suos, secundum quod ostendimus.

108 — Nous reprenons donc et disons que le sens est dans l’âme et l’intelligence dans la cause première, sur les modes propres à celles-ci, comme nous l’avons montré.

 

Chapitre 12

 

109 — Omnis intelligentia intelligit essentiam suam.

109 — Toute intelligence pense sa propre essence.

110 — Quod est quia intelligens et intellectum sunt simul; cum ergo est intelligentia intelligens et intellectum, tunc procul dubio videt essentiam suam.

110 — Il en est ainsi parce que le pensant et le pensé sont ensemble comme l’intelligence est le pensant et le pensé, alors sans aucun doute elle voit son essence.

111 — Et, quando videt essentiam suam, scit quod intelligit per intelligentiam essentiam suam.

111 — Et lorsque elle voit son essence, elle sait qu’elle la pense en intelligence.

112 — Et, quando scit essentiam suam, scit reliquas res quae sunt sub ea, quoniam sunt ex ea.

112 — Et lorsque elle connaît son essence, elle connaît les autres choses qui sont sous elle, parce qu’elles viennent d’elle.

113 — Verumtamen in ea sunt per modum intellectibilem. Ergo intelli gentia et res intellectae sunt unum.

113 — Cependant elles sont en elle sur le mode intelligible. Donc l’intelligence et les choses pensées sont un.

114 — Quod est quia, si res intellectae et intelligentia sunt unum, et intelligentia scit esse suum, tunc procul dubio quando scit essentiam suam, scit reliquas res, et quando scit reliquas res, scit essentiam suam, eta quando scit res, tuncb ipsa non scit eas nisi quia sunt intellectae. Ergo intelligentia scit essentiam suam et scit res intellectas simul, sicut ostendimus.

114 — Pour cette raison, si les choses pensées et l’intelligence sont un et si l’intelligence connaît son propre être, alors, sans aucun doute, lorsque elle connaît son essence, elle connaît les autres choses, et lorsque elle connaît les autres choses, elle connaît son essence, et lorsqu’elle les connaît, c’est uniquement parce qu’elles sont pensées. Donc l’intelligence connaît ensemble sa propre essence et les choses pensées, ainsi que nous l’avons montré.

 

Chapitre 13

 

115 — In omni anima res sensibiles sunt per hoc quod est exemplum eis, et res intellectibiles in ea sunt, quia scit eas.

115 — Les choses sensibles sont en toute âme, parce qu’elle en est le modèle, et les choses intelligibles sont en elle parce qu’elle les connaît.

116 — Et non facta est ita nisi quia ipsa expansa est inter res intellecti biles quae non moventur et inter res sensibiles quae moventur.

116 — Et il n’en est ainsi que parce qu’elle est intermédiaire entre les choses intelligibles, qui ne sont pas mues, et les choses sensibles qui sont mues.

117 — Et quia anima sic est, fit quod imprimit res corporeas, quapropter facta est causa corporum et facta est causata ex intelligentia quae est ante eam.

117 — Et, parce qu’ainsi est l’âme, il se fait qu’elle façonne les choses corporelles pour cette raison, elle se trouve être cause des corps, et causée à partir de l’intelligence, qui est avant elle.

118 — Res igitur quae imprimuntur ex anima sunt in anima per inten tionem exempli, scilicet quia res sensibiles exemplificantur secundum exem plum animae; et res quae cadunt supra animam sunt in anima per modum acquisitum.

118 — Ainsi les choses qui sont façonnées par l’âme sont, par raison d’exemplarité, dans l’âme, car les choses sensibles sont des exemplaires faits d’après le modèle de l’âme; et les choses échéant au-dessus de l’âme, sont dans l’âme par ajout.

119 — Cum ergo hoc sit ita, redeamus et dicamus quod res sensibiles omnes in anima sunt per modum causae, praeterc quod anima est causa exemplarisd.

119 — Puisqu’il en est ainsi, reprenons et disons que les choses sensibles sont toutes dans l’âme sur le mode causal, outre que l’âme est cause exemplaire.

120 — Et intelligo per anirnam virtutem agentem res sensibiles.

120 — Et j’entends par âme la puissance qui produit les choses sensibles.

121 — Verumtamen virtus efficiens in anima non est materialis, et vir tus corporea in anima est spiritualis, et virtus imprimens in rebus habenti bus dimensiones est sine dimensione.

121 — Pourtant cette puissance efficiente qui est dans l’âme n’est pas matérielle, cette puissance sur les corps qui est dans l’âme est spirituelle, cette puissance d’impression sur les choses qui ont une dimension est sans dimension.

122 —Res autem intellectibiles in anima sunt per modum accidenta lem, scilicet quia res intellectibiles quae non dividuntur sunt in anima per modum divisibilem. Ergo res intellectibiles unitae, sunt in anima per modum qui multiplicatur, et res intellectibiles quae non moventur sunt in anima per modum motus.

122 — Mais les choses intelligibles sont dans l’âme sur un mode accidentel, parce que, en d’autres termes, elles qui ne sont pas divisées, s’y trou vent sur le mode de la division. Par conséquent, les choses intelligibles, unes en elles-mêmes, sont dans l’âme sur le mode de la multiplicité; non mues, elles sont dans l’âme sur le mode du mouvement.

123 — lam ergo ostensum est quod res inteilectibiles et sensibiles sunt in anima, verumtamen res sensibiles, corporeae, motae sunt in anima per modum animalem, spiritualem, unitum, et quod res intellectibiles, unitae, quiescentes, sunt in anima per modum qui multiplicatur, motuma.

123 — Ainsi est-il à présent rendu évident que les choses intelligibles et sensibles se trouvent dans l’âme, mais que les choses sensibles, corporel les et en mouvement, y sont sur le mode animé, spirituel et unifié, et que les choses intelligibles unes et en repos, y sont sur le mode de la multiplicité et du mouvement.

 

Chapitre 14

 

124 — Omnis sciens qui scit essentiam suam est rediens ad essentiam suam reditione completa.

124 — Tout être connaissant qui connaît sa propre essence, vers elle fait retour, d’un retour total.

125 — Quod est quia scientia non est nisi actio intellectibilis. Cum ergo scit sciens suam essentiam, tunc redit per operationem suam intellectibilem ad essentiam suam.

125 — On peut l'expliquer ainsi: la connaissance n’est rien d’autre qu’une action intelligible. Lors donc que l’être connaissant connaît sa propre essence, il revient à elle par son opération intelligible.

126 — Et hoc non est ita nisi quoniam sciens et scitum sunt res una, quoniam scientia scientis essentiam suam est ex eo et ad eum est ex eo quia est sciens, et ad eum quia est scitum.

126 — Et cela ne peut être, sinon parce que le connaissant et le connu sont chose une, parce que la connaissance de qui connaît sa propre essence vient de lui-même et va vers lui: vient de lui-même car il est le connaissant, va vers lui car il est le connu.

127 — Quod est quia propterea quod scientia est scientia scientis, et sciens scit essentiam suam, est eius operatio rediens ad essentiam suam ergo substantia eius est rediens ad essentiam ipsius iterum.

127 — La raison en est la suivante étant donné que la connaissance est science du connaissant, et que le connaissant connaît sa propre essence, alors son opération est de revenir vers sa propre essence; sa substance fait donc retour à son essence.

128 — Et non significo per reditionem substantiae a&essentiam suam, nisi quia est stans, fixa per se, non indigens in sui fixione et sui essentia re alia rigente bipsam, quoniam est substantia simplex, sufficiens per seipsam.

128 — Et je ne parle ainsi de retour de la substance à son essence, que parce qu’elle subsiste par soi de façon stable, sans avoir besoin en sa stabilité et en son essence d’aucune autre chose pour s’établir, car elle est une substance simple et se suffisant à soi.

 

Chapitre 15

 

129 — Omnes virtutes quibus non est finis pendentes sunt per infini tum primum quod est virtus virtutum, non quia ipsa sit acquisita fixa, stansc in rebus entibus, immo estd virtus rebus entibus habentibus fixionem.

129 — Toutes les puissances, pour lesquelles il n’y a pas de limite, dépendent d’un infini premier qui est la puissance des puissances, non point parce que celle-ci aurait sa stable subsistance dans les choses existantes, mais plu tôt parce qu’elle est la puissance pour des choses existantes qui reçoivent leur stabilité.

130 — Quod si aliquis dicat quod ens primum creatum, scilicet intelli gentia, est virtus etiame cui non est finis, dicemus quod non est ens crea tum virtus, immo est ei virtus quaedam.

130 — Et si quelqu’un avance que l’être premier créé, à savoir l’intelligence, est aussi une puissance pour laquelle il n’y a pas de limite, nous répondrons que l’être créé n’est pas la puissance, mais a une certaine puissance.

131 — Et virtus quidem eius non est facta infinita nisi inferius, non superius, quoniam ipsa non est virtus pura quae non est virtus, nisi quia est virtus, et est res quae non finitur inferius neque superius. Ens autem pri mum creatum, scilicet intelligentia, habet finem et virtuti eius est finis secun dum quem remanet causa eius.

131 — Et même, la puissance de l’intelligence n’est infinie que pour ce qui est inférieur, et non pas pour ce qui est supérieur: en effet, elle n’est pas la puissance pure, qui n’est puissance que parce qu’elle est puissance, et qui est une réalité qui n’est finie ni pour l’inférieur ni pour le supérieur. Mais l’être premier créé, à savoir l’intelligence, a une limite, et à sa puissance il y a une limite, à laquelle sa cause se tient.

132 — Ens autem primum creans est infinitum primum purum.

132 — Mais l’être premier créateur est l’infini premier et pur.

133 — Quod est quia, si entibus fortibus non est finis propter suam acquisitionem ab infinito primo puro propter quod sunt entia infinitaa et si ens primum ipsum est quod ponit res quibus non est finis, tunc ipsum procul dubio est supra infinitum.

133 — On peut l'expliquer ainsi: si les êtres forts n’ont pas de limite qui serait acquise de l’infini premier et pur, par lequel ils sont des êtres infinis, et que si l’être premier est lui-même ce qui pose les choses qui n’ont pas de limite, alors celui-ci est sans aucun doute au-dessus de l’infini.

134 — Ens autem creatum primum scilicet intelligentia, non est non finitum; immo dicitur quod est infinitum, neque dicitur quod est ipsum met quod est non finitum.

134 — Mais l’être créé premier, à savoir l’intelligence, n’est pas non-fini: ou plutôt on dit qu’il est infini et on ne dit pas que lui-même est ce qui est non-fini.

135 — Ens ergo primum est mensura entium primorum intellectibilium et entium secundorum sensibilium, scilicet quia ipsum est quod creavit entia et mensuravit ea mensura convenienti omni enti.

135 — L’être premier est donc mesure des êtres premiers intelligibles et des êtres seconds sensibles, et ceci parce qu’il est ce qui a créé les êtres, et les a mesurés de la mesure qui convient à tout être.

136 — Redeamus ergo et dicamus quod ens primum creans est supra infinitum, sed ens secundum creatum est infinitum; et quod est inter ens primum creans et ens secundum creatum est non finitum.

136 — Revenons à notre sujet et posons que l’être premier qui est créateur est au-dessus de l’infini, mais que l’être second qui est créé est infini et ce qui se trouve entre l’être premier créateur et l’être second créé est le non-fini.

137 — Et reliquae bonitates simplices, sicut vita et lumen et quae sunt eis similia, sunt causae rerum omnium habentium bonitates, scilicet quod infinitum est a causa prima et causatum primum est causa omnis vitae et similiter reliquae bonitates descendentes a causa prima super causatum pri mum in primis, et est intelligentia, deinde descendunt super reliqua causata intellectibilia et corporea, mediarite intelligentia.

137 — Et toutes les autres bontés simples, comme vie et lumière et tout ce qui leur est semblable, sont les causes de toutes les choses qui reçoivent des bontés. Et cela signifie que ce qui par la cause première est infini et pre mier causé est la cause de toute vie; et il en est de même de toutes les autres perfections, découlant de la cause première d’abord sur le premier effet, et c’est l’intelligence, ensuite découlant sur tous les autres effets, intelligibles et corporels, par l’intermédiaire de l’intelligence.

 

Chapitre 16

 

138 — Omnis virtus unita plus est infinita quam virtus multiplicata.

138 — Toute puissance une est plus infinie qu’une puissance multiple.

139 — Quod est quia infinitum primum quod est intelligentia est pro pinquum Uni, puro vero. Propter illud ergo factum est quod in omni vir tute propinqua Uni vero est infinitas plus quam in virtute longinqua ab eo.

139 — Et ceci parce que l’infini premier, qui est l’intelligence, est proche de l’Un, pur et vrai. A cause de lui, il se fait que, dans toute puissance proche de l’Un vrai, il y a infinité plus que dans une puissance éloignée de lui.

140 — Quod est quia virtus, quando incipit multiplicari, tunc destrui tur unitas eius, et, quando destruitur eius unitas, destruitur eius infinitas. Et non destruitur infinitas eius nisi quia dividitur.

140 — La raison en est que, lorsqu’une puissance commence à être multipliée, son unité se détruit, et lorsque son unité se détruit, son infinité se détruit aussi. Et elle ne se détruit que parce qu’elle se divise.

141 — Et illius quidem significatio est virtus divisa, et quod ipsa quanto magis aggregatur et unitur, magnificatur et vehementior fit et efficit opera tiones mirabiles; et quanto magis partitur et dividitur, minoratur et debili tatur et efficit operationes viles.

141 — La preuve en est la puissance divisée, et le fait que plus elle est rassemblée et unie, plus elle croît et devient forte et plus admirables sont ses opérations. En revanche, plus elle se partage et se divise, plus elle diminue et s’affaiblit et plus viles sont les opérations qu’elle produit.

142 — lam igitur manifestum est et planum quod virtus, quanto plus approximat Uni, puro vero, fit vehementior eius unitas, et quanto vehemen tior fit unitas, est infinitas in ea magis apparens et manifestior et sunt ope rationes eius operationes magnae, mirabiles et nobiles.

142 — Ainsi donc a-t-on montré en toute clarté que plus une puissance est proche de l’Un pur et vrai, plus son unité devient forte, et plus forte en elle est l’unité, plus visible et manifeste en est l’infinité et plus grandes, admirables et nobles sont ses opérations.

 

Chapitre 17

 

143 — Res omnes habenta entia propter ens primum, et res vivae omnes sunt motae per essentiam suam propter vitam primam, et res intellectibiles omnes habent scientiam propter intelligentiam primam.

143 — Toutes choses ont l’être grâce à l’être premier, toutes les vivantes sont mues par leur essence grâce à la vie première, toutes les intelligibles sont connaissantes grâce à l’intelligence première.

144 — Quod est quia, si omnis causa dat causato suo aliquid, tunc procul dubio ens primum dat causatis omnibus ens.

144 — Voici pourquoi: si toute cause donne à son effet quelque chose, dans ce cas, sans aucun doute, l’être premier donne l’être à tous les effets.

145 — Et similiter vita dat causatis suis motum, quia vita est processio procedens ex ente primo quieto, sempiterno, et primus motus.

145 — Et pareillement la vie donne à ses effets le mouvement, parce que la vie est une procession venant de l’être premier en repos et perpétuel, et qu’elle est le premier mouvement.

146 — Et similiter intelligentia dat causatis suis scientiam.

146 — Et pareillement l’intelligence donne la connaissance à ses effets.

147 — Quod est quia omnis scientia vera non est nisi mb intelligentia et intelligentia est primum sciens quod est, et est influens scientiam super reliqua scientia.

147 — Cela s’explique ainsi: toute connaissance vraie n’est que dans l’intelligence, et l’intelligence est le premier connaissant qui soit et elle influe la connaissance sur les autres connaissants.

148 — Redeamus autem et dicamus quod ens primum est quietum et est causa causarum, et, si ipsum dat omnibus rebus ens, tunc ipsum dat eis per modum creationis. Vita autem prima dat eis quae sunt sub ea vitam, non per modum creationis immo per modum formae. Et similiter intelli gentia non dat eis quae sunt sub ea de scientia et reliquis rebus nisi per modum formae.

148 — Reprenons et disons que l’être premier est en repos et cause des causes, et si lui-même donne l’être à toutes choses, il le leur donne par mode de création. Mais la vie première donne à ceux qui sont sous elle la vie, non pas par mode de création, mais par mode d’information. Et pareillement l’intelligence ne donne part de connaissance et autres choses à ce qui est sous elle que par mode d’information.

 

Chapitre 18

 

149 — Ex intelligentiis est quae est intelligentia divina, quoniam ipsa recipit ex bonitatibus primis quae procedunt ex causa prima receptione multa. Et de eis est quae est intelligentia tantum, quoniam non recipit ex bonitati bus primis, nisi mediante intelligentiac. Et ex animabus est quae est anima intellectibilis, quoniam est pendens per intelligentiam; et ex eis est quae est anima tantum. Et ex corporibus naturalibus est cui est anima regens ipsum et faciens directionem super ipsum; et de eis sunt quae sunt corpora natu ralia tantum, quibus non est anima.

149 — Parmi les intelligences, il y a celle qui est intelligence divine, parce qu’elle reçoit quelque chose des bontés premières qui procèdent de la cause première, en une réception abondante; et il y a celle qui n’est qu’intelligence, car, des perfections premières, elle ne reçoit rien si ce n’est par l’intermédiaire de l’intelligence première. Parmi les âmes, il y a celle qui est intelligible parce qu’elle dépend de l’intelligence; et il y a celle qui n’est qu’âme. Et parmi les corps naturels, il y a celui qui a une âme qui le régit et le gouverne; et il y a ceux qui sont seulement corps naturels, et qui n’ont pas d’âme.

150 — Et hoc non fit ita nisi quoniam est ipsa expositioa neque intel lectibilis tota neque animalis tota neque corporea tota, nonb pendet per cau sam quae est supra eam, nisi quae est ex ea completa, integra etc quae pen det per causam quae est supra eam.

150— Et il n’en est ainsi que parce que ce n’est pas la série tout entière des intelligences, ni la série tout entière des âmes, ni la série tout entière des corps qui dépend de la cause qui est au-dessus d’elle: seul ce qui en elle est complet et achevé dépend de la cause qui est au-dessus d’elle.

151 — Scilicet quia non omnis intelligentia pendet per bonitates essed causae primae, nisi quae ex eis est intelligentia completa in primis integra. Ipsa enim potest recipere bonitates descendentes ex causa prima et pendere per eas ut vehemens fiat sua unitas.

151 — Il en est ainsi parce qu’aucune intelligence ne dépend par ses bontés de l’être de la cause première sinon celle qui est intelligence originellement complète et achevée. En effet, celle-ci peut recevoir les bontés qui découlent de la cause première et par elles en dépendre, de telle sorte que son unité est plus forte.

152 — Et similiter non omnis anima pendet per intelligentiam, nisi quae ex eis est completa, integra et vehementius simul cum intelligentia, per hoc quod pendet per intelligentiam, et est intelligentia completa.

152 — Pareillement, ce n’est pas toute âme qui dépend de l’intelligence mais celle qui est complète et achevée et plus fortement associée à l’intelligence, dans la mesure où elle dépend de l’intelligence et est une intelligence complète.

153 — Et similiter iterum non omne corpus naturale habet animam nisi quod ex eis est completum, integrum, quasi sit rationale.

153 — De même enfin, tout corps naturel n’a pas une âme, mais seule ment celui qui est complet et achevé, comme s’il était raisonnable.

154 — Et secundum hanc formam sunt reliqui ordines intellectibiles.

154 — Et les autres ordres intelligibles sont ainsi formés.

 

Chapitre 19

 

155 — Causa prima regit res creatas omnes praeter quod commiscea tur cum eis.

155 — La cause première régit toutes les choses créées, sans qu’elle soit mêlée avec elles.

156 — Quod est quia regimen non debilitat unitatem eius exaltatam super omnem rem neque destruit eam neque prohibet eam essentia unita tis; eius seiuncta a rebus quin regat rese.

156 — Cela s’explique ainsi: le fait de gouverner n’affaiblit pas son unité, élevée au-dessus de toutes choses, ni ne la détruit, et l’essence de son unité séparée des choses n’empêche pas qu’elle les gouverne.

157 — Quod est quia causa prima est fixa, stans cum unitate sua pura semper, et ipsa regit res creatas omnes et influit super eas virtutem vitae et bonitates secundum modum virtutum! earum receptibilium et possibili tatem earum. Prima enim bonitas influit bomtates super res omnes influxione una; verumtamen unaquaeque rerum recipit ex illa influxione secundum modum suae virtutis et sui esse.

157 — La raison en est la suivante la cause première est stable, se tenant toujours dans son unité pure, elle gouverne toutes les choses créées et elle influe sur elles la puissance de vie et les bontés à la mesure des puissances réceptrices et de leur capacité. En effet le bien premier influe ses bontés sur toutes choses par un unique flux. Cependant chaque chose reçoit de ce flux à la mesure de sa puissance et de son être.

158 — Et bonitas prima non influit bonitates super res omnes nisi per modum unum, quia non est bonitas nisi per suum esse et suum ens et suam virtutem, ita quod est bonitas, et bonitasg et ens sunt res una. Sicut ergo ens primum et bonitas sunt res una, fit quod ipsum influit bonitates super res influxione communi una. Et diversificantur bonitates et dona ex con cursu recipientis. Quod est quia recipientia bonitates non recipiunt aequa liter, immo quaedam eorum recipiunt plus quam quaedam, hoc quidem est propter magnitudinem suae largitatis.

158 — Le bien premier n’influe sur toutes choses ses bontés que sur un seul mode, car il n’est le bien que par son être, son étant et sa puissance, de telle sorte qu’il est le bien, et que le bien et l’étant sont une seule chose. De même donc que l’étant premier et le bien sont une seule chose, il advient qu’il influe ses bontés sur les choses par un unique flux commun. Et les bontés et les dons sont diversifiés par le concours du recevant. On peut l'expliquer ainsi: ceux qui reçoivent les bontés ne les reçoivent pas également bien plutôt certains en reçoivent plus que d’autres, et cela à cause de la grandeur de sa générosité.

159 — Redeamus ergo et dicamus quod inter omne agens quod agit per esse suum tantum, et inter factum suum non est continuator neque res alia media. Et non est continuator inter agens et factum nisi additio super esse, scilicet quando agens et factum sunt per instrumentum et non facit per esse suum et sunt composita. Quapropter recipiens recipit per continua tionem inter ipsum et factorem suum et est tunc agens seiunctum a facto suo.

159 — Revenons à notre propos, et disons que, entre tout agent qui agit par son seul être, et ce qu’il fait, il n’y a pas de moyen-terme s’entre mettant ni d’autre chose intermédiaire. Et il n’y a pas d’intermédiaire, entre l’agent et ce qu’il fait, si ce n’est un ajout à l’être: à savoir lorsque l’agent et ce qu’il fait sont mis en rapport par un instrument, que l’agent ne fait rien par son propre être, et qu’ils sont composés. C’est pourquoi le recevant reçoit du fait d’une médiation entre lui-même et celui qui l’a fait, et alors l’agent est séparé de son produit.

160 — Agens vero, inter quod et inter factum suum non est continua tor penitus, est agens verum et regens verum, faciens res per finem decoris, post quod non est possibile ut sit decus aliud et regit factum suum per ulti mum regiminis.

160 — Mais l’agent qui n’admet absolument pas d’intermédiaire entre lui-même et ce qu’il fait est un agent et gouvernant véritable, qui produit les choses au comble de la beauté, après laquelle il n’est pas possible qu’il y ait quelque autre beauté, et il gouverne ce qu’il fait par le gouvernement le plus parfait.

161 — Quod est quia regit res per modum quema agit et non agit nisi per ens suum; ergo ens eius iterum estb regimen eius. Quapropter fit quod regit et agit per ultimum decoris et regimen in quo non est diversitas neque tortuositas. Et non diversificantur operationes et regimen propter causas pri mas nisi secundum meritum recipientis.

161 — La raison en est qu’il gouverne par le mode sur lequel il agit et il n’agit que par ce qu’il est, donc son être est également son gouvernement. C’est pourquoi il se trouve qu’il gouverne et agit par la beauté la plus parfaite et par un gouvernement dans lequel il n’y a ni diversité ni détours. Et les opérations et le gouvernement par les causes premières ne sont diversifiées que selon le mérite du recevant.

 

Chapitre 20

 

162 — Primum est dives per seipsum et non est dives majus.

162 — Le premier est riche par soi-même, et il n’y a rien de plus riche que lui.

163 — Et significatio eius est unitas eius, non quia unitasc sit sparsa in jpso, immo est unj pura, quoniam est simplex in fine simplicitatis.

163 — Et la raison de cela réside dans son unité, non pas que l’unité soit éparse en lui-même, bien plutôt il est une unité pure, parce qu’il est simple d’une simplicité achevée.

164 — Si autem aliquis vult scire quod causae prima est dives, proiciat mentem suam super res compositas et inqujrat de eis inquisitione perscru tata. Inveniet enim omne compositum diminutum, indigens quidem aut alio aut rebus ex quibus componitur. Res autem simplex una quae est bonitas, est una et unitas eius est bonitas et bonitasf est res una.

164 — Et si quelqu’un veut apprendre que la cause première est riche, qu’il projette son esprit sur les choses composées et qu’il s’enquière d’elles par une recherche scrupuleuse. Il trouvera en effet que tout composé est un moindre être, puisqu’il a besoin ou bien d’un autre, ou bien des choses dont il est composé. Mais la seule chose simple, qui est le bien, est une, et son unité est le bien, et sa bonté est chose une.

165 — Illa ergo res est dives majus quae influit, et non fit influxio super ipsam per aliquem modorum. Reliquae autem res, intellectibiles siritg aut corporeae, sunt non divites per seipsas, immo indigent Uno vero influente super eas bonitates et omnes gratias.

165 — Est donc plus riche cette chose qui influe et sur laquelle aucun flux ne se répand de quelque mode que ce soit. Les autres choses, intelligibles ou corporelles, sont par elles-mêmes non riches; bien plus, elles ont besoin que l’Un vrai influe sur elles ses bontés et toutes les grâces.

 

Chapitre 21

 

166 — Causa prima est super omne nomen quo nominatur.

166 — La cause première est au-dessus de tout nom dont on la nomme.

167— Quomam non pertinet ei diminutio neque complementum solum; quoniam diminutum est non completum et non potest efficere operationem completam, quando est diminutum. Et completum apud nos, quamvis sit sufficiens per seipsum, tamen non potest creare aliquid aliud neque influere a seipso aliquid omnino.

167 — Parce qu’elle ne tolère ni l’inachèvement ni même l’achèvement. En effet, ce qui est moindre être est inachevé, et ne peut effectuer d’opération achevée tant qu’il est moindre être. Et ce qui est achevé, selon nous, bien qu’il soit suffisant par soi, ne peut cependant pas du tout créer quelque autre chose ni influer de lui-même quoi que ce soit.

168 — Si ergo hoc ita est apud nos, tunc dicimus quod primum non est diminutum neque completum tantum, immo est supra completum.

168 — Si donc il en est selon nous ainsi, nous disons que le premier n’est pas un moindre être, ni même un être achevé: il est bien plutôt au-dessus de l’être achevé.

169 — Quoniam est creans res et influens bonitates super eas influxione completa, quoniam est bonitas, cui non est finis neque dimensiones.

169 — Puisqu’il crée les choses et influe sur elles ses bontés par un flux achevé, car il est le bien, qui n’a ni limite ni mesure.

170 — Bonitas ergo prima implet omnia saecula bonitatibus; verum tamen omne saeculum non recipit de illa bonitate, nisi secundum modum suae potentiae.

170 — Donc le bien premier remplit de bontés tous les mondes; cependant tout monde ne reçoit de cette bonté qu’à la mesure de son propre pouvoir.

171 — lam ergo ostensum est et manifestum quod causa prima est super omne nomen quo nominatur et superior eo et altior.

171 — Donc il est désormais démontré et manifeste que la cause première est au-dessus de tout nom dont on la nomme, supérieure à lui et plus élevée.

 
Chapitre 22

 

172 — Omnis intelligentia divina scit res per hoc quod ipsa est intelligentia, et regit eas per hoc quod est divina.

172 — Toute intelligence divine connaît les choses en tant qu’elle est intelligence, et les gouverne en tant qu’elle est divine.

173 — Quod est quia proprietas intelligentiae est scientia, et non est eius complementum et integritas nisi ut sit sciens. Regens ergo est Deus, benedictus et sublimis, quoniam ipse replet res bonitatibus. Et intelligentia est primum creatum et est plus similis Deo sublimi, et propter illud regit res quae sub ea sunt. Et sicut Deus benedictus et excelsus influit bonitatem super res, similiter intelligentia influit scientiam super res quaea sunt sub ea.

173 — On peut l'expliquer ainsi: la propriété de l’intelligence est la connaissance, et qu’il n’est rien d’autre qui l’achève et assure son intégrité que de connaître. Celui qui gouverne est donc Dieu, béni et très-haut, puisqu’il rem plit les choses de bontés. Et l’intelligence est le premier créé et ce qu’il y a de plus semblable à Dieu très-haut, et à cause de cela elle gouverne les choses qui sont sous elle. Et de même que Dieu, béni et très-haut, influe la bonté sur les choses, l’intelligence influe la connaissance sur les choses qui sont sous elle.

174 — Verumtamen, quamvis intelligentia regat res quae sunt sub ea, tamen Deus benedictus et sublimis praecedit intelligentiam per regimen et regit res regimine sublimions et altioris ordinis quam sit regimen intelligen tiae, quoniam est illud quod dat intelligentiae regimen.

174 — Cependant, bien que l’intelligence gouverne les choses qui sont sous elle, Dieu, béni et très-haut, précède l’intelligence par son gouverne ment, et gouverne les choses d’un gouvernement d’un ordre plus élevé et supérieur au gouvernement de l’intelligence, puisqu’il est ce qui donne le gouvernement à l’intelligence.

175 — Et significatio illius est quod res, quae recipiuntb regimen intelligentiae, recipiunt regimen creatoris intelligentiae, quod est quia non refugit regimen eius aliqua ex rebus omnino, quoniam vult ut faciat recipere bonitatem suam simul omnes res. Quod est quia non est quod omnis res desiderat intelligentiam nec desiderat recipere eam, et res omnes desiderant bonitatem ex primo et desiderant recipere ipsam desi derio multo. In illoa non est aliquis qui dubitet.

175 — Et la preuve en est que les choses qui reçoivent le gouvernement de l’intelligence, reçoivent le gouvernement du créateur de l’intelligence, car aucune d’entre les choses ne se soustrait à son gouvernement, puisqu’il veut faire en sorte que toutes choses reçoivent ensemble sa bonté. C’est pourquoi il n’est pas vrai que toute chose désire l’intelligence et désire la recevoir; toutes en revanche désirent la bonté venant du premier et, d’un grand désir, désirent la recevoir. Et il n’est personne qui en doute.

 

Chapitre 23

 

176 — Causa prima existit in rebus omnibus secundum dispositionem unam, sed res omnes non existunt in primai’ secundum dispositionem unam.

176 — La cause première existe en toutes choses selon une disposition une, mais toutes choses n’existent pas dans la cause première selon une disposition une.

177 — Quod est quia, quamvis causa prima existat in rebus omnibus, tamen unaquaeque rerum recipit eam secundum modum suae potentiae.

177 — Et cela parce que, bien que la cause première existe en toutes choses, chacune la reçoit selon la mesure de son propre pouvoir.

178 — Quod est quia, ex rebus sunt quae recipiunt causam primam receptione unita, et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione multiplicata, et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione aeterna, et ex eis sunt quae reci piunt eam receptione temporali, et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione spirituali, et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione corporali.

178 — En voici la raison parmi les choses, certaines reçoivent la cause première par une réception unitaire, d’autres la reçoivent par une réception multipliée; certaines par une réception éternelle, d’autres par une réception temporelle; certaines par une réception spirituelle, d’autres par une réception corporelle.

179 — Et diversitas quidem receptionis non fit ex causa prima sed prop ter recipiens. Quod est quia suscipiens diversificatur: propter illud ergo sus ceptum etiam diversificaturc. Influens vero existens unum non diversum, influit super omnes res bonitates aequaliter; bonitas namque influit super omnes res ex causa prima aequaliter. Res igitur sunt causa diversitatis influxionis bonitatis super res. Proculdubio igitur non inveniuntur res omnes in primad per modum unum. lam autem ostensum est quod causa prima invenitur in omnibus rebus per modum unum et non inveniuntur in ea omnes res per modum unum.

179 — Et la diversité de la réception ne dépend pas de la cause première mais du recevant: le recevant est diversifié, et c’est pour cette raison que ce qui est reçu est diversifié. Mais ce qui influe, en étant un et non divers, influe sur toutes choses ces bontés d’une façon égaie; en effet la bonté influe sur toutes choses à partir de la cause première d’une façon égale. Par con séquent, ce sont les choses qui causent la diversité de l’influx de la bonté sur les choses. Donc, sans aucun doute, toutes les choses ne se trouvent pas dans la cause première sur un mode unique. Ajoutons que, il est démontré que la cause première se trouve en toutes choses sur un mode unique, et que toutes les choses ne se trouvent pas en elle sur un mode unique.

180 — Ergo secundum propinquitatis causae primae et secundum modum quo res potest recipere causam primam, secundum quantitatem illius potest recipere ex ea et delectari per eam. Quod est quia non recipit res ex causa prima et delectatur in ea nisi per modum esse sui. Et non intelligo per esse nisi esse ete cognitionem, nam secundum modum quo cognoscit res causam primam creantem, secundum quantitatem illam recipit ex ea et delec tatur in ea, sicut ostendimus.

180 — C’est donc selon le degré de proximité de la cause première et selon l’aptitude de la réalité à l’accueillir que celle-ci peut, en proportion, recevoir d’elle et par elle se délecter. On peut l'expliquer ainsi: la réalité ne reçoit de la cause première et ne se délecte en elle que selon la mesure de son être propre. Et je n’entends par être rien d’autre que l’être et la connaissance en effet c’est dans la mesure où la réalité connaît la cause première créante qu’elle reçoit d’elle, en proportion, et se délecte en elle, comme nous l’avons montré.

 

Chapitre 24

 

181 — Substantiae unitae intellectibiles non sunt generatae ex re alia. Omnis substantia stans per essentiam suam est non generata ex re alia.

181 — Les substances intelligibles unifiées ne sont pas engendrées par autre chose. Toute substance subsistant par son essence propre n’est pas engendrée par autre chose.

182 — Quod si aliquis dicat: possibile est ut sit generata ex re alia, dicemus: si possibile est ut substantia stans per essentiam suam sit gene rata ex re alia, proculdubio est substantia illa diminuta, indigens ut com pleat eam illud ex quo generatur.

182 — Et si quelqu’un avance: « il est possible qu’elle soit engendrée par autre chose », nous répondrons: s’il est possible qu’une substance subsistant par son essence soit engendrée par autre chose, sans aucun doute cette substance est inachevée, ayant besoin que la complète ce à partir de quoi elle est engendrée.

183 — Et significatio illius est generatio ipsa.

183 — Ce qui le montre c’est la génération elle-même.

184 — Quod est quia generatio non est nisi via ex diminutione ad com plementum. Nam, si invenitur res non indigens in generatione sui, scilicet in sua forma et sua formatione, re alia nisi se et est ipsa causa formationis suae et sui complementi, est completa, integra semper.

184 — En effet, la génération n’est rien d’autre que le passage d’un état d’inachèvement à un état d’achèvement. Ajoutons que, s’il se trouve qu’une réalité n’a besoin de rien d’autre que soi dans la génération de soi, c’est-à-dire dans sa forme et sa formation, et si elle est elle-même cause de sa propre formation et de son propre achèvement, alors elle est toujours achevée et entière.

185 — Et non fit causa formationis suae et sui complementi nisi prop ter relationem suam ad causam suam semper. Illa ergo comparatio est for matio eius et ipsius complementum simul.

185 — Et elle n’est faite cause de sa formation et de son achèvement que par sa relation à ce qui est toujours sa cause. Cet appariement conjoint donc formation et achèvement de soi.

186 — lam ergo manifestum est quod omnis substantia stans per essen tiam suam non est generata ex re alia.

186 — Il est dès lors clair qu’aucune substance subsistant par son essence n’est engendrée par une réalité qui soit autre.

 

Chapitre 25

 

187 — Omnis substantia stans per seipsam est non cadens sub corruptione.

187 — Aucune substance subsistant par elle-même n’est soumise à la corruption.

188 — Si autem aliquis dicat: possibile est ut substantia stans per seip sam cadat sub corruptione, dicemus si possibile est ut substantia stans per seipsam cadat sub corruptione, possibile est ut separetur eius essentia et sit fixa, stans per essentiam suam, sine essentia sua. Et hoc est inconveniens et impossibile, quoniam, propterea quod est una, simplex, non composita, est ipsa causa et causatum simul. Omnis autem cadentis sub corruptione non fit corruptio nisi propter separationem suam a causa sua; dum vero permanet res pendens per causam suam retinentem eam et servantem eam, non perit neque destruitur. Si ergo hoc ita est, substantiae stantis per essen tiam suam non separatur causa semper, quoniam est inseparabilis ab essen tia sua, propterea quod causa eius est ipsa in formatione sui.

188 — Si quelqu’un dit « il est possible qu’une substance subsistant par elle-même tombe sous la corruption », nous répondrons: s’il est possible qu’une substance subsistant par elle-même tombe sous la corruption, alors il est possible que son essence en soit séparée, et que cette substance tienne sa subsistance et sa stabilité de son essence, sans son essence. Or cela est incongru et impossible, puisque, du fait qu’elle est une, simple et incomposée, elle est tout à la fois cause et effet. Toute chose tombant sous la corruption n’est corrompue que parce qu’elle se sépare de sa cause; mais tant qu’une réalité demeure suspendue à sa cause, qui la maintient et la conserve, elle ne périt ni n’est détruite. Si donc il en est ainsi la cause d’une substance subsistant par son essence n’en est jamais séparée puisqu’elle est inséparable de son essence, du fait que sa cause est elle-même dans son autoformation.

189 — Et non fit causa suiipsius nisi propter relationem suam ad cau sam suam; et illa relatio est formatio eius. Et propterea, quia est semper relata ad causam suam et ipsa est causa illius relationis, est ipsa causa suiip sius per modum quem diximus, quod non perit neque etiama destruitur, quo niam est causa et causatum simul, sicut ostendimus nuper.

189 — Et elle ne devient cause de soi que par sa relation à sa cause, et cette relation, c’est sa formation. Et pour cette raison, parce qu’elle est toujours reliée à sa cause, et qu’elle est elle-même cause de cette relation, elle est elle-même cause de soi-même, de la manière que nous avons indiquée: elle ne périt ni n’est détruite, puisqu’elle est à la fois cause et effet, comme nous l’avons montré il y a peu.

190 — lam ergo verificatum est quod omnis substantia stans per seip sam non destruitur neque corrumpitur.

190 — Il est désormais avéré qu’aucune substance subsistant par elle même ne se détruit ni se se corrompt.

 

Chapitre 26

 

191 — Omnis substantia destructibilis non sempiterna aut est compo sita aut est delata super rem aliam.

191 — Toute substance destructible et non-perpétuelle est soit composée soit supportée par autre chose.

192 — Propterea quod substantia aut est indigens rebus ex quibus est et est composita ex eis, aut est indigens in fixione sua et sua essentia defe rente. Cum ergo separatur deferens eam, corrumpitur et destruitur.

192 — Il en est ainsi parce qu’une telle substance, soit a besoin de choses dont elle tient son être et dont elle est composée, soit a besoin d’un support, pour sa stabilité et son essence. Ajoutons que, lorsque ce qui la supportait s’en sépare, elle se corrompt et se détruit.

193 — Quod si substantia non est composita neque delata, est simplex et semper, non destruitur neque minuitur omnino.

193 — Mais si une substance n’est ni composée ni supportée, elle est alors simple et perpétuelle et ne connaît aucune destruction ni aucune diminution.

 

Chapitre 27

 

194 — Omnis substantia stans per essentiam suam est simplex, non dividitur.

194 — Toute substance subsistant par son essence est simple, et n’est pas divisée.

195 Quod si dixerit aliquis: possibile est ut dividatur, dicemus: si possibile est ut substantia stans per se dividatur et est ipsa simplex, possi bile est ut essentia partis eius sit per essentiam eius iterum sicut essentia totius. Si ergo possibile est illud, redit pars super seipsam, et est omnis pars eius rediens super seipsam, sicut est reditio totius super essentiam suam; et hoc est impossibile. Si ergob est impossibile, substantia stans per seipsam est ind visibilis et est simplex.

195 — Et si quelqu’un rétorquait: « il est possible qu’elle soit divisée », nous répondrons: s’il est possible qu’une substance subsistant par elle-même soit divisée en même temps qu’elle est simple, alors il est possible que l’essence d’une sienne partie soit à son tour subsistante par son essence même, comme l’est l’essence du tout. Si cela donc est possible, cette partie fait retour sur elle-même, et chacune de ses parties fait retour sur elle-même, de même qu’il y a retour du tout sur sa propre essence; or cela est impossible. Et si cela est impossible, une substance subsistant par elle-même est donc indivisible et simple.

196 — Si autem non est simplex sed est composita, pars eius est melior parte et pars eius vilior parte, ergo res melior est ex re viliori et res vilior ex re meliori, quando est omnis pars eius seiuncta ab omne parte eius.

196 — A supposer qu’elle ne soit pas simple, mais composée, alors une partie est meilleure que l’autre, une partie pire que l’autre, et le meilleur provient du pire et le pire du meilleur, lorsque chacune de ses parties est séparée de chaque autre de ses parties.

197 — Quare est universitas eius non sufficiens per seipsam, cum mdi geat partibus suis ex quibus componitur. Et hoc quidem non est de natura rei simplicis, immo de natura substantiarum compositarum.

197 — Dans ces conditions, sa totalité n'est pas suffisante par elle-même, puisqu’elle a besoin de ses parties qui la composent. De vrai, cela ne relève pas de la nature du simple, mais de la nature des substances composées.

198 — lam ergo constat quod omnis substantia stans per essentiam suam est simplex, non dividitur; et, quando non recipit divisionem et est sim plex, non est recipiens corruptionem neque destructionem.

198 — Il est désormais acquis que toute substance subsistant par son essence est simple et non divisée; et puisqu’elle est simple et n’admet pas la division, elle n’admet ni la corruption ni la destruction.

 

Chapitre 28

 

199 — Omnis substantia simplex est stans per seipsam, scilicet per essen tiam suam.

199 — Toute substance simple est subsistante par elle-même, c’est-à-dire du fait de sa propre essence.

200 — Nam ipsa est creata sine tempore, et est in substantialitate sua superior substantiis temporalibus.

200 — Car elle-même est créée en dehors du temps, et, dans sa propre substantialité, est au-dessus des substances temporelles.

201 — Et significatio illius est quod non est generata ex aliquo, quo niam est stans per essentiam suam; et substantiae generatae ex aliquo sunt substantiae compositae cadentes sub generatione.

201 — La preuve en est qu’elle n’est pas engendrée à partir de quelque chose, puisqu’elle est subsistante par son essence, alors que les substances engendrées à partir de quelque chose sont des substances composées soumises à la génération.

202 — lam ergo manifestum est quod omnis substantia stans per essen tiam suam non est nisi in non tempore et quiaa est altior et superior tem pore et rebus temporalibus.

202 — Il est désormais clair que toute substance subsistant par son essence ne peut être que dans l’intemporel, parce qu’elle est plus haute et plus élevée que le temps et les choses temporelles.

 

Chapitre 29

 

203 — Omnis substantia creata in tempore aut est semper in tempore et tempus non superfluit ab ea quoniam est creata et tempus aequaliter, aut superfluit super tempus et tempus superfluit ab ea, quoniam est creata in quibusdam horis temporis.

203 — Toute substance créée dans le temps, ou bien est toujours dans le temps, et le temps ne l’excède pas, puisque sa création coïncide avec celle du temps; ou bien elle excède le temps et le temps l’excède puisqu’elle est créée en certaines portions du temps.

204 — Quod est quia si creata sequuntur se ad invicem et substantiam superiorem non sequitur nisi substantia ci similis, non substantia dissimilis ei, sunt substantiae similes substantiae superiori — et sunt substantiae crea tae a quibus non superfluit tempus — ante substantias quae non assimilan tur substantiis sempiternis, et sunt substantiae abscissae a tempore, creatae in quibusdam horis temporis. Non est ergo possibile ut continuentur subs tantiae creatae in quibusdam horis temporis cum substantiis sempiternis, quoniam non assimilantur eis omnino. Substantiae ergo sempiternae in tem pore sunt illae quae continuantur cum substantiis sempiternis, et sunt mediae inter substantias fixas et inter substantias sectas in tempore. Et non est pos sibile ut substantiae sempiternae quae sunt supra tempus sequantur subs tantias temporales creatas in tempore, nisi mediantibus substantiis tempo ralibus sempiternis in tempore.

204 — La raison en est la suivante: si les choses créées s’enchaînent les unes les autres, et qu’à une substance supérieure ne s’enchaîne qu’une substance semblable, et non pas une dissemblable, il y a des substances semblables à la substance supérieure — ce sont les substances créées que le temps n’excède pas — avant les substances qui ne sont pas semblables aux substances perpétuelles, et il y a des substances qui sont découpées par le temps, créées dans certaines portions du temps. Il n’est donc pas possible que les substances créées dans certaines portions du temps soient en continuité avec les substances perpétuelles, puisqu’elles ne leur sont absolument pas semblables. Donc les substances perpétuelles dans le temps sont celles qui sont en continuité avec les substances perpétuelles, et elles sont intermédiaires entre les substances stables et les substances découpées dans le temps. Et il n’est pas possible que les substances perpétuelles qui sont au-dessus du temps jouxtent les substances temporelles créées dans le temps, si ce n’est par l’intermédiaire des substances temporelles qui perdurent dans le temps.

205 — Et istae quidem substantiae non factae sunt mediae, nisi quo niam ipsae communicant substantiis sublimibus in permanentia et commu nicant substantiis temporalibus abscissis in tempore per generationem; ipsae enim, quamvis sint sempiternae, tamen permanentia earum est per genera tionem et motum.

205 — Et ces substances n’ont été faites intermédiaires que parce qu’elles communiquent d’une part avec les substances les plus hautes dans la permanence, et d’autre part avec les substances temporelles découpées dans le temps par la génération; en effet, elles-mêmes, bien qu’elles soient perpétuelles, ont cependant leur permanence à travers la génération et le mouvement.

206 — Et substantiae sempiternae cum tempore sunt similes substantiis sempiternis quae sunt supra tempus per durabilitatem et non assimilantur eis in motu et generatione. Substantiae autem sectae in tempore non assimi lantur substantiis sempiternis quae sunt supra tempus per aliquem modorum. Si ergo non assimilantur eis, tunc non possunt recipere cas neque tangere cas. Necessariae ergo sunt substantiae quae tangunt substantias sempiter nas quae sunt supra tempus, et erunt tangentes substantias sectas in tempore.

206 — Et les substances perpétuelles qui vont avec le temps sont semblables par la capacité de durer aux substances perpétuelles qui sont au-dessus du temps, mais ne leur sont pas semblables dans la mesure où elles sont en mouvement et en génération. Mais les substances découpées dans le temps ne sont semblables aux substances perpétuelles qui sont au-dessus du temps d’aucune de ces façons. Si donc elles ne leur sont pas semblables, elles ne peuvent les recevoir ni entrer en leur contact. Sont donc nécessaires les substances qui sont en contact avec les perpétuelles qui sont au-dessus du temps elles seront aussi en contact avec les substances découpées dans le temps.

207 — Ergo aggregabunt per motum suum inter substantias sectas in tempore et inter substantias sempiternas quae sunt supra tempus. Et aggre gabunt per durabilitatem suam inter substantias quae sunt supra tempus et inter substantias quae sunt sub tempore, scilicet cadentes sub generatione et corruptione. Et aggregabunt inter substantias bonas et inter substantias viles, ut non priventur substantiae viles substantiis bonis et priventur omni bonitate et omni conveniente, et non sit eis remanentia neque fixio.

207 — Donc elles se rassembleront par leur mouvement propre entre les substances découpées dans le temps et les substances perpétuelles qui sont au-dessus du temps. Et elles se rassembleront par leur capacité de durer entre les substances qui sont au-dessus du temps et les substances qui sont en- dessous du temps, c’est-à-dire soumises à la génération et à la corruption. Et elles se rassembleront entre les substances bonnes et les substances viles, afin que les substances viles ne soient pas privées des substances bonnes, de toute bonté et de toute convenance, et que permanence et stabilité ne leur fassent pas défaut.

208 — lam ergo ostensum est ex hoc quod durabilitatis duae sunt spe cies quarum una est aeterna, et altera est temporalis. Verumtamen una dura bilitatum duarum est stans, quieta, et durabilitas altera movetur; et una earum aggregatur et operationes eius omnes simul, neque quaedam earum est ante quamdam, et altera est currens, extensa, quaedam operationes eius sunt ante quasdam. Et universalitas unius earum est per essentiam suam, et universalitas alterius est per partes suas quarum unaquaeque est seiuncta suae compari per modum primum et postremum.

208 — Il est donc désormais démontré, à partir de cela, qu’il y a deux espèces de capacité de durer: l’une est éternelle, l’autre est temporelle. La première subsiste, en repos; la seconde est mue. La première est rassemblée sur elle-même et toutes ses opérations sont simultanées, aucune n’étant antérieure à une autre; la seconde coule et s’étend, et certaines de ses opérations sont avant les autres. La totalité de la première résulte de son essence la totalité de la seconde résulte de ses parties, dont chacune est séparée de sa pareille selon l’ordre de l’antérieur et du postérieur.

209 — lam ergo manifestum est quod substantiarum quaedam sunt quae sempiternae sunt supra tempus, et ex eis sunt sempiternae aequales tempori et tempus non superfluit ab eis, et ex eis sunt quae abscissae sunt a tempore et tempus superfluit ab eis ex superiori earum et ipsarum inferiori, scilicet ex principio earum usque ad extremum ipsarum, et sunt substantiae caden tes sub generatione et corruptione.

209 — Il est donc ainsi évident que certaines substances perpétuelles sont au-dessus du temps, que d’autres sont perpétuelles, égales au temps, et le temps ne les excède pas, que d’autres sont découpées par le temps, et le temps les excède, de la plus haute à la plus basse d’entre elles, c’est-à-dire de leur principe à leur terme — et ce sont les substances qui tombent sous la génération et la corruption.

 

Chapitre 30

 

210 — Inter rem cuius substantia et actio sunt in momento aeternitatis et inter rem cuius substantia et actio sunt in momento temporis existens est medium, et est illud cuius substantia est ex momento aeternitatis et opera tio ex momento temporis.

210 — Entre une réalité dont la substance et l’activité sont dans le moment de l’éternité et une réalité dont la substance et l’activité sont dans le moment du temps, il existe un intermédiaire: celui-ci est ce dont la substance relève du moment de l’éternité et dont l’opération relève du moment du temps.

211 — Quod est quia res cuius substantia cadit sub tempore, scilicet quia tempus continet eam, est in omnibus dispositionibus suis cadens sub tempore, quare et eius actio cadit sub tempore quoniam quando substan tia rei cadit sub tempore, proculdubio et eius actio cadit sub tempore. Res autem cadens sub tempore in omnibus dispositionibus suis seiuncta est a re cadente sub aeternitate in omnibus dispositionibus suis. Continuatio autem non est nisi in rebus similibus. Necesse est igitur ut sit res alia tertia media inter utrasque cuius substantia cadat sub aeternitate et ipsius actio cadat sub tempore.

211 — En voici la raison: une réalité dont la substance tombe sous le temps, c’est-à-dire que le temps contient, tombe selon toutes ses dispositions sous le temps, c’est pourquoi son action aussi tombe sous le temps, étant donné que lorsque la substance de la réalité tombe sous le temps, sans nul doute son action tombe également sous le temps. Mais la réalité qui tombe sous le temps selon toutes ses dispositions est séparée de la réalité qui tombe sous l’éternité selon toutes ses dispositions. Or la continuité n’existe qu’entre choses semblables. Il est donc nécessaire qu’il y ait une troisième chose, autre, intermédiaire entre elles deux, dont la substance tombe sous l’éternité et l’action tombe sous le temps.

212 — Impossibile namque est ut sit res cuius substantia cadat sub tem pore et actio eius sub aeternitate: sic enim actio eius melior esset ipsius subs tantia; hoc autem est impossibile.

212 — En effet, il est impossible qu’il y ait une réalité dont la substance tombe sous le temps et donc l’action tombe sous l’éternité, car son action serait alors meilleure que sa substance, ce qui est impossible.

213 — Manifestum igitur est quod inter res cadentes sub tempore cum suis substantiis et suis actionibus et inter res quarum substantiae et actiones sunt cadentes sub momento aeternitatis sunt res cadentes sub aeternitate per substantias suas et cadentes sub tempore per operationes suas, sicut ostendimus.

213 — Il est dès lors clair qu’entre les choses qui tombent sous le temps avec leur substance comme avec leur action, et celles dont la substance et l’action tombent sous le moment de l’éternité, il existe les choses qui tombent sous l’éternité par leur substance et sous le temps par leurs opérations, comme nous l’avons montré.

 

Chapitre 31

 

214 — Omnis substantia cadens in quibusdam dispositionibus suis sub aeternitate et cadens in quibusdam dispositionibus suis sub tempore est ens et generatio simul.

214 — Toute substance tombant sous l’éternité en certaines de ses dispositions et sous le temps en certaines autres de ses dispositions, est à la fois être et génération.

215 — Omnis enim res cadens sub aeternitate est ens vere et omnis res cadens sub tempore est generatio vere. Si ergo hoc ita est tunc, si res una est cadens sub aeternitate et tempore, est ens et generatio non per modum unum sed per modum et modum.

215 — En effet, toute chose qui tombe sous l’éternité est véritablement être, et toute chose qui tombe sous le temps est véritablement génération. Si donc il en est ainsi, alors une réalité une qui tombe sous l’éternité et sous le temps est être et génération non pas par un mode unique, mais par divers modes.

216 — lam ergo manifestum est ex eo quod diximus, quod omne gene ratum cadens per substantiam suam sub tempore est habens substantiam pendentem per ens purum quod est causa durabilitatis et causa rerum sem piternarum omnium et destructibilium.

216 — Il est désormais manifeste, à partir de ce que nous avons dit, que tout engendré tombant par sa substance sous le temps possède une substance qui dépend de l’être pur, lequel est la cause de la capacité à durer et la cause de toutes les choses, perpétuelles aussi bien que périssables.

217 — Necessarium est Unum faciens adipisci unitates et ipsum non adipiscatur, sed reliquae unitates omnes sunt acquisitae.

217 — Il est nécessaire qu’un Un fasse acquérir les unités et que lui-même n’acquière rien mais que toutes les autres unités soient acquises.

218 — Et illius quidem significatio est quod dic: si invenitur Unum faciens acquirere non acquisitum, tunc quae differentia inter ipsum et pri mum acquirere faciens ? Non enim potest esse quin aut sit simile ei in omni bus dispositionibus suis aut sit inter utraque differentia. Si ergo est simile ei in omnibus dispositionibus suis, tunc unum eorum non est primum et alte rum secundum. Et si unum eorum non est simile alteri in omnibus disposi tionibus suis, tunc proculdubio unum eorum est primum et alterum secun dum. IlIud ergo in quo est unitas fixa non inventa ex alio, est Unum pri mum verum, sicut ostendimus; et illud in quo est unitas inventa ex alio est praeter Unum primum verum. Si ergo est ex alio, est ex Uno primo acqui sita unitas. Provenit ergo inde, ut Uni puro vero et reliquis unis sit unitas iterum, et non sit unitas nisi propter Unum verum quod est causa unitatis.

218 — Et voici la preuve de ce que je dis: s’il se trouve un autre Un qui fasse acquérir et ne soit pas acquis, quelle est alors la différence entre lui et le premier qui fait acquérir ? Il n’est d’autres possibilités que les sui vantes: ou bien il lui est semblable en toutes ses dispositions, ou bien il y a de l’un à l’autre une différence. Si donc il lui est semblable en toutes ses dispositions, il n’y a entre eux ni premier ni second. Et si l’un n’est pas semblable à l’autre dans toutes ses dispositions, sans nul doute l’un est premier et l’autre second. Donc ce en quoi il y a une unité stable qui n’est pas tirée d’un autre, c’est l’Un premier et vrai, comme nous l’avons montré; et ce en quoi il y a une unité obtenue à partir d’un autre, est en-deçà de l’Un premier et vrai. Si donc il provient d’autre chose, son unité est acquise de l’Un premier. De là vient qu’il y a unité pour l’Un pur et vrai et aussi pour les autres uns, et qu’il n’y a d’unité que par l’Un vrai, qui est cause de l’unité.

219 — lam ergo manifestum est et planum quod omnis unitas post Unum verum est acquisita, creata; verumtamen Unum verum purum est creans unitates, faciens acquirere, non acquisitum, sicut ostendimus.

219 — Dès lors, il est clair et évident que toute unité après l’Un vrai est quelque chose de créé et d’acquis, mais que l’Un vrai et pur crée les unités, faisant acquérir et non acquis, comme nous l’avons montré.