DU ROYAUME

Écrit au Roi de Chypre

De regno ad regem Cypri

PAR SAINT THOMAS d’AQUIN, Docteur de l'Eglise

(1265-1266)

Fin de l'opuscule par Ptolémée de Lucques

Traduction Père Marie Martin-Cottier op, 1946

Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

PRÉFACE DU TRADUCTEUR_ 4

L’authenticité de l’opuscule « De Regno »_ 6

Le plan_ 7

Prologue_ 8

LIVRE 1 — NATURE DE LA ROYAUTÉ_ 8

CHAPITRE 1 — DÉFINITION DE LA ROYAUTÉ_ 8

Les êtres qui tendent à une fin par diverses voies ont besoin d’un principe directeur 8

Par nature, l’homme est un animal social et politique_ 9

Le propre de l’homme est d’user du langage_ 10

Nécessité pour le corps social d’avoir une force directrice_ 10

Gouvernement juste et gouvernement injuste_ 11

Les gouvernements injustes 11

Les gouvernements justes 12

La notion de roi 12

CHAPITRE 2 — LA ROYAUTÉ EST LE MEILLEUR RÉGIME, EN RAISON DE L’UNITÉ_ 13

Celui qui dirige la multitude doit procurer l’unité de la paix_ 13

Principe de l’unité de gouvernement 14

Conformité à la nature_ 14

Conformité à la raison L’art et la nature_ 14

L’expérience_ 15

CHAPITRE 3 — LA TYRANNIE EST LE PIRE RÉGIME_ 15

Plus un gouvernement s’éloigne du bien commun, plus il est injuste_ 16

La cause du bien et du beau est une, tandis que le mal et la laideur découlent de causes multiples 16

Le tyran recherche son intérêt au mépris du bien commun_ 17

La sécurité ne peut reposer que sur le droit, non pas sur la volonté du tyran_ 17

La tyrannie corrompt les âmes 17

CHAPITRE 4 — LES DÉSAVANTAGES DE LA ROYAUTÉ_ 19

Le gouvernement d’un seul est le meilleur et le pire régime_ 19

L’exemple de Rome_ 19

Ceux qui sont gouvernés par un roi s’appliquent généralement moins à la recherche du bien commun_ 19

L’établissement de la tyrannie_ 20

Même évolution chez les Hébreux_ 20

Il y a un double danger 21

CHAPITRE 5 — LA TYRANNIE DE PLUSIEURS EST LA PIRE_ 21

De deux maux, il faut choisir le moindre La tyrannie d’un seul est moins redoutable que la tyrannie de plusieurs  21

Le danger de discorde est plus grand dans un gouvernement collectif 21

Un gouvernement collectif dégénère plus fréquemment en tyrannie_ 22

CHAPITRE 6 — IL FAUT PARER A LA TYRANNIE_ 23

Il faut empêcher la royauté de se changer en tyrannie_ 23

Il faut enfin se soucier, au cas où le roi tomberait dans la tyrannie, de la manière de s’y opposer 23

Mérites, sur le plan surnaturel, à supporter le tyran Il n’appartient pas à une initiative personnelle de pouvoir tuer le tyran  24

C’est l’autorité publique qui doit supprimer le tyran_ 25

Il faut recourir à une autorité supérieure, s’il y a lieu_ 26

Il faut recourir à Dieu, qui a pouvoir sur le tyran_ 26

CHAPITRE 7 — UNE RÉCOMPENSE TEMPORELLE EST INSUFFISANTE POUR LE ROI 27

Quelle doit être la récompense d’un bon roi ?_ 27

Raison pour laquelle il semble que la gloire et l’honneur soient une récompense pour les rois 27

Mais cette récompense est insuffisante : 27

La recherche de la gloire tolérée comme moindre mal 29

CHAPITRE 8 — LA BÉATITUDE ÉTERNELLE EST LA RÉCOMPENSE DU ROI 30

Le roi doit attendre sa récompense de Dieu_ 30

Naturellement l’âme désire la béatitude_ 31

Qu’est-ce que la béatitude ?_ 32

Dieu seul peut être une récompense convenable pour le roi 33

C’est la gloire de Dieu, non des hommes, que recherchent les bons rois 34

CHAPITRE 9 — LE ROI OBTIENT LA BÉATITUDE LA PLUS HAUTE_ 34

Il faut d’autant plus de vertu qu’on a plus d’hommes à gouverner Plus grande est la vertu, plus grande sera la béatitude  34

Partout ceux qui dirigent les autres méritent plus de louange_ 35

Le bien de la multitude est plus grand que celui de l’individu La vertu qui procure ce bien est plus grande_ 35

Les rois méritent louange et récompense pour leurs bonnes œuvres 35

La vertu royale porte la ressemblance de Dieu_ 36

Les tentations du pouvoir 36

Les princes sont dignes d’indulgence_ 37

Confirmation par l’Ecriture sainte_ 37

CHAPITRE 10 — LES TYRANS SONT PRIVÉS DES BIENS TEMPORELS_ 37

La récompense céleste doit pousser les rois à bien gouverner 37

Les biens temporels profitent plus à ceux qui sont justes Les tyrans sont privés du premier de ces biens, l’amitié des sujets  38

Les bons rois sont aimés de leurs sujets, ce qui est cause de stabilité_ 39

La domination des tyrans ne peut durer longtemps 39

Ne pouvant pas compter sur la fidélité, le tyran règne par la crainte Celle-ci est un fondement fragile_ 40

Exemples dans l’histoire_ 40

Dieu permet les tyrans pour punir le peuple_ 41

Les rois justes acquièrent plus de richesses que les tyrans 41

Les bons rois laissent une bonne renommée_ 42

CHAPITRE 11 — UN CHATIMENT ÉTERNEL EST LA PUNITION DES TYRANS_ 42

On acquiert par la justice les biens que les tyrans convoitent, au prix de l’injustice_ 42

Le tyran mérite le châtiment éternel 43

Il est rare que les tyrans se repentent 43

Les tyrans sont responsables des crimes de leurs successeurs 43

La dignité de leur fonction aggrave leur péché_ 43

Celui qui gouverne doit donc se montrer roi, non tyran_ 44

Questions précédemment traitées 44

Le gouvernement du monde par Dieu_ 44

CHAPITRE 12 — L’OFFICE DU ROI 45

Le gouvernement de la raison dans l’homme_ 45

L’unité de la société est assurée par un principe directeur 45

La vocation de roi 45

CHAPITRE 13 — LES DEVOIRS DU ROI 45

Les deux opérations de Dieu dans le monde et celles de l’âme dans le corps 45

Les deux fonctions du roi : la fondation et le gouvernement de la cité_ 46

Référence au récit de la Genèse_ 47

Devoirs du fondateur de cité ou de royaume_ 47

CHAPITRE 14 — LE POUVOIR SPIRITUEL ET LE POUVOIR TEMPOREL 48

Gouverner un être consiste à le conduire pers sa fin_ 48

La béatitude dernière de l’homme Il appartient à l’Eglise de nous conduire_ 49

La fin de la société humaine_ 49

La voie bonne rassemble les hommes en société_ 50

La royauté temporelle et la Royauté du Christ Distinction du spirituel et du temporel 50

Le sacerdoce sous la Loi Ancienne et chez les païens était soumis aux rois 51

CHAPITRE 15 — LE ROI DOIT PROCURER LA VIE BONNE A LA MULTITUDE_ 52

Soumise au sacerdoce, qui regarde la fin ultime, la royauté, qui regarde la vie bonne de la multitude, doit y subordonner, comme à leur fin, les autres biens particuliers 52

Le roi doit s’appliquer à ce que la multitude mène une vie bonne_ 52

Il y a deux conditions pour qu’un homme mène une vie bonne_ 53

Trois conditions sont requises pour instituer la pie bonne de la multitude_ 53

Le roi doit conserver la vie bonne Il y a un triple obstacle au bien public_ 54

Le roi doit faire face à ce triple obstacle_ 54

Le roi doit se soucier du progrès dans la vie bonne_ 55

LIVRE 2 — CONDITIONNEMENTS DE LA CITÉ_ 57

CHAPITRE 1 — INFLUENCE DES FACTEURS CLIMATÉRIQUES SUR LA VIE DE LA CITÉ_ 57

La fondation d’une ville donne au roi une grande gloire_ 57

Le roi doit rechercher un climat tempéré_ 57

Un bon climat procure la santé_ 57

Avantages pour la défense militaire_ 58

Avantages pour la vie publique_ 58

CHAPITRE 2 — LES CONDITIONS HYGIÉNIQUES REQUISES PAR LA VIE DE LA CITE_ 59

Nécessité d’un air salubre Conditions de cette salubrité_ 59

Nécessité d’une bonne exposition_ 60

La salubrité des aliments 60

La salubrité de l’eau_ 61

Les signes de la salubrité d’un lieu_ 61

CHAPITRE 3 — L’ORGANISATION DE LA PRODUCTION ET DU COMMERCE_ 62

Le territoire d’une ville doit suffire à la nourrir 62

Il est plus avantageux pour une ville de tirer ses vivres de son propre territoire que de se les procurer par le commerce  62

L’importation des produits court de nombreux risques 62

Un trop grand nombre de marchands nuit à la vie civile_ 63

Les citoyens qui poursuivent un but lucratif se corrompent 63

La pratique du commerce nuit aux exercices militaires 63

Il faut éviter les rassemblements d’hommes trop fréquents 64

Cependant, le commerce est utile_ 64

CHAPITRE 4 — LE ROLE DES PLAISIRS DANS LA VIE HUMAINE_ 64

L’emplacement d’une ville doit être agréable_ 64

Il faut user des plaisirs avec mesure_ 65

Les plaisirs superflus font perdre la vertu_ 65

Les plaisirs exagérés sont contraires aux vertus militaires 65

La recherche du plaisir rend vicieux_ 65

Un plaisir modéré est nécessaire à la vie humaine_ 66

Le plaisir doit être recherché comme un moyen pour la fin, qui est la vie vertueuse_ 66

A PARTIR D’ICI, LE TEXTE EST DE PTOLEMEE DE LUQUE_ 67

LIVRE 3 — L’ORIGINE DIVINE DE TOUT POUVOIR (Par Ptolémée de Lucques) 102

LIVRE 4 — (par Ptolémée de Lucques) 173

 

 

PRÉFACE DU TRADUCTEUR

 

Le De Regno ne contient pas la doctrine politique complète de saint Thomas. S'adressant à un roi régnant, il tient la royauté comme un fait établi dont on partira pour exercer un gouvernement juste.

La doctrine politique de saint Thomas est complexe, car le problème est traité par lui, en divers endroits de son œuvre, de points de vue différents. On peut, en effet, l'envisager sous trois optiques. La première est purement théorique. C'est, par exemple, celle qu'adopte Platon dans la République : il s'agit d'établir le paradigme idéal de la cité, intrinsèquement la meilleure, sans qu'il y ait lieu de se demander §.i les conditions matérielles ou historiques la rendent réalisable. Ainsi saint Thomas affirme la supériorité de la royauté sur les autres régimes, en vertu de l'unité qu'elle donne à la société parce que l'unité est le premier bien d'une chose, et donc d'une société, qui est dans la mesure où elle est une.

La seconde serait celle du législateur à qu’il incombe de fonder ou d'organiser une cité, en s'inspirant, certes, d'un modèle idéal et de principes, mais aussi en tenant compte de toutes les particularités concrètes. C'est à peu près la situation qu'imagine Platon dans Les Lois où les trois interlocuteurs du dialogue sont censés donner leur avis pour la fondation d'une cité en Crète : ici, tous les facteurs historiques, ethniques, linguistiques, géographiques, économiques, etc., sont déterminants. Une troisième optique, que l'on situerait entre les deux premières, envisagerait le problème spéculativement, tout en prévoyant les facteurs concrets qui peuvent intervenir, non pas dans tel ou tel cas particulier, mais en général : on prévoira les déficiences dues à la faiblesse humaine, ou bien, étant donné tel régime qui nous serait apparu en soi comme le meilleur, on se préoccupera de ce qui est capable d'en garantir le bon fonctionnement ou, au contraire, de ce qui menacerait de le corrompre. Saint Thomas adopte tantôt le premier, tantôt le dernier de ces points de vue, en laissant au lecteur le soin de les discerner. Ainsi quand il faudra déterminer parmi les régimes-types, idéals, dont chacun met l'accent sur une qualité propre, lequel est préférable, il nous dira, nous l'avons vu, que le meilleur régime est la royauté en raison de l'unité qu'elle apporte. Quel est maintenant le régime capable de fonctionner le mieux, non pas dans tel cas précis, mais étant donné la faiblesse de l'homme ? Ce sera un régime mixte combinant entre eux les avantages de chacun des régimes-types : royauté, aristocratie, mocratie[1].

Il faut se garder de l'erreur qui consisterait à attribuer au De Regno un contenu « royaliste » au sens où l'entendent, par exemple, les monarchistes d'aujourd’hui. La royauté, pour saint Thomas, est un régime; elle concerne donc la structure de la société tout entière : le fait de savoir qui détiendra l'ecutif dans l'Etat n'est qu'un des aspects du problème, et nous dirions : secondaire. En tout cas, le saint Docteur s'élève contre la thèse qui fait du roi un monarque absolu de droit divin. Un gouvernement du type de celui de Louis XIV n'est pas une monarchie comme il la définit. Il faut donc prendre garde de ne pas nous laisser tromper par la consonance historique, voire politique, des mots : le roi, tel qu'il l'entend, peut aussi bien être un roi proprement dit qu'un prince ou un président, d'autant plus que la question de l'hérédité ou de l'élection est accessoire et n'intéresse pas sa définition[2]. De plus, comme l'écrit M. Etienne Gilson, quand saint Thomas dit que la monarchie est le meilleur régime politique, il faut entendre par là : « que le meilleur des régimes politiques est celui qui soumet le corps social au gouvernement d'un seul, mais non pas que le régime le meilleur soit le gouvernement de l'Etat par un seul ».

M. Marcel Demongeot résume ainsi les notes dominantes de la royauté, selon saint Thomas : « C'est l'organisation politique selon laquelle un peuple, naturellement inégal et inapte à la liberté politique, est dirigé par un seul homme qui est roi en raison d'une valeur éminente et qui gouverne à vie, sans être soumis à une loi constitutionnelle, mais conformément à la loi naturelle, pour le bien et avec l'assentiment de ses sujets »[3]. Ainsi, un des caractères principaux du roi est sa supériorité sur ses sujets : ceux-ci sont par rapport à lui comme des mineurs vis-à-vis d'un adulte. Nous dirions aujourd'hui que la royauté suppose un certain paternalisme dans les relations de gouvernant à gouvernés. Or, dans certains pays, un phénomène historique s'est produit ces derniers siècles : les peuples tendent à accéder- d la majorité politique. Voilà· un facteur nouveau qui nous 'avertit qu'en vertu même des principes énoncés par saint Thomas la royauté dans son type pur ne saurait être appliquée telle quelle[4]. Du reste, le saint nous avertit, dans un texte de la Somme, des éléments principaux qui entrent en ligne de compte dans la constitution d'une cité : cc Pour que l'ordonnance des pouvoirs soit bonne, dans une cité ou dans un peuple quelconque, il faut prendre garde à deux choses. La première, que tous les citoyens aient une certaine part d'autorité. C'est le moyen de maintenir la paix dans le peuple, car tout le monde aime un arrangement de ce genre et tient à le conserver, comme dit Aristote au livre II de sa Politique (lect. 14). La deuxième se rapporte aux diverses espèces de régimes, ou de répartitions des autorités. Car il y en a plusieurs espèces, exposées par Aristote dans sa Politique (livre II l, lect. 6), et dont voici les deux principales : la royauté (regnum), où un seul exerce le pouvoir en raison de sa vertu, et l'aristocratie, c'est-à-dire le commandement des hommes d'élite (potestas optimatum), où un petit nombre exerce le pouvoir en raison de sa vertu. En conséquence, voici la répartition la meilleure du pouvoir dans une cité ou un royaume quelconque : d'abord, un chef unique, choisi pour sa vertu, qui soit à la tête de tous, puis, au-dessous de lui, quelques chefs choisis pour leur vertu. 'Pour être celle de quelques-uns, leur autorité n'en est pas moins celle de tout le monde, parce qu'ils peuvent être choisis dans tout le peuple, ou même, qu'en fait, ils y sont choisis. Voilà donc la politie (politia) la meilleure de toutes. Elle est bien dosée (bene commixta) : de royauté, en tant qu'un seul y commande; d'aristocratie, en tant que plusieurs y exercent le pouvoir en raison de leur vertu; de démocratie, enfin, c'est-à-dire du pouvoir du peuple (ex democratia, id est, potestate populi), en tant que les chefs peuvent y être choisis dans les rangs du peuple, et que c'est au peuple qu'appartient l'élection des chefs»[5].

Si l'on veut un point de comparaison pour ce qui touche le genre de cet écrit et non le fond de la doctrine, où l'on trouverait des divergences avec saint Thomas, pensons à Bossuet écrivant à l'usage du Dauphin les règles morales dont il devra s'éclairer dans l'exercice de sa fonction. Le De Regno est un guide de politique chtienne adressé à un roi au pouvoir : ce que celui-ci devait y puiser, ce sont les grands principes dont tout chrétien travaillant au gouvernement de la cité temporelle doit s'inspirer. Quelle est la fin de cette société, quels sont les droits et les devoirs des gouvernants et des gouvernés, quels sont les rapports du spirituel au temporel, ce sont ces questions fondamentales auxquelles il doit savoir répondre par une solution vraie à laquelle sans transiger il confortera sa conduite. Ajoutons que l'opuscule est adressé à un prince chrétien gouvernant des sujets chrétiens; c'est une situation qui ne se rencontre plus guère aujourd'hui : sur ce point encore, en vertu de la loi posée par le saint, qu'il faut tenir compte des circonstances, l'application des mêmes principes pourra offrir des modalités multiples. Au travers des circonstances historiques changeantes, les exigences de la vérité sont toujours urgentes et actuelles.

 

*

*    *

Nous avons eu sous les yeux deux traductions françaises du présent texte : la première a paru au tome III de l'édition des Opuscules de saint Thomas, Louis Vivès, Paris, 1857; elle est due à M. l'abbé Bandel, la seconde, œuvre de M. Roguet, a été éditée à la Librairie du Dauphin, Paris, 1931, sous le titre : Du gouvernement royal. Elle est précédée d'une préface développée de M. l'abbé Charles Journet. A cette deuxième traduction notamment, nous avons fait plusieurs emprunts. Nous devons dire ici à M. l'abbé Journet, dont les conseils nous ont constamment aidé dans. ce travail, toute notre reconnaissance. C'est à lui, encore, que nous devons la notice historique et le plan qui suivent, ainsi que plusieurs notes. Nous remercions de même R. P. Kaelin qui a bien voulu relire cette traduction et nous suggéra plusieurs corrections, et notre ami Paul Rousset qui nous a précieusement éclairé de sa science d'historien.

 

 

L’authenticité de l’opuscule « De Regno »

 

L'opuscule De Regno, ad regem Cypri figure au catalogue des œuvres de saint Thomas qui fut inséré dans le procès de canonisation et qui fut dressé, comme l'a montré le P. Mandonnet[6], sur l'ordre du chapitre général des Prêcheurs, par le secrétaire même de saint Thomas, Reynald de Piperno.

Suivant les recherches du P. Mandonnet, il faut dater cet écrit des années 1265-1267[7]. L'île de Chypre, conquise sur les Comnènes en 1191 par Richard Cœur de Lion et passée peu après aux Lusignans, avait alors pour roi un enfant, Hugues II (1253-1267) qui fut roi dès le berceau et mourut à quatorze ans et dont le successeur, Hugues le Grand, deva'it prendre, en 1269, le double titre de roi de Chypre et de. Jérusalem[8].

Si incontestable que soit l'authenticité de l'opuscule au roi de Chypre, les quatre livres qui nous sont parvenus sous des titres un peu différents De rege et regno, ou De regimine principum, soulèvent un problème de critique textuelle que le P. Mandonnet formule en ces termes : « Le De regno, appelé après coup De regimine principum, est considéré comme inachevé, parce qu'il a été continué par Ptolémée de Lucques. La partie authentique est censée s'achever à la fin du chapitre 4 (IV) du second livre. Il reste à vérifier sur les manuscrits si le traité primitif ntait pas complet et si le continuateur n'en a pas modifié l'économie générale pour le faire concorder avec son œuvre personnelle[9]. »

Le point d'art du texte de saint Thomas se trouve, en effet, au second livre, un peu avant la fin du chapitre 4 (IV) dans le codex de Sainte-Geneviève, presque au début du chapitre 5 (V) dans le codex de Saint-Victor.

Saint Thomas aurait-il été interrompu dans son travail en apprenant la mort d’Hugues II ?

 

 

Le plan

 

A supposer que Ptolémée de Lucques ne se soit pas contenté simplement d'ajouter au texte de saint Thomas, il est du moins peu probable qu'il en ait beaucoup modifié l'économie. Si l'on désire donc lire avec fruit le De Regno, il est nécessaire d'en bien marquer la composition. L'ordonnance a, dans un écrit de saint Thomas, le même rôle précis et essentiel que dans un portail de Chartres. Voici donc, tel qu'il se dégage du texte lui-même, le plan des chapitres du premier livre.

 

 

Plan.jpg

 

 

Textum Taurini 1954 editum
ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias magneticas
denuo recognovit Enrique Alarcón atque instruxit

Traduction du Père Martin-Cottier op, 1946

 

 

Prooemium

[69919] De regno, pr. Cogitanti mihi quid offerrem regiae celsitudini dignum meaeque professioni congruum et officio, id occurrit potissime offerendum, ut regi librum de regno conscriberem, in quo et regni originem et ea quae ad regis officium pertinent, secundum Scripturae divinae auctoritatem, philosophorum dogma et exempla laudatorum principum diligenter depromerem, iuxta ingenii proprii facultatem, principium, progressum, consummationem operis ex illius expectans auxilio qui est rex regum et dominus dominantium : per quem reges regnant, Deus, magnus dominus, et rex magnus super omnes deos.

Liber 1

Caput 1

[69920] De regno, lib. 1 cap. 1 tit. Quod necesse est homines simul viventes ab aliquo diligenter regi

[69921] De regno, lib. 1 cap. 1 Principium autem intentionis nostrae hinc sumere oportet, ut quid nomine regis intelligendum sit, exponatur. In omnibus autem quae ad finem aliquem ordinantur, in quibus contingit sic et aliter procedere, opus est aliquo dirigente, per quod directe debitum perveniatur ad finem. Non enim navis, quam secundum diversorum ventorum impulsum in diversa moveri contingit, ad destinatum finem perveniret nisi per gubernatoris industriam dirigeretur ad portum. Hominis autem est aliquis finis, ad quem tota vita eius et actio ordinatur, cum sit agens per intellectum, cuius est manifeste propter finem operari. Contingit autem diversimode homines ad finem intentum procedere, quod ipsa diversitas humanorum studiorum et actionum declarat. Indiget igitur homo aliquo dirigente ad finem. Est autem unicuique hominum naturaliter insitum rationis lumen, quo in suis actibus dirigatur ad finem. Et si quidem homini conveniret singulariter vivere, sicut multis animalium, nullo alio dirigente indigeret ad finem, sed ipse sibi unusquisque esset rex sub Deo summo rege, in quantum per lumen rationis divinitus datum sibi, in suis actibus se ipsum dirigeret. Naturale autem est homini ut sit animal sociale et politicum, in multitudine vivens, magis etiam quam omnia alia animalia, quod quidem naturalis necessitas declarat. Aliis enim animalibus natura praeparavit cibum, tegumenta pilorum, defensionem, ut dentes, cornua, ungues, vel saltem velocitatem ad fugam. Homo autem institutus est nullo horum sibi a natura praeparato, sed loco omnium data est ei ratio, per quam sibi haec omnia officio manuum posset praeparare, ad quae omnia praeparanda unus homo non sufficit. Nam unus homo per se sufficienter vitam transigere non posset. Est igitur homini naturale quod in societate multorum vivat. Amplius : aliis animalibus insita est naturalis industria ad omnia ea quae sunt eis utilia vel nociva, sicut ovis naturaliter aestimat lupum inimicum. Quaedam etiam animalia ex naturali industria cognoscunt aliquas herbas medicinales et alia eorum vitae necessaria. Homo autem horum, quae sunt suae vitae necessaria, naturalem cognitionem habet solum in communi, quasi eo per rationem valente ex universalibus principiis ad cognitionem singulorum, quae necessaria sunt humanae vitae, pervenire. Non est autem possibile quod unus homo ad omnia huiusmodi per suam rationem pertingat. Est igitur necessarium homini quod in multitudine vivat, ut unus ab alio adiuvetur et diversi diversis inveniendis per rationem occupentur, puta, unus in medicina, alius in hoc, alius in alio. Hoc etiam evidentissime declaratur per hoc, quod est proprium hominis locutione uti, per quam unus homo aliis suum conceptum totaliter potest exprimere. Alia quidem animalia exprimunt mutuo passiones suas in communi, ut canis in latratu iram, et alia animalia passiones suas diversis modis. Magis igitur homo est communicativus alteri quam quodcumque aliud animal, quod gregale videtur, ut grus, formica et apis. Hoc ergo considerans Salomon in Eccle. IV, 9, ait : melius est esse duos quam unum. Habent enim emolumentum mutuae societatis. Si ergo naturale est homini quod in societate multorum vivat, necesse est in hominibus esse per quod multitudo regatur. Multis enim existentibus hominibus et unoquoque id, quod est sibi congruum, providente, multitudo in diversa dispergeretur, nisi etiam esset aliquis de eo quod ad bonum multitudinis pertinet curam habens; sicut et corpus hominis et cuiuslibet animalis deflueret, nisi esset aliqua vis regitiva communis in corpore, quae ad bonum commune omnium membrorum intenderet. Quod considerans Salomon dicit : ubi non est gubernator, dissipabitur populus. Hoc autem rationabiliter accidit : non enim idem est quod proprium et quod commune. Secundum propria quidem differunt, secundum autem commune uniuntur. Diversorum autem diversae sunt causae. Oportet igitur, praeter id quod movet ad proprium bonum uniuscuiusque, esse aliquid quod movet ad bonum commune multorum. Propter quod et in omnibus quae in unum ordinantur, aliquid invenitur alterius regitivum. In universitate enim corporum per primum corpus, scilicet caeleste, alia corpora ordine quodam divinae providentiae reguntur, omniaque corpora per creaturam rationalem. In uno etiam homine anima regit corpus, atque inter animae partes irascibilis et concupiscibilis ratione reguntur. Itemque inter membra corporis unum est principale, quod omnia movet, ut cor, aut caput. Oportet igitur esse in omni multitudine aliquod regitivum.

Caput 2

 

[69922] De regno, lib. 1 cap. 2 tit. Distinguitur multiplex dominium sive regimen

[69923] De regno, lib. 1 cap. 2 Contingit autem in quibusdam, quae ordinantur ad finem, et recte, et non recte procedere. Quare et in regimine multitudinis et rectum, et non rectum invenitur. Recte autem dirigitur unumquodque quando ad finem convenientem deducitur; non recte autem quando ad finem non convenientem. Alius autem est finis conveniens multitudini liberorum, et servorum. Nam liber est, qui sui causa est; servus autem est, qui id quod est, alterius est. Si igitur liberorum multitudo a regente ad bonum commune multitudinis ordinetur, erit regimen rectum et iustum, quale convenit liberis. Si vero non ad bonum commune multitudinis, sed ad bonum privatum regentis regimen ordinetur, erit regimen iniustum atque perversum, unde et dominus talibus rectoribus comminatur per Ezech. XXXIV, 2, dicens : vae pastoribus qui pascebant semetipsos (quasi sua propria commoda quaerentes) : nonne greges a pastoribus pascuntur ? Bonum siquidem gregis pastores quaerere debent, et rectores quilibet bonum multitudinis sibi subiectae. Si igitur regimen iniustum per unum tantum fiat qui sua commoda ex regimine quaerat, non autem bonum multitudinis sibi subiectae, talis rector tyrannus vocatur, nomine a fortitudine derivato, quia scilicet per potentiam opprimit, non per iustitiam regit : unde et apud antiquos potentes quique tyranni vocabantur. Si vero iniustum regimen non per unum fiat, sed per plures, siquidem per paucos, oligarchia vocatur, id est principatus paucorum, quando scilicet pauci propter divitias opprimunt plebem, sola pluralitate a tyranno differentes. Si vero iniquum regimen exerceatur per multos, democratia nuncupatur, id est potentatus populi, quando scilicet populus plebeiorum per potentiam multitudinis opprimit divites. Sic enim populus totus erit quasi unus tyrannus. Similiter autem et iustum regimen distingui oportet. Si enim administretur per aliquam multitudinem, communi nomine politia vocatur, utpote cum multitudo bellatorum in civitate vel provincia dominatur. Si vero administretur per paucos, virtuosos autem, huiusmodi regimen aristocratia vocatur, id est potentatus optimus, vel optimorum, qui propterea optimates dicuntur. Si vero iustum regimen ad unum tantum pertineat, ille proprie rex vocatur : unde dominus per Ezech. dicit : servus meus David rex super omnes erit, et pastor unus erit omnium eorum. Ex quo manifeste ostenditur quod de ratione regis est quod sit unus, qui praesit, et quod sit pastor commune multitudinis bonum, et non suum commodum quaerens. Cum autem homini competat in multitudine vivere, quia sibi non sufficit ad necessaria vitae si solitarius maneat, oportet quod tanto sit perfectior multitudinis societas, quanto magis per se sufficiens erit ad necessaria vitae. Habetur siquidem aliqua vitae sufficientia in una familia domus unius, quantum scilicet ad naturales actus nutritionis, et prolis generandae, et aliorum huiusmodi; in uno autem vico, quantum ad ea quae ad unum artificium pertinent; in civitate vero, quae est perfecta communitas, quantum ad omnia necessaria vitae; sed adhuc magis in provincia una propter necessitatem compugnationis et mutui auxilii contra hostes. Unde qui perfectam communitatem regit, id est civitatem vel provinciam, antonomastice rex vocatur; qui autem domum regit, non rex, sed paterfamilias dicitur. Habet tamen aliquam similitudinem regis, propter quam aliquando reges populorum patres vocantur. Ex dictis igitur patet, quod rex est qui unius multitudinem civitatis vel provinciae, et propter bonum commune, regit; unde Salomon in Eccle. V, 8, dicit : universae terrae rex imperat servienti.

 

Caput 3

 

[69924] De regno, lib. 1 cap. 3 tit. Quod utilius est multitudinem hominum simul viventium regi per unum quam per plures

[69925] De regno, lib. 1 cap. 3 His autem praemissis requirere oportet quid provinciae vel civitati magis expedit : utrum a pluribus regi, vel uno. Hoc autem considerari potest ex ipso fine regiminis. Ad hoc enim cuiuslibet regentis ferri debet intentio, ut eius quod regendum suscepit salutem procuret. Gubernatoris enim est, navem contra maris pericula servando, illaesam perducere ad portum salutis. Bonum autem et salus consociatae multitudinis est ut eius unitas conservetur, quae dicitur pax, qua remota, socialis vitae perit utilitas, quinimmo multitudo dissentiens sibi ipsi sit onerosa. Hoc igitur est ad quod maxime rector multitudinis intendere debet, ut pacis unitatem procuret. Nec recte consiliatur, an pacem faciat in multitudine sibi subiecta, sicut medicus, an sanet infirmum sibi commissum. Nullus enim consiliari debet de fine quem intendere debet, sed de his quae sunt ad finem. Propterea apostolus commendata fidelis populi unitate : solliciti, inquit, sitis servare unitatem spiritus in vinculo pacis. Quanto igitur regimen efficacius fuerit ad unitatem pacis servandam, tanto erit utilius. Hoc enim utilius dicimus, quod magis perducit ad finem. Manifestum est autem quod unitatem magis efficere potest quod est per se unum, quam plures. Sicut efficacissima causa est calefactionis quod est per se calidum. Utilius igitur est regimen unius, quam plurium. Amplius, manifestum est quod plures multitudinem nullo modo conservant, si omnino dissentirent. Requiritur enim in pluribus quaedam unio ad hoc, quod quoquo modo regere possint : quia nec multi navem in unam partem traherent, nisi aliquo modo coniuncti. Uniri autem dicuntur plura per appropinquationem ad unum. Melius igitur regit unus quam plures ex eo quod appropinquant ad unum. Adhuc : ea, quae sunt ad naturam, optime se habent : in singulis enim operatur natura, quod optimum est. Omne autem naturale regimen ab uno est. In membrorum enim multitudine unum est quod omnia movet, scilicet cor; et in partibus animae una vis principaliter praesidet, scilicet ratio. Est etiam apibus unus rex, et in toto universo unus Deus factor omnium et rector. Et hoc rationabiliter. Omnis enim multitudo derivatur ab uno. Quare si ea quae sunt secundum artem, imitantur ea quae sunt secundum naturam, et tanto magis opus artis est melius, quanto magis assequitur similitudinem eius quod est in natura, necesse est quod in humana multitudine optimum sit quod per unum regatur. Hoc etiam experimentis apparet. Nam provinciae vel civitates quae non reguntur ab uno, dissensionibus laborant et absque pace fluctuant, ut videatur adimpleri quod dominus per prophetam conqueritur, dicens : pastores multi demoliti sunt vineam meam. E contrario vero provinciae et civitates quae sub uno rege reguntur, pace gaudent, iustitia florent, et affluentia rerum laetantur. Unde dominus pro magno munere per prophetas populo suo promittit, quod poneret sibi caput unum, et quod princeps unus erit in medio eorum.

Caput 4

 

[69926] De regno, lib. 1 cap. 4 tit. Quod, sicut dominium unius optimum est, quando est iustum, ita oppositum eius est pessimum, probatur multis rationibus et argumentis

[69927] De regno, lib. 1 cap. 4 Sicut autem regimen regis est optimum, ita regimen tyranni est pessimum. Opponitur enim politiae quidem democratia, utrumque enim, sicut ex dictis apparet, est regimen quod per plures exercetur; aristocratiae vero oligarchia, utrumque enim exercetur per paucos; regnum autem tyrannidi, utrumque enim per unum exercetur. Quod autem regnum sit optimum regimen, ostensum est prius. Si igitur optimo opponitur pessimum, necesse est quod tyrannis sit pessimum. Adhuc : virtus unita magis est efficax ad effectum inducendum, quam dispersa vel divisa. Multi enim congregati simul trahunt quod divisim per partes singulariter a singulis trahi non posset. Sicut igitur utilius est virtutem operantem ad bonum esse magis unam, ut sit virtuosior ad operandum bonum, ita magis est nocivum si virtus operans malum sit una, quam divisa. Virtus autem iniuste praesidentis operatur ad malum multitudinis, dum commune bonum multitudinis in sui ipsius bonum tantum retorquet. Sicut igitur in regimine iusto, quanto regens est magis unum, tanto est utilius regimen, ut regnum melius est quam aristocratia, aristocratia vero quam politia; ita e converso erit et in iniusto regimine, ut videlicet quanto regens est magis unum, tanto magis sit nocivum. Magis igitur est nociva tyrannis quam oligarchia : oligarchia autem quam democratia. Amplius : per hoc regimen fit iniustum, quod spreto bono communi multitudinis, quaeritur bonum privatum regentis. Quanto igitur magis receditur a bono communi, tanto est regimen magis iniustum. Plus autem receditur a bono communi in oligarchia, in qua quaeritur bonum paucorum, quam in democratia, in qua quaeritur bonum multorum; et adhuc plus receditur a bono communi in tyrannide, in qua quaeritur bonum tantum unius : omni enim universitati propinquius est multum quam paucum, et paucum quam unum solum. Regimen igitur tyranni est iniustissimum. Similiter autem manifestum fit considerantibus divinae providentiae ordinem, quae optime universa disponit. Nam bonum provenit in rebus ex una causa perfecta, quasi omnibus adunatis quae ad bonum iuvare possunt, malum autem singillatim ex singularibus defectibus. Non enim est pulchritudo in corpore, nisi omnia membra fuerint decenter disposita; turpitudo autem contingit, quodcumque membrum indecenter se habeat. Et sic turpitudo ex pluribus causis diversimode provenit, pulchritudo autem uno modo ex una causa perfecta : et sic est in omnibus bonis et malis, tanquam hoc Deo providente, ut bonum ex una causa sit fortius, malum autem ex pluribus causis sit debilius. Expedit igitur ut regimen iustum sit unius tantum, ad hoc ut sit fortius. Quod si in iniustitiam declinat regimen, expedit magis ut sit multorum, ut sit debilius, et se invicem impediant. Inter iniusta igitur regimina tolerabilius est democratia, pessimum vero tyrannis. Idem etiam maxime apparet, si quis consideret mala quae ex tyrannis proveniunt, quia cum tyrannus, contempto communi bono, quaerit privatum, consequens est ut subditos diversimode gravet, secundum quod diversis passionibus subiacet ad bona aliqua affectanda. Qui enim passione cupiditatis detinetur, bona subditorum rapit : unde Salomon : rex iustus erigit terram, vir avarus destruet eam. Si vero iracundiae passioni subiaceat, pro nihilo sanguinem fundit, unde per Ezech. XXII, 27, dicitur : principes eius in medio eius quasi lupi rapientes praedam ad effundendum sanguinem. Hoc igitur regimen fugiendum esse, sapiens monet, dicens : longe esto ab homine potestatem habente occidendi, quia scilicet non pro iustitia, sed per potestatem occidit pro libidine voluntatis. Sic igitur nulla erit securitas, sed omnia sunt incerta cum a iure disceditur, nec firmari quidquam potest quod positum est in alterius voluntate, ne dicam libidine. Nec solum in corporalibus subditos gravat, sed etiam spiritualia eorum bona impedit, quia qui plus praeesse appetunt quam prodesse, omnem profectum subditorum impediunt, suspicantes omnem subditorum excellentiam suae iniquae dominationi praeiudicium esse. Tyrannis enim magis boni quam mali suspecti sunt, semperque his aliena virtus formidolosa est. Conantur igitur praedicti tyranni, ne ipsorum subditi virtuosi effecti magnanimitatis concipiant spiritum et eorum iniquam dominationem non ferant, ne inter subditos amicitiae foedus firmetur et pacis emolumento ad invicem gaudeant, ut sic dum unus de altero non confidit, contra eorum dominium aliquid moliri non possint. Propter quod inter ipsos discordias seminant, exortas nutriunt, et ea quae ad foederationem hominum pertinent, ut connubia et convivia, prohibent, et caetera huiusmodi, per quae inter homines solet familiaritas et fiducia generari. Conantur etiam ne potentes aut divites fiant, quia de subditis secundum suae malitiae conscientiam suspicantes, sicut ipsi potentia et divitiis ad nocendum utuntur, ita timent ne potentia subditorum et divitiae eis nocivae reddantur. Unde et Iob XV, 21, de tyranno dicitur : sonitus terroris semper in auribus eius, et cum pax sit (nullo scilicet malum ei intentante), ille semper insidias suspicatur. Ex hoc autem contingit ut, dum praesidentes, qui subditos ad virtutes inducere deberent, virtuti subditorum nequiter invident et eam pro posse impediunt, sub tyrannis pauci virtuosi inveniantur. Nam iuxta sententiam philosophi apud illos inveniuntur fortes viri, apud quos fortissimi quique honorantur, et ut Tullius dicit : iacent semper et parum vigent, quae apud quosque improbantur. Naturale etiam est ut homines, sub timore nutriti, in servilem degenerent animum et pusillanimes fiant ad omne virile opus et strenuum : quod experimento patet in provinciis quae diu sub tyrannis fuerunt. Unde apostolus, Col. III, 21, dicit : patres, nolite ad indignationem provocare filios vestros, ne pusillo animo fiant. Haec igitur nocumenta tyrannidis rex Salomon considerans, dicit : regnantibus impiis, ruinae hominum, quia scilicet per nequitiam tyrannorum subiecti a virtutum perfectione deficiunt; et iterum dicit : cum impii sumpserint principatum, gemet populus, quasi sub servitute deductus; et iterum : cum surrexerint impii, abscondentur homines, ut tyrannorum crudelitatem evadant. Nec est mirum, quia homo absque ratione secundum animae suae libidinem praesidens nihil differt a bestia, unde Salomon : leo rugiens et ursus esuriens princeps impius super populum pauperem; et ideo a tyrannis se abscondunt homines sicut a crudelibus bestiis, idemque videtur tyranno subiici, et bestiae saevienti substerni.

Caput 5

 

[69928] De regno, lib. 1 cap. 5 tit. Quomodo variatum est dominium apud Romanos, et quod interdum apud eos magis aucta est respublica ex dominio plurium

[69929] De regno, lib. 1 cap. 5 Quia igitur optimum et pessimum consistunt in monarchia, id est principatu unius, multis quidem propter tyrannorum malitiam redditur regia dignitas odiosa. Quidam vero dum regimen regis desiderant, incidunt in saevitiam tyrannorum, rectoresque quamplures tyrannidem exercent sub praetextu regiae dignitatis. Horum quidem exemplum evidenter apparet in Romana republica. Regibus enim a populo Romano expulsis, dum regium vel potius tyrannicum fastum ferre non possent, instituerant sibi consules et alios magistratus per quos regi coeperunt et dirigi, regnum in aristocratiam commutare volentes et, sicut refert Salustius : incredibile est memoratu, quantum, adepta libertate, in brevi Romana civitas creverit. Plerumque namque contingit, ut homines sub rege viventes, segnius ad bonum commune nitantur, utpote aestimantes id quod ad commune bonum impendunt non sibi ipsis conferre sed alteri, sub cuius potestate vident esse bona communia. Cum vero bonum commune non vident esse in potestate unius, non attendunt ad bonum commune quasi ad id quod est alterius, sed quilibet attendit ad illud quasi suum : unde experimento videtur quod una civitas per annuos rectores administrata, plus potest interdum quam rex aliquis, si haberet tres vel quatuor civitates; parvaque servitia exacta a regibus gravius ferunt quam magna onera, si a communitate civium imponantur. Quod in promotione Romanae reipublicae servatum fuit. Nam plebe ad militiam scribebatur, et pro militantibus stipendia exsolvebant, et cum stipendiis exsolvendis non sufficeret commune aerarium, in usus publicos opes venere privatae, adeo ut praeter singulos annulos aureos, singulasque bullas, quae erant dignitatis insignia, nihil sibi auri ipse etiam senatus reliquerit. Sed cum dissensionibus fatigarentur continuis, quae usque ad bella civilia excreverunt, quibus bellis civilibus eis libertas, ad quam multum studuerant, de manibus erepta est, sub potestate imperatorum esse coeperunt, qui se reges a principio appellari noluerunt, quia Romanis fuerat nomen regium odiosum. Horum autem quidam more regio bonum commune fideliter procuraverunt, per quorum studium Romana respublica et aucta et conservata est. Plurimi vero eorum in subditos quidem tyranni, ad hostes vero effecti desides et imbecilles, Romanam rempublicam ad nihilum redegerunt. Similis etiam processus fuit in populo Hebraeorum. Primo quidem dum sub iudicibus regebantur, undique diripiebantur ab hostibus. Nam unusquisque quod bonum erat in oculis suis, hoc faciebat. Regibus vero eis divinitus datis ad eorum instantiam, propter regum malitiam, a cultu unius Dei recesserunt et finaliter ducti sunt in captivitatem. Utrinque igitur pericula imminent : sive dum timetur tyrannus, evitetur regis optimum dominium, sive dum hoc consideratur, potestas regia in malitiam tyrannicam convertatur.

 

Caput 6

 

[69930] De regno, lib. 1 cap. 6 tit. Quod in regimine plurium magis saepe contingit dominium tyrannicum, quam ex regimine unius; et ideo regimen unius melius est

[69931] De regno, lib. 1 cap. 6 Cum autem inter duo, ex quorum utroque periculum imminet, eligere oportet, illud potissime eligendum est ex quo sequitur minus malum. Ex monarchia autem, si in tyrannidem convertatur, minus malum sequitur quam ex regimine plurium optimatum, quando corrumpitur. Dissensio enim, quae plurimum sequitur ex regimine plurium, contrariatur bono pacis, quod est praecipuum in multitudine sociali : quod quidem bonum per tyrannidem non tollitur, sed aliqua particularium hominum bona impediuntur, nisi fuerit excessus tyrannidis quod in totam communitatem desaeviat. Magis igitur praeoptandum est unius regimen quam multorum, quamvis ex utroque sequantur pericula. Adhuc : illud magis fugiendum videtur, ex quo pluries sequi possunt magna pericula. Frequentius autem sequuntur maxima pericula multitudinis ex multorum regimine, quam ex regimine unius. Plerumque enim contingit ut ex pluribus aliquis ab intentione communis boni deficiat, quam quod unus tantum. Quicumque autem, ex pluribus praesidentibus, divertat ab intentione communis boni, dissensionis periculum in subditorum multitudine imminet, quia dissentientibus principibus consequens est ut in multitudine sequatur dissensio. Si vero unus praesit, plerumque quidem ad bonum commune respicit; aut si a bono communi intentionem avertat, non statim sequitur ut ad subditorum depressionem intendat, quod est excessus tyrannidis et in malitia regiminis maximum gradum tenens, ut supra ostensum est. Magis igitur sunt fugienda pericula quae proveniunt ex gubernatione multorum, quam ex gubernatione unius. Amplius, non minus contingit in tyrannidem verti regimen multorum quam unius, sed forte frequentius. Exorta namque dissensione per regimen plurium, contingit saepe unum super alios superare et sibi soli multitudinis dominium usurpare, quod quidem ex his quae pro tempore fuerunt, manifeste inspici potest. Nam fere omnium multorum regimen est in tyrannidem terminatum, ut in Romana republica manifeste apparet; quae cum diu per plures magistratus administrata fuisset, exortis simultatibus, dissensionibus et bellis civilibus, in crudelissimos tyrannos incidit. Et universaliter si quis praeterita facta et quae nunc fiunt diligenter consideret, plures inveniet exercuisse tyrannidem in terris quae per multos reguntur, quam in illis quae gubernantur per unum. Si igitur regium, quod est optimum regimen, maxime vitandum videatur propter tyrannidem; tyrannis autem non minus, sed magis, contingere solet in regimine plurium, quam unius, relinquitur simpliciter magis esse expediens sub rege uno vivere, quam sub regimine plurium.

Caput 7

 

[69932] De regno, lib. 1 cap. 7 tit. Conclusio, quod regimen unius simpliciter sit optimum. Ostendit qualiter multitudo se debet habere circa ipsum, quia auferenda est ei occasio ne tyrannizet, et quod etiam in hoc est tolerandus propter maius malum vitandum

[69933] De regno, lib. 1 cap. 7 Quia ergo unius regimen praeeligendum est, quod est optimum, et contingit ipsum in tyrannidem converti quod est pessimum, ut ex dictis patet, laborandum est diligenti studio ut sic multitudini provideatur de rege, ut non incidant in tyrannum. Primum autem est necessarium ut talis conditionis homo ab illis, ad quos hoc spectat officium, promoveatur in regem, quod non sit probabile in tyrannidem declinare. Unde Samuel, Dei providentiam erga institutionem regis commendans, ait I Reg. : quaesivit sibi dominus virum secundum cor suum et praecepit ei dominus ut esset dux super populum suum. Deinde sic disponenda est regni gubernatio, ut regi iam instituto tyrannidis subtrahatur occasio. Simul etiam sic eius temperetur potestas, ut in tyrannidem de facili declinare non possit. Quae quidem ut fiant, in sequentibus considerandum erit. Demum vero curandum est, si rex in tyrannidem diverteret, qualiter posset occurri. Et quidem si non fuerit excessus tyrannidis, utilius est remissam tyrannidem tolerare ad tempus, quam contra tyrannum agendo multis implicari periculis, quae sunt graviora ipsa tyrannide. Potest enim contingere ut qui contra tyrannum agunt praevalere non possint, et sic provocatus tyrannus magis desaeviat. Quod si praevalere quis possit adversus tyrannum, ex hoc ipso proveniunt multoties gravissimae dissensiones in populo; sive dum in tyrannum insurgitur, sive post deiectionem tyranni dum erga ordinationem regiminis multitudo separatur in partes. Contingit etiam ut interdum, dum alicuius auxilio multitudo expellit tyrannum, ille, potestate accepta, tyrannidem arripiat, et timens pati ab alio quod ipse in alium fecit, graviori servitute subditos opprimat. Sic enim in tyrannide solet contingere, ut posterior gravior fiat quam praecedens, dum praecedentia gravamina non deserit et ipse ex sui cordis malitia nova excogitat. Unde Syracusis quondam Dionysii mortem omnibus desiderantibus, anus quaedam, ut incolumis et sibi superstes esset, continue orabat; quod ut tyrannus cognovit, cur hoc faceret interrogavit. Tum illa : puella, inquit, existens, cum gravem tyrannum haberemus, mortem eius cupiebam, quo interfecto, aliquantum durior successit; eius quoque dominationem finiri magnum existimabam : tertium te importuniorem habere coepimus rectorem. Itaque si tu fueris absumptus, deterior in locum tuum succedet. Et si sit intolerabilis excessus tyrannidis, quibusdam visum fuit ut ad fortium virorum virtutem pertineat tyrannum interimere, seque pro liberatione multitudinis exponere periculis mortis : cuius rei exemplum etiam in veteri testamento habetur. Nam Aioth quidam Eglon regem Moab, qui gravi servitute populum Dei premebat, sica infixa in eius femore interemit, et factus est populi iudex. Sed hoc apostolicae doctrinae non congruit. Docet enim nos Petrus non bonis tantum et modestis, verum etiam dyscolis dominis reverenter subditos esse. Haec est enim gratia si propter conscientiam Dei sustineat quis tristitias patiens iniuste; unde cum multi Romani imperatores fidem Christi persequerentur tyrannice, magnaque multitudo tam nobilium quam populi esset ad fidem conversa, non resistendo sed mortem patienter et animati sustinentes pro Christo laudantur, ut in sacra Thebaeorum legione manifeste apparet; magisque Aioth iudicandus est hostem interemisse, quam populi rectorem, licet tyrannum : unde et in veteri testamento leguntur occisi fuisse hi qui occiderunt Ioas, regem Iuda, quamvis a cultu Dei recedentem, eorumque filii reservati secundum legis praeceptum. Esset autem hoc multitudini periculosum et eius rectoribus, si privata praesumptione aliqui attentarent praesidentium necem, etiam tyrannorum. Plerumque enim huiusmodi periculis magis exponunt se mali quam boni. Malis autem solet esse grave dominium non minus regum quam tyrannorum, quia secundum sententiam Salomonis, Prov. : dissipat impios rex sapiens. Magis igitur ex huiusmodi praesumptione immineret periculum multitudini de amissione regis, quam remedium de subtractione tyranni. Videtur autem magis contra tyrannorum saevitiam non privata praesumptione aliquorum, sed auctoritate publica procedendum. Primo quidem, si ad ius multitudinis alicuius pertineat sibi providere de rege, non iniuste ab eadem rex institutus potest destitui vel refrenari eius potestas, si potestate regia tyrannice abutatur. Nec putanda est talis multitudo infideliter agere tyrannum destituens, etiam si eidem in perpetuo se ante subiecerat : quia hoc ipse meruit, in multitudinis regimine se non fideliter gerens ut exigit regis officium, quod ei pactum a subditis non reservetur. Sic Romani Tarquinium superbum, quem in regem susceperant, propter eius et filiorum tyrannidem a regno eiecerunt, substituta minori, scilicet consulari, potestate. Sic etiam Domitianus, qui modestissimis imperatoribus Vespasiano patri et Tito fratri eius successerat, dum tyrannidem exercet, a senatu Romano interemptus est, omnibus quae perverse Romanis fecerat per senatusconsultum iuste et salubriter in irritum revocatis. Quo factum est ut beatus Ioannes Evangelista, dilectus Dei discipulus, qui per ipsum Domitianum in Patmos insulam fuerat exilio relegatus, ad Ephesum per senatusconsultum remitteretur. Si vero ad ius alicuius superioris pertineat multitudini providere de rege, expectandum est ab eo remedium contra tyranni nequitiam. Sic Archelai, qui in Iudaea pro Herode patre suo regnare iam coeperat, paternam malitiam imitantis, Iudaeis contra eum querimoniam ad Caesarem Augustum deferentibus, primo quidem potestas diminuitur ablato sibi regio nomine et medietate regni sui inter duos fratres suos divisa; deinde, cum nec sic a tyrannide compesceretur, a Tiberio Caesare relegatus est in exilium apud Lugdunum, Galliae civitatem. Quod si omnino contra tyrannum auxilium humanum haberi non potest, recurrendum est ad regem omnium Deum, qui est adiutor in opportunitatibus in tribulatione. Eius enim potentiae subest ut cor tyranni crudele convertat in mansuetudinem, secundum Salomonis sententiam, Prov. : cor regis in manu Dei, quocumque voluerit, inclinabit illud. Ipse enim regis Assueri crudelitatem, qui Iudaeis mortem parabat, in mansuetudinem vertit. Ipse est qui ita Nabuchodonosor crudelem regem convertit, quod factus est divinae potentiae praedicator. Nunc igitur, inquit, ego Nabuchodonosor laudo, et magnifico, et glorifico regem caeli, quia opera eius vera et viae eius iudicia, et gradientes in superbia potest humiliare. Tyrannos vero, quos reputat conversione indignos, potest auferre de medio vel ad infimum statum reducere, secundum illud sapientis : sedes ducum superborum destruxit Deus, et sedere fecit mites pro eis. Ipse est qui videns afflictionem populi sui in Aegypto et audiens eorum clamorem, Pharaonem tyrannum deiecit cum exercitu suo in mare. Ipse est qui memoratum Nabuchodonosor prius superbientem, non solum eiectum de regni solio sed etiam de hominum consortio, in similitudinem bestiae commutavit. Nec etiam abbreviata manus eius est, ut populum suum a tyrannis liberare non possit. Promittit enim populo suo per Isaiam requiem se daturum a labore et confusione, ac servitute dura, qua antea servierat. Et per Ezech. dicit : liberabo meum gregem de ore eorum, scilicet pastorum qui pascunt se ipsos. Sed ut hoc beneficium populus a Deo consequi mereatur, debet a peccatis cessare, quia in ultionem peccati divina permissione impii accipiunt principatum, dicente domino per Oseam : dabo tibi regem in furore meo; et in Iob dicitur quod regnare facit hominem hypocritam propter peccata populi. Tollenda est igitur culpa, ut cesset a tyrannorum plaga.

Caput 8

 

[69934] De regno, lib. 1 cap. 8 tit. Quid praecipue movere debeat regem ad regendum, utrum honor, vel gloria. Opiniones circa hoc, et quid sit tenendum

[69935] De regno, lib. 1 cap. 8 Quoniam autem, secundum praedicta, regis est bonum multitudinis quaerere, nimis videtur onerosum regis officium nisi ei aliquod proprium bonum ex hoc proveniret. Oportet igitur considerare, in qua re sit boni regis conveniens praemium. Quibusdam igitur visum est non esse aliud nisi honorem et gloriam, unde et Tullius in libro de republica definit principem civitatis esse alendum gloria; cuius rationem Aristoteles in Lib. Ethic. assignare videtur, quia princeps, cui non sufficit honor et gloria, consequenter tyrannus efficitur. Inest enim animis omnium, ut proprium bonum quaerant. Si ergo contentus non fuerit princeps gloria et honore, quaeret voluptates et divitias, et sic ad rapinas et subditorum iniurias convertetur. Sed si hanc sententiam receperimus, plurima sequuntur inconvenientia. Primo namque hoc regibus dispendiosum esset, si tot labores et sollicitudines paterentur pro mercede tam fragili. Nihil enim videtur in rebus humanis fragilius gloria et honore favoris hominum, cum dependeat ex opinionibus hominum, quibus nihil mutabilius in vita hominum : et inde est quod Isaias propheta huiusmodi gloriam nominat florem foeni. Deinde humanae gloriae cupido animi magnitudinem aufert. Qui enim favorem hominum quaerit, necesse est ut in omni eo quod dicit aut facit eorum voluntati deserviat, et sic dum placere hominibus studet, fit servus singulorum. Propter quod et idem Tullius in Lib. de officiis, cavendam dicit gloriae cupidinem. Eripit enim animi libertatem, pro qua magnanimis viris omnis debet esse contentio. Nihil autem principem, qui ad bona peragenda instituitur, magis decet quam animi magnitudo. Est igitur incompetens regis officio humanae gloriae praemium. Simul etiam est multitudini nocivum, si tale praemium statuatur principibus : pertinet enim ad boni viri officium ut contemnat gloriam, sicut alia temporalia bona. Virtuosi enim et fortis animi est pro iustitia contemnere gloriam sicut et vitam : unde fit quiddam mirabile, ut quia virtuosos actus sequitur gloria, ipsa gloria virtuose contemnatur, et ex contemptu gloriae homo gloriosus reddatur, secundum sententiam Fabii dicentis : gloriam qui spreverit, veram habebit; et de Catone dixit Salustius : quo minus petebat gloriam, tanto magis assequebatur illam; ipsique Christi discipuli se sicut Dei ministros exhibebant per gloriam et ignobilitatem, per infamiam et bonam famam. Non est igitur boni viri conveniens praemium gloria, quam contemnunt boni. Si igitur hoc solum bonum statuatur praemium principibus, sequetur bonos viros non assumere principatum, aut si assumpserint, impraemiatos esse. Amplius : ex cupidine gloriae periculosa mala proveniunt. Multi enim dum immoderate gloriam in rebus bellicis quaerunt, se ac suos perdiderunt exercitus, libertate patriae sub hostili potestate redacta : unde Torquatus, Romanus princeps, in exemplo huius vitandi discriminis, filium, qui contra imperium suum provocatus ab hoste iuvenili ardore pugnavit, licet vicisset, occidit, ne plus mali esset in praesumptionis exemplo, quam utilitatis in gloria hostis occisi. Habet etiam cupido gloriae aliud sibi familiare vitium, simulationem videlicet. Quia enim difficile est paucisque contingit veras virtutes assequi, quibus solis honor debetur, multi gloriam cupientes, virtutum simulatores fiunt. Propter quod, sicut dicit Salustius : ambitio multos mortales falsos fieri coegit. Aliud clausum in pectore, aliud promptum habere in lingua, magisque vultum quam ingenium habere. Sed et salvator noster eos, qui bona opera faciunt, ut ab hominibus videantur, hypocritas, id est simulatores, vocat. Sicut igitur periculosum est multitudini si princeps voluptates et divitias quaerat pro praemio, ne raptor et contumeliosus fiat; ita periculosum est cum detinetur gloriae praemio, ne praesumptuosus et simulator existat. Sed quantum ex dictorum sapientium intentione apparet, non ea ratione honorem et gloriam pro praemio principi decreverunt, tanquam ad hoc principaliter ferri debeat boni regis intentio, sed quia tolerabilius est si gloriam quaerat, quam si pecuniam cupiat, vel voluptatem sequatur. Hoc enim vitium virtuti propinquius est, cum gloria, quam homines cupiunt, ut ait Augustinus, nihil aliud sit quam iudicium hominum bene de hominibus opinantium. Cupido enim gloriae aliquod habet virtutis vestigium, dum saltem bonorum approbationem quaerit et eis displicere recusat. Paucis igitur ad veram virtutem pervenientibus, tolerabilius videtur si praeferatur ad regimen qui, vel iudicium hominum metuens, a malis manifestis retrahitur. Qui enim gloriam cupit, aut vera via per virtutis opera nititur ut ab hominibus approbetur, vel saltem dolis ad hoc contendit atque fallaciis. At qui dominari desiderat, si cupiditate gloriae carens non timeat bene iudicantibus displicere, per apertissima scelera quaerit plerumque obtinere quod diligit, unde bestias superat sive crudelitatis sive luxuriae vitiis, sicut in Nerone Caesare patet, cuius, ut Augustinus dicit, tanta luxuria fuit ut nihil putaretur ab eo virile metuendum, tanta crudelitas ut nihil molle habere putaretur. Hoc autem satis exprimitur per id quod Aristoteles de magnanimo in Ethic. dicit, quod non quaerit honorem et gloriam quasi aliquid magnum quod sit virtutis sufficiens praemium, sed nihil ultra hoc ab hominibus exigit. Hoc enim inter omnia terrena videtur esse praecipuum, ut homini ab hominibus testimonium de virtute reddatur.

Caput 9

 

[69936] De regno, lib. 1 cap. 9 tit. Qualis est verus finis regis, qui movere debet ipsum ad bene regendum

[69937] De regno, lib. 1 cap. 9 Quoniam ergo mundanus honor et hominum gloria regiae sollicitudini non est sufficiens praemium, inquirendum restat quale sit eidem sufficiens. Est autem conveniens ut rex praemium expectet a Deo. Minister enim pro suo ministerio praemium expectat a domino; rex autem, populum gubernando, minister Dei est, dicente apostolo quod omnis potestas a domino Deo est, et quod est Dei minister vindex in iram ei qui male agit; et in Lib. Sap. reges Dei esse ministri describuntur. Debent igitur reges pro suo regimine praemium expectare a Deo. Remunerat autem Deus pro suo ministerio reges interdum temporalibus bonis, sed talia praemia sunt bonis malisque communia; unde dominus Ezech. dicit : Nabuchodonosor rex Babylonis servire fecit exercitum suum servitute magna adversus Tyrum, et merces non est reddita ei nec exercitui eius de Tyro, pro servitute qua servivit mihi adversus eam, ea scilicet servitute qua potestas, secundum apostolum, Dei minister est, vindex in iram ei qui male agit; et postea de praemio subdidit : propterea haec dicit dominus Deus : ecce ego dabo Nabuchodonosor regem Babylonis in terra Aegypti, et diripiet spolia eius, et erit merces exercitui eius. Si ergo reges iniquos contra Dei hostes pugnantes, licet non intentione serviendi Deo sed sua odia et cupiditates exequendi, tanta mercede dominus remunerat ut de hostibus victoriam tribuat, regna subiiciat et spolia diripienda proponat, quid faciet bonis regibus, qui pia intentione Dei populum regunt et hostes impugnant ? Non quidem terrenam, sed aeternam mercedem eis promittit, nec in alio quam in se ipso, dicente Petro pastoribus populi Dei : pascite qui in vobis est gregem domini, ut cum venerit princeps pastorum, id est rex regum, Christus, percipiatis immarcescibilem gloriae coronam, de qua dicit Isaias : erit dominus sertum exultationis et diadema gloriae populo suo. Hoc autem ratione manifestatur. Est enim mentibus omnium ratione utentium inditum, virtutis praemium beatitudinem esse. Virtus enim uniuscuiusque rei describitur, quae bonum facit habentem, et opus eius bonum reddit. Ad hoc autem quisque bene operando nititur pervenire, quod est maxime desiderio inditum; hoc autem est esse felicem, quod nullus potest non velle. Hoc igitur praemium virtutis convenienter expectatur quod hominem beatum facit. Si autem bene operari virtutis est opus, regis autem opus est bene regere subditos, hoc etiam erit praemium regis, quod eum faciat esse beatum. Quid autem hoc sit, hinc considerandum est. Beatitudinem quidem dicimus ultimum desideriorum finem. Neque enim desiderii motus usque in infinitum procedit; esset enim inane naturale desiderium, cum infinita pertransiri non possint. Cum autem desiderium intellectualis naturae sit universalis boni, hoc solum bonum vere beatum facere poterit, quo adepto nullum bonum restat quod amplius desiderari possit : unde et beatitudo dicitur bonum perfectum, quasi omnia desiderabilia in se comprehendens. Tale autem non est aliquod bonum terrenum : nam qui divitias habent, amplius habere desiderant, et simile patet in caeteris. Et si ampliora non quaerunt, desiderant tamen ut ea permaneant, vel alia in locum eorum succedant. Nihil enim permanens invenitur in rebus terrenis, nihil igitur terrenum est quod quietare desiderium possit. Neque igitur terrenum aliquod beatum facere potest, ut possit esse regis conveniens praemium. Adhuc : cuiuslibet rei finalis perfectio et bonum completum ab aliquo superiore dependet, quia et ipsa corporalia meliora redduntur ex adiunctione meliorum, peiora vero, si deterioribus misceantur. Si enim argento misceatur aurum, argentum fit melius, quod ex plumbi admixtione impurum efficitur. Constat autem terrena omnia esse infra mentem humanam. Beatitudo autem est hominis finalis perfectio et bonum completum ad quod omnes pervenire desiderant. Nihil igitur terrenum est quod hominem possit beatum facere; nec igitur terrenum aliquod est praemium regis sufficiens. Non enim, ut Augustinus dicit, Christianos principes ideo felices dicimus, quia diutius imperarunt, vel imperatores filios morte placida reliquerunt, vel hostes reipublicae domuerunt, vel cives adversum se insurgentes et cavere et opprimere potuerunt; sed felices eos dicimus si iuste imperant, si malunt cupiditatibus potius quam gentibus quibuslibet imperare, si omnia faciunt non propter ardorem inanis gloriae, sed propter charitatem felicitatis aeternae. Tales imperatores Christianos felices dicimus, interim spe, postea re ipsa futuros, cum id quod expectamus advenerit. Sed nec aliquid aliud creatum est, quod beatum hominem faciat et possit regi decerni pro praemio. Tendit enim uniuscuiusque rei desiderium in suum principium, a quo esse suum causatur. Causa vero mentis humanae non est aliud quam Deus, qui eam ad suam imaginem facit. Solus igitur Deus est qui hominis desiderium quietare potest, et facere hominem beatum, et esse regi conveniens praemium. Amplius : mens humana universalis boni cognoscitiva est per intellectum, et desiderativa per voluntatem; bonum autem universale non invenitur nisi in Deo. Nihil ergo est quod possit hominem beatum facere, eius implendo desiderium, nisi Deus, de quo dicitur in Psalm. : qui replet in bonis desiderium tuum; in hoc ergo rex suum praemium statuere debet. Hoc igitur considerans David rex dicebat : quid mihi est in caelo et a te quid volui super terram ? Cui quaestioni postea respondens, subiungit : mihi autem adhaerere Deo bonum est et ponere in domino Deo spem meam. Ipse enim est qui dat salutem regibus, non solum temporalem, qua communiter salvat homines et iumenta, sed etiam eam de qua, per Isaiam dicit : salus autem mea in sempiternum erit, qua homines salvat, eos ad aequalitatem Angelorum perducens. Sic igitur verificari potest quod regis praemium sit honor et gloria. Quis enim mundanus et caducus honor huic honori similis esse potest, ut homo sit civis et domesticus Dei, et inter Dei filios computatus haereditatem regni caelestis assequatur cum Christo ? Hic est honor quem concupiscens et admirans rex David dicebat : nimis honorati sunt amici tui, Deus. Quae insuper humanae laudis gloria huic comparari potest, quam non fallax blandientium lingua, non decepta hominum opinio profert, sed ex interioris conscientiae testimonio producitur et Dei testimonio confirmatur, qui suis confessoribus repromittit quod confiteatur eos in gloria patris coram Angelis Dei ? Qui autem hanc gloriam quaerunt, eam inveniunt, et quam non quaerunt gloriam hominum, consequuntur, exemplo Salomonis, qui non solum sapientiam, quam quaesivit, accepit a domino, sed factus est super reges alios gloriosus.

Caput 10

 

[69938] De regno, lib. 1 cap. 10 tit. Quod praemium regum et principum tenet supremum gradum in beatitudine caelesti, multis rationibus ostenditur et exemplis

[69939] De regno, lib. 1 cap. 10 Considerandum autem restat ulterius, quod et eminentem obtinebunt caelestis beatitudinis gradum, qui officium regium digne et laudabiliter exequuntur. Si enim beatitudo virtutis est praemium, consequens est ut maiori virtuti maior gradus beatitudinis debeatur. Est autem praecipua virtus, qua homo aliquis non solum se ipsum sed etiam alios dirigere potest; et tanto magis, quanto plurium est regitiva : quia et secundum virtutem corporalem tanto aliquis virtuosior reputatur, quanto plures vincere potest, aut pondera plura levare. Sic igitur maior virtus requiritur ad regendum domesticam familiam, quam ad regendum se ipsum, multoque maior ad regimen civitatis et regni. Est igitur excellentis virtutis bene regium officium exercere; debetur igitur ei excellens in beatitudine praemium. Adhuc : in omnibus artibus et potentiis laudabiliores sunt qui alios bene regunt, quam qui secundum alienam directionem bene se habent. In speculativis enim maius est veritatem aliis docendo tradere, quam quod ab aliis docetur capere posse. In artificiis etiam maius existimatur maiorique conducitur pretio architector, qui aedificium disponit, quam artifex, qui secundum eius dispositionem manualiter operatur. Et in rebus bellicis maiorem gloriam de victoria consequitur prudentia ducis, quam militis fortitudo. Sic autem se habet rector multitudinis in his quae a singulis secundum virtutem sunt agenda, sicut doctor in disciplinis et architector in aedificiis et dux in bellis. Est igitur rex maiori praemio dignus, si bene subiectos gubernaverit, quam aliquis subditorum, si sub rege bene se habuerit. Amplius : si virtutis est, ut per eam opus hominis bonum reddatur, maioris virtutis esse videtur quod maius bonum per eam aliquis operetur. Maius autem et divinius est bonum multitudinis quam bonum unius : unde interdum malum unius sustinetur si in bonum multitudinis cedat, sicut occiditur latro ut pax multitudini detur. Et ipse Deus mala esse in mundo non sineret nisi ex eis bona eliceret ad utilitatem et pulchritudinem universi. Pertinet autem ad regis officium ut bonum multitudinis studiose procuret. Maius igitur praemium debetur regi pro bono regimine quam subdito pro bona actione. Hoc autem manifestius fiet, si quis magis in speciali consideret. Laudatur enim ab hominibus quaevis privata persona, et ei a Deo computatur in praemium, si egenti subveniat, si discordes pacificet, si oppressum a potentiore eripiat, denique si alicui qualitercumque opem vel consilium conferat ad salutem. Quanto igitur magis laudandus est ab hominibus et praemiandus a Deo, qui totam provinciam facit pace gaudere, violentias cohibet, iustitiam servat, et disponit quid sit agendum ab hominibus suis legibus et praeceptis ? Hinc etiam magnitudo regiae virtutis apparet, quod praecipue Dei similitudinem gerit, dum agit in regno quod Deus in mundo : unde et in Exod. iudices multitudinis dii vocantur. Imperatores etiam apud Romanos dii vocabantur. Tanto autem est aliquid Deo acceptius, quanto magis ad eius imitationem accedit : unde et apostolus monet : estote imitatores Dei, sicut filii charissimi. Sed si, secundum sapientis sententiam, omne animal diligit simile sibi, secundum quod causae aliqualiter similitudinem habent causati, consequens igitur est bonos reges Deo esse acceptissimos, et ab eo maxime praemiandos. Simul etiam, ut Gregorii verbis utar : quid est tempestas maris, nisi tempestas mentis ? Quieto autem mari recte navem etiam imperitus dirigit, turbato autem mari tempestatis fluctibus etiam peritus nauta confunditur : unde et plerumque in occupatione regiminis, ipse quoque boni operis usus perditur, qui in tranquillitate tenebatur. Valde enim difficile est si, ut Augustinus dicit, inter linguas sublimantium et honorantium, et obsequia nimis humiliter salutantium non extollantur, sed se homines esse meminerint. Et in Eccli. : beatus vir qui post aurum non abiit, nec speravit in pecuniae thesauris. Qui potuit impune transgredi et non est transgressus, facere mala et non fecit. Ex quo quasi in virtutis opere probatus invenitur fidelis, unde secundum Biantis proverbium : principatus virum ostendit. Multi enim ad principatus culmen pervenientes, a virtute deficiunt, qui, dum in statu essent infimo, virtuosi videbantur. Ipsa igitur difficultas quae principibus imminet ad bene agendum, eos facit maiori praemio dignos, et si aliquando per infirmitatem peccaverint, apud homines excusabiliores redduntur et facilius a Deo veniam promerentur, si tamen, ut Augustinus ait pro suis peccatis humilitatis et miserationis et orationis sacrificium Deo suo vero immolare non negligunt. In cuius rei exemplum de Achab, rege Israel, qui multum peccaverat, dominus ad Heliam dixit : quia humiliatus est Achab, non inducam hoc malum in diebus suis. Non autem solum ratione ostenditur quod regibus excellens praemium debeatur, sed etiam auctoritate divina firmatur. Dicitur enim in Zachar. quod in illa beatitudinis die qua erit dominus protector habitantibus in Hierusalem, id est in visione pacis aeternae, aliorum domus erunt sicut domus David, quia scilicet omnes reges erunt et regnabunt cum Christo, sicut membra cum capite; sed domus David erit sicut domus Dei, quia sicut regendo fideliter Dei officium gessit in populo, ita in praemio Deo propinquius erit et inhaerebit. Hoc etiam fuit apud gentiles aliqualiter somniatum, dum civitatum rectores atque servatores in deos transformari putabant.

Caput 11

 

[69940] De regno, lib. 1 cap. 11 tit. Quod rex et princeps studere debet ad bonum regimen propter bonum sui ipsius et utile quod inde sequitur; cuius contrarium sequitur regimen tyrannicum

[69941] De regno, lib. 1 cap. 11 Cum regibus tam grande in caelesti beatitudine praemium proponatur si bene in regendo se habuerint, diligenti cura se ipsos observare debent ne in tyrannidem convertantur. Nihil enim eis acceptabilius esse debet quam quod ex honore regio, quo sublimantur in terris, in caelestis regni gloriam transferantur. Errant vero tyranni, qui propter quaedam terrena commoda iustitiam deserunt; qui tanto privantur praemio, quod adipisci poterant iuste regendo. Quod autem stultum sit pro huiusmodi parvis et temporalibus bonis maxima et sempiterna perdere bona, nullus, nisi stultus aut infidelis, ignorat. Addendum est etiam quod haec temporalia commoda, propter quae tyranni iustitiam deserunt, magis ad lucrum proveniunt regibus dum iustitiam servant. Primo namque inter mundana omnia nihil est, quod amicitiae dignae praeferendum videatur. Ipsa namque est quae virtuosos in unum conciliat, virtutem conservat atque promovet. Ipsa est qua omnes indigent in quibuscumque negotiis peragendis, quae nec prosperis importune se ingerit, nec deserit in adversis. Ipsa est quae maximas delectationes affert, in tantum ut quaecumque delectabilia in taedium sine amicis vertantur. Quaelibet autem aspera, facilia et prope nulla facit amor; nec est alicuius tyranni tanta crudelitas, ut amicitia non delectetur. Dionysius enim, quondam Syracusanorum tyrannus, cum duorum amicorum, qui Damon et Pythias dicebantur, alterum occidere vellet, is, qui occidendus erat, inducias impetravit ut domum profectus res suas ordinaret; alter vero amicorum sese tyranno ob fidem pro eius reditu dedit. Appropinquante autem promisso die, nec illo redeunte, unusquisque fideiussorem stultitiae arguebat. At ille nihil se metuere de amici constantia praedicabat. Eadem autem hora, qua fuerat occidendus, rediit. Admirans autem amborum animum, tyrannus supplicium propter fidem amicitiae remisit, insuper rogans ut eum tertium reciperent in amicitiae gradu. Hoc autem amicitiae bonum, quamvis desiderent tyranni, consequi tamen non possunt. Dum enim commune bonum non quaerunt, sed proprium, fit parva vel nulla communio eorum ad subditos. Omnis autem amicitia super aliqua communione firmatur. Eos enim qui conveniunt, vel per naturae originem, vel per morum similitudinem, vel per cuiuscumque societatis communionem, videmus amicitia coniungi. Parva igitur vel potius nulla est amicitia tyranni et subditi; simulque dum subditi per tyrannicam iniustitiam opprimuntur, et se amari non sentiunt sed contemni, nequaquam amant. Nec habent tyranni unde de subditis conquerantur si ab eis non diliguntur, quia nec ipsi tales se ipsis exhibent ut diligi ab eis debeant. Sed boni reges, dum communi profectui studiose intendunt et eorum studio subditi plura commoda se assequi sentiunt, diliguntur a plurimis, dum subditos se amare demonstrant, quia et hoc est maioris malitiae quam quod in multitudine cadat, ut odio habeantur amici et benefactoribus rependatur malum pro bono. Et ex hoc amore provenit ut bonorum regum regnum sit stabile, dum pro ipsis se subditi quibuscumque periculis exponere non recusant : cuius exemplum in Iulio Caesare apparet, de quo Suetonius refert quod milites suos usque adeo diligebat ut, audita quorumdam caede, capillos et barbam ante non dempserit quam vindicasset : quibus rebus devotissimos sibi et strenuissimos milites reddidit, ita quod plerique eorum capti, concessam sibi sub ea conditione vitam, si militare adversus Caesarem vellent, recusarent. Octavianus etiam Augustus, qui modestissime imperio usus est, in tantum diligebatur a subditis ut plerique morientes victimas quas devoverant immolari mandarent, quia eum superstitem reliquissent. Non est ergo facile ut principis perturbetur dominium, quem tanto consensu populus amat : propter quod Salomon dicit : rex qui iudicat in iustitia pauperes, thronus eius in aeternum firmabitur. Tyrannorum vero dominium diuturnum esse non potest, cum sit multitudini odiosum. Non potest enim diu conservari quod votis multorum repugnat. Vix enim a quoquam praesens vita transigitur quin aliquas adversitates patiatur. Adversitatis autem tempore, occasio deesse non potest contra tyrannum insurgendi : et ubi adsit occasio, non deerit ex multis vel unus qui occasione non utatur. Insurgentem autem populus votive prosequitur : nec de facili carebit effectu, quod cum favore multitudinis attentatur. Vix ergo potest contingere quod tyranni dominium protendatur in longum. Hoc etiam manifeste patet, si quis consideret unde tyranni dominium conservatur. Non enim conservatur amore, cum parva vel nulla sit amicitia subiectae multitudinis ad tyrannum, ut ex praehabitis patet. De subditorum autem fide tyrannis confidendum non est. Non enim invenitur tanta virtus in multis, ut fidelitatis virtute reprimantur ne indebitae servitutis iugum, si possint, excutiant. Fortassis autem nec fidelitati contrarium reputabitur secundum opinionem multorum, si tyrannicae nequitiae qualitercumque obvietur. Restat ergo ut solo timore tyranni regimen sustentetur, unde et timeri se a subditis tota intentione procurant. Timor autem est debile fundamentum. Nam qui timore subduntur, si occurrat occasio qua possint impunitatem sperare, contra praesidentes insurgunt eo ardentius quo magis contra voluntatem ex solo timore cohibebantur. Sicut si aqua per violentiam includatur, cum aditum invenerit impetuosius fluit. Sed nec ipse timor caret periculo, cum ex nimio timore plerique in desperationem inciderint. Salutis autem desperatio audacter ad quaelibet attendenda praecipitat. Non potest igitur tyranni dominium esse diuturnum. Hoc etiam non minus exemplis quam rationibus apparet. Si quis enim antiquorum gesta et modernorum eventus consideret, vix inveniet dominium tyranni alicuius diuturnum fuisse. Unde et Aristoteles in sua politica, multis tyrannis enumeratis, omnium demonstrat dominium brevi tempore fuisse finitum, quorum tamen aliqui diutius praefuerunt quia non multum in tyrannide excedebant sed quantum ad multa imitabantur regalem modestiam. Adhuc autem hoc magis fit manifestum ex consideratione divini iudicii. Ut enim in Iob dicitur : regnare facit hominem hypocritam propter peccata populi. Nullus autem verius hypocrita dici potest quam qui regis assumit officium et exhibet se tyrannum. Nam hypocrita dicitur qui alterius repraesentat personam, sicut in spectaculis fieri consuevit. Sic igitur Deus praefici permittit tyrannos ad puniendum subditorum peccata. Talis autem punitio in Scripturis ira Dei consuevit nominari. Unde per Oseae dominus dicit : dabo vobis regem in furore meo. Infelix est autem rex qui populo in furore Dei conceditur. Non enim eius stabile potest esse dominium, quia non obliviscetur misereri Deus, nec continebit in ira sua misericordias suas : quinimmo per Ioelem dicitur quod est patiens, et multae misericordiae, et praestabilis super malitia. Non igitur permittit Deus diu regnare tyrannos, sed post tempestatem per eos inductam populo, per eorum deiectionem tranquillitatem inducet. Unde sapiens dicit : sedes ducum superborum destruxit Deus, et sedere fecit mites pro eis. Experimento etiam apparet quod reges magis per iustitiam adipiscuntur divitias quam per rapinam tyranni. Quia enim dominium tyrannorum subiectae multitudini displicet, ideo opus habent tyranni multos habere satellites per quos contra subditos tuti reddantur, in quibus necesse est plura expendere quam a subditis rapiant. Regum autem dominium, quod subditis placet, omnes subditos pro satellitibus ad custodiam habet, in quibus expendere opus non est; sed interdum in necessitatibus plura regibus sponte donant, quam tyranni diripere possint; et sic impletur quod Salomon dicit : alii, scilicet reges, dividunt propria benefaciendo subiectis, et ditiores fiunt. Alii, scilicet tyranni, rapiunt non sua, et semper in egestate sunt. Similiter autem iusto Dei contingit iudicio ut qui divitias iniuste congregant, inutiliter eas dispergant, aut etiam iuste auferantur ab eis. Ut enim Salomon dicit : avarus non implebitur pecunia, et qui amat divitias fructum non capiet ex eis; quinimmo ut Prov. XV dicit : conturbat domum suam, qui sectatur avaritiam. Regibus vero, qui iustitiam quaerunt, divitiae adduntur a Deo, sicut Salomon, qui, dum sapientiam quaesivit ad faciendum iudicium, promissionem de abundantia divitiarum accepit. De fama vero superfluum videtur dicere. Quis enim dubitet bonos reges non solum in vita, sed magis post mortem quodammodo laudibus hominum vivere, et in desiderio haberi; malorum vero nomen aut statim deficere, vel si excellentes in malitia fuerint, cum detestatione eorum rememorari ? Unde Salomon dicit : memoria iusti cum laudibus, nomen autem impiorum putrescet, quia vel deficit, vel remanet cum foetore.

 

Caput 12

 

[69942] De regno, lib. 1 cap. 12 tit. Quod bona etiam mundialia, ut sunt divitiae, potestas, honor et fama, magis proveniunt regibus quam tyrannis, et de malis in quae incurrunt tyranni etiam in hac vita

[69943] De regno, lib. 1 cap. 12 Ex his ergo manifestum est quod stabilitas potestatis, divitiae, honor et fama magis regibus quam tyrannis ad votum proveniunt, propter quae tamen indebite adipiscenda declinat in tyrannidem princeps. Nullus enim a iustitia declinat nisi cupiditate alicuius commodi tractus. Privatur insuper tyrannus excellentissima beatitudine, quae regibus debetur pro praemio, et, quod est gravius, maximum tormentum sibi acquirit in poenis. Si enim qui unum hominem spoliat, vel in servitutem redigit, vel occidit, maximam poenam meretur, quantum quidem ad iudicium hominum mortem, quantum vero ad iudicium Dei damnationem aeternam; quanto magis putandum est tyrannum deteriora mereri supplicia, qui undique ab omnibus rapit, contra omnium libertatem laborat, pro libito voluntatis suae quoscumque interficit ? Tales insuper raro poenitent, vento inflati superbiae, merito peccatorum a Deo deserti et adulationibus hominum delibuti, et rarius digne satisfacere possunt. Quando enim restituent omnia quae praeter iustitiae debitum abstulerunt ? Ad quae tamen restituenda nullus dubitat eos teneri. Quando recompensabunt eis quos oppresserunt et iniuste qualitercumque laeserunt ? Adiicitur autem ad eorum impoenitentiam quod omnia sibi licita existimant quae impune sine resistentia facere potuerunt : unde non solum emendare non satagunt quae male fecerunt, sed sua consuetudine pro auctoritate utentes, peccandi audaciam transmittunt ad posteros, et sic non solum suorum facinorum apud Deum rei tenentur, sed etiam eorum quibus apud Deum peccandi occasionem reliquerunt. Aggravatur etiam eorum peccatum ex dignitate suscepti officii. Sicut enim terrenus rex gravius punit suos ministros, si invenit eos sibi contrarios; ita Deus magis puniet eos, quos sui regiminis executores et ministros facit, si nequiter agant, Dei iudicium in amaritudinem convertentes. Unde et in libro sapientiae ad reges iniquos dicitur : quoniam cum essetis ministri regni illius, non recte iudicastis, neque custodistis legem iustitiae (nostrae), neque secundum voluntatem Dei ambulastis, horrende et cito apparebit vobis quoniam iudicium durissimum his qui praesunt fiet. Exiguo enim conceditur misericordia, potentes autem potenter tormenta patientur. Et Nabuchodonosor per Isaiam dicitur : ad Infernum detraheris in profundum laci. Qui te viderint, ad te inclinabuntur teque prospicient, quasi profundius in poenis submersum. Si igitur regibus abundant temporalia bona et proveniunt, et excellens beatitudinis gradus praeparatur a Deo, tyranni autem a temporalibus bonis quae cupiunt plerumque frustrantur, multis insuper periculis subiacentes, et, quod est amplius, bonis aeternis privantur ad poenas gravissimas reservati, vehementer studendum est his, qui regendi officium suscipiunt, ut reges se subditis praebeant, non tyrannos. De rege autem quid sit, et quod expediat multitudini regem habere; adhuc autem quod praesidi expediat se regem multitudini exhibere subiectae, non tyrannum, tanta a nobis dicta sint.

Caput 13

 

[69944] De regno, lib. 1 cap. 13 tit. Procedit ad ostendendum regis officium, ubi secundum viam naturae ostendit regem esse in regno sicut anima est in corpore et sicut Deus est in mundo

[69945] De regno, lib. 1 cap. 13 Consequens autem ex dictis est considerare quod sit regis officium et qualem oporteat esse regem. Quia vero ea quae sunt secundum artem imitantur ea quae sunt secundum naturam, ex quibus accipimus ut secundum rationem operari possimus, optimum videtur regis officium a forma regiminis naturalis assumere. Invenitur autem in rerum natura regimen et universale et particulare. Universale quidem, secundum quod omnia sub Dei regimine continentur, qui sua providentia universa gubernat. Particulare autem regimen maxime quidem divino regimini simile est, quod invenitur in homine, qui ob hoc minor mundus appellatur, quia in eo invenitur forma universalis regiminis. Nam sicut universa creatura corporea et omnes spirituales virtutes sub divino regimine continentur, sic et corporis membra et caeterae vires animae a ratione reguntur, et sic quodammodo se habet ratio in homine sicut Deus in mundo. Sed quia, sicut supra ostendimus, homo est animal naturaliter sociale in multitudine vivens, similitudo divini regiminis invenitur in homine non solum quantum ad hoc quod per rationem regitur unus homo, sed etiam quantum ad hoc quod per rationem unius hominis regitur multitudo : quod maxime pertinet ad officium regis, dum et in quibusdam animalibus, quae socialiter vivunt, quaedam similitudo invenitur huius regiminis, sicut in apibus, in quibus et reges esse dicuntur, non quod in eis per rationem sit regimen, sed per instinctum naturae inditum a summo regente, qui est auctor naturae. Hoc igitur officium rex suscepisse cognoscat, ut sit in regno sicut in corpore anima et sicut Deus in mundo. Quae si diligenter recogitet, ex altero iustitiae in eo zelus accenditur, dum considerat ad hoc se positum ut loco Dei iudicium regno exerceat; ex altero vero mansuetudinis et clementiae lenitatem acquirit, dum reputat singulos, qui suo subsunt regimini, sicut propria membra.

Caput 14

 

[69946] De regno, lib. 1 cap. 14 tit. Assumit ex hac similitudine modum regiminis, ut sicut Deus unamquamque rem distinguit quodam ordine et propria operatione et loco, ita rex subditos suos in regno; et eodem modo de anima

[69947] De regno, lib. 1 cap. 14 Oportet igitur considerare quid Deus in mundo faciat : sic enim manifestum erit quid immineat regi faciendum. Sunt autem universaliter consideranda duo opera Dei in mundo. Unum quo mundum instituit, alterum quo mundum institutum gubernat. Haec etiam duo opera anima habet in corpore. Nam primo quidem virtute animae informatur corpus, deinde vero per animam corpus regitur et movetur. Horum autem secundum quidem magis proprie pertinet ad regis officium. Unde ad omnes reges pertinet gubernatio, et a gubernationis regimine regis nomen accipitur. Primum autem opus non omnibus regibus convenit. Non enim omnes regnum aut civitatem instituunt, in quo regnant, sed regno ac civitati iam institutis regiminis curam impendunt. Est tamen considerandum quod nisi praecessisset qui institueret civitatem aut regnum, locum non haberet gubernatio regni. Sub regis enim officio comprehenditur etiam institutio civitatis et regni. Nonnulli enim civitates instituerunt, in quibus regnarent, ut Ninus Ninivem, et Romulus Romam. Similiter etiam ad gubernationis officium pertinet ut gubernata conservet, ac eis utatur ad quod sunt constituta. Non igitur gubernationis officium plene cognosci poterit si institutionis ratio ignoretur. Ratio autem institutionis regni ab exemplo institutionis mundi sumenda est : in quo primo consideratur ipsarum rerum productio, deinde partium mundi ordinata distinctio. Ulterius autem singulis mundi partibus diversae rerum species distributae videntur, ut stellae caelo, volucres aeri, pisces aquae, animalia terrae : deinde singulis ea, quibus indigent, abundanter divinitus provisa videntur. Hanc autem institutionis rationem Moyses subtiliter et diligenter expressit. Primo enim rerum productionem proponit, dicens : in principio creavit Deus caelum et terram; deinde secundum ordinem convenientem omnia divinitus distincta esse denuntiat, videlicet diem a nocte, a superioribus inferiora, mare ab arida. Hinc caelum luminaribus, avibus aerem, mare piscibus, animalibus terram ornatam refert : ultimo assignatum hominibus terrae animaliumque dominium. Usum vero plantarum tam ipsis quam animalibus caeteris ex providentia divina denuntiat. Institutor autem civitatis et regni de novo producere homines et loca ad inhabitandum et caetera vitae subsidia non potest, sed necesse habet his uti quae in natura praeexistunt : sicut etiam caeterae artes operationis suae materiam a natura accipiunt, ut faber ferrum, aedificator ligna et lapides in artis usum assumunt. Necesse est igitur institutori civitatis et regni primum quidem congruum locum eligere, qui salubritate habitatores conservet, ubertate ad victum sufficiat, amoenitate delectet, munitione ab hostibus tutos reddat. Quod si aliquid de dicta opportunitate deficiat, tanto locus erit convenientior quanto plura vel magis necessaria de praedictis habuerit. Deinde necesse est ut locum electum institutor civitatis aut regni distinguat secundum exigentiam eorum quae perfectio civitatis aut regni requirit. Puta, si regnum instituendum sit, oportet providere quis locus aptus sit urbibus constituendis, quis villis, quis castris, ubi constituenda sint studia litterarum, ubi exercitia militum, ubi negotiatorum conventus, et sic de aliis quae perfectio regni requirit. Si autem institutioni civitatis opera detur, providere oportet quis locus sit sacris, quis iuri reddendo, quis artificibus singulis deputandus. Ulterius autem oportet homines congregare, qui sunt congruis locis secundum sua officia deputandi. Demum vero providendum est ut singulis necessaria suppetant secundum uniuscuiusque constitutionem et statum : aliter enim nequaquam posset regnum vel civitas commanere. Haec igitur sunt, ut summarie dicatur, quae ad regis officium pertinent in institutione civitatis aut regni, ex similitudine institutionis mundi assumpta.

Caput 15

 

[69948] De regno, lib. 1 cap. 15 tit. Quis modus gubernandi competat regi, quia secundum modum gubernationis divinae : qui quidem modus gubernandi a gubernatione navis sumpsit initium, ubi et ponitur comparatio sacerdotalis navis sumpsit initium, ubi et ponitur comparatio sacerdotalis dominii et regalis

[69949] De regno, lib. 1 cap. 15 Sicut autem institutio civitatis aut regni ex forma institutionis mundi convenienter accipitur, sic et gubernationis ratio ex gubernatione sumenda est. Est tamen praeconsiderandum quod gubernare est, id quod gubernatur, convenienter ad debitum finem perducere. Sic etiam navis gubernari dicitur dum per nautae industriam recto itinere ad portum illaesa perducitur. Si igitur aliquid ad finem extra se ordinetur, ut navis ad portum, ad gubernatoris officium pertinebit non solum ut rem in se conservet illaesam, sed quod ulterius ad finem perducat. Si vero aliquid esset, cuius finis non esset extra ipsum, ad hoc solum intenderet gubernatoris intentio ut rem illam in sua perfectione conservaret illaesam. Et quamvis nihil tale inveniatur in rebus post ipsum Deum, qui est omnibus finis, erga id tamen, quod ad extrinsecum ordinatur, multipliciter cura impeditur a diversis. Nam forte alius erit qui curam gerit ut res in suo esse conservetur; alius autem ut ad altiorem perfectionem perveniat : ut in ipsa navi, unde gubernationis ratio assumitur, manifeste apparet. Faber enim lignarius curam habet restaurandi si quid collapsum fuerit in navi, sed nauta sollicitudinem gerit ut navem perducat ad portum. Sic etiam contingit in homine. Nam medicus curam gerit ut vita hominis conservetur in sanitate; oeconomus, ut suppetant necessaria vitae; doctor autem curam gerit ut veritatem cognoscat; institutor autem morum, ut secundum rationem vivat. Quod si homo non ordinaretur ad aliud exterius bonum, sufficerent homini curae praedictae. Sed est quoddam bonum extrinsecum homini quamdiu mortaliter vivit, scilicet ultima beatitudo, quae in fruitione Dei expectatur post mortem. Quia, ut apostolus ait : quamdiu sumus in corpore, peregrinamur a domino. Unde homo Christianus, cui beatitudo illa est per Christi sanguinem acquisita, et qui pro ea assequenda spiritus sancti arrham accepit, indiget alia spirituali cura per quam dirigatur ad portum salutis aeternae; haec autem cura per ministros Ecclesiae Christi fidelibus exhibetur. Idem autem oportet esse iudicium de fine totius multitudinis, et unius. Si igitur finis hominis esset bonum quodcumque in ipso existens, et regendae multitudinis finis ultimus esset similiter ut tale bonum multitudo acquireret et in eo permaneret; et si quidem talis ultimus sive unius hominis sive multitudinis finis esset corporalis, vita et sanitas corporis, medici esset officium. Si autem ultimus finis esset divitiarum affluentia, oeconomus rex quidam multitudinis esset. Si vero bonum cognoscendae veritatis tale quid esset, ad quod posset multitudo pertingere, rex haberet doctoris officium. Videtur autem finis esse multitudinis congregatae vivere secundum virtutem. Ad hoc enim homines congregantur ut simul bene vivant, quod consequi non posset unusquisque singulariter vivens; bona autem vita est secundum virtutem; virtuosa igitur vita est congregationis humanae finis. Huius autem signum est quod hi soli sunt partes multitudinis congregatae, qui sibi invicem communicant in bene vivendo. Si enim propter solum vivere homines convenirent, animalia et servi essent pars aliqua congregationis civilis. Si vero propter acquirendas divitias, omnes simul negotiantes ad unam civitatem pertinerent, sicut videmus eos solos sub una multitudine computari qui sub eisdem legibus et eodem regimine diriguntur ad bene vivendum. Sed quia homo vivendo secundum virtutem ad ulteriorem finem ordinatur, qui consistit in fruitione divina, ut supra iam diximus, oportet eumdem finem esse multitudinis humanae qui est hominis unius. Non est ergo ultimus finis multitudinis congregatae vivere secundum virtutem, sed per virtuosam vitam pervenire ad fruitionem divinam. Siquidem autem ad hunc finem perveniri posset virtute humanae naturae, necesse esset ut ad officium regis pertineret dirigere homines in hunc finem. Hunc enim dici regem supponimus, cui summa regiminis in rebus humanis committitur. Tanto autem est regimen sublimius quanto ad finem ulteriorem ordinatur. Semper enim invenitur ille, ad quem pertinet ultimus finis, imperare operantibus ea quae ad finem ultimum ordinantur; sicut gubernator, ad quem pertinet navigationem disponere, imperat ei, qui navem constituit, qualem navem navigationi aptam facere debeat; civilis autem qui utitur armis, imperat fabro, qualia arma fabricet. Sed quia finem fruitionis divinae non consequitur homo per virtutem humanam, sed virtute divina, iuxta illud apostoli : gratia Dei, vita aeterna, perducere ad illum finem non humani erit, sed divini regiminis. Ad illum igitur regem huiusmodi regimen pertinet, qui non est solum homo sed etiam Deus, scilicet ad dominum nostrum Iesum Christum, qui homines filios Dei faciens in caelestem gloriam introduxit. Hoc igitur est regimen ei traditum quod non corrumpetur, propter quod non solum sacerdos, sed rex in Scripturis sacris nominatur, dicente Ieremia : regnabit rex, et sapiens erit; unde ab eo regale sacerdotium derivatur. Et quod est amplius, omnes Christi fideles, in quantum sunt membra eius, reges et sacerdotes dicuntur. Huius ergo regni ministerium, ut a terrenis essent spiritualia distincta, non terrenis regibus sed sacerdotibus est commissum, et praecipue summo sacerdoti, successori Petri, Christi vicario, Romano pontifici, cui omnes reges populi Christiani oportet esse subditos, sicut ipsi domino Iesu Christo. Sic enim ei, ad quem finis ultimi cura pertinet, subdi debent illi, ad quos pertinet cura antecedentium finium, et eius imperio dirigi. Quia igitur sacerdotium gentilium et totus divinorum cultus erat propter temporalia bona conquirenda, quae omnia ordinantur ad multitudinis bonum commune, cuius regi cura incumbit, convenienter sacerdotes gentilium regibus subdebantur. Sed et quia in veteri lege promittebantur bona terrena non a Daemonibus, sed a Deo vero religioso populo exhibenda, inde et in lege veteri sacerdotes regibus leguntur fuisse subiecti. Sed in nova lege est sacerdotium altius, per quod homines traducuntur ad bona caelestia : unde in lege Christi reges debent sacerdotibus esse subiecti. Propter quod mirabiliter ex divina providentia factum est ut in Romana urbe, quam Deus praeviderat Christiani populi principalem sedem futuram, hic mos paulatim inolesceret ut civitatum rectores sacerdotibus subiacerent. Sicut enim Valerius maximus refert, omnia post religionem ponenda semper nostra civitas duxit, etiam in quibus summae maiestatis decus conspici voluit. Quapropter non dubitaverunt sacris imperia servire, ita se humanarum rerum habitura regimen existimantia, si divinae potentiae bene atque constanter fuissent famulata. Quia vero etiam futurum erat ut in Gallia Christiani sacerdotii plurimum vigeret religio, divinitus est permissum ut etiam apud Gallos gentiles sacerdotes, quos Druidas nominabant, totius Galliae ius definirent, ut refert Iulius Caesar in libro quem de bello Gallico scripsit.

Caput 16

 

[69950] De regno, lib. 1 cap. 16 tit. Quod sicut ad ultimum finem consequendum requiritur ut rex subditos suos ad vivendum secundum virtutem disponat, ita ad fines medios. Et ponuntur hic quae sunt illa quae ordinant ad bene vivendum et quae impediunt, et quod remedium rex apponere debet circa dicta impedimenta

[69951] De regno, lib. 1 cap. 16 Sicut autem ad vitam, quam in caelo speramus beatam, ordinatur sicut ad finem vita qua hic homines bene vivunt; ita ad bonum multitudinis ordinantur sicut ad finem quaecumque particularia bona per hominem procurantur, sive divitiae, sive lucra, sive sanitas, sive facundia vel eruditio. Si igitur, ut dictum est, qui de ultimo fine curam habet praeesse debet his qui curam habent de ordinatis ad finem et eos dirigere suo imperio, manifestum ex dictis fit quod rex, sicut dominio et regimini quod administratur per sacerdotis officium subdi debet, ita praeesse debet omnibus humanis officiis et ea imperio sui regiminis ordinare. Cuicumque autem incumbit aliquid perficere quod ordinatur in aliud sicut in finem, hoc debet attendere ut suum opus sit congruum fini. Sicut faber sic facit gladium ut pugnae conveniat, et aedificator sic debet domum disponere ut ad habitandum sit apta. Quia igitur vitae, qua in praesenti bene vivimus, finis est beatitudo caelestis, ad regis officium pertinet ea ratione vitam multitudinis bonam procurare secundum quod congruit ad caelestem beatitudinem consequendam, ut scilicet ea praecipiat quae ad caelestem beatitudinem ducunt, et eorum contraria, secundum quod fuerit possibile, interdicat. Quae autem sit ad veram beatitudinem via, et quae sint impedimenta eius, ex lege divina cognoscitur, cuius doctrina pertinet ad sacerdotum officium, secundum illud Mal. : labia sacerdotis custodient scientiam, et legem requirent de ore eius. Et ideo in Deut. dominus praecipit : postquam sederit rex in solio regni sui, describet sibi Deuteronomium legis huius in volumine, accipiens exempla a sacerdote leviticae tribus, et habebit secum, legetque illud omnibus diebus vitae suae, ut discat timere dominum Deum suum et custodire verba et caeremonias eius, quae in lege praecepta sunt. Per legem igitur divinam edoctus, ad hoc praecipuum studium debet intendere, qualiter multitudo sibi subdita bene vivat : quod quidem studium in tria dividitur, ut primo quidem in subiecta multitudine bonam vitam instituat; secundo, ut institutam conservet; tertio, ut conservatam ad meliora promoveat. Ad bonam autem unius hominis vitam duo requiruntur : unum principale, quod est operatio secundum virtutem (virtus enim est qua bene vivitur); aliud vero secundarium et quasi instrumentale, scilicet corporalium bonorum sufficientia, quorum usus est necessarius ad actum virtutis. Ipsa tamen hominis unitas per naturam causatur; multitudinis autem unitas, quae pax dicitur, per regentis industriam est procuranda. Sic igitur ad bonam vitam multitudinis instituendam tria requiruntur. Primo quidem, ut multitudo in unitate pacis constituatur. Secundo, ut multitudo vinculo pacis unita dirigatur ad bene agendum. Sicut enim homo nihil bene agere potest nisi praesupposita suarum partium unitate, ita hominum multitudo pacis unitate carens, dum impugnat se ipsam, impeditur a bene agendo. Tertio vero requiritur ut per regentis industriam necessariorum ad bene vivendum adsit sufficiens copia. Sic igitur bona vita per regis officium in multitudine constituta, consequens est ut ad eius conservationem intendat. Sunt autem tria, quibus bonum publicum permanere non sinitur, quorum quidem unum est a natura proveniens. Non enim bonum multitudinis ad unum tantum tempus institui debet, sed ut sit quodammodo perpetuum. Homines autem cum sint mortales, in perpetuum durare non possunt. Nec, dum vivunt, semper sunt in eodem vigore, quia multis variationibus humana vita subiicitur, et sic non sunt homines ad eadem officia peragenda aequaliter per totam vitam idonei. Aliud autem impedimentum boni publici conservandi ab interiori proveniens in perversitate voluntatum consistit, dum vel sunt desides ad ea peragenda quae requirit respublica, vel insuper sunt paci multitudinis noxii, dum transgrediendo iustitiam aliorum pacem perturbant. Tertium autem impedimentum reipublicae conservandae ab exteriori causatur, dum per incursum hostium pax dissolvitur et interdum regnum aut civitas funditus dissipatur. Igitur circa tria praedicta triplex cura imminet regi. Primo quidem de successione hominum et substitutione illorum qui diversis officiis praesunt, ut sicut per divinum regimen in rebus corruptibilibus, quia semper eadem durare non possunt, provisum est ut per generationem alia in locum aliorum succedant, ut vel sic conservetur integritas universi, ita per regis studium conservetur subiectae multitudinis bonum, dum sollicite curat qualiter alii in deficientium locum succedant. Secundo autem ut suis legibus et praeceptis, poenis et praemiis homines sibi subiectos ab iniquitate coerceat et ad opera virtuosa inducat, exemplum a Deo accipiens qui hominibus legem dedit, observantibus quidem mercedem, transgredientibus poenas retribuens. Tertio imminet regi cura ut multitudo sibi subiecta contra hostes tuta reddatur. Nihil enim prodesset interiora vitare pericula, si ab exterioribus defendi non posset. Sic igitur bonae multitudinis institutioni tertium restat ad regis officium pertinens, ut sit de promotione sollicitus, quod fit dum in singulis quae praemissa sunt, si quid inordinatum est corrigere, si quid deest supplere, si quid melius fieri potest, studet perficere. Unde et apostolus fideles monet ut semper aemulentur charismata meliora. Haec igitur sunt quae ad regis officium pertinent, de quibus per singula diligentius tractare oportet.

Prologue

Comme je me demandais ce que je pouvais offrir qui fût digne de la majesté royale, et conforme à mon état de religieux et de docteur, j'ai pensé que le mieux était de composer, pour un roi, un ouvrage traitant de la royauté, dans lequel j'exposerais et l'origine de la royauté et ce qui se rapporte aux devoirs du roi, d'après l'autorité de la divine Ecriture, et en dégageant soigneusement l'enseignement des philosophes et l'exemple des princes les plus loués, selon les capacités de mon propre esprit, attendant pour commencer, poursuivre et achever cette œuvre, le secours de Celui qui est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, par qui les rois règnent, Dieu, le Seigneur puissant et le Souverain, dont la grandeur surpasse tous les dieux.

LIVRE 1 — NATURE DE LA ROYAUTÉ

 

CHAPITRE 1 — DÉFINITION DE LA ROYAUTÉ

(Les titres et les sous-titres sont du traducteur.)

Les êtres qui tendent à une fin par diverses voies ont besoin d’un principe directeur

Il nous faut, pour point de départ de notre entreprise, exposer ce que l’on doit entendre par le nom de roi.

Dans tout ce qui est ordonné à une fin, et où il arrive de procéder par diverses voies, on a besoin d’un principe directeur par lequel on atteigne directe ment la fin à laquelle on doit tendre. En effet, le navire, poussé par des vents contraires dans des directions opposées, ne parviendrait pas au but proposé, s’il n’était dirigé vers le port par l’art du pilote. Or l’homme a une fin, à laquelle toute sa vie et son action sont ordonnées, puisqu’il est un être agissant par l’intelligence, dont le propre est manifestement d’opérer en vue d’une fin. Il arrive aux hommes d’aller par divers moyens vers la fin à laquelle ils tendent, ce que montre la diversité même des préoccupations el des actions humaines. L’homme a donc besoin d’un principe qui le dirige vers sa fin.

Par nature, l’homme est un animal social et politique

Chaque homme possède, de par sa nature, la lumière innée de la raison, qui, dans ses actes, le guide vers sa fin. Et s’il convenait à l’homme de vivre solitairement, comme il convient à beaucoup d’animaux, il n’aurait besoin d’être dirigé par aucun autre principe directeur vers cette fin, mais chacun serait à soi-même son propre roi, sous la royauté suprême de Dieu, en tant que, par la lumière de la raison, qui est un don de Dieu, il se dirigerait lui-même dans ses actes. Mais il est dans la nature de l’homme d’être un animal social et politique, vivant dans une multitude, à un degré beaucoup plus fort encore que tous les autres animaux, ce que montre la nécessité naturelle.

En effet, la nature n préparé aux autres animaux la nourriture, un vêtement de pelage, des moyens de défense, comme les dents, les cornes, les griffes, ou, du moins, la rapidité dans la fuite. L’homme, au contraire, a été créé sans que la nature ne lui procure rien de tout cela, mais, à la place, la raison lui a été donnée, qui lui permit de préparer toutes ces choses, par le travail de ses mains : à quoi un seul homme ne suffit pas. En effet, un seul homme ne pourrait pas, par lui-même, s’assurer les moyens nécessaires à la vie. Il est donc dans la nature de l’homme qu’il vive en société.

Bien plus, les autres animaux possèdent à l’état inné une habileté naturelle à découvrir tout ce qui leur est utile ou nuisible, comme la brebis sent naturellement que le loup est son ennemi. Certains animaux connaissent même, grâce à cette habileté naturelle, certaines plantes médicinales et d’autres choses nécessaires à leur vie.

Or l’homme a, des choses qui sont nécessaires à sa vie, une connaissance naturelle qui n’est que générale, étant capable, par la raison, de parvenir, en partant des principes universels, à la connaissance des choses particulières qui sont nécessaires à la vie humaine. Mais il n’est pas possible qu’un seul homme atteigne, par sa propre raison, à toutes les choses de ce genre. Il est donc nécessaire à l’homme de vivre en multitude, afin que chacun soit aidé par le prochain, et que tous s’occupent de découvertes rationnelles diverses, par exemple, l’un en médecine, l’autre dans tel domaine, un autre dans tel autre.

Le propre de l’homme est d’user du langage

Ceci est encore montré très évidemment par le fait que le propre de l’homme est de se servir de la parole, par laquelle chaque homme peut exprimer aux autres la totalité de sa pensée. Il est vrai que les autres animaux se communiquent leurs passions, en gros, comme le chien exprime sa colère en aboyant, et les autres espèces leurs diverses passions de diverses manières. Donc l’homme est beaucoup plus communicatif avec autrui que n’importe quel animal, que l’on voit vivre en troupe, tels que la grue, la fourmi ou l’abeille.

Nécessité pour le corps social d’avoir une force directrice

C’est en considérant ce fait que Salomon dit dans l’Ecclésiaste (ch. IV, V. 9) : "Il est préférable d’être deux qu’un seul. Car chacun tire profit de cette mutuelle compagnie." Si donc il est dans la nature de l’homme qu’il vive en société d’un grand nombre de semblables, il est nécessaire qu’il y ait chez les hommes un principe par lequel gouverner la multitude. En effet, comme les hommes sont en grand nombre et que chacun pourvoit à ce qui lui est approprié, la multitude serait éparpillée en divers sens, s’il ne se trouvait aussi quelqu’un qui prenne soin de ce qui regarde le bien de la multitude, de même que le corps de l’homme ou de n’importe quel animal se désagrégerait, s’il n’y avait dans le corps une certaine force directrice commune, visant au bien commun de tous les membres. C’est ce que considère Salomon quand il dit (Prov. XI, 14) : "Là où il n’y a point de guide, le peuple se dispersera." Ceci se produit logiquement, car il n’y a pas identité entre le bien propre et le bien commun. Les êtres sont divisés sous l’angle de leurs biens propres; ils sont unis sous l’angle du bien commun. Or, des effets différents ont des causes différentes. Il faut donc, outre ce qui meut au bien propre de chacun, quelque chose qui meuve au bien commun du nombre. C’est pourquoi dans toutes les choses qui sont ordonnées en un tout, on trouve un principe directeur.

Dans le monde des corps, en effet, un premier corps, le corps céleste, dirige les autres selon un certain ordre établi par la divine Providence, et tous les corps sont dirigés par la créature raisonnable.

De même, dans un homme, l’âme gouverne le corps, et entre les parties de l’âme, l’irascible et le concupiscible sont gouvernés par la raison. Pareillement, entre les membres du corps, un est le principal qui meut tout, tel le coeur ou la tête.

Il faut donc que dans toute multitude, il y ait un principe directeur.

Gouvernement juste et gouvernement injuste

 

Mais il arrive qu’en certaines choses qui sont ordonnées à une fin, on procède avec rectitude ou sans rectitude. C’est pourquoi l’on trouve aussi dans le gouvernement de la multitude ce qui est droit et ce qui ne l’est pas. Un être, quel qu’il soit, est dirigé avec rectitude quand il est conduit vers la fin qui lui convient; il est dirigé sans rectitude quand il est conduit vers une fin qui ne lui convient pas.

Mais autre est la fin qui convient à une multitude d’hommes libres, autre à une multitude d’esclaves. En effet, l’homme libre est celui qui est maître de lui-même (sui causa), tandis que l’esclave est celui qui, en ce qu’il est, appartient à un autre. Si donc une multitude d’hommes libres est ordonnée, par celui qui la gouverne, au bien commun de la multitude, nous aurons un gouvernement droit et juste, tel qu’il convient à des hommes libres. Mais si un gouverne ment est ordonné, non au bien commun de la multitude, mais au bien privé de celui qui gouverne, ce gouvernement sera injuste et pervers; c’est pourquoi le Seigneur menace de tels chefs par la bouche d’Ezéchiel (XXXIV, 2), disant : "Malheur aux pasteurs qui se paissent eux-mêmes" — c’est-à-dire qui cherchent leur propre avantage. — "Est-ce que ce ne sont pas les troupeaux que les pasteurs doivent paître ?" Car les pasteurs doivent rechercher le bien du troupeau, et tout chef (rectores) le bien de la multitude qui lui est soumise.

Les gouvernements injustes

Si donc un gouvernement injuste est exercé par un seul homme, qui recherche, dans l’exercice du pouvoir, ses propres avantages et non le bien commun de la multitude qui lui est soumise, un tel chef est appelé tyran, nom dérivé de celui de force parce que le tyran opprime par la puissance, il ne gouverne pas par la justice. D’où, chez les anciens, tous ceux qui détenaient le pouvoir étaient appelés tyrans.

Mais si un gouvernement injuste est exercé, non par un seul homme, mais par plusieurs, si, du moins, ils sont en petit nombre, ce régime est appelé oligarchie, c’est-à-dire gouvernement (principatus) d’un petit nombre, comme quand un petit groupe d’hommes opprime le peuple, par la puissance de leurs richesses, différant du tyran par le seul fait qu’ils sont plusieurs.

Si un gouvernement inique est exercé par un grand nombre, il est appelé démocratie, c’est-à-dire domination du peuple, comme quand le peuple des plébéiens, s’appuyant sur la puissance de sa multitude, opprime les riches. Car ainsi le peuple entier sera comme un seul tyran.

Les gouvernements justes

Il faut établir des distinctions semblables entre les formes de gouvernements justes.

En effet si le gouvernement est exercé par quelque multitude, il est généralement appelé république (politia), comme quand la multitude des combattants exerce le pouvoir dans une cité ou une province.

S’il est exercé par un petit nombre d’hommes, mais qui soient vertueux, le gouvernement de ce genre s’appelle aristocratie, c’est-à-dire pouvoir le meilleur ou des meilleurs, qui pour cette raison se nomment optimates.

Mais si le gouvernement juste appartient à un seul homme, celui-ci est appelé roi; c’est pourquoi le Seigneur dit par Ezéchiel (XXXVII, 24) : "Mon serviteur David sera roi au-dessus de tous et il y aura un seul pasteur pour eux tous."

La notion de roi

Ceci montre manifestement que la notion de roi implique qu’il n’y ait qu’un seul homme qui gouverne et qu’il soit un pasteur recherchant le bien commun de la multitude, et non son propre avantage.

Comme il convient à l’homme de vivre en multitude, parce que, s’il reste solitaire, il ne se suffit pas pour les choses nécessaires à la vie, il faut que le lien social (societas) de la multitude soit d’autant plus parfait, que, par elle-même, elle suffira mieux aux besoins de la vie. Une seule famille, dans une seule maison, suffira bien à certains besoins vitaux, comme par exemple ceux qui se rapportent aux actes naturels de la nutrition, de la génération et des autres fonctions de ce genre; dans un seul bourg, on se suffira pour ce qui regarde un seul corps de métier; mais dans une cité, qui est la communauté parfaite, on se suffira quant à toutes les choses nécessaires à la vie; et plus encore dans une province unifiée à cause de la nécessité du combat en commun et du secours mutuel contre les ennemis.

C’est pourquoi celui qui gouverne (regit) une communauté parfaite, c’est-à-dire une cité ou une province, est appelé roi (rex) par antonomase; celui qui gouverne une maison n’est pas appelé roi, mais père de famille. Cependant il a avec le roi quelque similitude à cause de laquelle on appelle parfois les rois pères des peuples.

De ce que nous avons dit, il ressort donc avec évidence que le roi est celui qui gouverne la multitude d’une cité ou d’une province, et ceci en vue du bien commun. C’est pourquoi Salomon dit dans I’Ecclésiaste (V, 8) : "Le roi commande à tout le territoire qui lui est soumis."

 

CHAPITRE 2 — LA ROYAUTÉ EST LE MEILLEUR RÉGIME, EN RAISON DE L’UNITÉ

Ces prémisses posées, il faut rechercher ce qui convient mieux à une province ou une cité, si c’est d’être gouvernée par plusieurs ou par un seul. On peut considérer ce problème du point de vue de la fin elle- même du gouvernement.

Celui qui dirige la multitude doit procurer l’unité de la paix

En effet, l’intention de tout gouvernant doit tendre à procurer le salut de ce qu’il a entrepris de gouverner. Car il appartient au pilote en protégeant son navire des périls de la mer de le conduire indemne à bon port. Or le bien et le salut d’une multitude assemblée en société est dans la conservation de son unité, qu’on appelle paix; si celle-ci disparaît, l’utilité de la vie sociale est abolie, bien plus, une multitude en dissension est insupportable à soi-même. Tel est donc le but auquel celui qui dirige (rector) la multitude doit le plus viser : procurer l’unité de la paix. C’est à tort qu’il délibérerait s’il doit apporter la paix à la multitude qui lui est soumise, comme le médecin n’a pas à se demander s’il doit guérir le malade qui lui est confié. Nul en effet ne doit délibérer de la fin à laquelle il doit tendre, mais des moyens qui conduisent à cette fin. C’est pourquoi l’Apôtre, ayant recommandé l’unité au peuple fidèle, dit (aux Ephésiens, IV, 3) : "Efforcez-vous de conserver l’unité de l’esprit dans le lien de la paix."

Un gouvernement sera donc d’autant plus utile qu’il sera plus efficace pour conserver l’unité de la paix. Car nous appelons plus utile ce qui amène mieux à la fin.

 

Principe de l’unité de gouvernement

Mais il est manifeste que ce qui par soi est un, peut mieux réaliser l’unité que ce qui est multiple. De même la cause la plus efficace de chaleur est ce qui est chaud par soi. Le gouvernement d’un seul est donc plus utile que celui de plusieurs.

En outre, il est manifeste que plusieurs hommes ne maintiennent d’aucune façon une multitude, s’ils sont en désaccord sur tout. Une certaine union est requise d’un groupe de gouvernants pour qu’ils puissent gouverner en quelque mesure tout comme plusieurs matelots ne tireraient pas le navire dans une même direction s’ils n’étaient unis en quelque manière. Or, plusieurs choses sont dites être unies en ce qu’elles se rapprochent de ce qui est un. Un seul donc gouverne mieux que plusieurs, ceux-ci ne faisant que s’approcher de ce qui est un.

 

Conformité à la nature

En outre, les choses qui sont conformes à la nature se comportent le mieux. Car en chaque chose la nature opère ce qui est le meilleur. Or le gouvernement commun de la nature est exercé par un seul. En effet, parmi le grand nombre des membres, il en est un qui les meut tous : le coeur. Et entre les parties de l’âme, une seule force commande principalement : la raison. De même, les abeilles n’ont qu’un seul roi. Et dans tout l’univers, il n’y a qu’un seul Dieu, créateur et gouverneur de toutes choses.

 

Conformité à la raison L’art et la nature

Et ceci est selon la raison. Car toute multitude dérive de l’un. C’est pourquoi, si les choses qui sont du ressort de l’art imitent celles qui sont selon la nature, et si une oeuvre d’art est d’autant meilleure qu’elle reproduit davantage la similitude de ce qui est dans la nature, il est nécessaire que pour la multitude humaine le meilleur soit d’être gouvernée par un seul.

 

L’expérience

Ceci apparaît aussi par l’expérience. En effet, les provinces et les cités qui ne sont pas gouvernées par un seul souffrent de dissensions, et leur agitation les éloigne de la paix, de sorte que semble accomplie la plainte du Seigneur, quand il dit par la voix du prophète Jérémie (XII, 10) : "Les pasteurs, [parce qu’ils sont] nombreux, ont dévasté ma vigne." Mais au contraire, les provinces et les cités qui sont gouvernées par un seul roi jouissent de la paix, fleurissent dans la justice et sont heureuses dans l’abondance. C’est pourquoi le Seigneur a promis à son peuple par la voix de ses prophètes, comme une grande récompense, qu’il ne mettrait à sa tête qu’un seul chef, et qu’il n’y aura qu’un seul prince au milieu d’eux.

 

CHAPITRE 3 — LA TYRANNIE EST LE PIRE RÉGIME

Au meilleur régime s’oppose le pire, à la royauté la tyrannie.

Comme le gouvernement d’un roi est le meilleur, ainsi le gouvernement d’un tyran est le pire. A la république (politia) s’oppose la démocratie; l’une et l’autre, comme il ressort de ce que nous avons dit, étant un gouvernement exercé par le plus grand nombre; à l’aristocratie s’oppose l’oligarchie, l’une et l’autre étant exercée par le petit nombre; quant à la royauté, elle s’oppose à la tyrannie, l’une et l’autre étant exercée par un seul homme.

Que la royauté soit le meilleur gouvernement, nous l’avons montré précédemment. Si donc au meilleur s’oppose le pire, il suit nécessairement que la tyrannie est le pire gouvernement.

En outre, une force unifiée est plus efficace pour obtenir un effet, qu’une force dispersée ou divisée.

En effet, plusieurs hommes réunis tirent ensemble ce qu’ils ne pourraient tirer s’ils étaient séparés, même si chacun n’en prenait qu’une partie. De même donc qu’il est plus utile qu’une force (Virtus) opérant en vue du bien soit plus une, afin qu’elle soit plus puissante à opérer le bien, de même il est plus nuisible qu’une force opérant le mal soit une plutôt que divisée. Or la force de celui qui gouverne injustement opère pour le mal de la multitude, dès qu’il détourne le bien commun de cette multitude au profit de son seul bien à lui. De même donc qu’un gouvernement juste est d’autant plus utile que son organe de direction est plus un, de sorte que la royauté est meilleure que l’aristocratie, et l’aristocratie que la république (politia), ainsi inversement en sera-t-il pour le gouvernement injuste, de sorte que, plus son organe directeur est un, plus il est nuisible. La tyrannie est donc plus nuisible que l’oligarchie, et l’oligarchie que la démocratie.

 

Plus un gouvernement s’éloigne du bien commun, plus il est injuste

En outre, un gouvernement devient injuste du fait qu’au mépris du bien commun de la multitude, c’est le bien privé du gouvernant qui est recherché. Un gouvernement est donc d’autant plus injuste qu’il s’éloigne davantage du bien commun. Or on s’éloigne plus du bien commun dans l’oligarchie, où c’est le bien d’un petit nombre qui est recherché, que dans la démocratie, où c’est le bien d’un grand nombre; et l’on s’éloigne davantage encore de ce bien commun dans la tyrannie où le seul bien d’un seul homme est recherché. En effet, le grand nombre est plus proche de l’universalité totale que le petit nombre, et le petit nombre qu’un seul individu. Le gouvernement du tyran est donc le plus injuste qui soit.

 

La cause du bien et du beau est une, tandis que le mal et la laideur découlent de causes multiples

La même chose apparaît manifestement, quand on considère l’ordre de la divine Providence, qui dispose toutes choses le mieux. En effet, dans les choses, le bien provient d’une seule cause parfaite, en ce sens que sont réunis tous les éléments qui concourent au bien, tandis que le mal provient de chaque défaut singulier pris un à un. En effet, il n’y a pas de beauté dans un corps, si tous les membres n’ont pas été dis posés comme il convient; mais la laideur survient dès qu’un membre quelconque pèche. Et ainsi la laideur provient de plusieurs causes, et de manières diverses, mais pour la beauté, il lui faut une seule cause parfaite, une seule manière. Et il en est de même de tous les biens et de tous les maux, comme si Dieu pourvoyait à ce que le bien, provenant d’une seule cause, soit plus fort, et le mal, provenant de causes multiples, plus débile.

Il est donc avantageux qu’un gouvernement juste soit exercé par un seul, dans ce but qu’il soit plus fort. Mais si ce gouvernement tombe dans l’injustice, il est préférable qu’il soit aux mains d’un grand nombre, pour qu’il soit plus faible et que les gouvernants s’entravent les uns les autres. Entre les gouvernements injustes les plus supportable est la démocratie, le pire est la tyrannie.

 

Le tyran recherche son intérêt au mépris du bien commun

La même évidence se dégage encore très clairement quand on considère les maux qui proviennent de la tyrannie; comme le tyran recherche son intérêt privé au mépris du bien commun, il s’ensuit qu’il accable de diverses manières ses sujets, selon qu’il est la proie de diverses passions qui le poussent à ambitionner certains biens.

 

La sécurité ne peut reposer que sur le droit, non pas sur la volonté du tyran

En effet, celui qui est esclave de la cupidité ravit les biens de ses sujets. D’où la parole de Salomon (Proverbes XX IX, 4) : "Le roi juste fait la grandeur de son pays, l’homme cupide le ruine." Si c’est de l’irascibilité qu’il est la proie, il fait couler le sang pour un rien, ce qui fait dire à Ezéchiel (XXII, 27) : "Les princes sont au milieu d’Israël comme des loups ravissant leur proie pour en répandre le sang." Qu’il faut donc fuir un tel gouvernement, le sage nous en avertit dans l’Ecclésiastique (IX, 18) : "Tiens-toi éloigné de l’homme qui a le pouvoir de tuer", parce qu’il use de son pouvoir de tuer non pour la justice mais pour satisfaire sa volonté de puissance (libido voluntatis).

Ainsi donc il n’y a aucune sécurité, mais toutes choses sont incertaines, quand on s’éloigne du droit; et rien ne peut être affermi de ce qui repose sur la volonté d’un autre, pour ne pas dire sa passion.

 

La tyrannie corrompt les âmes

Ce n’est pas seulement dans les choses corporelles que le tyran accable ses sujets, mais il empêche aussi leurs biens spirituels, parce que ceux qui désirent plus gouverner qu’être utiles, entravent tout progrès chez leurs sujets, interprétant toute excellence chez ceux-ci comme un préjudice à leur domination inique. En effet, ce sont les bons plus que les méchants qui sont suspects aux tyrans, et ceux-ci s’effrayent toujours de la vertu d’autrui. Les tyrans dont nous parlons s’efforcent donc d’empêcher que leurs sujets devenus vertueux, n’acquièrent la magnanimité et ne supportent pas leur domination inique; ils s’opposent à ce qu’aucun pacte d’amitié ne s’affermisse entre leurs sujets ni qu’ils jouissent des avantages réciproques de la paix, afin qu’ainsi, personne n’ayant confiance en autrui, on ne puisse rien entreprendre contre leur domination.

A cause de cela, ils sèment des discordes entre leurs sujets eux-mêmes, ils alimentent celles qui sont nées, et ils prohibent tout ce qui tend à l’union des hommes, comme les mariages et les festins en commun et toutes les autres manifestations de ce genre qui ont coutume d’engendrer l’amitié et la confiance entre les hommes. Ils s’efforcent encore d’empêcher que leurs sujets ne deviennent puissants ou riches, parce que, soupçonnant les sujets d’après la conscience qu’ils ont de leur propre malice, comme eux-mêmes ils usent de la puissance et des richesses pour nuire, de même ils craignent que la puissance et les richesses de leurs sujets ne leur deviennent nuisibles. C’est pourquoi dans le livre de Job (XV, 21), il est dit du tyran : "Des bruits de terreur obsèdent sans cesse ses oreilles; et même au sein de la paix", c’est-à-dire alors que personne ne cherche à lui faire de mal, "il soupçonne toujours des embûches."

Il découle de ceci que les chefs, qui devraient conduire leurs sujets à la pratique des vertus, jalousant indignement la vertu de leurs sujets et l’entravant dans la mesure de leur pouvoir, on trouve peu d’hommes vertueux sous le règne des tyrans.

Car, selon la sentence du Philosophe : "On trouve les hommes de courage auprès de ceux qui honorent tous ceux qui sont les plus courageux", et, comme dit Tullius Cicéron, "elles sont toujours gisantes et ont peu de force les valeurs qui sont réprouvées de chacun". Il est naturel aussi que des hommes nourris dans la crainte s’avilissent jusqu’à avoir une âme servile et deviennent pusillanimes à l’égard de toute oeuvre virile et énergique, on peut le constater d’expérience dans les provinces qui furent longtemps sous la domination de tyrans. C’est pourquoi l’Apôtre dit (Ep. aux Colossiens III, 21) : "Pères, ne provoquez pas vos fils à l’irritation, de peur qu’ils ne deviennent pusillanimes." C’est en considérant ces méfaits de la tyrannie que le roi Salomon (Prov. XXVIII, 12) dit : "Quand les impies règnent, c’est une ruine pour les hommes", c’est-à-dire qu’à cause de la méchanceté des tyrans, les sujets abandonnent la perfection des vertus. Il dit encore (XXIX, 2) : "Quand les impies se sont emparés du pouvoir, le peuple gémit", comme ayant été emmené en servitude. Et encore (XXVIII, 28) : Quand les impies se sont levés, les hommes se cachent s, afin d’échapper à la cruauté des tyrans. Et ceci n’est pas étonnant, parce que l’homme qui gouverne en rejetant la raison et en obéissant à sa passion ne diffère en rien de la bête, ce qui fait dire à Salomon (Ibid., XXVIII, 15) : "Un lion rugissant, un ours affamé, tel est le prince impie dominant sur un peuple pauvre." C’est pourquoi les hommes se cachent des tyrans comme des bêtes cruelles, et il semble que ce soit la même chose d’être soumis à un tyran ou d’être la proie d’une bête en furie.

 

CHAPITRE 4 — LES DÉSAVANTAGES DE LA ROYAUTÉ

Le gouvernement d’un seul est le meilleur et le pire régime

Parce que donc le meilleur et le pire se trouvent dans la monarchie, c’est-à-dire dans le commandement d’un seul, la dignité royale est rendue odieuse à beau coup à cause de la malice des tyrans. Certains, il est vrai, en désirant le gouvernement d’un roi, tombent sur les cruautés des tyrans, et des gouvernants en beaucoup trop grand nombre exercent la tyrannie sous le prétexte de la dignité royale.

L’exemple de Rome

L’exemple de tels hommes apparaît avec évidence dans la république romaine (respublica). En effet, après avoir expulsé les rois, comme il ne pouvait plus supporter l’orgueil royal, ou plutôt tyrannique, le peuple romain s’était donné des consuls et d’autres magistrats par qui il commença d’être gouverné et dirigé; il voulait en effet commuer la royauté en aristocratie et, comme le rapporte Salluste : "Il est incroyable de penser combien, ayant acquis la liberté, la cité romaine a grandi en peu de temps."

Ceux qui sont gouvernés par un roi s’appliquent généralement moins à la recherche du bien commun

Car il arrive la plupart du temps que les hommes qui vivent sous un roi s’attachent avec plus d’indolence à atteindre le bien commun, parce qu’ils estiment que la peine qu’ils dépensent pour le bien commun ne leur rapporte rien à eux-mêmes, mais à un autre, sous le pouvoir de qui ils voient que sont les biens communs. Mais quand ils voient que le bien commun n’est pas sous le pouvoir d’un seul, ils ne s’en occupent pas comme de ce qui est le bien d’autrui, mais chacun s’y applique comme à son bien propre, d’où l’on voit par expérience qu’une cité dirigée par des magistrats annuels est parfois plus puissante qu’un roi, possédât-il trois ou quatre cités. Et les petites charges exigées par le roi sont plus lourdes à porter que de grands fardeaux qui sont imposés par la communauté des citoyens, ce qui fut observé au cours du développe ment de la république romaine. En effet, la plèbe était enrôlée dans l’armée et l’on payait une solde pour les combattants, et comme le trésor public ne suffisait pas à alimenter cette solde, les richesses privées passèrent à l’usage de l’Etat, au point, qu’à part l’anneau d’or et la bulle, qui étaient les insignes de sa dignité, un sénateur lui-même ne conservait rien pour soi qui fût en or.

 

L’établissement de la tyrannie

Mais comme ils étaient épuisés par de continuelles dissensions, qui grandirent même jusqu’à devenir des guerres civiles, dans lesquelles ils virent arracher de leurs mains cette liberté pour laquelle ils avaient dépensé tant d’efforts, ils tombèrent au pouvoir des empereurs qui, dès le début, refusèrent d’être appelés rois, parce que ce nom avait été odieux aux Romains. Certains de ces empereurs se soucièrent fidèlement du bien commun, d’une façon propre à un roi, et grâce à leur zèle, l’Etat romain (respublica) fut accru et conservé. Mais le plus grand nombre de ces empereurs se comportant en tyrans à l’égard de leurs sujets tandis qu’ils étaient sans énergie et incapables face à leurs ennemis, réduisirent la république romaine à rien.

 

Même évolution chez les Hébreux

Nous avons une évolution semblable dans le peuple hébreu.

D’abord, tant qu’ils étaient gouvernés par des juges, ils étaient de tous côtés la proie de leurs ennemis, car chacun faisait ce qui était bon à ses yeux. Mais ayant demandé et obtenu de Dieu des rois, à cause de la malice de ces rois, ils abandonnèrent le culte du Dieu unique, et furent finalement emmenés en captivité.

 

Il y a un double danger

De deux côtés il y a péril : ou bien par crainte d’un tyran, on écarte le meilleur des gouvernements, celui du roi; ou bien, si l’on choisit ce gouvernement, il peut verser à la tyrannie.

 

CHAPITRE 5 — LA TYRANNIE DE PLUSIEURS EST LA PIRE

De deux maux, il faut choisir le moindre La tyrannie d’un seul est moins redoutable que la tyrannie de plusieurs

Lorsqu’il faut choisir entre deux choses, dont chacune offre un danger, on doit, par-dessus tout, choisir celle d’où suit un moindre mal.

Or, si une monarchie dégénère en tyrannie, il en résulte un moindre mal que du gouvernement de plusieurs aristocrates quand il se corrompt. En effet, la dissension qui provient principalement du gouvernement de plusieurs est contraire au bien de la paix, qui est le bien le plus important dans une multitude unie en société. Or la tyrannie ne supprime pas ce bien, mais elle entrave quelques biens d’hommes particuliers, à moins qu’on en arrive à un excès de tyrannie, qui sévisse avec violence contre la communauté tout entière. Le gouverne ment d’un seul est donc préférable à celui de plusieurs, bien que les deux soient suivis de dangers

 

Le danger de discorde est plus grand dans un gouvernement collectif

Et même il semble qu’il faille davantage fuir celui duquel de grands dangers peuvent le plus souvent découler. Or les plus grands dangers que court une multitude proviennent plus souvent du gouvernement d’un grand nombre, que de celui d’un seul. En effet, il est plus fréquent de voir un seul esprit tendre au bien commun, que plusieurs y conspirer. Mais qu’un membre quelconque d’un gouvernement collectif se détourne de la recherche du bien commun, un danger menace de dissension dans la multitude des sujets, parce que, quand entre les chefs règne la dissension, c’est une conséquence normale qu’elle s’établisse aussi dans la multitude.

Mais si un seul homme commande, il regarde, la plupart du temps au moins, vers le bien commun; ou s’il détourne son application du bien commun, il ne s’ensuit pas aussitôt qu’il tende à l’écrasement de ses sujets, ce qui est le dernier excès de la tyrannie et le dernier degré de perversion (malitia) d’un gouvernement, comme nous l’avons montré plus haut.

Il faut donc davantage fuir les dangers qui proviennent du gouvernement de plusieurs que ceux qui proviennent du gouvernement d’un seul.

 

Un gouvernement collectif dégénère plus fréquemment en tyrannie

En outre, il n’est pas moins rare que le gouverne ment de plusieurs se tourne en tyrannie que celui d’un seul, peut-être même est-ce plus fréquent. Car, quand la discorde est née au sein d’un gouvernement collectif, il arrive souvent qu’un seul s’élève au-dessus des autres et usurpe pour lui seul la domination de la multitude, ce que l’on peut voir manifestement, en considérant ce qui s’est passé dans l’histoire. En effet, presque tous les gouvernements collectifs se sont terminés en tyrannie, comme il apparaît manifeste ment dans la république romaine. Après qu’elle eût été longtemps dirigée par plusieurs magistrats, comme des rivalités, des dissensions et des guerres civiles s’étaient élevées, elle tomba dans les mains des plus cruels tyrans.

Si quelqu’un considère avec attention ce qui s’est généralement produit dans le passé et ce qui se passe maintenant, il verra qu’un plus grand nombre de tyrans ont exercé leur domination dans les pays qui ont un gouvernement collectif que dans ceux qui sont gouvernés par un seul homme.

Si donc la royauté, qui est e meilleur régime, semble devoir être le plus évité à cause de la tyrannie, celle-ci, par contre, ne se produit pas moins, habituellement, mais plus souvent dans le gouvernement de plusieurs que dans celui d’un seul; il reste qu’il est de soi (simpliciter) plus utile d’être sous un seul roi que sous le gouvernement de plusieurs.

 

CHAPITRE 6 — IL FAUT PARER A LA TYRANNIE

Il faut empêcher la royauté de se changer en tyrannie

Puisque donc il faut préférer le gouvernement d’un seul, qui est le meilleur, et puisqu’il lui arrive de dégénérer en tyrannie, qui est le pire gouvernement, comme il apparaît d’après ce que nous avons dit plus haut, il faut travailler avec un zèle diligent à pourvoir la multitude d’un roi de telle sorte qu’elle ne tombe pas sous la domination d’un tyran.

D’abord, il est nécessaire que ceux à qui revient ce devoir élèvent à. la fonction de roi un homme tel qu’il ne soit pas probable qu’il tombe dans la tyrannie. C’est pourquoi Samuel, se confiant à la Providence de Dieu pour l’établissement d’un roi, dit au premier Livre des Rois (XIII, 14) : "Le Seigneur s’est cherché un homme selon son coeur."

Ensuite, la direction du royaume doit être organisée de telle sorte, qu’une fois le roi établi, l’occasion d’une tyrannie soit supprimée. En même temps son pouvoir doit être tempéré de manière à ne pouvoir dégénérer facilement en tyrannie. Comment cela doit se faire, nous le considérerons par la suite.

Il faut enfin se soucier, au cas où le roi tomberait dans la tyrannie, de la manière de s’y opposer

Et certes, s’il n’y a pas excès de tyrannie, il est plus utile de tolérer pour un temps une tyrannie modérée, que d’être impliqué, en s’opposant au tyran, dans des dangers multiples, qui sont plus graves que la tyrannie elle-même. Il peut en effet arriver que ceux qui luttent contre le tyran ne puissent l’emporter sur lui, et qu’ainsi provoqué, le tyran sévisse avec plus de violence. Que si quelqu’un peut avoir le dessus contre le tyran, il s’ensuit souvent de très graves dissensions dans le peuple, soit pendant l’insurrection contre le tyran, soit qu’après son renversement, la multitude se sépare en factions à propos de l’organisation du gouvernement.

Il arrive aussi que parfois, tandis que la multitude chasse le tyran avec l’appui d’un certain homme, celui-ci, ayant reçu le pouvoir, s’empare de la tyran nie, et craignant de subir de la part d’un autre ce que lui-même a fait è autrui, il opprime ses sujets sous une servitude plus lourde. Il se produit en effet habituellement dans la tyrannie, que le nouveau tyran est plus insupportable que le précédent, puisqu’il ne supprime pas les anciennes charges, et que, dans la malice de son coeur, il en invente de nouvelles. C’est pourquoi, comme jadis les Syracusains désiraient tous la mort de Denys, une vieille femme priait continuelle ment pour qu’il reste sain et sauf et qu’il survive. Quand le tyran connut ceci, il lui demanda pourquoi elle agissait ainsi : "Quand j’étais jeune fille, répondit celle-ci, comme nous avions à supporter un dur tyran, je désirais sa mort; puis, celui-ci tué, un autre lui succéda un pue plus dur; j’estimais aussi que la fin de sa domination serait d’un grand prix; nous t’eûmes comme troisième maître beaucoup plus importun. Ainsi, si tu était supprimé, un tyran pire que toi te succéderait."

 

 

Mérites, sur le plan surnaturel, à supporter le tyran Il n’appartient pas à une initiative personnelle de pouvoir tuer le tyran

Mais, si cet excès de tyrannie est intolérable, il a paru à certains qu’il appartenait à la vertu d’hommes courageux de tuer le tyran et de s’exposer à des risques de mort pour la libération de la multitude; il y a même un exemple de ceci dans l’Ancien Testament (Juges III, 15 et suiv.). En effet un certain Aioth tua, en lui enfonçant son poignard dans la cuisse, Eglon, roi de Moab, qui opprimait le peuple de Dieu d’une lourde servitude, et il devient juge du peuple. Mais cela n’est pas conforme à l’enseignement des Apôtres. Saint Pierre, en effet, nous enseigne d’être respectueusement soumis non seulement aux maîtres bons et modérés, mais aussi à ceux qui sont difficiles (I Pierre II, 18) : "C’est, en effet, une grâce, si, pour rendre témoignage à Dieu quel qu’un supporte des afflictions qui l’atteignent injustement." C’est pourquoi, alors que beaucoup d’empereurs romains persécutaient la foi du Christ d’une manière tyrannique, et qu’une grande multitude tant de nobles que d’hommes du peuple se convertissaient à la foi, ceux qui sont loués ne le sont pas pour avoir résisté, mais pour avoir supporté avec patience et courage la mort pour le Christ, comme il apparaît manifestement dans l’exemple de la sainte légion des Thébains. Et l’on doit juger qu’Aioth a tué un ennemi, plutôt qu’un tyran, chef de son peuple. C’est aussi pourquoi on lit dans l’Ancien Testament (IV, Rois XIV, 5-6) que ceux qui tuèrent Joas, roi de Juda, furent tués, quoique Joas se fût détourné du culte de Dieu, et que leurs fils furent épargnés selon le précepte de la loi.

Il serait, en effet, dangereux pour la multitude et pour ceux qui la dirigent, si, présumant d’eux-mêmes, certains se mettaient à tuer les gouvernants, même tyrans. Car, le plus souvent, ce sont les méchants plutôt que les bons qui s’exposent aux risques d’actions de ce genre. Or le commandement des rois n’est habituellement pas moins pesant aux méchants que celui des tyrans, parce que selon la sentence de Salomon (Prov. XX, 26) : "Le roi sage met en fuite les impies." Une telle initiative privée (praesumptio) menacerait donc plus la multitude du danger de perdre un roi qu’elle ne lui apporterait le remède de supprimer un tyran.

C’est l’autorité publique qui doit supprimer le tyran

Mais il semble que contre la cruauté des tyrans il vaut mieux agir par l’autorité publique que par la propre initiative privée de quelques-uns.

D’abord s’il est du droit d’une multitude de se donner un roi, cette multitude peut sans injustice destituer le roi qu’elle a institué ou réfréner son pouvoir, s’il abuse tyranniquement du pouvoir royal. Et il ne faut pas penser qu’une telle multitude agisse avec infidélité en destituant le tyran, même si elle s’était auparavant soumise à lui pour toujours, parce que lui-même, en ne se comportant pas fidèlement dans le gouvernement de la multitude, comme l’exige le devoir d’un roi, a mérité que ses sujets ne conservassent pas leurs engagements envers lui.

Ainsi les Romains chassèrent de la royauté Tarquin le Superbe, qu’ils avaient pris pour roi, à cause de la tyrannie que lui et ses fils faisaient peser, et lui substituèrent un pouvoir moindre, le pouvoir consulaire. Ainsi encore comme Domitien, qui avait succédé à des empereurs très modérés, son père Vespasien et son frère Titus, exerçait la tyrannie, il fut mis à mort sur ordre du sénat romain, et par un sénatus-consulte toutes les lois que dans sa perversion, il avait décrétées pour les Romains furent justement et salutairement gouvernés. Ceci eut pour conséquence que le Bienheureux Jean l’Evangéliste, le disciple bien-aimé de Dieu, qui avait été relégué en exil dans l’île de Pathmos, par Domitien lui-même, fut renvoyé à Ephèse par un sénatus-consulte.

Il faut recourir à une autorité supérieure, s’il y a lieu

Mais si le droit de pourvoir d’un roi la multitude revient à quelque supérieur, c’est de lui qu’il faut attendre un remède contre la perversion du tyran. Ainsi Archélaüs, qui avait commencé à régner en Judée à la place d’Hérode son père, imitait la méchanceté de celui-ci. Comme les Juifs avaient porté plainte contre lui auprès de César-Auguste, on diminua d’abord son pouvoir en le privant du titre de roi, et en divisant une moitié de son royaume entre ses deux frères; ensuite, comme, même ainsi, il ne faisait pas cesser sa tyrannie, il fut relégué en exil par Tibère Auguste à Lyon, cité de Gaule.

Il faut recourir à Dieu, qui a pouvoir sur le tyran

Que si l’on ne peut absolument pas trouver de secours humain contre le tyran, il faut recourir au roi de tous, à Dieu, qui dans la tribulation secourt aux moments opportuns. Car il est en sa puissance de convertir à la mansuétude le coeur cruel du tyran, selon la sentence de Salomon (Prov. XXI, 1) : "Le coeur du roi est dans la main de Dieu qui l’inclinera dans le sens qu’il voudra." C’est Lui, en effet, qui changea en mansuétude la cruauté du roi Assuérus qui se préparait à faire mourir les Juifs. C’est Lui qui a converti le cruel Nabuchodonosor au point d’en faire un héraut de la puissance divine. "Maintenant donc, dit-il, moi Nabuchodonosor, je loue, je magnifie et je glorifie le roi du ciel, parce que ses oeuvres sont vraies et parce que ses voies sont justes et qu’il peut humilier ceux qui marchent dans l’orgueil." (Daniel IV, 34). Quant aux tyrans qu’il juge indignes de conversion, il peut les supprimer ou les réduire à un état très bas, selon cette parole du Sage, dans l’Ecclésiastique (X, 17) : "Dieu a détruit le trône des chefs orgueilleux et à leur place, il a installé des hommes doux." C’est Lui, en effet, qui, voyant l’affliction de son peuple en Egypte et entendant sa clameur, jeta à la mer le tyran Pharaon et son armée. C’est Lui qui, non seulement chassa du trône royal ce même Nabuchodonosor mentionné plus haut, auparavant plein d’orgueil, mais encore, l’ôtant de la société des hommes, Il le rendit semblable à une bête. Car son bras ne s’est pas raccourci, au point qu’Il ne puisse libérer son peuple des tyrans.

Il promet en effet à son peuple, par la voix d’Isaïe, qu’Il lui donnera le repos, en le retirant de la peine, de la confusion et de la dure servitude à laquelle il était auparavant soumis. Et il dit, par la voix d’Ezéchiel (XXXIV, 10) : "Je délivrerai mon troupeau de leur gueule", c’est-à-dire de la gueule des pasteurs qui se paissent eux-mêmes. Mais, pour que le peuple mérite d’obtenir ce bienfait de Dieu, il doit se libérer du péché, parce que c’est pour la punition des péchés que les impies, par une permission divine, reçoivent le pouvoir, comme le dit le Seigneur par la bouche d’Osée (XIII, 11) : "Je te donnerai un roi dans ma fureur", et., au livre de Job (XXXIV, 30), il est dit que Dieu "fait régner l’homme hypocrite à cause des péchés du peuple". Il faut donc ôter le péché, pour que cesse la plaie de la tyrannie.

 

CHAPITRE 7 — UNE RÉCOMPENSE TEMPORELLE EST INSUFFISANTE POUR LE ROI

Quelle doit être la récompense d’un bon roi ?

Puisque, selon ce que nous avons dit, c’est le propre du roi de rechercher le bien de la multitude, il semble que son office serait trop lourd, s’il n’en provenait pour lui quelque bien particulier. Il faut donc considérer quelle est la récompense qui convient au bon roi.

Raison pour laquelle il semble que la gloire et l’honneur soient une récompense pour les rois

Certains pensent que cette récompense n’est rien d’autre que l’honneur et la gloire. Aussi Tullius Cicéron (De Re Publica) établit que "le premier de la cité doit se nourrir de gloire"; et Aristote semble en assigner la raison dans le livre de l’Ethique : parce que le prince à qui l’honneur et la gloire ne suffisent pas, devient nécessairement un tyran." Il est en effet inné dans l’âme de tous de rechercher leur propre bien. Si donc le prince ne se contente pas de la gloire et de l’honneur, il recherchera les voluptés et les richesses, et sera ainsi amené à commettre des vols et des injustices contre ses sujets.

 

Mais cette récompense est insuffisante :

 

1. A cause de la versatilité des opinions humaines.

Mais si nous admettons cette opinion, il s’ensuivra de très nombreux inconvénients. Car, en premier lieu, il serait préjudiciable aux rois de supporter tant de peines et de soucis pour un salaire si fragile. En effet, rien parmi les choses humaines ne semble plus fragile que la gloire et l’honneur qui viennent de la faveur des hommes, puisqu’ils dépendent de leurs opinions, la chose la plus changeante qui soit dans la vie humaine. C’est pourquoi le prophète Isaïe (XL, 6) appelle la gloire de ce genre une fleur des champs.

2. Parce que la passion de la gloire détruit la grandeur d’âme.

Ensuite, le désir de la gloire humaine ôte la grandeur d’âme. En effet, celui qui recherche la faveur des hommes doit nécessairement, dans tout ce qu’il dit ou fait, être le serviteur de leur volonté et ainsi il devient l’esclave de chacun des hommes auxquels il s’applique à plaire. C’est pourquoi le même Tullius Cicéron dit dans son livre De Officis qu’il faut se garder du désir de la gloire. Car ce désir arrache la liberté d’âme, vers laquelle les hommes magnanimes doivent faire tendre tout leur effort. Or rien ne convient davantage au prince, qui est établi pour accomplir le bien, que la grandeur d’âme. La gloire humaine est donc une récompense qui ne correspond pas à l’office de roi.

3. Parce que l’âme vertueuse méprise la gloire.

Par ailleurs, il est nuisible à la multitude, d’assigner une telle récompense aux princes, car c’est le devoir d’un homme de bien de mépriser la gloire comme les autres biens temporels. En effet, le propre d’une âme vertueuse et forte est de mépriser la gloire, comme aussi la vie, pour la justice. Ceci a une conséquence admirable : puisque la gloire suit les actes vertueux, la gloire elle-même est méprisée par vertu, et l’homme est rendu glorieux de ce qu’il méprise la gloire, selon la sentence de Fabius (De Officiis, Lib. I, cap. XX, 682) qui dit : "Qui aura méprisé la gloire, aura la vraie gloire." Et Salluste a dit de Caton (De Coniur. Catil., cap. LIV, 6) : "d’autant moins recherchait-il la gloire, d’autant plus l’atteignait-il" Et les disciples du Christ eux-mêmes se montraient comme les serviteurs de Dieu dans la gloire et dans l’obscurité, dans l’infamie et dans la bonne réputation. (II Cor. VI, 8.) La gloire, que les bons méprisent, n’est donc pas la récompense convenable de l’homme de bien. En conséquence, si l’on attribue ce seul bien comme récompense aux princes, il s’ensuivra que les hommes de bien n’assumeront pas le pouvoir, ou, s’ils l’assument, qu’ils seront sans récompense.

4. Parce que le désir de gloire rend souvent présomptueux.

De plus, des maux dangereux proviennent du désir de la gloire. Beaucoup, recherchant la gloire dans les actions militaires d’une façon immodérée, se sont perdus eux-mêmes et leurs armées, abandonnant la liberté de leur patrie au pouvoir de l’ennemi. C’est pourquoi le consul romain Torquatus, pour montrer qu’un tel risque doit être évité, fit mourir, bien qu’il ait remporté la victoire, son propre fils qui, poussé par son ardeur juvénile, avait, contre son ordre, combattu un ennemi qui l’avait provoqué; il fit ceci pour empêcher qu’il ne sortît plus de mal de cet exemple de présomption que d’utilité de la gloire d’avoir tué un ennemi.

5. Parce que le désir de la gloire peut pousser à être hypocrite.

En outre, le désir de la gloire s’accompagne ordinairement d’un autre vice, à savoir la simulation. Car, comme il est difficile d’atteindre les vraies vertus, auxquelles seules l’honneur est dû, et que peu y arrivent, beaucoup désirant acquérir le gloire deviennent simulateur des vertus. C’est pourquoi, comme le dit Salluste (De Coniur. Catit., cap. X, 5), "l’ambition a contraint de nombreux mortels à devenir faux. Autre chose est d’avoir la vertu cachée dans le coeur, ou agile sur la langue, et d’en avoir l’apparence plus que le caractère". Mais notre Sauveur, de son côté, appelle hypocrites, c’est-à-dire simulateurs, ceux qui font de bonnes oeuvres afin d’être vus des hommes.

De même donc qu’il y a danger pour la multitude que, si le prince recherche, pour récompense, les voluptés et les richesses, il ne devienne voleur et n’outrage ses sujets, de même il est à redouter, s’il est attaché à la récompense de la gloire, qu’il ne devienne présomptueux et simulateur.

La recherche de la gloire tolérée comme moindre mal

Mais, autant qu’il apparaît de l’intention des sages dont nous avons parlé, ils ont non pour cette raison proposé au prince la gloire et l’honneur pour récompense, qu’ils sont ce vers quoi l’intention d’un bon roi doive principalement se porter, mais parce qu’on supporte mieux un roi s’il recherche la gloire que s’il a la passion de l’argent ou poursuit la volupté.

Car ce vice est plus proche de la vertu, puisque la gloire, que les hommes désirent, n’est, comme le dit saint Augustin, rien d’autre que le jugement favorable des hommes sur les hommes. En effet, le désir de gloire contient quelque vestige de vertu, en tant du moins qu’il recherche l’approbation des hommes de bien et refuse de leur déplaire. Donc, comme peu d’hommes parviennent à la vraie vertu, il paraît plus supportable de porter de préférence au gouvernement un homme qui, même par crainte du jugement des hommes, se détourne des méfaits manifestes.

En effet, celui qui désire la gloire, ou bien s’engage dans la vraie voie par des oeuvres de vertu, afin de recevoir l’approbation des hommes, ou du moins, il y tend par des ruses et des tromperies. Mais celui qui désire dominer, si, étranger au désir de la gloire, il ne craint pas de déplaire à ceux dont le jugement est juste, cherche le plus souvent à obtenir ce qu’il ambitionne par les crimes les plus affichés, en sorte qu’il surpasse les bêtes féroces par ses vices soit de cruauté, soit de luxure, comme on le voit chez César Néron dont saint Augustin dit que la luxure était si grande qu’il ne paraissait pas que l’on puisse craindre rien de viril de lui, et sa cruauté si violente qu’il ne semblait plus rien avoir de capable d’être attendri. Ceci est suffisamment exprimé par ce qu’Aristote dit du magnanime dans l’Ethique (Lib. IV, cap. III, 17) : il ne recherche pas l’honneur et la gloire comme quelque chose de grand qui serait une récompense suffisante de la vertu, mais il n’exige rien de plus des hommes. Car, entre toutes les choses terrestres, il semble que la plus haute soit ce témoignage que les hommes rendent à un homme pour sa Vertu.

 

CHAPITRE 8 — LA BÉATITUDE ÉTERNELLE EST LA RÉCOMPENSE DU ROI

Puisque donc l’honneur du monde et la gloire des hommes ne sont pas une récompense suffisante de la sollicitude du roi, il reste à chercher quelle est la récompense qui lui puisse suffire.

Le roi doit attendre sa récompense de Dieu

Il convient que le roi attende sa récompense de Dieu. Un ministre, en effet, attend la récompense pour son service de son maître; or, le roi en gouvernant le peuple est le ministre de Dieu, car l’Apôtre dit (aux Romains XIII, 1 et 4) que : "tout pouvoir vient du Seigneur Dieu" et que "le ministre de Dieu tire vengeance de celui qui fait le mal". De même dans le livre de la Sagesse les rois sont représentés comme les ministres de Dieu (VI, 5). Les rois doivent donc attendre de Dieu la récompense pour leur gouvernement.

Dieu rémunère parfois les rois pour leur service par des biens temporels, mais de telles récompenses sont communes aux bons et aux méchants. Aussi le Seigneur dit dans Ezéchiel (XXIX, 18) : "Nabuchodonosor, roi de Babylone, a fait faire à son armée un dur service contre Tyr, et ni lui ni son armée n’ont reçu de Tyr aucun salaire pour le service que pour moi il a fait contre elle", c’est-à-dire pour le service par lequel le pouvoir, selon l’Apôtre, devient ministre de Dieu et l’instrument de sa colère contre celui qui fait le mal. Et ensuite il ajoute au sujet de la récompense : "C’est pourquoi le Seigneur Dieu a dit : Voici que je donnerai à la terre d’Egypte Nabuchodonosor, roi de Babylone, et il lui arrachera ses dépouilles et ce sera un salaire pour son armée." Si donc le Seigneur rémunère des rois iniques qui combattent contre les ennemis de Dieu non certes dans l’intention de servir Dieu, mais pour assouvir leurs haines et leurs cupidités — par un salaire tel qu’il leur accorde la victoire sur leurs ennemis, leur soumette des royaumes, et leur propose des butins à enlever, que fera-t-Il aux bons rois qui gouvernent le peuple de Dieu et combattent ses ennemis dans une loyale intention ? En vérité, ce n’est pas une récompense terrestre, mais éternelle qu’Il leur promet et qui ne consiste en rien d’autre qu’en Lui- même, saint Pierre disant aux pasteurs du peuple de Dieu (Ire Epît. de Pierre V, 2 et 4) : "Paissez le troupeau que le Seigneur vous a confié, afin que, quand viendra le Prince des pasteurs", c’est-à-dire le Roi des rois, le Christ, "vous receviez l’immarcescible couronne de gloire" au sujet de laquelle Isaïe dit (XXVIII, 5) : "Le Seigneur sera pour son peuple une couronne d’exultation et un diadème de gloire."

 

Naturellement l’âme désire la béatitude

Ceci est manifesté par la raison. En effet, il est inné dans l’esprit de tous les êtres qui font usage de raison, que la béatitude est la récompense de la vertu. Car on définit la vertu de chaque chose en disant qu’elle rend bon celui qui la possède et bonne son oeuvre. Mais chacun s’efforce, en opérant le bien, de parvenir à ce qu’il y a de plus profond dans son désir : être heureux, ce que personne ne peut ne pas vouloir. Il convient donc qu’on attende comme récompense de la vertu ce qui rend l’homme heureux. Mais si l’oeuvre de la vertu est d’opérer le bien, et celle du roi de bien gouverner ses sujets, la récompense du roi sera aussi ce qui le rendra heureux.

Qu’est-ce que la béatitude ?

Il nous faut maintenant considérer en quoi consiste le bonheur. Nous appelons béatitude la fin ultime de nos désirs. En effet, le mouvement du désir ne s’étend pas indéfiniment; car le désir naturel serait vain, puisque nous ne pourrions pas parcourir un infini.

Mais comme le désir d’une nature intellectuelle se porte vers le bien universel, seul ce bien pourra la rendre vraiment heureuse, qui, une fois possédé, ne laisse place à aucun autre bien ultérieurement désirable. Et c’est pourquoi on appelle la béatitude bien parfait, en tant qu’elle comprend en soi toutes les choses désirables, ce qui n’est le cas d’aucun bien terrestre; car, ceux qui possèdent des richesses désirent avoir davantage, et il en va de même pour les autres bonheurs. Et s’ils ne recherchent pas de biens plus grands, ils désirent cependant que ces biens demeurent ou du moins que d’autres viennent les remplacer. En effet, parmi les choses terrestres, on ne trouve rien de stable; il n’est par conséquent rien de terrestre qui puisse apaiser le désir. Aucune chose terrestre ne peut rendre heureux au point d’être une récompense convenable pour un roi.

L’esprit de l’homme est au-dessus de toutes les choses terrestres. Sa béatitude ne saurait être quelque chose de terrestre.

En outre, la perfection finale de n’importe quelle chose et son bien complet dépendent d’un être supé rieur, puisque les êtres corporels eux-mêmes sont rendus meilleurs par leur union avec d’autres meilleurs, et pires s’ils sont mélangés à des êtres qui leur sont inférieurs. En effet, si l’or est allié à l’argent, l’argent en devient meilleur, tandis qu’il devient impur, allié au plomb.

Or il est évident que toutes les choses terrestres sont au-dessous de l’esprit de l’homme. Mais la béatitude est la perfection finale de l’homme et son bien complet, auxquels tous désirent parvenir : il n’y a donc rien de terrestre qui puisse rendre l’homme heureux, et, par conséquent, aucune chose terrestre ne peut être une récompense suffisante pour un roi.

Dieu seul peut être une récompense convenable pour le roi

En effet, comme le dit saint Augustin, ce n’est pas parce que les princes chrétiens ont régné longtemps; parce qu’ils ont laissé, par une mort paisible, l’empire à leurs fils; parce qu’ils ont dompté les ennemis de la chose publique, ou parce qu’ils ont pu se garder des citoyens insurgés contre eux et les contenir, que nous disons qu’ils sont heureux, mais bien s’ils commandent avec justice, s’ils préfèrent régner sur les passions plutôt que sur les nations qu’il leur plait, s’ils font toutes choses, non poussés par l’ardeur d’une vaine gloire, mais par l’amour de la félicité éternelle. De tels empereurs chrétiens nous les disons heureux, d’abord par l’espérance, et plus tard par la possession, quand ce que nous attendons sera arrivé. Mais il n’est rien d’autre, rien de créé, qui fasse l’homme heureux et puisse être attribué au roi comme récompense. En effet, le désir de chaque chose la pousse vers son principe qui est la cause de son être. Or la cause de l’esprit humain n’est rien d’autre que Dieu qui le fait à Son image. C’est donc Dieu seul qui peut apaiser le désir de l’homme et le rendre heureux, et être une récompense convenable pour le roi.

En outre, l’esprit humain connaît le bien universel par l’intellect, et le désire par la volonté : or le bien universel ne se trouve qu’en Dieu. Il n’y a donc rien qui puisse faire l’homme heureux en comblant son désir si ce n’est Dieu, dont il est dit dans le Psaume CII, 5 : "Il comble de biens ton désir." C’est en lui donc que le roi doit placer sa récompense. Aussi, en considérant cela, le roi David disait dans le Psaume LXXII, 25 : "Qu’y a-t-il pour moi dans le Ciel et qu’ai-je voulu de toi sur la terre ?" Répondant ensuite à cette question, il ajoute : "Le bien est pour moi d’adhérer à Dieu et de mettre dans le Seigneur Dieu mon espérance." En effet, c’est Lui-même qui donne aux rois non seule ment le salut temporel, par lequel Il protège en même temps les hommes et les bêtes, mais encore le salut dont Il dit par la voix d’Isaïe (LI, 6) : "Mon salut sera pendant l’éternité", celui par lequel Il sauve les hommes en les conduisant jusqu’à l’égalité avec les anges.

 

C’est la gloire de Dieu, non des hommes, que recherchent les bons rois

Ainsi donc on peut vérifier que la récompense du roi est l’honneur et la gloire. En effet, quel honneur mondain et périssable peut être semblable à cet honneur qui fait l’homme concitoyen et familier de Dieu, le compte au nombre des fils de Dieu, et lui fait obtenir l’héritage du royaume céleste avec le Christ ? C’est cet honneur que désirait et admirait le roi David quand il disait (Psaume CXXXVIII, 17) : "Vos amis sont trop honorés, ô Dieu." Quelle gloire humaine peut être comparée à cette louange, que ni la langue trompeuse des flatteurs, ni l’opinion erronée des hommes ne prononce, mais qui provient du témoignage intérieur de la conscience et est confirmée par celui du Christ, qui promet à ses confesseurs de les confesser dans la gloire du Père, en présence des anges de Dieu. Or, ceux qui cherchent cette gloire, la trouvent, et ils obtiennent la gloire des hommes, qu’ils ne cherchent pas, à l’exemple de Salomon, qui, non seulement reçut du Seigneur la sagesse qu’il demandait, mais fut rendu glorieux, au-dessus de tous les autres rois.

 

CHAPITRE 9 — LE ROI OBTIENT LA BÉATITUDE LA PLUS HAUTE

Il faut d’autant plus de vertu qu’on a plus d’hommes à gouverner Plus grande est la vertu, plus grande sera la béatitude

Il nous reste enfin à considérer que ceux qui exécutent dignement et d’une manière qui mérite la louange leur office de rois, obtiennent aussi un degré éminent de béatitude céleste. Si, en effet, la béatitude est la récompense de la vertu, il s’ensuit qu’à une vertu plus grande est dû un degré plus élevé de béatitude. Or elle est supérieure la vertu par quoi un homme peut diriger non seulement lui-même, mais encore les autres; et elle l’est d’autant plus qu’elle dirige un plus grand nombre, puisque de même selon la vertu corporelle quelqu’un est réputé d’autant plus valeureux qu’il peut vaincre plus d’ennemis ou soulever plus de poids. Ainsi donc une plus grande vertu est requise pour se gouverner une famille que pour se gouverner soi seul, et une bien plus grande pour le gouvernement d’une cité ou d’un royaume. C’est donc le propre d’une vertu supérieure que de bien exercer l’office de roi, et cette vertu u droit, par conséquent, à une récompense supérieure dans la béatitude.

 

Partout ceux qui dirigent les autres méritent plus de louange

En plus, dans tous les arts et tous les pouvoirs, ceux qui dirigent bien les autres sont plus dignes de louange que ceux qui se comportent bien selon la direction d’un autre. En effet, dans les sciences spéculatives, il est plus grand de transmettre, en l’enseignant, la vérité aux autres, que de pouvoir recevoir ce qui est enseigné par d’autres. Dans les arts et métiers techniques de même, on estime davantage et on paie d’un plus grand prix l’architecte qui dispose le plan de l’édifice que l’artisan qui oeuvre de ses mains d’après le plan du premier; et dans les choses de la guerre, la prudence du chef tire une plus grande gloire de la victoire que le courage du soldat. Or celui qui dirige la multitude est, par rapport aux actions qui doivent être faites selon la vertu par les individus, comme le docteur par rapport à ce qu’il enseigne, comme l’architecte par rapport à ce qu’il construit, et le général par rapport aux batailles. Le roi est donc digne d’un plus grand prix, s’il a bien gouverné ses sujets, que l’un de ses sujets qui se sera bien conduit sous le gouvernement du roi.

Le bien de la multitude est plus grand que celui de l’individu La vertu qui procure ce bien est plus grande

En outre, si le propre de la vertu est que, par elle, l’oeuvre de l’homme soit rendue bonne, on voit que le propre d’une vertu plus grande est que, par elle, quelqu’un opère un plus grand bien. Or le bien de la multitude est plus grand et plus divin que le bien d’un seul, c’est pourquoi on supporte parfois le malheur d’un seul s’il profite au bien de la multitude; ainsi on met à mort un brigand afin de donner la paix à la multitude. Et Dieu Lui-même ne permettrait pas qu’il y eût des maux dans le monde, s’Il n’en tirait des biens pour l’utilité et la beauté de l’univers. Or il appartient à l’office de roi de procurer, avec zèle, le bien de la multitude. Une récompense plus grande est donc due au roi pour son bon gouvernement, qu’à un sujet pour une bonne action.

Les rois méritent louange et récompense pour leurs bonnes œuvres

Or cela devient plus manifeste si on le considère sous un angle plus spécial. En effet, les hommes louent et Dieu récompense une personne privée si elle secourt les indigents, pacifie ceux qui sont en désaccord, arrache l’opprimé des mains du puissant, apporte enfin à autrui, de quelque façon que ce soit, un secours ou un conseil utile à son salut. Combien par conséquent plus digne de louange de la part des hommes et de récompense de la part de Dieu est celui qui fait jouir toute une province de la paix, qui réprime les violences, conserve la justice, et règle par ses lois et ses préceptes, ce que doivent faire les hommes ?

 

La vertu royale porte la ressemblance de Dieu

La grandeur de la vertu royale apparaît aussi en ce qu’elle porte la ressemblance de Dieu éminemment, en faisant dans le royaume ce que Dieu fait dans le monde : et c’est pourquoi dans le livre de l’Exode (XXII, 8) les juges de la multitude sont appelés dieux. Chez les Romains de même les empereurs étaient appelés dieux. Or une chose est d’autant plus agréable à Dieu qu’elle se rapproche plus de son imitation : et c’est pourquoi l’Apôtre donne cet avertissement (aux Ephésiens V, 1) : "Soyez des imitateurs de Dieu, comme ses fils bien-aimés." Mais si, d’après la parole du Sage (Ecclésiastique, XIII, 19) : "tout vivant aime son semblable", selon que les êtres causés ont d’une certaine façon une ressemblance avec leur cause, il s’ensuit donc que les bons rois sont très agréables à Dieu et doivent, plus que tous, recevoir de Lui une récompense.

Les tentations du pouvoir

Et de même, pour se servir des paroles de saint Grégoire : Qu’est-ce que la tempête de la mer, sinon la tempête de l’âme ? Lorsque la mer est calme, même un homme inexpérimenté dirige bien un navire, mais lorsque la mer est troublée par les flots de la tempête, même le marin habile est confondu : et c’est pourquoi, souvent, dans les difficultés du gouvernement, se perd l’exercice du bien-agir, que l’on maîtrisait en temps de paix. Car il est très difficile, comme le dit Augustin, qu’au milieu des paroles de louange et de vénération et des marques de trop grande déférence, on ne finisse par s’enorgueillir et par oublier qu’on est un homme. Et dans l’Ecclésiastique (XXXI, 8, 10) il est dit : "Bienheureux l’homme qui n’a point couru après l’or, ni n’a espéré en des trésors d’argent (…), qui a pu impunément transgresser la loi et ne l’a point transgressée, faire le mal et ne l’a point fait." C’est pourquoi on le trouve fidèle dans la mesure où il a été éprouvé dans l’oeuvre de la vertu, d’où, selon un proverbe de Bias : "Le pouvoir révèle un homme." Beaucoup, en effet, par venant au faîte du pouvoir, déchoient de la vertu, qui, tandis qu’ils étaient dans un humble état, paraissaient vertueux.

Les princes sont dignes d’indulgence

La difficulté même qui menace les princes dans l’accomplissement du bien les rend donc dignes d’une plus grande récompense, et si parfois ils ont péché par infirmité, ils en sont plus excusables devant les hommes, et ils obtiennent plus facilement le pardon de Dieu, si toutefois, comme le dit saint Augustin, ils ne négligent pas d’offrir au vrai Dieu qui est le leur, un sacrifice d’humilité, de commisération et de prière pour leurs péchés. Nous en avons pour exemple Achab, roi d’Israël, qui avait beaucoup péché, au sujet duquel le Seigneur dit à Hélie (IIIe Livre des Rois, XXI, 29) : "Parce qu’il s’est humilié à cause de moi, je n’enverrai pas ce malheur pendant sa vie."

Confirmation par l’Ecriture sainte

Il est non seulement montré par la raison mais encore confirmé par l’autorité divine qu’une récompense éminente est due aux rois. Il est dit, en effet, dans Zacharie (XII, 8) que, "dans ce jour de béatitude où le Seigneur sera le protecteur de ceux qui habitent en Jérusalem", c’est-à-dire dans la vision d’éternelle paix pour les demeures de nous tous, elle seront comme la maison de David, car tous seront rois et régneront avec le Christ, unis à lui comme les membres à la tête, mais que, pour la demeure de David [c'est-à-dire pour la demeure des rois], elle sera comme la demeure de Dieu, car de même qu’en gouvernant avec fidélité, ils ont fait oeuvre divine à l’égard du peuple, ainsi dans la récompense ils seront plus proches de Dieu et lui adhéreront de plus près. Les Gentils eux mêmes en avaient comme un pressentiment quand ils croyaient que ceux qui gouvernaient et défendaient les cités étaient transformés en dieux.

 

CHAPITRE 10 — LES TYRANS SONT PRIVÉS DES BIENS TEMPORELS

La récompense céleste doit pousser les rois à bien gouverner

Puisqu’une si grande récompense est proposée aux rois dans la béatitude céleste, s’ils se sont bien conduits dans leur gouvernement, ils doivent s’observer eux- mêmes avec un soin diligent afin de ne pas tomber dans la tyrannie. Rien, en effet, ne leur doit tenir plus à coeur que de passer de l’honneur royal qui les élève sur terre à la gloire du royaume céleste. En vérité, ils se trompent les tyrans qui délaissent la justice pour quelques avantages terrestres, eux qui se privent d’une récompense si grande, qu’ils pouvaient acquérir en gouvernant avec justice. Qu’il soit insensé de perdre les biens les plus grands et éternels pour des biens de cette sorte, minimes et temporels, nul, sinon l’insensé ou l’infidèle, ne l’ignore.

Les biens temporels profitent plus à ceux qui sont justes Les tyrans sont privés du premier de ces biens, l’amitié des sujets

Il faut encore ajouter que ces avantages temporels à cause desquels les tyrans abandonnent la justice profitent plus aux rois qui observent la justice.

Tout d’abord, en effet, parmi toutes les choses de ce monde, il n’est rien qui paraisse préférable à une amitié digne. Car c’est elle qui unit les hommes vertueux, qui conserve et promeut la vertu. C’est elle aussi dont tous ont besoin dans toutes les tâches qu’ils ont à mener, sans qu’elle vienne les importuner dans la prospérité, ni les abandonner dans l’adversité. C’est elle qui apporte les plus grandes délectations, à tel point que, sans amis, n’importe quelle chose délectable se tourne en dégoût. L’amour rend les épreuves les plus rudes faciles et presque nulles. Et la cruauté d’un tyran n’est jamais si grande, qu’il ne se laisse charmer par l’amitié.

En effet, comme jadis Denys, tyran de Syracuse, voulait faire périr l’un de deux amis, nommés Damon et Pythias, celui qui devait mourir obtint un délai, pour aller chez lui mettre en ordre ses affaires; l’autre se livre au tyran, en gage de son retour. Cependant comme le jour fixé approchait et que le premier ne venait pas, tous accusaient de folie celui qui s’était porté garant. Mais celui-ci déclarait n’avoir aucune crainte quant à la fidélité de son ami. Or, à l’heure même où il devait être exécuté, celui-ci revint. Frappé de leur magnanimité à tous deux, le tyran fit grâce du supplice en raison de la fidélité de leur amitié, et les pria de la recevoir comme tiers dans leur amitié. Mais, ce bien de l’amitié, les tyrans, quoiqu’ils le désirent, ne peuvent cependant l’obtenir. Car du moment qu’ils ne recherchent pas le bien commun, mais leur bien propre, ils ont très peu ou pas du tout de communion avec leurs sujets. Or toute amitié est fondée sur quelque communion. En effet, ceux que rapprochent soit l’origine naturelle, soit la ressemblance des moeurs, soit la communion de quelque société, ce sont eux, nous le voyons, qui sont unis par l’amitié. Elle est donc petite ou plutôt nulle, l’amitié du tyran et des sujets; et de même, comme les sujets sont opprimés par l’injustice du tyran et ne se sentent pas aimés, mais méprisés, ils ne l’aiment d’aucune façon. Et les tyrans n’ont pas de raison de se plaindre de leurs sujets, s’ils ne sont pas aimés d’eux, puisque eux-mêmes ne se montrent pas à eux tels qu’ils doivent s’en faire aimer.

Les bons rois sont aimés de leurs sujets, ce qui est cause de stabilité

Mais les bons rois, quand ils s’appliquent de tout leur zèle au progrès commun, et que leurs sujets sentent qu’ils retirent de ce zèle de nombreux avantages, sont chéris du plus grand nombre, ils montrent par là qu’ils aiment leurs sujets. Car ce serait la pire des malices qui puisse se produire dans une multitude, que de haïr ses amis et de rendre à ses bienfaiteurs le mal pour le bien, Et de cet amour provient que le trône des bons rois est stable, puisque leurs sujets ne refusent pas de s’exposer pour eux aux plus graves dangers. Nous en trouvons un exemple en Jules César, dont Suétone rapporte qu’il chérissait à ce point ses soldats, qu’ayant appris que certains d’entre eux avaient été massacrés, il ne se f point couper les cheveux et la barbe avant de les avoir vengés. Par cette action, il se rendit ses soldats à tel point dévoués et courageux, que plusieurs d’entre eux, ayant été faits prisonniers, refusèrent d’avoir la vie qu’on leur accordait à condition qu’ils consentissent à combattre contre César. De même Octavien Auguste, qui usa du pouvoir avec une très grande modération, était tellement aimé de ses sujets, que plusieurs, au moment de mourir, firent immoler des victimes votives parce qu’il leur survivait.

La domination des tyrans ne peut durer longtemps

Il n’est donc pas facile d’ébranler le pouvoir d’un prince que le peuple aime d’une affection si unanime; c’est pourquoi Salomon dit au livre des Proverbes XXIX, 14) : "Un roi qui juge les pauvres avec justice, son trône sera affermi pour l’éternité." Mais le pou voir des tyrans ne peut pas être durable, puisqu’il est odieux à la multitude. Car ce qui répugne aux voeux du grand nombre ne peut être conservé longtemps. En effet, difficilement quelqu’un peut traverser la vie présente sans qu’il souffre quelques adversités. Or, au temps de l’adversité, l’occasion ne peut manquer de s’insurger contre le tyran, et dès que l’occasion se présentera, il se trouvera au moins un homme, parmi la multitude, pour en profiter. Le peuple accompagne de ses voeux celui qui s’insurge, et ce qui est tenté avec la faveur de la multitude manquera difficilement d’aboutir. Il ne peut donc guère arriver que la domination du tyran se prolonge longtemps.

Ne pouvant pas compter sur la fidélité, le tyran règne par la crainte Celle-ci est un fondement fragile

Ceci apparaît encore manifestement, si l’on considère par quoi la domination d’un tyran est conservée. Car ce ne peut être par l’affection, puisque l’amitié de la multitude sujette pour le tyran est petite ou nulle, comme nous l’avons vu plus haut. Quant à la fidélité des sujets, les tyrans ne peuvent s’y fier. Car on ne trouve pas dans une multitude une vertu si grande, qu’elle soit retenue, par sa fidélité, de rejeter le joug d’une injuste servitude, si elle en a la possibilité. Probablement même, selon l’opinion de beaucoup, on n’agirait pas contrairement à la fidélité, en s’opposant d’une manière ou d’une autre à l’iniquité du tyran. Il reste donc que le gouvernement du tyran n’est soutenu que par la seule crainte; c’est pourquoi celui-ci applique tous ses efforts à se faire craindre de ses sujets. Or la crainte est un fondement débile. Car ceux qui sont sous l’emprise de la crainte, s’il arrive une occasion qui leur laisse espérer l’impunité, se révoltent contre ceux qui les commandent, avec d’autant plus d’ardeur que leur volonté était plus contrainte par cette seule crainte. De même une eau contenue par violence, s’écoule avec plus d’impétuosité quand elle a trouvé une issue. Mais la crainte elle-même n’est pas sans danger, car un grand nombre sous l’effet d’une crainte excessive sont tombés dans le désespoir. Or quand on désespère de son salut, on se précipite sou vent avec audace vers n’importe quelles tentatives. La domination d’un tyran ne peut donc pas être de longue durée.

Exemples dans l’histoire

Ceci encore n’est pas moins rendu évident par les exemples que par les arguments rationnels. En effet, si l’on considère les faits et gestes des anciens et les événements de l’époque moderne, on trouve difficile ment quelque tyran dont la domination ait duré longtemps. C’est pourquoi Aristote, dans sa Politique (Lib. V, cap. IX, 23), après avoir énuméré de nombreux tyrans, montre que leur domination à tous a pris fin après un temps court; quelques-uns d’entre eux cependant commandèrent plus longtemps, parce qu’ils n’excédaient point beaucoup dans la tyrannie, mais en beaucoup de points imitaient la modération d’un roi.

Dieu permet les tyrans pour punir le peuple

Ceci devient encore plus manifeste quand on considère le jugement de Dieu. En effet, comme il est dit dans le Livre de Job (XXX IV, 30) : "Dieu fait régner l’homme hypocrite à cause des péchés du peuple." Or personne ne peut être appelé hypocrite avec plus de vérité que celui qui assume l’office de roi et se montre un tyran. Car on appelle hypocrite celui qui joue le rôle d’un autre, comme on a coutume de le faire dans les spectacles de théâtre. Ainsi donc Dieu a permis la domination des tyrans pour punir les péchés des sujets. Une telle punition est ordinairement appelée dans l’Ecriture "colère de Dieu". C’est pourquoi le Seigneur dit par la bouche d’Osée (XIII, 30) : "Je vous donnerai un roi dans ma colère." Mais malheureux le roi qui est accordé au peuple dans la colère de Dieu. Car sa domination ne peut être stable : parce que "Dieu n’oubliera jamais d’avoir pitié et que dans Sa colère, Il n’oubliera jamais Sa miséricorde" (Psaume LXXVI, 10). N’est-il pas dit dans Joël (II, 13) : "qu’a Il est compatissant, plein de miséricorde, et s’afflige du mal qu’Il envoie". Dieu donc ne permet pas aux tyrans de régner longtemps, mais après la tempête déchaînée par eux sur le peuple, Il amènera, par leur rejet, la tranquillité. C’est pourquoi il est dit dans l’Ecclésiastique (X, 17) : "Dieu a détruit le trône des chefs superbes et Il a fait asseoir les doux à leur place."

Les rois justes acquièrent plus de richesses que les tyrans

L’expérience fait encore mieux apparaître que les rois acquièrent plus de richesses par la justice que les tyrans par leur rapine. Parce qu’en effet la domination des tyrans déplaît à la multitude qui leur est soumise, les tyrans ont besoin d’avoir de nombreux satellites, qui leur assurent la sécurité contre leurs sujets; pour leur entretien, il leur est nécessaire de dépenser plus de biens qu’ils n’en volent à leurs sujets.

Mais les rois dont le pouvoir plaît aux sujets, les ont tous comme satellites pour leur protection; ils n’ont pas besoin de dépenser pour eux, mais parfois, en cas de nécessité, ceux-ci donnent d’eux-mêmes aux rois plus que les tyrans ne pourraient leur arracher, et ainsi se trouve réalisé ce que dit Salomon (Proverbes XI, 24) : "Les uns c’est-à-dire les rois — distribuent leurs propres richesses en faisant du bien à leur sujets et ils en deviennent plus riches. Les autres — c’est-à-dire les tyrans — ravissent les biens qui ne sont pas à eux et sont constamment dans le besoin." D’une manière semblable, il arrive, par un juste jugement de Dieu, que ceux qui amassent injustement des richesses, les vilipendent inutilement, ou même en sont justement dépouillés. Car comme dit Salomon dans l’Ecclésiaste (V, 9) : "L’avare ne sera pas rassasié par l’argent et celui qui aime les richesses n’en recueillera pas le fruit." Bien plus, comme il est dit dans les Proverbes (XV, 27) : "Celui qui suit sa cupidité trouble sa maison." Mais les rois qui cherchent la justice reçoivent des richesses de Dieu, comme Salomon, qui, ayant demandé la sagesse pour rendre un jugement, reçut la promesse d’une abondance de richesses.

Les bons rois laissent une bonne renommée

Quant à la renommée, il paraît inutile d’en parler. Car qui doute que les bons rois, non seulement pendant leur vie, mais plus encore après leur mort, ne vivent d’une certaine manière par les louanges des hommes et ne soient regrettés, mais que le nom des mauvais, ou bien ne disparaisse aussitôt, ou bien, s’ils ont été d’une perversité exceptionnelle, ne demeure fixé dans un souvenir détestable ? C’est ce qui fait dire à Salomon (Proverbes X, 7) : "Le souvenir du juste est dans les louanges, mais le nom des impies pourrit", ou qu’il disparaisse, ou qu’il subsiste avec sa puanteur.

 

 

 

CHAPITRE 11 — UN CHATIMENT ÉTERNEL EST LA PUNITION DES TYRANS

On acquiert par la justice les biens que les tyrans convoitent, au prix de l’injustice

D’après ce que nous avons dit, il est donc manifeste que la stabilité du pouvoir, les richesses, l’honneur et la renommée répondent plus aux voeux des rois que des tyrans, cependant que pour se les procurer d’une manière contraire au droit, un prince tombe dans la tyrannie. Car personne ne s’écarte de la justice s’il n’est attiré par le désir de quelque avantage.

Le tyran mérite le châtiment éternel

Le tyran est en outre privé de la béatitude la plus élevée, qui est due comme récompense aux rois, et, ce qui est plus grave, il se réserve le plus grand tourment comme châtiment. Si, en effet, celui qui dépouille un homme, le réduit en servitude, ou le tue, mérite le plus grand châtiment qui, quant au jugement des hommes, est la mort, quant au jugement de Dieu, la damnation éternelle, à combien plus forte raison faut-il penser que le tyran mérite les pires supplices, lui qui vole partout et à tous, qui entreprend contre la liberté de tous, qui tue n’importe qui pour le bon plaisir de sa volonté ?

Il est rare que les tyrans se repentent

De plus, enflés du vent de l’orgueil, abandonnés justement de Dieu pour leurs péchés, et corrompus par les flatteries des hommes, rarement de tels hommes se repentent, et plus rarement encore peuvent-ils donner une juste satisfaction. Quand, en effet, restitueront-ils tout ce qu’ils ont enlevé, en passant outre le devoir de justice ? Cependant personne ne doute qu’ils ne soient tenus de restituer tout cela. Quand donc indemniseront-ils ceux qu’ils ont oppressés et qu’ils ont injustement lésés d’une manière ou d’une autre ?

Les tyrans sont responsables des crimes de leurs successeurs

Ce qui s’ajoute encore à leur impénitence, c’est qu’ils estiment que tout ce qu’ils ont pu faire impunément, sans rencontrer de résistance, leur est permis, d’où non seulement ils ne se tourmentent pas pour réparer les maux qu’ils ont commis, mais usant de leur habitude comme d’une autorité, ils transmettent à leurs successeurs l’audace de pécher, et ainsi ils sont tenus coupables devant Dieu non seulement de leurs propres crimes, mais encore des crimes de ceux à qui ils ont donné l’occasion de pécher.

La dignité de leur fonction aggrave leur péché

Leur péché est encore aggravé par la dignité de l’office qu’ils ont assumé. De même, en effet, qu’un roi de la terre punit plus sévèrement ses ministres, s’il découvre qu’ils lui sont opposés, ainsi Dieu punira davantage ceux qu’Il a faits les agents et les ministres de son gouvernement, s’ils agissent mal et tournent en amertume le jugement de Dieu. C’est pourquoi il est dit aux rois iniques, dans le Livre de la Sagesse (VI, 4) : "Parce que, quand vous étiez les ministres de Sa royauté, vous n’avez pas jugé avec droiture, ni observé la loi de notre justice, ni marché selon la volonté de Dieu, Il vous apparaîtra terrible et soudain, parce qu’un jugement très rigoureux s’exerce sur ceux qui ont le pouvoir. Car au petit on accorde la miséricorde, mais les puissants seront puissamment châtiés". Et il est dit à Nabuchodonosor, dans Isaïe (XIV, 15) : "Tu seras entraîné dans les enfers au fond de l’abîme. Ceux qui te verront se pencheront vers toi et ils te regarderont" comme si tu étais plongé plus profondément dans les châtiments.

Celui qui gouverne doit donc se montrer roi, non tyran

Si donc les rois reçoivent des biens temporels en abondance et si un rang supérieur dans la béatitude leur est préparé par Dieu, par contre les tyrans sont frustrés, la plupart du temps, des biens temporels qu’ils désirent, étant en outre sous la menace de nombreux dangers, et, ce qui est pire, ils sont privés des biens éternels, et réservés pour les plus lourds châtiments. Il faut donc que ceux qui reçoivent la charge de gouverner s’appliquent avec force à se montrer à leurs sujets des rois, non des tyrans.

Questions précédemment traitées

Qu’est-ce qu’un roi; qu’il convient à la multitude d’avoir un roi, et, de plus, qu’il est utile à un chef de se montrer roi, non tyran, à la multitude qu’il gouverne, voilà ce que nous avions à dire.

Comme conséquence à ce que nous avons dit, il nous faut considérer quel est l’office du roi et ce que doit être celui-ci.

Le gouvernement du monde par Dieu

Puisque les choses de l’art imitent celles de la nature —c’est à celles-ci que nous nous conformons afin de pouvoir opérer selon la raison— le mieux semble de tirer le modèle de l’office de roi de la forme du gouvernement naturel. Or on trouve dans la nature un gouvernement universel, et un gouvernement particulier. Un gouvernement universel, selon que toutes choses sont contenues sous le gouvernement de Dieu qui dirige l’univers par Sa providence.

 

CHAPITRE 12 — L’OFFICE DU ROI

Le gouvernement de la raison dans l’homme

Quant au gouvernement particulier, qui a, en vérité, une très grande ressemblance avec le gouvernement divin, il se trouve dans l’homme, qui, à cause de cela est appelé petit monde (minor mundus), parce qu’en lui se trouve la forme du gouvernement universel. En effet, comme toutes les créatures corporelles et toutes les puissances spirituelles sont contenues sous le gouvernement divin, de même les membres du corps et les autres facultés de l’âme sont régies par la raison, et ainsi, d’une certaine façon, la raison se comporte dans l’homme comme Dieu dans le monde.

L’unité de la société est assurée par un principe directeur

Mais, puisque, comme nous l’avons montré plus haut, l’homme est un animal naturellement social vivant en multitude, la similitude avec le gouverne ment divin dans l’homme ne se trouve pas seulement en ce qu’un homme individuellement est gouverné par la raison, mais encore en ce que la multitude est régie par la raison d’un seul homme ; c’est là surtout le propre de l’office de roi, puisque chez certains animaux aussi, qui vivent en société, on trouve

une certaine similitude avec ce gouvernement, comme c’est le cas chez les abeilles qui, dit-on, possèdent aussi des rois, non que chez elles ce gouvernement se fasse par la raison, mais par un instinct de la nature, inscrit en elles par le Souverain-Gouverneur, qui est l’auteur de la nature.

La vocation de roi

Que le roi connaisse donc qu’il a reçu cet office, afin d’être dans son royaume, comme l’âme dans le corps, et comme Dieu dans le monde. S’il réfléchit avec appli cation à ces choses, d’une part, le zèle de la justice s’allume en lui, quand il considère qu’il a été établi pour exercer dans son royaume l’office de juge à la place de Dieu, d’autre part, il acquiert la douceur de la mansuétude et de la clémence, en pensant à tous ceux qui sont soumis à son gouvernement comme à ses propres membres.

 

CHAPITRE 13 — LES DEVOIRS DU ROI

Les deux opérations de Dieu dans le monde et celles de l’âme dans le corps

Il faut donc considérer ce que Dieu fait dans le monde, car ainsi ce que doit faire le roi sera manifeste. II y a en tout à considérer deux opérations de Dieu dans le monde : l’une par laquelle Il le crée, l’autre par laquelle Il le gouverne une fois créé. L’âme aussi exerce cette double fonction à l’égard du corps. C’est en effet en vertu de l’âme que le corps d’abord est informé; ensuite il est régi et mû par l’âme.

Les deux fonctions du roi : la fondation et le gouvernement de la cité

Or de ces deux opérations, la seconde se rapporte plus proprement à l’office du roi. C’est pourquoi le fait de gouverner (gubernatio) concerne tous les rois, et de ce qu’ils régissent le gouvernement, ils reçoivent le nom de roi. Quant à la première opération, elle ne convient pas à tous les rois. Car tous ne fondent pas le royaume ou la cité, où ils règnent, mais ils dépensent les soins de leur gouvernement pour un royaume ou une cité déjà fondés. Mais il faut considérer que, s’il n’y avait pas eu précédemment quelqu’un qui fonde la cité ou le royaume, le gouvernement du royaume n’aurait pas lieu de s’exercer. Car l’office de roi comprend aussi la fondation d’une cité ou d’un royaume. Certains, en effet, fondèrent les cités, sur lesquelles ils devaient régner, comme Ninus à Ninive et Romulus à Rome.

Pour bien gouverner, le roi doit connaître la raison d’être du royaume. Exemple de la création du monde.

Semblablement encore il appartient à l’office du gouvernement qu’il conserve les biens qu’il gouverne et qu’il en use pour quoi ils ont été créés. L’office du gouvernement ne pourrait donc pas être pleinement connu, si l’on ignorait la raison de l’institution. Or la raison de l’institution d’un royaume doit être tirée de l’exemple de l’institution du monde : dans celui-ci on considère d’abord la production des choses elles- mêmes, puis la distinction ordonnée des parties du monde. Ensuite, on voit les diverses espèces d’êtres distribuées dans chaque partie du monde, comme les étoiles dans le ciel, les oiseaux dans l’air, les poissons dans l’eau, les animaux sur terre, enfin on voit que chacune de ces parties a été pourvue avec abondance par Dieu des choses dont elle a besoin.

Référence au récit de la Genèse

Moïse a exprimé avec pénétration et exactitude ce plan de la création (institutionis ratio). En effet, il nous propose d’abord la production des choses en disant (Genèse I, I et sq.) : "Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre"; ensuite il enseigne que toutes choses ont été distinguées par Dieu selon l’ordre qui convient, c’est-à-dire, le jour séparé de la nuit, les eaux inférieures des supérieures, la mer de la terre sèche. Puis il rapporte que le ciel fut orné de luminaires, l’air d’oiseaux, la mer de poissons, la terre d’animaux, enfin que la domination sur la terre et les animaux a été assignée aux hommes. Il enseigne encore que l’usage des plantes leur a été donné par la Providence divine, tant à eux qu’aux autres animaux.

Devoirs du fondateur de cité ou de royaume

Or le fondateur d’une cité ou d’un royaume ne peut pas produire des hommes nouveaux, des lieux pour leur habitation, ni d’autres ressources indispensables à la vie, mais il doit nécessairement utiliser les choses qui préexistent dans la nature. De même, les autres arts reçoivent de la nature la matière de leur opération, comme les artisans prennent du fer, l’architecte du bois et des pierres, pour l’exercice de leur art. Il est donc nécessaire que le fondateur d’une cité et d’un royaume choisisse d’abord un emplacement convenable dont la salubrité conserve les habitants, dont la fécondité suffise à la subsistance, dont l’agrément les charme, et dont les fortifications les protègent des ennemis. Que si quelqu’un des avantages énumérés fait défaut, le lieu sera d’autant plus convenable qu’il en possédera un plus grand nombre, du moins parmi ceux qui sont plus indispensables.

Enfin, il est nécessaire que le fondateur d’une cité ou d’un royaume distribue le lieu choisi selon l’exigence des conditions requises par la perfection de la cité ou du royaume Par exemple, si c’est un royaume qu’il s’agit de fonder, il faut prévoir les emplacements propres à l’établissement des villes, des bourgades, des camps fortifiés; où l’on instituera les universités, où les champs d’exercice pour les soldats, où les marchés, et ainsi de toutes les autres choses que requiert la perfection du royaume. Si c’est de l’institution d’une cité qu’on s’occupe, on doit prévoir quel lieu sera réservé au culte, lequel pour rendre la justice, quel quartier assigné à chaque corps de métier. Ensuite, il faut réunir les hommes, à qui on désigne un lieu approprié selon leur fonction. On doit enfin pourvoir à ce que chacun reçoive ce qui lui est nécessaire selon sa condition (constitutio) et son état, car autrement un royaume ou une cité ne pourraient subsister en aucune façon.

Tels sont donc, exposés sommairement, et tirés de la ressemblance avec l’institution du monde, les devoirs, qui, dans la fondation d’une cité ou d’un royaume, relèvent de la fonction royale.

 

 

 

 

CHAPITRE 14 — LE POUVOIR SPIRITUEL ET LE POUVOIR TEMPOREL

Gouverner un être consiste à le conduire pers sa fin

Comme il convient que l’institution d’une cité ou d’un royaume se fasse d’après le modèle de l’institution du monde, ainsi faut-il tirer du gouvernement [l’ordre (ratio) du gouvernement de la cité].

Ce que l’on doit cependant en premier lieu considérer c’est que gouverner consiste à conduire convenablement ce qui est gouverné, à la fin qui lui est due. Ainsi, l’on dit qu’un navire est gouverné quand, par l’habileté du pilote, il est conduit sans dommages au port par le droit chemin. Si donc quelque chose est ordonnée à une fin extrinsèque, comme le navire au port, l’office de celui qui gouverne sera non seule ment de conserver intacte la chose en elle-même, mais en plus de la conduire à sa fin.

Mais s’il y avait quelque chose, dont la fin ne fût pas en dehors d’elle-même, l’intention de celui qui gouverne tendrait seulement à conserver cette chose intacte dans sa perfection. Et quoique rien de tel ne se trouve parmi les êtres, hors Dieu lui-même, qui est à toute chose sa fin, cependant ce qui est ordonné à une fin extrinsèque est, de multiples points de vue, objet du soin de différents hommes. En effet, l’un pourra avoir la charge de conserver une chose dans son être; un autre de l’amener à une plus haute perfection, comme il apparaît manifestement dans le navire, d’où l’on tire la ratio du gouvernement. En effet, le charpentier a la charge de réparer les détériorations qui se seraient produites dans le navire, tandis que le pilote a le souci de le conduire au port.

H arrive encore la même chose dans l’homme, car le médecin porte la charge de conserver en bonne santé la vie de l’homme, l’économe celle de fournir ce qui est nécessaire à sa subsistance, le docteur a le souci de lui faire connaître la vérité, l’éducateur (institutor morum) celui de le faire vivre selon la raison. Et si l’homme n’était pas ordonné à un autre bien en dehors de lui, les charges que nous venons d’énumérer lui suffiraient.

La béatitude dernière de l’homme Il appartient à l’Eglise de nous conduire

Mais tant qu’il est dans cette vie mortelle, il y a pour l’homme un certain bien extrinsèque, à savoir l’ultime béatitude, qu’il attend après la mort dans la fruition de Dieu. Parce que, comme dit l’Apôtre dans la deuxième Epître aux Corinthiens (V, 6) : "Tant que nous sommes dans ce corps, nous pérégrinons loin du Seigneur." C’est pourquoi le chrétien à qui cette béatitude est acquise par le sang du Christ, et qui pour son obtention a reçu le gage de l’Esprit Saint, a besoin d’un autre secours spirituel, par lequel il soit dirigé vers le port du salut éternel; ce secours est fourni aux fidèles par les ministres de l’Eglise du Christ.

La fin de la société humaine

Or il faut porter le même jugement sur la fin de toute la multitude et sur celle de l’individu. Si donc la fin de l’homme était un bien quelconque existant en lui, et si semblablement la fin ultime de la multitude à gouverner était qu’elle acquière un tel bien et s’y maintienne, et si une telle fin ultime, soit de l’homme seul, soit de la multitude, était corporelle, si c’était la vie et la santé du corps, elle regarderait la fonction du médecin. Si cette fin ultime était l’affluence des richesses, l’économe serait une sorte de roi de la multitude. Si le bien de connaître la vérité était quelque chose de tel, que la multitude puisse y atteindre, le roi aurait la fonction de docteur. Or il apparaît que la fin ultime d’une multitude rassemblée en société est de vivre selon la vertu. En effet, si les hommes s’assemblent c’est pour mener ensemble une vie bonne, ce à quoi chacun vivant isolément ne pourrait parvenir. Or une vie bonne est une vie selon la vertu; la vie vertueuse est donc la fin du rassemblement des hommes en société.

La voie bonne rassemble les hommes en société

Le signe en est dans le fait que ceux-là seuls sont parties de la multitude rassemblée en société, qui communient les uns avec les autres dans une vie bonne. En effet, si les hommes se rassemblaient pour le seul vivre, les animaux et les esclaves seraient une des parties de la société civile. Si c’était pour acquérir des richesses, tous ceux qui négocient ensemble se rattacheraient à une seule cité; de même nous voyons ceux-là seuls être comptés comme membres d’une seule multitude qui sont dirigés vers une vie bonne sous les mêmes lois et le même gouvernement. Mais puisque l’homme, en vivant selon la vertu, est ordonné à une fin ultérieure, qui consiste dans la fruition de Dieu, comme nous l’avons déjà dit plus haut, il faut que la multitude humaine ait la même fin que l’homme pris personnellement. La fin ultime de la multitude ras semblée en société n’est donc pas de vivre selon la vertu, mais, par la vertu, de parvenir à la fruition de Dieu.

La royauté temporelle et la Royauté du Christ Distinction du spirituel et du temporel

Mais si l’on pouvait parvenir à cette fin en vertu de la seule nature humaine, il reviendrait nécessaire ment à l’office de roi de diriger les hommes vers cette fin. En effet, nous entendons par le nom de roi, celui à qui est confié le suprême gouvernement dans les choses humaines; un gouvernement est d’autant plus élevé qu’il est ordonné à une fin plus haute. Car toujours celui qui a charge de la fin ultime commande à ceux qui opèrent les choses qui sont ordonnées à cette fin ultime; ainsi le ministre de la marine commande au constructeur quelle sorte de navire il doit faire; le pouvoir politique qui a besoin du pouvoir militaire commande à l’artisan les armes qu’il doit fabriquer. Mais puisque l’homme n’atteint pas sa fin, qui est la fruition de Dieu, par une vertu humaine, mais par une vertu divine, selon cette parole de l’Apôtre (Romains VI, 23) : "La grâce de Dieu, c’est la vie éternelle", conduire à cette fin n’appartiendra pas à un gouvernement humain, mais à un gouvernement divin. Un gouvernement de ce genre revient donc à ce roi, qui est non seulement homme, mais encore Dieu, c’est-à-dire à Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, en faisant les hommes fils de Dieu, les a introduits dans la gloire céleste.

Ceci donc est le gouvernement qui Lui a été donné et qui ne périra pas; à cause de lui, Il est appelé dans les saintes Ecritures non seulement prêtre mais roi, comme le dit Jérémie (XXIII, 5) : "Un roi régnera et il sera sage." C’est pourquoi de Lui découle le sacerdoce royal; et, bien plus, tous les fidèles du Christ, en tant qu’ils sont ses membres, sont dits rois et prêtres. Donc le ministère de ce royaume, afin que le spirituel soit distingué du temporel, est confié non aux rois terrestres mais aux prêtres, et principalement au Grand-Prêtre, successeur de Pierre, Vicaire du Christ, le Pontife Romain, auquel tous les rois de la Chrétienté doivent être soumis comme à Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même.

Car à celui à qui revient la charge de la fin ultime, doivent être soumis ceux qui ont la charge des fins antécédentes, et ils doivent être dirigés par son imperium.

Le sacerdoce sous la Loi Ancienne et chez les païens était soumis aux rois

Parce que donc le sacerdoce des Gentils et tout le culte de leurs dieux avait pour but l’acquisition des biens temporels, qui tous sont ordonnés au bien commun de la multitude, dont le soin incombe au roi, il convenait que leurs prêtres fussent soumis aux rois. Et parce que dans l’Ancienne Loi des biens temporels étaient promis au peuple pieux, non par le démon, mais par le vrai Dieu, nous lisons dans la Loi Ancienne que les prêtres étaient soumis aux rois.

Sous la Loi Nouvelle, le pou temporel est soumis au pouvoir spirituel. Les exceptions de l’ancienne Rome et de la Gaule.

Mais sous la Loi Nouvelle, il existe un sacerdoce plus élevé par qui les hommes sont traduits aux choses célestes : c’est pourquoi dans la loi du Christ les rois doivent être soumis aux prêtres.

A cause de cela, il arriva, de par providence divine, ce fait remarquable que, dans la ville de Rome, que Dieu avait prévue comme devant être le siège principal du peuple chrétien, une coutume s’implanta peu à peu, selon laquelle les dirigeants des cités étaient subordonnés aux prêtres. Comme, en effet, le rapporte Valère Maxime : "Notre cité a toujours considéré que toutes choses devaient être placées après la religion, même dans les choses où elle a voulu faire apparaître l’éclat de sa souveraine majesté. C’est pourquoi ses maîtres n’ont pas hésité à servir la religion, estimant ainsi conserver le gouvernement des choses humaines s’ils s’étaient bien et constamment comportés en serviteurs de la puissance divine." De même, parce qu’en Gaule, l’attachement au sacerdoce chrétien devait être très fort, il fut permis par Dieu que, déjà chez les peuples gaulois, les prêtres, qu’ils appelaient druides, définissent le droit de toute la Gaule, comme le rapporte Jules César, dans le livre qu’il a écrit au sujet de la guerre des Gaules.

 

CHAPITRE 15 — LE ROI DOIT PROCURER LA VIE BONNE A LA MULTITUDE

Soumise au sacerdoce, qui regarde la fin ultime, la royauté, qui regarde la vie bonne de la multitude, doit y subordonner, comme à leur fin, les autres biens particuliers

Comme la vie bonne que les hommes mènent ici-bas est ordonnée, comme à sa fin, à la vie bienheureuse dans le ciel, que nous espérons, de même au bien de la multitude sont ordonnés, comme à leur fin, tous les biens particuliers que l’homme se procure, les gains de la richesse, la santé, l’éloquence ou l’érudition. Si donc, comme nous l’avons dit, celui qui a la charge de la fin ultime, doit être placé au-dessus de ceux qui ont la charge des choses qui sont ordonnées à cette fin, et doit les diriger par son imperium, il devient manifeste d’après notre explication, que le roi, comme il doit se soumettre à l’autorité et au gouvernement qui sont administrés par l’office du sacerdoce, doit de même être à la tête de toutes les fonctions humaines et les organiser par l’imperium de son gouvernement. Quiconque, à qui il incombe de parfaire une chose, qui est ordonnée à une autre chose comme à sa fin, doit s’appliquer à ce que son ouvrage soit conforme à cette fin. Ainsi un artisan fabrique un glaive de façon à ce qu’il convienne au combat, et ainsi l’architecte doit disposer une maison qui soit apte à être habitée.

Parce que, donc, la fin de la vie que nous menons présentement avec honnêteté, est la béatitude céleste, il appartient, pour cette raison, à l’office de roi de procurer à la multitude une vie bonne, selon qu’il convient à l’obtention de la béatitude céleste; c’est-à-dire qu’il doit prescrire ce qui conduit à cette béatitude céleste, et interdire, selon qu’il sera possible, ce qui y est contraire

Le roi doit s’appliquer à ce que la multitude mène une vie bonne

Quelle est la voie qui conduit à la vraie béatitude, et quels en sont les obstacles, cela est connu par la loi divine dont l’enseignement relève de l’office sacerdotal, selon cette parole de Malachie (II, 7) : "Les lèvres du prêtre garderont la science, et c’est de sa bouche que l’on cherchera la Loi." Et c’est pourquoi le Seigneur donne ce commandement dans le Deutéronome (XVII, 18, 19) : "Après que le roi se sera assis sur le trône de son royaume, il écrira pour lui-même dans un livre le Deutéronome de cette loi, d’après l’exemplaire des prêtres de la tribu de Lévi, et il l’aura avec lui, et il le lira tous les jours de sa vie, afin qu’il apprenne à craindre le Seigneur son Dieu, et à garder ses paroles et ses ordonnances, qui sont prescrites dans cette loi." Instruit donc par la loi divine, le roi doit veiller principalement à la manière dont la multitude qui lui est soumise mènera une vie bonne. Cet effort se divise en trois points : d’abord instituer une vie bonne dans la multitude qui lui est soumise; deuxièmement, après l’avoir établie, la conserver; troisièmement, l’ayant conservée, l’amener à une plus haute perfection.

Il y a deux conditions pour qu’un homme mène une vie bonne

Or pour qu’un homme mène une vie bonne, deux conditions sont requises :

1° l’une, la principale, est d’agir selon la vertu; car la vertu est ce par quoi on vit bien.

2° L’autre, secondaire, et comme instrumentale, consiste dans la suffisance des biens corporels dont l’usage est nécessaire à l’acte de vertu. L’unité elle même de l’homme est causée par la nature, mais l’unité de la multitude, que l’on appelle paix, doit être pro curée par les soins du gouvernant.

Trois conditions sont requises pour instituer la pie bonne de la multitude

Ainsi donc, pour instituer la vie bonne de la multitude, trois conditions sont requises. D’abord que la multitude soit établie dans l’unité de la paix ‘. Ensuite, que la multitude unie par le lien de la paix soit dirigée au bien-agir. Car, comme un homme ne peut bien agir en rien si l’on ne suppose d’abord l’unité de ses parties, ainsi la multitude des hommes, privée de l’unité de la paix, est empêchée de bien agir, étant en lutte contre elle-même. En troisième lieu, il est requis que, par l’application du gouvernant, il y ait une quantité suffisante de choses nécessaires au bien-vivre.

Le roi doit conserver la vie bonne Il y a un triple obstacle au bien public

Ainsi donc, l’office royal, ayant établi dans la multitude une vie bonne, doit, en conséquence, tendre à la conservation de celle-ci.

Il y n trois facteurs qui ne permettent pas au bien public de se maintenir, et l’un d’eux provient de la nature. En effet, le bien de la multitude ne doit pas être établi pour un temps seulement, mais pour qu’il se prolonge, d’une certaine manière, toujours. Or comme les hommes sont mortels, ils ne peuvent durer toujours. Et pendant leur vie, ils ne sont pas toujours dans la même vigueur, puisque la vie humaine est soumise à de nombreuses variations, et ainsi, les hommes ne sont pas capables de remplir les mêmes fonctions, d’une manière égale, pendant toute leur vie.

Un autre empêchement à la conservation du bien publie, qui provient de l’intérieur, consiste dans la perversité des volontés, soit qu’elles soient négligentes à accomplir les devoirs que requiert la chose publique, soit même qu’elles soient nuisibles à la paix de la multitude quand, transgressant la justice, elles bouleversent la paix des autres.

Un troisième empêchement à la conservation de la chose publique a une cause extérieure : c’est le cas où, par une invasion de l’ennemi, la paix est détruite et, parfois, le royaume ou la cité anéantis de fond en comble.

Le roi doit faire face à ce triple obstacle

Face aux trois obstacles que nous venons de mentionner, une triple tâche presse donc au roi.

La première regarde la succession des hommes et le remplacement de ceux qui remplissent les diverses fonctions : comme dans les choses corruptibles, parce qu’elles ne peuvent toujours rester les mêmes, le gouvernement divin a pourvu à ce que, par la génération, les êtres se succèdent les uns aux autres, afin que même ainsi l’intégrité de l’univers soit conservée; de même, le roi s’appliquera à conserver le bien de la multitude qui lui est soumise, en s’occupant avec sollicitude de la façon dont d’autres hommes viennent prendre la place de ceux qui font défaut.

En second lieu, il doit, par ses lois et ses préceptes, par ses châtiments et ses récompenses, détourner de l’iniquité les hommes qui lui sont soumis, et les amener à des oeuvres vertueuses, en recevant son exemple de Dieu, qui a donné la loi aux hommes, récompensant ceux qui l’observent, châtiant ceux qui la transgressent.

En troisième lieu, le roi a la charge de mettre en sécurité contre les ennemis la multitude qu’il commande. Rien, en effet, ne servirait d’éviter les dangers intérieurs, si l’on ne pouvait se défendre contre ceux qui viennent de l’extérieur.

Le roi doit se soucier du progrès dans la vie bonne

Ainsi donc, pour l’institution d’une multitude bonne, il reste une troisième tâche appartenant à l’office du roi : celui-ci doit se soucier du progrès, et ceci en s’appliquant, dans tous les domaines dont nous avons parlé, à corriger, s’il se trouve quelque chose en désordre, à suppléer s’il y a quelque manque, et à parfaire, si quelque chose de meilleur peut être fait. C’est pourquoi l’Apôtre, dans la première Epître aux Corinthiens (XII, 31) conseille aux fidèles de toujours aspirer à des charismes meilleurs.

Tels sont donc les devoirs qui appartiennent à l’office de roi. Il nous faut en traiter, un à un, d’une façon plus précise.

 

 

 

Liber 2

LIVRE 2 — CONDITIONNEMENTS DE LA CITÉ

Caput 1

 

[69952] De regno, lib. 2 cap. 1 tit. Qualiter ad regem pertinet instituere civitates vel castra ad gloriam consequendam, et quod eligere debet ad hoc loca temperata; et postea subiungit quae ex hoc commoda regna consequantur, et quae incommoda de contrario

CHAPITRE 1 — INFLUENCE DES FACTEURS CLIMATÉRIQUES SUR LA VIE DE LA CITÉ

[69953] De regno, lib. 2 cap. 1 Primum igitur praecipue oportet exponere regis officium ab institutione civitatis aut regni. Nam, sicut Vegetius dicit, potentissimae nationes et principes nominati nullam maiorem potuerunt gloriam assequi, quam aut fundare novas civitates, aut ab aliis conditas in nomen suum sub quadam amplificatione transferre : quod quidem documentis sacrae Scripturae concordat. Dicit enim sapiens in Eccli., quod aedificatio civitatis confirmabit nomen. Hodie namque nomen Romuli nesciretur, nisi quia condidit Romam. In institutione autem civitatis aut regni, si copia detur, primo quidem est regio per regem eligenda, quam temperatam esse oportet. Ex regionis enim temperie habitatores multa commoda consequuntur. Primo namque consequuntur homines ex temperie regionis incolumitatem corporis et longitudinem vitae. Cum enim sanitas in quadam temperie humorum consistat, in loco temperato conservabitur sanitas : simile namque suo simili conservatur. Si autem fuerit excessus caloris, vel frigoris, necesse est quod secundum qualitatem aeris corporis qualitas immutetur : unde quadam naturali industria animalia quaedam tempore frigido ad calida loca se transferunt, rursum tempore calido loca frigida repetentes, ut ex contraria dispositione loci temporis temperiem consequantur. Rursus : cum animal vivat per calidum et humidum, si fuerit calor intensus, cito naturale humidum exsiccatur et deficit vita; sicut lucerna extinguitur, si humor infusus cito per ignis magnitudinem consumatur. Unde in quibusdam calidissimis Aethiopum regionibus homines ultra tredecim annos non vivere perhibentur. In regionibus vero frigidis in excessu, naturale humidum de facili congelatur et calor naturalis extinguitur. Deinde ad opportunitates bellorum, quibus tuta redditur humana societas, regionis temperies plurimum valet. Nam, sicut Vegetius refert, omnes nationes quae vicinae sunt soli, nimio calore siccatae, amplius quidem sapere sed minus de sanguine habere dicuntur, ac propterea constantiam atque fiduciam de propinquo pugnandi non habent, quia metuunt vulnera qui modicum sanguinem se habere noverunt. E contra Septentrionales populi remoti a solis ardoribus inconsultiores quidem, sed tamen largo sanguine redundantes, sunt ad bella promptissimi. His, qui temperatioribus habitant plagis, et copia sanguinis suppetit ad vulnerum mortisque contemptum, nec prudentia deficit, quae modestiam servet in castris, et non parum prodest uti in dimicatione consiliis. Demum temperata regio ad politicam vitam valet. Ut enim Aristoteles dicit in sua politica : quae in frigidis locis habitant gentes, sunt quidem plenae animositate, intellectu autem et arte magis deficientes, propter quod libere perseverant magis. Non vivunt autem politice, et vicinis propter imprudentiam principari non possunt. Quae autem in calidis sunt, intellectivae quidem sunt et artificiosae secundum animam, sine animositate autem, propter quod subiectae quidem sunt, et subiectae perseverant. Quae autem in mediis locis habitant, utroque participant : propter quod et liberi perseverant, et maxime politice vivere possunt, et sciunt aliis principari. Est igitur eligenda regio temperata ad institutionem civitatis vel regni.

La fondation d’une ville donne au roi une grande gloire

En tout premier lieu, il faut donc exposer le devoir d’un roi, à partir de l’institution de la cité ou du royaume. En effet, comme le dit Végèce (Auteur du Ive siècle apr. J.-C., qui a écrit sur l’art militaire), les nations les plus puissantes et les princes renommés ne purent acquérir aucune gloire plus grande que quand ils fondèrent de nouvelles cités ou quand ils donnèrent leur nom à des cités fondées par d’autres, pour les avoir agrandies. Ceci concorde avec les enseignements de l’Ecriture sainte. Car, le Sage dit dans l’Ecclésiastique (XL, 19) que "l’édification d’une cité perpétuera un nom". En effet, aujourd’hui le nom de Romulus ne serait pas connu s’il n’avait fondé Rome.

Le roi doit rechercher un climat tempéré

Pour la fondation d’une cité ou d’un royaume, si les moyens lui en sont donnés, le roi doit d’abord choisir la région, qui doit être tempérée. Car du climat tempéré de la région les habitants tireront de nombreux avantages.

Un bon climat procure la santé

D’abord le bon climat d’une région procure aux hommes la santé du corps et la longévité. Car, comme la santé consiste dans un certain tempérament (temperies) des humeurs, elle sera conservée dans un lieu tempéré. En effet, le semblable est conservé par son semblable. S’il y a un excès de chaleur ou de froid, il est nécessaire que la qualité du corps soit modifiée selon la qualité de l’air : c’est pourquoi, par une sorte de flair naturel, certains animaux émigrent, quand le temps devient froid, dans des lieux chauds, regagnant par contre des lieux froids quand le temps devient chaud, afin d’obtenir, par les changements de lieu, l’équilibre des saisons.

D’autre part, comme l’animal vit par le chaud et l’humide, s’il survient une chaleur intense, son humidité naturelle est rapidement épuisée et il dépérit. Ainsi une lampe s’éteint si le liquide qu’elle contient est vite consumé par l’ardeur de la flamme. C’est pour quoi dans certaines régions les plus chaudes de l’Ethiopie, les hommes ne peuvent vivre au delà de trente ans.

Mais dans les régions excessivement froides, l’humidité naturelle se congèle facilement, et la chaleur naturelle s’éteint.

Avantages pour la défense militaire

Enfin, pour la disposition aux guerres qui assurent la sécurité à la société humaine, une région tempérée a une très grande valeur. En effet, comme le rapporte Végèce, l’on dit que toutes les nations qui sont voisines du soleil, desséchées par une chaleur excessive, ont plus de sagesse, mais moins de sang, et par conséquent, leurs habitants n’ont pas la constance et la confiance dans le combat rapproché, parce que, sachant qu’ils ont peu de sang, ils craignent les blessures. Par contre, les peuples septentrionaux, éloignés des ardeurs du soleil, étant certes plus inconsidérés, mais aussi possédant un sang plus abondant, sont plus prompts à la guerre. Ceux qui habitent des régions plus tempérées, ont assez de sang pour mépriser les blessures et la mort, et ne manquent pourtant pas de la prudence qui conservera leur modération dans les camps, et qui n’est pas de peu d’utilité par les conseils qu’elle donne dans le combat.

Avantages pour la vie publique

En outre, une région tempérée est propice à la vie politique. En effet, comme l’écrit Aristote dans sa Politique (Pol., Lib. VII, cap. VI, 1) : "Les peuples qui habitent dans des régions froides sont pleins d’énergie, mais ils sont plus dépourvus d’intelligence et d’adresse, c’est pourquoi ils conservent davantage leur liberté. Mais ils ne vivent pas d’une vie politique et ils ne peuvent commander à leurs voisins à cause de leur imprudence. Quant à ceux qui vivent aux pays chauds ils sont intelligents et pleins d’adresse, mais sans énergie, c’est pourquoi ils sont asservis et le restent. Mais ceux qui habitent dans des pays moyens, participent de l’un et de l’autre tempérament. Ainsi conservent-ils leur liberté, peu vent-ils mener une vie politique très haute, et savent- ils commander aux autres."

Il faut donc choisir une région tempérée pour fonder une cité ou un royaume.

 

 

Caput 2

 

[69954] De regno, lib. 2 cap. 2 tit. Qualiter eligere debent reges et principes regiones ad civitates vel castra instituenda, in quibus aer sit salubris; et in quo talis aer cognoscitur, et quibus signis

CHAPITRE 2 — LES CONDITIONS HYGIÉNIQUES REQUISES PAR LA VIE DE LA CITE

 

[69955] De regno, lib. 2 cap. 2 Post electionem autem regionis, oportet civitati constituendae idoneum locum eligere, in quo primo videtur aeris salubritas requirenda. Conversationi enim civili praeiacet naturalis vita, quae per salubritatem aeris servatur illaesa. Locus autem saluberrimus erit, ut Vitruvius tradit, excelsus, non nebulosus, non pruinosus, regionesque caeli spectans, neque aestuosus, neque frigidus, demum paludibus non vicinus. Eminentia quidem loci solet ad aeris salubritatem conferre, quia locus eminens ventorum perflationibus patet, quibus redditur aer purus; vapores etiam, qui virtute radii solaris resolvuntur a terra et ab aquis, multiplicantur magis in convallibus et in locis demissis quam in altis. Unde in locis altis aer subtilior invenitur. Huiusmodi autem subtilitas aeris, quae ad liberam et sinceram respirationem plurimum valet, impeditur per nebulas et pruinas, quae solent in locis multum humidis abundare : unde loca huiusmodi inveniuntur salubritati esse contraria. Et quia loca paludosa nimia humiditate abundant, oportet locum construendae urbi electum a paludibus esse remotum. Cum enim aurae matutinae sole oriente ad locum ipsum pervenient, et eis ortae a paludibus nebulae adiungentur, flatus bestiarum palustrium venenatarum cum nebulis mixtos spargent, et locum facient pestilentem. Si tamen moenia constructa fuerint in paludibus, quae fuerint prope mare, spectentque ad Septentrionem, vel circa, haeque paludes excelsiores fuerint quam littus marinum, rationabiliter videbuntur esse constructa. Fossis enim directis exitus aquae patebit ad littus, et mare tempestatibus actum in paludes redundando non permittet animalia palustria nasci. Et si aliqua animalia de superioribus locis venerint, inconsueta salsedine occidentur. Oportet etiam locum urbi destinatum ad calorem et frigus temperate disponi secundum aspectum ad plagas caeli diversas. Si enim moenia maxime prope mare constituta spectabunt ad meridiem, non erunt salubria. Nam huiusmodi loca mane quidem erunt frigida, quia non respiciuntur a sole, meridie vero erunt ferventia propter solis respectum. Quae autem ad occidentem spectant, orto sole tepescunt vel etiam frigent, meridie calent, vespere fervent propter caloris continuitatem et solis aspectum. Si vero ad orientem spectabunt, mane quidem propter solis oppositionem directam temperate calescent; nec multum in meridie calor augebitur, sole non directe spectante ad locum, vespere vero totaliter radiis solis adversis loca frigescent. Eademque, vel similis temperies erit, si ad Aquilonem locus respiciat urbis, e converso est quod de meridiem respiciente est dictum. Experimento autem cognoscere possumus quod in maiorem calorem minus salubriter aliquis transmutatur. Quae enim a frigidis locis corpora traducuntur in calida, non possunt durare, sed dissolvuntur, quia calor sugendo vaporem, naturales virtutes dissolvit; unde etiam in salubribus locis corpora aestate infirma redduntur. Quia vero ad corporum sanitatem convenientium ciborum usus requiritur, in hoc conferre oportet de loci salubritate qui constituendae urbi eligitur, ut ex conditione ciborum discernatur qui nascuntur in terra : quod quidem explorare solebant antiqui ex animalibus ibidem nutritis. Cum enim hominibus aliisque animalibus commune sit uti ad nutrimentum his quae nascuntur in terra, consequens est si occisorum animalium viscera inveniuntur bene valentia, quod homines etiam in loco eodem salubrius possint nutriri. Si vero animalium occisorum appareant morbida membra, rationabilius accipi potest quod nec hominibus illius loci habitatio sit salubris. Sicut autem aer temperatus, ita salubris aqua est requirenda. Ex his enim maxime dependet sanitas corporum, quae saepius in usum hominum assumuntur. Et de aere quidem manifestum est quod quotidie ipsum aspirando introrsum attrahimus usque ad ipsa vitalia : unde principaliter eius salubritas ad incolumitatem corporum confert. Item, quia inter ea quae assumuntur per modum nutrimenti, aqua est qua saepissime utimur tam in potibus, quam in cibis, ideo nihil est, praeter aeris puritatem, magis pertinens ad loci sanitatem quam aquarum salubritas. Est et aliud signum ex quo considerari potest loci salubritas : si videlicet hominum in loco commorantium facies bene coloratae appareant, robusta corpora et bene disposita membra, si pueri multi et vivaces, si senes multi reperiantur ibidem. E converso, si facies hominum deformes appareant, debilia corpora, exinanita membra vel morbida, si pauci et morbidi pueri, et adhuc pauciores senes, dubitari non potest locum esse mortiferum.

Nécessité d’un air salubre Conditions de cette salubrité

Après la région, il faut choisir un lieu convenable pour l’établissement d’une cité. Il semble qu’en premier lieu il faille rechercher un air salubre. En effet, le commerce de la vie civile présuppose la vie naturelle, qui est conservée saine par la salubrité de l’air. Or, comme le rapporte Végèce, un lieu sera très salubre, s’il est élevé, sans nuages ni brouillards, exposé à un climat ni froid ni chaud, enfin non voisin de marécages. L’élévation d’un lieu lui confère habituellement un air salubre, parce qu’un lieu élevé est ouvert au souffle des vents, qui purifient l’air; en outre, les vapeurs qui sortent de la terre sous l’action des rayons solaires sont plus nombreuses dans les vallées et les lieux bas que sur les hauteurs. C’est pour quoi dans les lieux élevés on trouve un air plus léger. Cette légèreté de l’air qui est de première importance pour une respiration libre et pure, est empêchée par les nuages et les brouillards, qui abondent habituelle ment dans les lieux humides : c’est pourquoi l’on voit que les lieux de ce genre sont contraires à la salubrité. Et parce que les lieux marécageux sont pleins d’une humidité excessive, il faut que l’emplacement que l’on aura choisi pour construire une ville soit éloigné des marais. En effet, lorsqu’au lever du soleil, les brises matinales parviennent à ce lieu, mêlées des nuages sortis des marécages, elles y répandent l’exhalaison des bêtes empoisonnées des marais mélangée aux nuages et rendent l’endroit pestilentiel. Cependant, si les murailles de la cité sont construites dans des marécages qui soient proches de la mer, et qui regardent vers le nord, ou à peu près, et si ces marais sont plus élevés que le rivage marin, il semble qu’elles soient construites rationnellement. En effet, par des fossés que l’on aura creusés, l’eau aura une issue vers le rivage, et la mer gonflée par les tempêtes, en refluant vers les marais, empêchera que naissent les bêtes des marécages. Et si certains animaux viennent des lieux plus élevés, ils seront tués par l’eau salée à laquelle ils ne sont pas habitués.

Nécessité d’une bonne exposition

Il faut aussi, pour modérer la chaleur et le froid, que le lieu destiné à être l’emplacement d’une ville soit exposé à divers horizons. Si, en effet, les murailles d’une ville construite toute proche de la mer sont exposées au midi, elles ne seront pas salubres. Car les lieux de ce genre seront froids le matin, parce qu’ils ne reçoivent pas le soleil, mais à midi ils seront brûlants à cause de la réverbération du soleil. Mais une ville qui regarde vers le couchant sera tiède au soleil levant, ou même froide, chaude à midi, et brûlante le soir, à cause de la continuité de la chaleur et de la présence du soleil. Si elle regarde l’orient, elle sera le matin modérément chaude, à cause de son exposition directe au soleil, à midi la chaleur n’augmentera pas beaucoup, les rayons du soleil ne la frappant pas directement, mais le soir, les rayons du soleil donnant tout à l’opposé, elle sera froide. La température y sera la même, ou semblable, si l’emplacement de la ville regarde le nord, c’est-à-dire le contraire de ce que nous avons dit d’une ville tournée vers le midi.

Nous pouvons connaître, par l’expérience, qu’il n’est pas salubre de passer à une plus grande chaleur. En effet, les corps que l’on fait passer des lieux froids à des lieux chauds ne peuvent pas durer, mais se désagrègent parce que la chaleur, en aspirant leur vapeur, dissout leurs vertus naturelles; c’est pourquoi, même dans les lieux salubres, les corps s’affaiblissent en été.

La salubrité des aliments

Mais, parce que, pour la santé du corps, il est requis un usage d’aliments appropriés, il faut tenir compte, pour décider de la salubrité du lieu que l’on choisit pour la fondation d’une ville, de la qualité des aliments qui croissent sur son sol; c’est ce que les anciens avaient l’habitude d’examiner d’après des animaux que l’on nourrissait sur place. En effet, comme il est commun aux hommes et aux autres animaux d’utiliser pour leur nourriture les produits du sol, il s’ensuit que si l’on trouve que les viscères des animaux que l’on a tués sont en bon état, les hommes, eux aussi, peuvent être nourris dans le même lieu. Mais si les organes des animaux tués présentent un aspect morbide, l’on peut avec assez de raison en conclure que l’habitation de ce lieu n’est pas non plus salubre pour les hommes.

La salubrité de l’eau

De même qu’un air tempéré, il faut rechercher une eau salubre. En effet, la santé des corps dépend surtout des aliments dont l’homme fait le plus souvent usage. Quant à l’air, il est manifeste que chaque jour, en l’aspirant, nous l’attirons à l’intérieur de nous-mêmes jusqu’aux organes vitaux; c’est pourquoi sa salubrité est d’une importance primordiale pour la santé du corps. De même, parce que, parmi les choses que nous absorbons par l’alimentation, l’eau est ce dont nous faisons le plus souvent usage, aussi bien dans les boissons que dans les aliments, rien, en dehors de la pureté de l’air, n’importe plus à l’hygiène d’un lieu que la salubrité des eaux.

Les signes de la salubrité d’un lieu

Il y a un autre signe d’après lequel nous pouvons nous rendre compte de la salubrité d’un lieu : c’est si le visage des hommes qui habitent ce lieu apparaît avec de bonnes couleurs, leur corps robuste, et leurs membres bien proportionnés, si les enfants y sont nombreux et vifs, et si l’on y trouve beaucoup de vieillards. Au contraire, si le visage des hommes y apparaît difforme, les corps débiles, les membres grêles ou morbides, si les enfants y sont en petit nombre et maladifs et les vieillards encore moins nombreux, on ne peut pas douter que ce lieu ne soit porteur de mort.

 

 

Caput 3

 

[69956] De regno, lib. 2 cap. 3 tit. Qualiter necesse est talem civitatem, construendam a rege, habere copiam rerum victualium, quia sine eis civitas esse perfecta non potest; et distinguit duplicem modum istius copiae, primum tamen magis commendat

CHAPITRE 3 — L’ORGANISATION DE LA PRODUCTION ET DU COMMERCE

[69957] De regno, lib. 2 cap. 3 Oportet autem ut locus construendae urbi electus non solum talis sit, qui salubritate habitatores conservet, sed ubertate ad victum sufficiat. Non enim est possibile multitudinem hominum habitare ubi victualium non suppetit copia. Unde, ut Vitruvius refert, cum Xenocrates architector peritissimus Alexandro Macedoni demonstraret in quodam monte civitatem egregiae formae construi posse, interrogasse fertur Alexander si essent agri qui civitati possent frumentorum copiam ministrare. Quod cum deficere inveniret, respondit vituperandum esse si quis in tali loco civitatem construeret. Sicut enim natus infans non potest ali sine nutricis lacte nec ad incrementum perduci, sic civitas sine ciborum abundantia frequentiam populi habere non potest. Duo tamen sunt modi quibus alicui civitati potest affluentia rerum suppetere. Unus, qui dictus est, propter regionis fertilitatem abunde omnia producentis, quae humanae vitae requirit necessitas. Alius autem per mercationis usum, ex quo ibidem necessaria vitae ex diversis partibus adducantur. Primus autem modus convenientior esse manifeste convincitur. Tanto enim aliquid dignius est, quanto per se sufficientius invenitur : quia quod alio indiget, deficiens esse monstratur. Sufficientiam autem plenius possidet civitas, cui circumiacens regio sufficiens est ad necessaria vitae, quam illa quae indiget ab aliis per mercationem accipere. Dignior enim est civitas si abundantiam rerum habeat ex territorio proprio, quam si per mercatores abundet; cum hoc etiam videatur esse securius, quia propter bellorum eventus et diversa viarum discrimina, de facili potest impediri victualium deportatio, et sic civitas per defectum victualium opprimetur. Est etiam hoc utilius ad conversationem civilem. Nam civitas quae ad sui sustentationem mercationum multitudine indiget, necesse est ut continuum extraneorum convictum patiatur. Extraneorum autem conversatio corrumpit plurimum civium mores, secundum Aristotelis doctrinam in sua politica, quia necesse est evenire ut homines extranei aliis legibus et consuetudinibus enutriti, in multis aliter agant quam sint civium mores, et sic, dum cives exemplo ad agenda similia provocantur, civilis conversatio perturbatur. Rursus : si cives ipsi mercationibus fuerint dediti, pandetur pluribus vitiis aditus. Nam cum negotiatorum studium maxime ad lucrum tendat, per negotiationis usum cupiditas in cordibus civium traducitur, ex quo convenit, ut in civitate omnia fiant venalia, et fide subtracta, locus fraudibus aperitur, publicoque bono contempto, proprio commodo quisque deserviet, deficietque virtutis studium, dum honor virtutis praemium omnibus deferetur : unde necesse erit in tali civitate civilem conversationem corrumpi. Est autem negotiationis usus contrarius quam plurimum exercitio militari. Negotiatores enim dum umbram colunt, a laboribus vacant, et dum fruuntur deliciis, mollescunt animo, et corpora redduntur debilia et ad labores militares inepta : unde secundum iura civilia negotiatio est militibus interdicta. Denique civitas illa solet esse magis pacifica, cuius populus rarius congregatur, minusque intra urbis moenia residet. Ex frequenti enim hominum concursu datur occasio litibus et seditionibus materia ministratur. Unde secundum Aristotelis doctrinam, utilius est quidem quod populus extra civitates exerceatur, quam quod intra civitatis moenia iugiter commoretur. Si autem civitas sit mercationibus dedita, maxime necesse est ut intra urbem cives resideant ibique mercationes exerceant. Melius igitur est quod civitati victualium copia suppetat ex propriis agris, quam quod civitas sit totaliter negotiationi exposita. Nec tamen negotiatores omnino a civitate oportet excludi, quia non de facili potest inveniri locus qui sic omnibus vitae necessariis abundet quod non indigeat aliquibus aliunde allatis; eorumque quae in eodem loco superabundant eodem modo redderetur multis damnosa copia, si per mercatorum officium ad alia loca transferri non possent. Unde oportet quod perfecta civitas moderate mercatoribus utatur.

Le territoire d’une ville doit suffire à la nourrir

Il faut que le lieu choisi pour la construction d’une ville ne soit pas seulement tel qu’il conserve, par sa salubrité, la santé des habitants, mais encore que, par sa richesse, il suffise à les nourrir. Il est, en effet, impossible à une multitude d’hommes d’habiter où il n’y a pas une suffisante abondance de nourriture. C’est pourquoi, suivant le Philosophe, comme Xénocrate, architecte très habile, expliquait à Alexandre de Macédoine que l’on pouvait construire sur une certaine montagne une ville de grande beauté, Alexandre, dit-on, lui demanda s’il y avait des champs qui puissent fournir à la cité une abondance de froment. Comme il trouva que cette possibilité manquait, il répondit que celui qui construirait une cité dans un tel lieu serait à blâmer. En effet, comme un enfant nouveau-né ne peut être nourri ni grandir sans le lait de sa nourrice, ainsi une cité ne peut avoir une population nombreuse sans une abondance d’aliments.

Il est plus avantageux pour une ville de tirer ses vivres de son propre territoire que de se les procurer par le commerce

Mais il y a deux manières qui puissent assurer à une cité une affluence de vivres. La première, celle dont nous avons parlé, provient de la fertilité d’une région produisant en abondance tout ce qu’exigent les nécessités de la vie humaine. L’autre provient de l’usage du commerce par lequel les produits nécessaires à la vie sont amenés de diverses régions dans un même lieu. Il est manifeste que le premier moyen est le plus avantageux. En effet, une chose est d’autant plus digne qu’elle se trouve se suffire à elle-même, parce que ce qui a besoin d’autre chose montre par là qu’il est déficient.

L’importation des produits court de nombreux risques

Or une cité se suffit beaucoup mieux, quand la région environnante la pourvoit pour les choses nécessaires à la vie, que celle qui a besoin de les recevoir des autres par le commerce. En effet, une cité a plus de dignité si elle tire une abondance de choses de son territoire propre, que si elle les reçoit par des marchands. Avec cela, elle semble aussi être davantage en sécurité, parce qu’à cause des événements de la guerre et des difficultés diverses des communications, l’importation des vivres peut facilement être empêchée, et ainsi la cité sera opprimée par le défaut de ravitaillement.

Un trop grand nombre de marchands nuit à la vie civile

Ceci est encore plus utile pour la conservation de la vie civile. En effet, une cité, qui, pour sa subsistance, a besoin d’une multitude de marchandises, doit nécessairement subir un contact continuel avec les étrangers. Or la fréquentation des étrangers corrompt le plus souvent les moeurs des citoyens, selon l’enseigne ment d’Aristote dans sa Politique : parce qu’il doit nécessairement arriver que des étrangers élevés sous des lois et des coutumes différentes, agissent, dans beaucoup de cas, autrement que l’exigent les moeurs des citoyens, et ainsi, tandis que les citoyens sont poussés par l’exemple à agir d’une façon semblable, la vie de la cité en est troublée. (Pol., Lib. VII, cap. V, 3).

 

Les citoyens qui poursuivent un but lucratif se corrompent

De plus, si les citoyens eux-mêmes s’adonnent au commerce, la porte sera ouverte à de nombreux vices. En effet, comme tout l’effort des négociants se porte vers le gain, par la pratique du négoce la cupidité passe dans le coeur des citoyens; il en résulte que, dans la cité, tout devient vénal; que, la bonne foi étant ôtée, la place est laissée aux fraudes; que chacun, au mépris du bien public, sert son propre avantage; que l’application à la vertu fait défaut, l’honneur qui récompense la vertu étant accordé à tous. C’est pourquoi il est nécessaire que dans une telle cité la vie civile se corrompe.

La pratique du commerce nuit aux exercices militaires

La pratique du commerce est encore très contraire aux exercices militaires. En effet, les négociants chérissant l’ombre, fuient les travaux, et jouissant d’une vie de plaisirs, ils amollissent leur courage et rendent leurs corps débiles et inaptes aux labeurs militaires. C’est pourquoi, d’après le droit civil, le le commerce est interdit aux soldats.

Il faut éviter les rassemblements d’hommes trop fréquents

Enfin, la cité dont le peuple est moins souvent rassemblé et réside moins souvent à l’intérieur des murs, est plus pacifique. En effet, les rassemblements fréquents d’hommes donnent lieu à des procès et offrent une matière aux séditions. C’est pourquoi, selon l’enseignement d’Aristote, il est plus utile que le peuple ait une occupation au dehors des cités, qu’il ne demeure continuellement à l’intérieur des murs. Or si une cité est consacrée aux affaires, il est absolu ment nécessaire que les citoyens résident à l’intérieur de la ville pour y exercer leur commerce.

Il est donc préférable pour une cité de recevoir ses vivres de son propre territoire que d’être totalement adonnée au négoce.

Cependant, le commerce est utile

Cependant, il ne faut pas exclure complètement les marchands de la cité, parce qu’on ne peut pas facile ment trouver un lieu qui abonde de toutes les choses nécessaires à la vie, au point qu’il n’ait pas besoin de certains produits importés d’ailleurs. Et l’abondance des produits qui sont en trop grande quantité dans un même lieu serait de la même façon nuisible à beau coup, si ces produits ne pouvaient pas, par la fonction des marchands, être transportés dans d’autres lieux. C’est pourquoi il faut qu’une cité parfaite se serve des marchands avec modération.

 

 

Caput 4

 

[69958] De regno, lib. 2 cap. 4 tit. Quod regio quam rex eligit ad civitates et castra instituenda debet habere amoenitates, in quibus cives sunt arcendi ut moderate eis utantur, quia saepius sunt causa dissolutionis, unde regnum dissipatur

[69959] De regno, lib. 2 cap. 4 Est etiam constituendis urbibus eligendus locus qui amoenitate habitatores delectet. Non enim facile deseritur locus amoenus, nec de facili ad locum illum confluit habitantium multitudo cui deest amoenitas, eo quod absque amoenitate vita hominis diu durare non possit. Ad hanc autem amoenitatem pertinet quod sit locus camporum planitie distentus, arborum ferax, montium propinquitate conspicuus, nemoribus gratus et aquis irriguus. Verum quia nimia amoenitas superflue ad delicias homines allicit, quod civitati plurimum nocet, ideo oportet ea moderate uti. Primo namque homines vacantes deliciis, sensu hebetantur. Immergit enim earum suavitas sensibus animam, ita quod in rebus delectantibus liberum iudicium habere non possunt. Unde secundum Aristotelis sententiam, prudentia iudicis per delectationem corrumpitur. Deinde delectationes superfluae ab honestate virtutis deficere faciunt. Nihil enim magis perducit ad immoderatum augmentum, per quod medium virtutis corrumpitur, quam delectatio : tum quia natura delectationis est avida, et sic modica delectatione sumpta praecipitatur in turpium delectationum illecebras, sicut ligna sicca ex modico igne accenduntur; tum etiam quia delectatio appetitum non satiat, sed gustata sitim sui magis inducit; unde ad virtutis officium pertinet, ut homines a delectationibus superfluis abstineant. Sic enim superfluitate vitata facilius ad medium virtutis pervenietur. Consequenter etiam deliciis superflue dediti mollescunt animo, et ad ardua quaeque attentanda nec non ad tolerandos labores et pericula abhorrenda pusillanimes fiunt, unde et ad bellicum usum deliciae plurimum nocent, quia, ut Vegetius dicit in libro de re militari : minus timet mortem, qui minus deliciarum se novit habuisse in vita. Demum deliciis resoluti plerumque pigrescunt, et intermissis necessariis studiis et negotiis debitis, solis deliciis adhibent curam, in quas quae prius ab aliis fuerant congregata profusi dispergunt : unde ad paupertatem deducti, dum consuetis deliciis carere non possunt, se furtis et rapinis exponunt ut habeant unde possint suas voluptates explere. Est igitur nocivum civitati, vel ex loci dispositione, vel ex quibuscumque aliis rebus, deliciis superfluis abundare. Opportunum est igitur in conversatione humana modicum delectationis quasi pro condimento habere, ut animi hominum recreentur;

[90345] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 4 Quia ut Seneca dicit de tranquillitate animi, ad serenum : danda est animis remissio. Meliores enim aptioresque requieti resurgunt, quasi prosit animo temperate deliciis uti, ut sal in ciborum coctura pro ipsorum suavitate, quod superflue immissum illos corrumpit. Amplius autem : si id quod est ad finem ut finis quaeritur, tollitur et destruitur ordo naturae. Sicut si faber quaerit martellum propter se ipsum, aut carpentarius serram, sive medicus medicinam, quae ordinantur ad suos debitos fines. Finis autem quem rex in civitate sui regiminis debet intendere, est vivere secundum virtutem; caeteris autem quilibet uti debet sicut his quae sunt ad finem, et quantum est necessarium in prosequendo finem. Hoc autem non contingit in his qui superflue delectationibus innituntur, quia tales delectationes non ordinantur ad finem iam dictum, imo quaeri videntur ut finis; quo quidem modo videbantur velle uti illi impii, qui in Lib. sapientiae, dicuntur non recte cogitantes, ut dicta Scriptura testatur : venite, fruamur bonis quae sunt, quod ad finem pertinet, et utamur creatura, tanquam in iuventute celeriter, et caetera quae ibidem sequuntur. In quibus immoderatus usus delectabilium corporis, ut iuvenilis aetatis ostenditur, et digne a Scriptura reprehenditur. Hinc est, quod Aristoteles in Ethic. usum delectabilium corporis usui ciborum assimilat, qui amplius minusve sumpti sanitatem corrumpunt, qui autem commensurati sunt, et salvant et augent. Ita de virtute contingit circa amoenitates et delicias hominum.

CHAPITRE 4 — LE ROLE DES PLAISIRS DANS LA VIE HUMAINE

L’emplacement d’une ville doit être agréable

Il faut encore, pour fonder des villes, choisir un lieu qui par sa douceur charme les habitants. Car on ne quitte pas facilement un pays agréable, et les habitants ne se rassemblent pas nombreux en un lieu auquel manque de l’agrément, pour cette raison que la vie humaine ne peut pas durer longtemps sans agrément. Ce qui contribuera à cet agrément, c’est que le lieu s’étende sur une vaste plaine, qu’il porte des arbres, qu’il soit embelli par la proximité des montagnes, plaisant par ses ombrages, et parcouru de cours d’eau.

Il faut user des plaisirs avec mesure

Mais parce qu’une douceur excessive attire les hommes aux jouissances superflues, ce qui nuit grandement à la cité, il faut en user avec mesure. Tout d’abord parce que les hommes livrés aux plaisirs s’abêtissent par le sens. En effet, la suavité des plaisirs plonge l’âme dans les sens, de sorte que dans les choses délectables elle ne peut avoir un jugement libre. C’est pourquoi, selon la sentence d’Aristote : "La prudence du juge est détruite par la délectation."

Les plaisirs superflus font perdre la vertu

Ensuite, les délectations superflues font déchoir de l’honnêteté de la vertu. Rien, en effet, ne conduit plus à l’excès immodéré, par quoi l’on corrompt le juste milieu de la vertu, que la délectation, soit parce que la nature est avide de délectation, et ainsi, ayant pris une délectation modérée, elle se précipite dans les séductions de délectations honteuses, comme du bois sec est embrasé par un petit feu; soit aussi parce que la délectation ne rassasie pas l’appétit, mais celle que l’on a goûtée augmente davantage la soif que l’on en a; c’est pourquoi il appartient à l’office de la vertu de faire les hommes s’abstenir des délectations super flues. En effet, la superfluité ainsi évitée, on parviendra plus facilement au juste milieu de la vertu.

Les plaisirs exagérés sont contraires aux vertus militaires

Il s’ensuit encore que le courage de ceux qui s’adonnent aux plaisirs d’une façon exagérée s’amollit

et qu’ils deviennent pusillanimes dès qu’il s’agit d’entreprendre quoi que ce soit de difficile, de supporter des labeurs ou de braver des dangers. C’est pourquoi les plaisirs nuisent beaucoup à la pratique militaire, parce que, comme le dit Végèce dans son livre de l’Art militaire : "Il craint moins la mort, celui qui sait qu’il a eu moins de délices dans la vie.

La recherche du plaisir rend vicieux

Enfin, le plupart du temps, ceux qui sont abandonnés aux plaisirs sont paresseux, et, délaissant les soucis nécessaires et les affaires auxquelles ils devraient se consacrer, ils n’appliquent leurs soins qu’aux seuls plaisirs, pour lesquels ils dépensent dans leur prodigalité les biens que d’autres avaient amassés auparavant. Ainsi réduits à la misère, comme ils ne peuvent pas se passer des plaisirs auxquels ils sont habitués, ils se livrent à des fraudes et à des vols, afin d’avoir de quoi satisfaire leurs passions.

Il est donc nuisible à une cité d’abonder en plaisirs superflus, provenant de la disposition des lieux ou de toute autre chose.

Un plaisir modéré est nécessaire à la vie humaine

Il est donc opportun d’avoir dans la vie humaine un peu de délectation, en place de condiment, pour que l’âme des hommes soit rafraîchie. Parce que, comme le dit Sénèque dans son traité De la Tranquillité de l’Ame, à Serenus (De tranquillitate animi, cap. XVII, 5) : "Il faut donner aux esprits quelque relâche" En effet, après ce repos, ils se relèvent meilleurs et plus dispos, montrant qu’il est utile à l’âme de jouir des plaisirs avec tempérance, comme le sel donne de la suavité aux aliments cuits, mais les gâte quand il est mis en trop grande quantité.

Le plaisir doit être recherché comme un moyen pour la fin, qui est la vie vertueuse

En outre, si ce qui est ordonné à une fin est recherché comme fin, l’ordre de la nature est supprimé et détruit : comme si le forgeron recherche le marteau pour lui- même, le charpentier la scie, ou le médecin le remède, choses qui sont ordonnées à leur fin due. Or la fin à laquelle doit tendre le roi dans la cité qu’il gouverne, c’est une vie selon la vertu : il doit se servir des autres choses comme de moyens ordonnés à cette fin et dans la mesure où cela est nécessaire pour atteindre cette fin. Ce n’est pas ce qui arrive avec ceux qui se livrent aux plaisirs d’une manière exagérée, car de tels plaisirs ne sont pas ordonnés à la fin que nous avons dite, mais, bien plus, semblent être recherchés comme une fin. C’est de cette manière que semblaient vouloir en user les impies dont il est dit dans le livre de la Sagesse (II, 8) qu’ils n’avaient pas de droites pensées, comme l’atteste le texte sacré : "Venez, jouissons des biens présents — mais on ne doit jouir que de la fin! — et usons de la créature avec l’ardeur de la jeunesse". Dans ce passage, l’usage immodéré des plaisirs du corps est signalé comme propre au temps de la jeunesse et est condamné à juste titre par l’Ecriture. Ainsi Aristote dans l’Ethique compare l’usage des plaisirs du corps à celui des aliments qui, pris en quantité trop grande ou trop petite, détruisent la santé; mais quand ils sont pris dans une juste mesure, ils l’entre tiennent et la promeuvent (Eth. à Nic., Lib. II, cap. II, 61). Il en va pareillement de la vertu, pour ce qui touche aux joies et ornements de la vie humaine.

 

 

Caput 5

 

[90346] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 5 Titulus Quod necessarium est regi et cuicumque domino abundare divitiis temporalibus quae naturales vocantur, et ponitur causa

A PARTIR D’ICI, LE TEXTE EST DE PTOLEMEE DE LUQUE

[90347] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 5 His igitur sic deductis quae ad substantiale esse civilitatis, sive politiae, seu regalis regiminis requiruntur, ad quorum institutionem et providentiam rex principaliter debet intendere, agendum est de quibusdam quae ad regem pertinent in relatione ad subditos, unde et suum regimen quietius gubernetur. Et quamvis supra aliqualiter sit tactum in genere, nunc in specie est tractandum ad maiorem declarationem eorum quae sunt agenda per principem. Primum quidem ut in singulis partibus sui regiminis abundet in divitiis naturalibus, quas sic vocat Aristoteles in I suae Politic. vel quia naturalia sunt, seu quia homo ipsis naturaliter indiget, ut sunt praedia, vineta, nemora, sylvae, vivaria diversorum animalium et avium genera, de quibus Paladius Palatinus, comes Valentiniano imperatori, ad praefata exhortans, luculentissimo stylo ac diffusius documentum eidem tradidit. Hinc etiam Salomon rex volens ostendere magnificentiam sui regiminis : aedificavi, inquit, mihi domos, plantavi vineas, feci hortos et pomaria, et consevi ea cuncti generis arboribus, extruxi mihi piscinas ad irrigandum sylvam lignorum germinantium. Cuius quidem triplex ratio sumi potest. Una sumitur ex parte usus ipsius rei, qui quidem delectabilior esse videtur in re propria quam aliena, eo quod magis unita. Unio enim est amoris proprietas, ut tradit Dionysius. Ad amorem autem sequitur delectatio. Cum enim adest quod diligitur, etiam delectationem secum affert. Amplius autem et ipsa diligentia operis exercita circa praedicta, in qua quidem homo sibi congaudet, quanto est opus difficilius. Magis enim amamus cum non est facile quod sumitur, ut philosophus dicit. Ex qua ratione et filios diligimus et quamlibet nostram facturam secundum mensuram operis. Adhibendo igitur sollicitudinem circa proprias divitias naturales iam dictas, gratiores iam fiunt quam alienae; et si gratiores, delectabiliores ipsas dicemus. Secunda ratio sumitur ex parte officialium regis. Si enim ipsos oporteat recurrere ad convicaneos pro necessariis vitae sui domini, interdum scandala generantur in subditis vel ex rerum commercio, in quo laedit avaritia quae ementem vel vendentem concomitatur, vel fraus conturbat, unde in Prov. dicitur : malum est, dicit omnis emptor, et cum recesserit, tum gloriabitur, quasi fraude vendentem praevenerit; et in Eccli. monemur cavere a corruptione emptionis et negotiatorum, quasi hoc sit proprium eorum in mercando. Amplius autem, ex commercio contrahitur familiaritas ad foeminas, per quod vel ex incauta locutione in alterutrum, aut aspectu, aut gestu causatur zelotypia inter cives, et inde contra regimen provocantur. Sed etiam tertia ratio hoc idem confirmat, quam accipimus ex parte rerum venialium. Victualia enim quae venduntur, ut in pluribus non carent sophismate, et ideo non sunt tantae efficaciae sicut propria ad nutriendum : unde idem Salomon in Prov. : bibe, inquit, aquam de cisterna tua, in hoc comprehendens omne nutrimentum sed praecipue potum, quia facilius potest sophisticari, et ipsum minus a sua natura et puritate remotum, citius de ipsius malitia indicat. Rursus, propria victualia sunt maioris securitatis in sumendo, quia possunt facilius ab extraneo venenari, vel esse nociva, quam si in proprio horreo vel cellario reponantur. Unde et propheta Isaias in exaltatione retributionis viri iusti : panis, inquit, datus est ei, et aquae eius fideliores sunt : quasi propria cibaria et potabilia securiora sint ad sumendum.

 

 

 

Caput 6

 

[90348] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 6 Titulus Quod expedit regi habere alias divitias naturales, ut sunt armenta et greges, sine quibus domini bene regere terram non possunt

 

[90349] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 6 Non solum autem praedicta ad naturales divitias pertinent, sed et diversa genera animantium ex eadem ratione et causa, ut in praecedentibus est ostensum. In quibus primo patri, tanquam praedominanti toti humanae naturae, datum est privilegium regendi et dominandi, ut in Genesi scribitur : crescite, inquit dominus, et multiplicamini, et replete terram, et dominamini piscibus maris et volatilibus caeli et cunctis animantibus quae moventur super terram. Unde ad regiam maiestatem pertinet his omnibus uti et abundare, et quanto plus in his dominatur, tanto plus primi domini principatum habet similiorem, cum omnia sint ad usum hominis deputata in creationis primordio. Propter quod philosophus dicit in I Politic. quod venatio animalium sylvestrium naturaliter est iusta, quia per eam homo sibi vindicat quod suum est. Et de piscatione et aucupatione similiter dici potest; unde et natura aves rapaces providit, et canes ad huiusmodi officium exercendum. Quia vero in piscibus non est aptitudo loci ad talia ministeria, loco canum et avium homo retia adinvenit. Ad supplementum igitur et decorem regni rex indiget supradictis, quibusdam quidem ad usum et esum, ut sunt pisces et aves, armenta boum et greges ovium, quibus Salomon abundavit, ut scribitur in Eccle. et in III Lib. Reg., ad sui magnificentiam ostendendam. Aliis autem animalibus rex indiget ad ministerium, ut sunt equi et muli, asini et cameli ad diversa ministeria deputati, secundum varias consuetudines regionum. Horum igitur omnium rex copiam habere debet, quantum eidem est possibile, sive de animantibus deputatis ad esum, sive ad ministerium, et propter causam iam dictam de aliis divitiis naturalibus; quia res propriae delectabiliores sunt, ut superius est ostensum, et tanto plus, quanto plus habent de ratione vitae, unde magis accedunt ad divinam assimilationem, quae est maior causa amoris. Adhuc aliae sunt causae in praedictis, propter quas expedit regi ipsis abundare ut propriis. Primo autem ad hoc movet natura, quae delectatur ex suo opere, dum considerat in eis novum continue modum procedendi in suis actibus, sive in vivendo, sive in generando, sive in parturiendo, ex quibus consurgit in dominis admiratio et ex admiratione delectatio. Quod autem nutritiva sit causa dilectionis et per consequens delectationis, apparet in Exod. in filia Pharaonis, quae Moysen nutriri fecit, et postea ibidem subiungitur, quod post nutritionem ipsum sibi adoptavit in filium. Qua ratione dicit dominus in Oseae : ego quasi nutricius Ephraim, in hoc insinuans suum affectum ad populum. Amplius autem, et ipsorum venatura sive sylvestrium animalium sive aliorum, pro quibus se principes et reges gymnasiis exponunt et filios suos submittunt, valet ad robur acquirendum corporis et conservandum sanitatem, et cordis vigorandam virtutem, si temperate utantur, ut philosophus tradit in Ethic. et hoc cum in pace quiescunt ab hostibus, ut solent reges Franciae et Angliae talibus uti, et ut de germanis in gestis Francorum scribit Ammonius. Rursus, equitatura ad hoc idem movetur, qua reges esse debent ornati ad decorem regni et eiusdem contra hostes defensionem, ad quod aptiores redduntur et expeditiores si propria habeant equorum armenta, ut mos est regibus ac principibus orientis; quemadmodum et de Salomone scribitur in III Reg., quod in sua florens prosperitate habebat quadraginta millia praesepia equorum curalium et undecim millia equorum equestrium, quos custodiebant supradicti regis praefecti. Praeterea, si de animantibus agatur quae ordinantur ad esum, adhuc magis competit habere propria sive quadrupedia, sive reptilia, id est pisces, quia omnibus his homo delectabilius utitur ex hoc quod melius nutriuntur et aptiora efficiuntur ad esum : tum quia re cognita in utendo magis gaudemus, tum etiam quia securius et liberius nobis offeruntur ad esum, quod est actus magis nostrae proportionatus naturae, ex quo et delectabilius agit. Amplius autem, et causa communis iam dicta superius ad hoc facit, scilicet vitatio commercii cum civibus, quod potest esse scandali adminiculum praecavendum officialibus regis. Rursus, hoc exigit magnificentia regis, ut transeuntibus in cibis et potibus uberius administretur et largius; hoc autem fit expeditius si reges abundent gregibus et armentis. Concluditur ergo ex praedictis quod divitiae naturales necessariae sunt regi, ut in singulis regionibus proprias habeat ad sui regiminis et regni munimen.

 

 

 

Caput 7

 

[90350] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 7 Titulus Quod oportet regem abundare divitiis artificialibus, ut est aurum et argentum, et numisma ex eis conflatum

 

[90351] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 7 Sed de artificialibus divitiis, ut est aurum et argentum et alia metalla, et ex ipsis conflata numismata, necessaria sunt regi ad munimen regiminis sui. Supposito enim quod collegium sit necessarium secundum naturam ad regimen constituendum sive politiam, et per consequens rex et quicumque dominus, qui multitudinem regat; oportet ulterius concludere de sibi connexo, videlicet thesauro, ut est aurum et argentum, et ex eis conflatum numisma, sine quo suum regimen rex congrue et opportune exercere non potest; quod quidem ostendi potest multiplici via. Prima quidem manifestatur ex parte regis. Homo enim in commutationibus faciendis, auro vel argento, sive numismate utitur ut instrumento. Unde philosophus dicit in V Ethic. quod numisma est quasi fideiussor futurae necessitatis, quia continet omnia opera sicut ipsarum pretium. Si ergo quilibet indiget, multo magis rex : quia si simpliciter ad simpliciter, et magis ad magis. Rursus, virtus proportionatur naturae, et opus virtuti. Natura autem status regalis quamdam habet universalitatem, eo quod communis est populo sibi subiecto : ergo et virtus et similiter opus. Si ergo status dominorum secundum suam naturam est communicativus, ergo virtus et operatio. Hoc autem esse non potest sine numismate, sicut nec faber nec carpentarius sine propriis instrumentis. Item ad idem. Secundum philosophum IV Ethic., virtus magnificentiae magnos sumptus respicit; magni autem sumptus ad magnanimum pertinent, qui est rex, ut ipse philosophus tangit ibidem. Unde in Esther scribitur de Assuero, qui in oriente dominabatur centum et viginti septem provinciis, quod in convivio, quod fecit principibus sui regni, ministrabatur in cibis et potibus prout exigebat magnificentia regis; hoc autem sine instrumento vitae fieri non potest, quod est numisma, sive aurum vel argentum : quare idem quod prius. Concluditur ergo ex parte regis, eidem thesaurum esse necessarium, qui artificiales divitias continet. Secunda via sumitur in comparatione ad populum, sive in genere, sive in specie : quia ad hoc debet rex abundare pecuniis, ut possit suae domui providere in necessariis et suorum subvenire necessitatibus subditorum. Ut enim tradit philosophus VIII Ethic., sic se rex habere debet ad populum, sicut pastor ad oves et sicut pater ad filios. Sic se habuit Pharao ad totam terram Aegypti, ut in Genesi scribitur. De publico enim aerario frumentum emit, quod ingruente fame distribuit, secundum prudentiam Ioseph, ne populus fame deficeret. Salustius etiam narrat sententiam Catonis in Catilinar. qualiter respublica profecit Romanis : quia aerarium publicum viguit Romae, quo deficiente ad nihilum est redacta, ut temporibus eiusdem Catonis dicit accidisse. Amplius autem, quodlibet regnum sive civitas sive castrum sive quodcumque collegium assimilatur humano corpori, sicut ipse philosophus tradit, et hoc idem in Policrato scribitur : unde comparatur ibidem commune aerarium regis stomacho, ut sicut in stomacho recipiuntur cibi et diffunduntur ad membra, ita et aerarium regis repletur thesauro pecuniarum et communicatur atque diffunditur pro necessitatibus subditorum et regni. Rursus et in specie hoc idem contingit. Turpe est enim, et multum regali reverentiae derogat, a suis subditis mutuare pro sumptibus regis vel regni. Amplius autem, ex hac subiectione mutui sustinetur a dominis ut per subditos sive quoscumque fiant super regnum exactiones indebitae, unde status enervatur regni. Item ad idem. In mutuis saepe mutuans scandalum patitur, quia haec est natura mutuantis, ut difficile sit ei mutuum reddere. Unde sententia fertur esse Biantis, unius de septem sapientibus : amico a te mutuante pecuniam, et ipsum et pecuniam perdis. Necessarium est igitur regi artificiales divitias congregare ex causis iam dictis in comparatione ad populum sive in genere, sive in specie. Tertia autem via ad hoc idem probandum accipitur in respectu ad res sive personas extra regis dominium constitutas : quarum quidem duo sunt genera. Unum videlicet inimicorum, contra quos oportet aerarium publicum regis esse plenum. Et primo pro sumptibus suae familiae; secundo pro stipendiis militum conductorum, cum contra hostes movet exercitum; tertio ad praesidia resarcienda vel constituenda, ne hostes invadant terminos sui regni. Aliud autem genus in augmentum tendit sui regni, unde et necessarius regi est thesaurus. Contingit enim interdum regiones gravari vel penuria, vel onere debitorum, aut etiam ab hostibus, et recurrunt tunc ad regni subsidium, quibus subveniendo cum instrumento vitae, quod est aurum vel argentum, vel quodcumque numisma, subiiciuntur eidem, et sic augmentatur regnum. Liquet ergo ex dictis regi necessarias esse artificiales divitias ad conservationem sui regiminis ex tribus causis iam dictis. Unde etiam in Iudith scribitur quod Holofernes, princeps Nabuchodonosor, quando invasit regiones Syriae et Ciliciae cum exercitu magno, tulit aurum et argentum multum nimis de domo regis, paratum videlicet ad expeditionem contra suos hostes. Et hoc idem de Salomone scribitur in libro superius allegato inter actus regalis magnificentiae. Coacervavi, inquit, mihi aurum et argentum, et substantiam regum ac provinciarum; substantiam vocans numismatum thesauros propter tributa ab ipso exacta et patris sui David, ut patet II et III Lib. Reg. Et hoc ideo quia, secundum philosophum in Ethic., humanae vitae sunt instrumentum, ut dictum est supra. Nec istud contradicit divino praecepto tradito a domino in Deut. per Moysen, quantum ad reges et principes populi. Ibi enim lex scribitur de rege, quod non habeat auri vel argenti immensa pondera. Quod quidem intelligendum est ad ostentationem, sive fastum regalem, ut de Craeso, rege Lydiorum, narrant historiae, ex qua causa ruinam passus est, quia captus a Cyro rege Persarum, nudus in alto monte patibulo est affixus; sed ad subventionem regni omnino est necessarium propter causas iam dictas.

 

 

 

Caput 8

 

[90352] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 8 Titulus Qualiter ad regimen regni et cuiuscumque dominii necessarii sunt ministri : ubi incidenter distinguitur de duplici dominio, politico et despotico, ostendens multis rationibus quod politicum oportet esse suave

 

[90353] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 8 Non solum autem divitiis oportet regem esse munitum, sed etiam ministris. Unde et ille magnus rex Salomon in praeallegato libro dicit de se ipso : possedi servos et ancillas et familiam multam nimis. Quod autem possidetur, in dominio videtur esse possidentis; et ideo hoc distinguendum est circa dominium incidenter. Duplex enim principatus ab Aristotele ponitur in sua politica, quorum quilibet suos habet ministros (licet plures ponat in V Politic., ut supra est distinctum, et infra etiam declarabitur :) politicus videlicet et despoticus. Politicus quidem quando regio sive provincia sive civitas sive castrum per unum vel plures regitur secundum ipsorum statuta, ut in regionibus contingit Italiae et praecipue Romae, ut per senatores et consules pro maiori parte ab urbe condita. Horum autem dominium convenit amplius quadam civilitate regere, eo quod in ipsa sit continua de civibus sive extraneis regiminis alternatio : sicut de Romanis scribitur in I Mac., ubi dicitur quod per singulos annos committunt uni homini magistratum suum dominari universae terrae suae. Unde duplex est in tali dominio ratio, quare subditi non rigide possint corrigi, ut in regali dominio. Una sumitur ex parte regentis, quia temporaneum est eius regimen. Ex hoc enim diminuitur eius sollicitudo in sibi subditis, dum considerat suum tam brevi tempore dominium terminari. Propter quod et iudices populi Israel, qui politice iudicabant, moderatiores fuerunt in iudicando quam reges sequentes. Unde Samuel qui dictum populum certis iudicavit temporibus, sic ait ad ipsos, volens ostendere suum regimen fuisse politicum, et non regale quod elegerant : loquimini, inquit, de me coram domino et Christo eius, utrum bovem cuiusquam tulerim aut asinum, si quempiam calumniatus sum, si oppressi aliquem, si de manu alicuius munus accepi; quod quidem qui regale dominium habent non faciunt, ut infra patebit, et in I Lib. Reg. dictus propheta ostendit. Amplius autem, modus regendi in dictis partibus ubi politicum est dominium, mercenarius est; mercede enim domini conducuntur. Ubi autem merces pro fine praefigitur, non tantum intenditur regimini subditorum, et sic per consequens temperatur correctionis rigor. Unde et dominus in Ioan. dicit de talibus : mercenarius autem et qui non est pastor, cui non est cura de ovibus, quia scilicet ad tempus praeponitur, videt lupum et fugit. Mercenarius autem fugit quia mercenarius est, quasi ipsa merces sit sibi finis regiminis, et subditos sibi postponat : propter quod et antiqui Romani duces, ut scribit maximus Valerius, curam gerebant reipublicae sumptibus propriis, ut M. Curius et Fabricius et multi alii; unde reddebantur ad curam politiae audaciores et magis solliciti, quasi tota in hoc esset eorum intentio et maior affectus : et in talibus verificatur Catonis sententia, quam Salustius refert in Catilinario : unde respublica ex parva effecta est magna, quia in illis domi fuit industria, foris iustum imperium, animus in consulendo liber, neque delicto neque libidini obnoxius. Secunda autem ratio unde dominium politicum oportet esse moderatum ac cum moderatione exercitum, sumitur ex parte subditorum : quia talis est eorum dispositio secundum naturam proportionata tali regimini. Probat enim Ptolomaeus in quadripartito regiones hominum esse distinctas secundum constellationes diversas, quantum ad eorum regimen, circumscripto semper secundum ipsum super stellarum dominium imperio voluntatis. Unde regiones Romanorum sub Marte ponuntur ab ipso, et ideo minus subiicibiles. Propter quod ex eadem causa praefata gens esse ponitur insueta pati cum suis terminis et subdi nescia, nisi cum non possit resistere; et quia impatiens alieni arbitrii, et per consequens superioris invida. Inter Romanos praesides, ut in I Mac. scribitur, nemo portabat diadema nec induebatur purpura : et ulterius subditur effectus istius humilitatis, quia non est invidia nec zelus inter eos. Quadam igitur placabilitate animi, ut natura requirit subditorum illius regionis, et incessu humili rempublicam gubernabant, quia ut tradit Tullius in Philippicis, nullum maius armatorum praesidium charitate et benevolentia civium, qua oportet principantem esse munitum, non armis. Et hanc etiam sententiam refert Salustius de Catone, quantum ad antiquos patres Romanos. Rursus ad idem : confidentia subditorum, sive de exoneratione dominii regentium sive dominandi in suo tempore congruo, reddit ipsos ad libertatem audaces, ne colla submittant regentibus : unde oportet politicum regimen esse suave. Amplius autem : est certus modus regendi, quia secundum formam legum sive communium, sive municipalium, cui rector astringitur : propter quam causam et prudentia principis, quia non est libera, tollitur et minus imitatur divinam. Et quamvis leges a iure naturae trahant originem, ut Tullius probat in Tract. de legibus, et ius naturae a iure divino, ut testatur David propheta : signatum est, inquiens, lumen vultus tui super nos, domine, deficiunt tamen in particularibus actibus, quibus omnibus legislator providere non potuit ex ignorantia subditorum futurorum. Et inde sequitur in regimine politico diminutio, quia legibus solum rector politicus iudicat populum, quod per regale dominium suppletur dum, non legibus obligatus, per eam censeat quae est in pectore principis : propter quod divinam magis sequitur providentiam, cui est cura de omnibus, ut in libro sapientiae dicitur. Patet igitur qualis est principatus politicus, et modus eius regendi. Nunc videndum est de principatu despotico.

 

 

 

 

Caput 9

 

[90354] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 9 Titulus De principatu despotico, quis est et qualiter ad regalem reducitur, ubi incidenter comparat politicum ad despoticum secundum diversas regiones et tempora

 

[90355] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 9 Est autem hic advertendum quod principatus despoticus dicitur qui est domini ad servum, quod quidem nomen Graecum est. Unde quidam domini illius provinciae adhuc hodie despoti vocantur : quem principatum ad regalem possumus reducere, ut ex sacra liquet Scriptura. Sed tunc est quaestio, quia philosophus, in I Politic. dividit regale contra despoticum. Hoc autem in sequenti libro declarabitur, quia ibidem occurrit definienda materia : sed nunc sufficiat per divinam Scripturam probare quod dicitur. Traduntur enim leges regales per Samuelem prophetam Israelitico populo, quae servitutem important. Cum enim petivissent regem a Samuele iam aetate defecto, et filiis suis non iuste dominantibus modo politico ut iudices alii dicti populi fecerant, consulto domino respondit : audi, inquit, vocem populi in his quae loquuntur. Verumtamen contestare eos et praedic eis ius regis. Filios vestros tollet et ponet in curribus suis, facietque sibi currus et equites et praecursores quadrigarum suarum, et constituet aratores agrorum suorum et messores segetum ac fabros armorum suorum; filias quoque vestras faciet sibi focarias, unguentarias ac panificas, et sic de aliis conditionibus ad servitutem pertinentibus, quae in I Lib. Reg. traduntur, per hoc quasi volens ostendere quod regimen politicum, quod erat iudicum et suum fuerat, fructuosius erat populo, cuius tamen superius contrarium est ostensum. Ad cuius dubii declarationem sciendum est quod ex duplici parte regimen politicum regali praeponitur. Primo quidem, si referamus dominium ad statum integrum humanae naturae, qui status innocentiae appellatur, in quo non fuisset regale regimen sed politicum, eo quod tunc non fuisset dominium quod servitutem haberet, sed praeeminentiam et subiectionem in disponendo et gubernando multitudinem secundum merita cuiuscumque, ut sic vel in influendo vel in recipiendo influentiam quilibet esset dispositus secundum congruentiam suae naturae. Unde apud sapientes et homines virtuosos, ut fuerunt antiqui Romani, secundum imitationem talis naturae regimen politicum melius fuit. Sed quia perversi difficile corriguntur, et stultorum infinitus est numerus, ut dicitur in Eccle., in natura corrupta regimen regale est fructuosius, quia oportet ipsam naturam humanam sic dispositam quasi ad sui fluxum limitibus refraenare. Hoc autem facit regale fastigium. Unde scriptum est in Prov. : rex qui sedet in solio iudicii dissipat omne malum intuitu suo. Virga ergo disciplinae, quam quilibet timet, et rigor iustitiae sunt necessaria in gubernatione mundi, quia per ea populus et indocta multitudo melius regitur. Unde apostolus ad Rom. dicit, loquens de rectoribus mundi, quod non sine causa gladium portat, vindex in iram ei qui malum agit. Et Aristoteles dicit in Ethic. quod poenae in legibus institutae sunt medicinae quaedam. Ergo quantum ad hoc excellit regale dominium. Amplius autem, et situs terrae secundum stellarum aspectum regionem disponit, ut dictum est supra : unde videmus quasdam provincias aptas ad servitutem, quasdam autem ad libertatem. Propter quod Iulius Caesar et Amonius, qui describunt gesta Francorum et germanorum, eos mores et actus attribuunt eisdem, in quibus etiam nunc perseverant. Romani autem cives aliquo tempore vixerunt sub regibus, a Romulo videlicet usque ad Tarquinium superbum, cuius cursus Ann. 264 fuit, ut historiae tradunt. Sic et Athenienses post mortem Codri regis sub magistratibus vixerunt, quia sub eodem climate constituti. Considerantes enim quod dicta regio magis apta foret, ex causis iam dictis, ad politicum regimen, sic ipsam rexerunt usque ad tempora Iulii Caesaris sub consulibus, dictatoribus et tribunis, quod fuit quadringentorum quadraginta quatuor annorum. In quo quidem tempore, ut dictum est supra, tali regimine multum profecit respublica. Patet igitur qua consideratione politiam regno et regale dominium politiae praeponimus.

 

 

 

Caput 10

 

[90356] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 10 Titulus Habita distinctione dominii, hic distinguitur de ministris secundum differentiam dominorum, et quaedam genera ministrorum ostendit omnibus dominis communia. Postea probat servitutem in quibusdam esse naturalem

 

[90357] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 10 His igitur sic deductis, videndum est de ministris, quia regiminis sunt complementum : quia sine eis quodcumque dominium transire non potest, ut per eos secundum gradum personarum exerceantur officia, distribuantur opera et administrentur necessaria, sive in regno sive in quacumque republica, et secundum merita cuiuscumque in ea contenti. Unde et primus dux in Israelitico populo Moyses a Iethro cognato suo merito redarguitur, ut patet in Exodo, quia ipse solus satisfaciebat populo suo sine ministris : stulto, inquit, labore consumeris tu et populus iste qui tecum est, et ultra vires tuas est, nec poteris sustinere. Provide, inquit, viros potentes et timentes Deum, in quibus sit veritas et qui oderint avaritiam, et constitue ex eis tribunos, et centuriones, et quinquagenarios ac denarios, qui iudicent populum. Hoc idem et de Romanis invenitur, quia cum regum regimen cessasset ab urbe, Brutus, factus consul, parum in consulatu solus urbem rexit; sed moventibus bellum Sabinis eidem per senatum adiunctus est dictator qui dignitate consules praeibat, quorum primus Lartius vocatus est. Hoc etiam tempore adiunctus est magister equitum qui dictaturae obsequeretur, quorum primus spurius Cassius. Post haec, quasi circa idem tempus, instituti sunt tribuni qui in favorem populi essent. Quod pro tanto sit dictum, ad ostendendum quod regimen cuiuscumque collegii sive provinciae sive civitatis vel castri, sine ministerio diversorum officialium bene regi non potest. Sed circa hoc distinguendum de eis videtur secundum diversitatem regiminis, quia oportet ministros dominis cuiuscumque regiminis esse conformes, sicut membra capiti : unde regimen politicum ministros requirit secundum qualitatem politiae. Propter quod hodie in Italia omnes sunt mercenarii sicut et domini, et ideo agunt sicut mercede conducti, non ad utilitatem subditorum sed ad lucrum suum, praestituentes in mercede finem. Quando vero gratis ministrabant, ut antiqui Romani, tunc eorum sollicitudo figebatur ad rempublicam sicut ad finem, et inde proficiebant, sicut maximus Valerius narrat de Camillo qui precatus est quod si alicui deorum felicitas Romanorum nimia videretur, eius invidia suo et non reipublicae incommodo satiaretur. Sed regalis regiminis alii sunt ministri perpetuis officiis deputati ad ministrandum regi pro suo suique populi fructu, ut sunt comites, barones et milites simplices, feudatarii, qui ex suo feudo et ipsi et sui successores ad regni gubernacula sunt obligati perpetuo. Unde patet et ministros esse necessarios cuicumque dominio, et secundum ipsius dominantis conditionem ministros debere constitui. Propter quod et in Eccli. dicitur : secundum iudicem populi, sic et ministri eius; et qualis rector est civitatis, tales et inhabitantes in ea. Distinguuntur autem et alia quatuor genera ministrorum a philosopho in politica, qui haberi possunt regimini magis coniuncti. Quidam enim sunt, quos habet civilitas sive regimen omnino necessarios ad vilia officia exercenda dominorum, de quibus natura providit ut sint gradus in hominibus, sicut et in aliis rebus. Videmus enim in elementis esse infimum et supremum; videmus etiam in mixto semper esse aliquod praedominans elementum. In plantis etiam quaedam deputata sunt ad humanum cibum, quaedam ad fimum, et eodem modo in animalibus; sed et in homine inter membra corporis similiter erit. Hoc idem consideramus in relatione corporis ad animam et in ipsis etiam potentiis animae in alterutrum comparatis; quia quaedam ordinatae sunt ad imperandum et movendum, ut intellectus et voluntas; quaedam ad serviendum eisdem secundum gradum ipsarum. Ita inter homines erit, et inde probatur esse aliquos omnino servos secundum naturam. Amplius : autem : contingit aliquos deficere a ratione propter defectum naturae : tales autem oportet ad opus inducere per modum servile, quia ratione uti non possunt, et hoc iustum naturale vocatur. Haec autem omnia philosophus tangit in I Politic. Sunt autem et alii ministri ad idem deputati officium alia ratione, ut in bello devicti; quod lex humana non sine ratione sic statuit ad acuendum bellatores pro republica fortiter pugnandum, ut videlicet victi subiiciantur victoribus iure quodam, quod philosophus in praedicto loco iustum legale appellat. Unde isti, quamvis vigeant ratione, ad statum tamen rediguntur servorum quadam militari lege ad acuendum corda bellantium, et hunc modum observaverunt Romani. Unde tradunt historiae Titum Livium tantae eloquentiae virum a Romanis captum in servitutem redactum, sed propter suam probitatem a Livio nobilissimo Romano, sub cuius ditione traditus erat manumissus, ab ipso cognomen accipiens, Titus Livius est vocatus : quem libertati tradidit pro filiis instituendis liberalibus artibus, cui ante non licuisset secundum principum instituta. Hoc etiam et lex divina praecepit, ut in Deuteronomio patet. Sunt autem et alia duo genera ministrorum in familia assistentium : videlicet vel mercede conductorum, seu servientium quadam benevolentia et amore ad sui honoris cumulum vel virtutis profectum, ut sunt ministrantes principi in domestica domo, sive de re militari sive aucupii sive venationis sive in aliis rebus familiaribus domus : de quibus non est modo dicendum per singula, et pro quibus quis captat vel amicitiam vel gratiam dominorum vel mercedem reportat vel virtutis laudem acquirit; unde in Prov. dicitur quod acceptus est regi minister intelligens; et in Eccli. : si est tibi servus fidelis, sit tibi sicut anima tua. Concludendum est igitur quod ad complementum regni et fulcimentum regiminis, quae dicta sunt supra de divitiis et ministris, princeps debet esse munitus; propter quod philosophus dicit in VIII Ethic. quod non est rex qui per se non est sufficiens, et omnibus bonis superexcellens : quibus omnibus superabundavit rex Salomon, ut patet in III Lib. Reg., sed praecipue in ornatu et ordine ministrorum : de quo admirata regina Saba : maior est, inquit, sapientia tua quam rumor quem audivi. Beati viri tui et servi tui, hi qui astant coram te semper et audiunt sapientiam tuam.

 

 

 

Caput 11

 

[90358] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 11 Titulus Quod necessarium est regi et cuilibet domino in sua iurisdictione munitiones habere fortissimas, et rationes quare ibi multae ponuntur

 

[90359] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 11 Post haec autem ad robur dominii, sive regalis sive politici, necessariae sunt munitiones, ad quas se conferant domestici regis vel ipse rex; cuius rei documentum accipimus a rege David qui, postquam cepit Hierusalem, accepit montem Sion pro suo munimine, ibique arcem suam vocavit civitatem. Hoc adducebantur usque ad Mello, ipsamque arcem suam vocavit civitatem. Hoc autem ubique reges observant quod in singulis civitatibus et castris speciale habent praesidium sive arcem, ubi degit regis familia et officiales eiusdem; cuius quidem rei multae sunt causae. Una sumitur ex parte principum, quia expedit eis esse in loco tuto, ut in regendo, corrigendo et gubernando sint magis securi, et in exequendo iustitiam efficiantur audaces. Unde et Romani consules et senatores tutiorem elegerunt locum, videlicet Capitolium, de quo narrant historiae quod tota occupata ab hostibus urbe Roma, in ipso permanserunt illaesi. Amplius autem, et regis suaeque familiae maior honestas hoc exigit, ne vel eorum commercio cum subditis vilificetur in conspectu populi ipsorum maiestas, vel ex incauto aspectu, ubi maxima requiritur pudicitia (sicut senes populi Troiani se habebant ad Helenam, ut philosophus dicit in Ethic.) populus regis indignationem incurrat, vel ipse rex et sui se dehonestandi in subditis occasionem assumant; in quem casum lapsus est rex David circa uxorem Uriae, scutiferi Ioab, quam lavantem vidit de solario domus regiae, ut scribitur in II libro regum. Secunda ratio sumitur ex parte populi, qui magis sensibilibus movetur quam ratione ducatur. Cum enim vident magnificos sumptus regum in munitionibus, facilius ex admiratione inclinantur ad obedientiam et ad suis parendum mandatis, ut philosophus dicit in VI Politic. Amplius autem minorem causam habent rebellandi seu subiiciendi se hostibus, dum nimium infestantur. Cum enim ministros reges munitionibus habent praesentes, sollicitantur audacius ad defensionem sui. Sic et Iudas Machabaeus fecit de arce Sion, quam devictam cinxit muris fortissimis et turribus altis pro defensione patriae contra hostes, ut scribitur in I Mac. Et similiter in Bethsuram munitiones fortissimas extruxit contra faciem Idumaeae. Rursus ad idem : necessariae sunt munitiones principibus pro conservandis divitiis, quibus abundare debent, ut dictum est supra, et ut eisdem possint cum sua familia liberius uti, unde et ministri fiant ad praeparandum necessaria promptiores, quod est delectabilius ac honorificentius etiam in domestica domo. Hoc enim est proprium in humanis actibus, quod ex ordine debito causant speciem sive pulchritudinem tanquam in re proportionata et commensurata in suis partibus : unde consequitur in nobis spiritualis laetitia, quae ex se quasi extasim facit, quam passa videtur regina Saba in aspectu ordinis ministrorum curiae Salomonis, ut superius est ostensum.

 

 

 

Caput 12

 

[90360] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 12 Titulus Quod ad bonum regimen regni sive cuiuscumque dominii, pertinet stratas sive quascumque vias in regione vel provincia habere securas et liberas

 

[90361] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 12 Est et aliud necessarium regi ad bonum regimen regni ad quod ordinantur ipsae munitiones, ut videlicet stratas faciant securas et aptas ad transeundum sive pro advenis, sive pro indigenis vel regalibus suis. Viae enim communes sunt omnibus quodam iure naturae et legibus gentium : propter quod prohibentur a nemine occupari, nec ulla praescriptione nec quocumque temporum cursu ius de eisdem posset alicui acquiri. Unde in libro Num. via publica via regia nominatur ad significandum eius communitatem. Ubi Augustinus in Glossa dictum verbum exponit, quia pro tanto sic appellatur quia debet esse libera cuilibet transeunti innoxio, ratione humanae societatis. Propter quod et ibidem scribitur, quod Amorrhaeis contradicentibus ne filii Israel transirent per eos, cum sola via regia gradi permitterent, hoc est sine laesione aliqua regionis, dominus mandavit ipsos deleri. Ut autem stratae in sua communitate sint liberae, et transeuntibus forent securae, iura principibus permittunt pedagia. Unde et eis servantibus quae viatoribus sunt praedicta, officiales principum ipsa merito possunt exigere, et proficiscentes debite obligantur persolvere. Amplius autem, et viarum securitas in regimine regni principibus est fructuosa, quia illuc magis confluunt mercatores cum mercibus, unde et regnum in divitiis crescit; qua ratione in urbe aucta fuit respublica propter vias, circa quas sollicitabantur expeditas habere, et stratae vocabantur Romanae, ut homines magis redderentur securi ad deferendum merces, ac sub simulatione callida sub nominibus calendarii permutatis, ut latrones ignorarent tempus, sicut computistae scribunt, cum in urbe celebrarentur nundinae, sic eos decipiebant. Quaedam etiam extra urbem institutae fuerunt per Romanos principes, eorumque sunt intitulatae nominibus, ut ex hoc maiorem obtinerent firmitatem et loca tutiora advenientibus redderentur, ut forum Iulii, quod in confinibus multarum provinciarum et diversis regionibus adhuc nomen remansit. Amplius autem, et per diversos consules ac senatores Romanos stratae sunt institutae, extendentes se ad diversas provincias, quorum titulis authenticari viderentur ad liberiorem ac securiorem accessum ad urbem vel ad ipsorum memoriam clariorem, ut via Aurelia ab Aurelio principe, via Appia ab Appio senatore : quarum prima tendebat versus Reatem, ubi historiae provinciam Aureliam ponunt, secunda vero in Campaniam suum habebat progressum : ac sic de singulis aliis sive consulibus sive senatoribus, ut Flaminio vel Aemilio, a quibus stratae vel provinciae sunt nominatae propter causam iam dictam. Rursus et divinus cultus in hoc augetur, propterea quod promptiores sunt homines ad reverentiam divinam cum liber est aditus viarum ad indulgentiam sive ad aditum sancti. Unde et praecipuum motivum Romanorum fuit stratas faciendi securas, divinus videlicet idolorum cultus, pro quo multum zelabat respublica, ut maximus Valerius scribit in principio libri sui. Sacra etiam Scriptura in Esdra refert reverentiam templi impeditam fuisse propter hostes in circuitu, propter quod tardata fuit aedificatio templi. Iuxta quod domino dicitur in Ioan. : quadraginta et sex annis aedificatum est templum hoc, et tu in triduo reaedificabis illud ?

 

 

 

Caput 13

 

[90362] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 13 Titulus Qualiter in quolibet regno et quocumque dominio necessarium est numisma proprium, et quot bona ex hoc sequuntur, et quae incommoda si non habeatur

 

[90363] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 13 His igitur expletis, agendum est de numismate, in cuius usu vita hominis regulatur et sic per consequens omne dominium sed praecipue regnum propter varios proventus quos ex numismate percipit. Unde et dominus quaerens a Pharisaeis simulatorie tentantibus ipsum : cuius est, inquit, imago haec et suprascriptio ? Cumque respondissent : Caesaris, sententiam quaesiti super ipsos retorsit, dicens : reddite ergo quae sunt Caesaris Caesari, et quae sunt Dei Deo, quasi ipsum numisma sit causa ut in pluribus tributa solvendi. De materia autem numismatis, et qualiter sit regi necessarium talibus abundare, supra satis est pertractatum. Sed nunc ipsum accipiamus prout est mensura quaedam per quam superabundantia et defectus reducuntur ad medium, ut philosophus in V Ethic. dicit. Ad hoc enim inventum est numisma ut solvantur lites in commerciis et sit mensura in commutationibus. Et licet multa sint genera commutationum, ut ex philosopho habemus I Politic., ista tamen expeditior est inter omnes, propter quod inventum dicitur esse numisma. Unde et politia Lycurgi, qui Parthis et Lydis primo leges tradidit, in quibus numisma prohibebat, solam commutationem ex alterutrum mercibus permittens, per philosophum reprobatur, ut ex iam dictis apparet. Unde et ipse concludit eodem libro Ethic. numisma constitutum propter commutationis necessitatem, quia per ipsum expeditius fit commercium ac tollitur in commutando materia litis. Quam quidem doctrinam habemus ab Abraham patre nostro, qui per multa tempora fuit ante Lycurgum et omnes philosophos. Unde de ipso scribitur in Gen., quod agrum emit pro sepultura suorum pretio quadringentorum siclorum publicae ac probatae monetae. Sed quamvis ex se numisma sit necessarium, proprium tamen est in omni regimine, sed praecipue regis; cuius duae sunt causae : unam accipimus ex parte regis, aliam vero ex parte populi subiecti. Quantum ad primum, numisma sive moneta propria ornamentum est regis et regni et cuiuslibet regiminis, quia in ea repraesentatur imago regis, ut Caesaris, sicut dictum est supra; unde in nulla re tanta potest esse claritas memoriae eius, eo quod nihil sic per manus hominum frequentatur, quod ad regem vel quemcumque dominum pertineat, quantum numisma. Amplius autem : in quantum moneta regula est et mensura rerum venalium, in tantum monstratur sua excellentia, ut videlicet imago ipsius sit in nummo regula hominum in ipsorum commerciis. Unde moneta dicitur quia monet mentem, ne fraus inter homines, cum sit mensura debita, committatur; ut imago Caesaris sit in homine quasi imago divina, sicut Augustinus exponit pertractans dictam materiam. Numisma vero dicitur, quia nominibus principum effigieque designatur, ut tradit Isidorus. Per quod manifeste apparet quod ex numismate maiestas dominorum relucet, et ideo civitates et castri sive principes sive praelati hoc pro sua gloria singulariter ab imperatoribus impetrant, ut habeant speciale numisma. Rursus numisma proprium cedit in commodum principis, ut dictum est supra, quia per ipsum mensurantur tributa et quaecumque exactiones quae fiunt in populo, ut in lege mandabatur divina, circa oblationes videlicet et redemptiones quascumque sacrificii loco. Amplius autem : ipsius factura propter auctoritatem principis causatur commodum regi, quia nulli alii licet sub eadem figura et superscriptione cudere, ut iura gentium mandant. In qua quidem, etsi liceat suum ius exigere in cudendo numisma, moderatus tamen debet esse princeps quicumque vel rex sive in mutando sive in diminuendo pondus vel metallum, quia hoc cedit in detrimentum populi, cum sit rerum mensura, sicut supra dictum est : unde tantum est mutare monetam sive numisma, quantum stateram sive quodcumque pondus. Hoc autem quomodo Deo displiceat, in Prov. scribitur : pondus, inquit, et pondus, statera et statera utrumque abominabile est apud Deum. De quo et graviter rex Aragonum reprehenditur ab Innocentio Papa, quia numisma mutaverat diminuendo in populi detrimentum. Propter quod et filium obligantem se per iuramentum dictam servare monetam, a dicto absolvit iuramento, eidem mandans ut ipsam ad pristinum statum reformaret. Iura etiam in numismatibus favent mutuis et pactionibus quibuscumque. Mandant enim solvi mutua et pacta servari iuxta illius temporis numisma in omni mensura qualitatis et quantitatis. Concluditur ergo qualiter unicuique regi numisma proprium est necessarium. Sed etiam ex parte populi adhuc numisma regis proprium est necessarium, ut etiam ex iam dictis apparet. Primo, quia expeditior est in commutationibus mensura. Rursus, quia certior inter populares est. Multi enim sunt qui alias monetas ignorant, et sic de facili possunt simplices praeveniri fraude, quod est contra formam regalis regiminis : circa quod Romani principes providerunt. Unde tradunt historiae quod tempore domini nostri Iesu Christi in signum subiectionis Romanorum unum erat numisma in toto orbe terrarum, in quo erat Caesaris imago, quam statim cognoverunt Pharisaei suscitati a domino Iesu Christo ad discooperiendum eorum fraudem : et istud numisma decem usuales valebat denarios, quod solvebat quilibet teloneariis praedictorum principum, sive eorum gerentibus vicem in provinciis vel civitatibus seu castris. Rursus : proprium numisma fructuosius est. Cum enim extraneae monetae communicantur in permutationibus, oportet recurrere ad artem campsoriam, cum talia numismata non tantum valeant in regionibus extraneis quantum in propriis : et hoc sine damno esse non potest. Et praecipue accidit in partibus Theutoniae et regionibus circumstantibus, propter quod coguntur, cum de loco ad locum transeunt, massam auri vel argenti secum deferre, et quantum commutationibus rerum venalium indigent tantum vendunt. Unde philosophus in libro IV Politic. species pecuniarum distinguens sive artis pecuniariae sive numismaticam, sive campsoriam, obolostaticam et tocos, primam solam dicit esse naturalem, quia ad commutationem rerum naturalium ordinatur : quod facit proprium numisma, et non aliud, ut ex iam dictis apparet. Propter hoc ipsam solam commendat aliis supradictis spretis, et de quibus infra dicetur. Concludendum est igitur in omni regimine pro conservatione dominii, et praecipue regalis, necessarium esse numisma proprium, sive ex parte populi sive ex parte regis vel regiminis cuiuscumque.

 

 

 

Caput 14

 

[90364] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 14 Titulus Qualiter ad bonum regimen regni et cuiuscumque dominii sive politiae pondera et mensurae sunt necessariae, exemplis et rationibus persuadetur

 

[90365] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 14 Post haec autem agendum est et de ponderibus et mensuris, quae necessaria sunt ad dominii cuiuscumque regimen conservandum, sicut et numisma, quia cum eis solvuntur tributa, seu etiam quia per ipsa lites diminuuntur et in emptionibus et venditionibus fidelitas servatur : vel quia, sicut et numismata, vitae sunt humanae instrumenta, immo plus imitantur naturalem actionem quam numisma, quia scriptum est in libro sapientiae quod omnia disposuit Deus in numero, pondere et mensura. Si ergo omnes creaturae his tribus limitibus terminantur, magis videtur quod pondus et mensura a natura trahant originem quam numisma, et ideo magis necessaria in republica sive in regno. Amplius autem : pondus et mensura, in quantum talia, semper ordinantur ad mensurata et ponderata, aliter per se nihil sunt; sed numisma, quamvis sit mensura et instrumentum in permutationibus, tamen per se aliquid esse potest, puta, si confletur, erit aliquid, videlicet aurum vel argentum; ergo semper non ordinabitur ad permutationes. Et hoc etiam habet veritatem in aliis speciebus pecuniarum, immo amplius, ut in campsoria, quae non proprie ordinatur ut sit mensura rerum venalium sed magis ad permutationem numismatis. Item in obolostatica, quae consistit circa ponderis excessum in permutationibus : quibus inventis supra pondus, in metalla resolvuntur, ut sunt ponderatores in trabuchetis et aliis ponderibus. Item nec cauchos, id est ars foeneraria, quae magis ordinatur ad numisma sicut ad finem, aliis permutationibus exclusis, de quibus speciebus in IV politicorum agit philosophus, et infra dicetur, et supra est tactum. Rursus : illi actus sunt maxime necessarii in republica sive in regno, qui ex iure naturae procedunt, quia leges institutae per principes idem habent initium, alias iustae leges non essent; sed talia sunt de iure naturae quia adaequant naturalem iustitiam; sic ergo ad naturam regni sive politiae mensurae et pondera sunt necessaria. Hinc est quod primus dux Israelitici populi, videlicet Moyses, ut describit Isidorus, tradendo leges divinas quae primae fuerunt, simul cum illis pondera et mensuras constituit, sive pro cibis et potibus, ut ephi et gomor et modius et sextarius; sive in terris et pannis quae cubitales habent mensuras; sive in auro et argento et numismatibus quae sunt statera et alia pondera. Unde cum dictus Moyses in Levitico exhortaretur populum ad iustitiam faciendam, statim subiungit regulas naturalis iustitiae, ut Origenes ibidem exponit : non facietis, inquit, iniquum aliquid in pondere et mensura. Statera iusta, et aequa sint pondera, iustus modius aequusque sextarius. Refert iterum Isidorus quod Sidon Argus Graecis mensuras dedit, ubi tunc florebat Argivorum regnum circa tempora praefati ducis Moysi. Narrant etiam historiae Cererem mensuras agriculturae et frumenti Graecis Siccione tradidisse, unde et dea frumentaria et Demetria est vocata. Ex his ergo apparet quod naturaliter oportet regem vel quemcumque dominum ad bonum ipsorum regimen mensuras et pondera populo sibi subiecto tradere, propter causas iam dictas et exemplo dictorum principium de quibus nunc est actum.

 

Caput 15

 

[90366] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 15 Titulus Quod oportet regem et quemlibet dominum ad conservationem sui status adhibere sollicitudinem ut de aerario publico provideatur pauperibus : et hoc exemplis et rationibus probat

 

[90367] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 15 Est autem et aliud quod est ad bonum regimen pertinens regni sive provinciae vel civitatis vel cuiuscumque principatus, ut videlicet de communi aerario provideatur per principem, qui praesit, indigentiis pauperum, pupillorum et viduarum, ac advenis et peregrinis assistat. Si enim natura quaecumque non deficit in necessariis, ut philosophus dicit in III de caelo et mundo, multo minus et ars, quae imitatur naturam. Inter omnes autem artes ars vivendi et regendi superior et amplior est, ut tradit Tullius de Tusculanis quaestionibus. Ergo reges et principes in necessariis deficere non debent indigentibus, immo potius subvenire. Praeterea : reges et principes vices Dei gerunt in terris, per quos Deus mundum gubernat sicut per causas secundas. Unde et Samuel propheta spretus in dominio, cum querelam proponeret coram Deo, responsum habuit quod non ipsum Israeliticus populus spreverat, sed Deum, cuius videlicet vices gerebat. Et in Prov. dicitur : per me reges regnant, et legum conditores iusta decernunt. Sed Deo specialiter est cura pauperum, ad naturae ipsorum defectum supplendum. Propter quod sic agit divina providentia circa indigentem, sicut pater erga filios impotentes, de quibus amplior incumbit sollicitudo propter ampliorem necessitatem. Unde et ipse dominus sibi reputat fieri specialiter quod fit pauperi, ipso attestante, qui dicit : quod uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis. Ergo ad istum defectum pauperum supplendum, sicut vices Dei gerentes in terris, principes et praelati sunt debitores, et sicut patres, quos cogit officium esse auxiliatores subditorum, ut philosophus dicit in VIII Ethicorum, ipsorum cum effectu beneficii specialem debent curam habere. Talem autem sollicitudinem habuit Philippus rex Macedo circa Phisiam : quem, ut scribit Vegetius libro III de re militari, cum prius haberet offensum, audiens ipsum licet nobilem habere tres filias, et cum ipsis inopia premi, ab admonentibus, de hoc quaerens utrum melius foret partem aegram corporis abscindere quam curare, familiariter accersivit, et accepta de facultatum domesticarum pecunia instruxit, et fideliorem habuit. Amplius autem : quia reges et principes communes habent actiones et universalem diligentiam subditorum, cum non sufficiat homo solus ad proprias actiones, oportet quod in multis deficiant, quia talis actio, sive actiones, quae sunt populum gubernare, iudicare, ac unicuique suorum subditorum secundum merita providere, transcendit virtutem naturae : propter quod dicitur, quod est ars artium regimen animarum. Et arduum est valde ut qui nescit tenere moderamina vitae suae, iudex fiat vitae alienae. Secundum quam causam Sauli assumpto et uncto in regem per Samuelem prophetam praecipitur, quod ascenderet ad cuneum prophetarum, ut ibidem per elevationem mentis prophetando cum eis, circa populum gubernandum ex divina influentia haberet notitiam agendorum; quod et factum fuit, ut patet I Reg. Unde impossibile est reges et principes non errare propter dictam causam, nisi ad illum qui omnia gubernat et omnium est conditor se convertant. Et propter hanc causam dicitur in Eccli. de regibus Israelitici populi, quod praeter David, Ezechiam et Iosiam, qui fuerunt viri spirituales et a Deo illuminati, omnes peccaverunt domino. Isti autem defectui subvenitur per eleemosynae beneficium unde pauperes sustententur; sicut per Danielem prophetam dictum est illi principi ethnico regi Babylonis Nabuchodonosor, qui in toto oriente generalis erat monarcha : peccata tua eleemosynis redime, et iniquitates tuas in misericordiis pauperum converte. Sunt ergo ipsae eleemosynae quas faciunt principes indigentibus quasi quidam fideiussor coram Deo pro ipsis ad solvendum debita peccatorum, ut philosophus dicit de numismate respectu rerum venalium. Et sicut numisma est mensura in permutationibus pro vita corporali, ita eleemosyna in vita spirituali propter quod in Eccli. dicitur : eleemosyna viri quasi sacculus cum ipso, et gratiam hominis quasi pupillam oculi conservabit. Ex his igitur satis est manifestum qualiter opportunum est regibus et cuicumque domino in ipsorum dominio, de communi aerario reipublicae, sive regali, pauperibus providere. Hinc est quod in singulis provinciis, civitatibus et castris, ad talia ministeria exercenda sunt hospitalia instituta, sive per reges sive per principes et cives ad pauperum inopiam sublevandam, et non solum apud fideles, sed etiam infideles. Domos enim instituebant hospitalitatis ad pauperum subventionem, quas Iovis hospitalia nominabant, ut patet in libro II Mach., propter effectum benevolentiae et pietatis qui eidem attribuitur planetae secundum astrologos. De Aristotele etiam tradunt historiae quod Alexandro exhortatorias litteras destinavit, quod pauperum inopiae memor esset ad prosperitatem sui regiminis augmentandam.

 

 

 

Caput 16

 

[90368] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 2 Caput 16 Titulus Qualiter oportet regem et quemcumque dominantem ad cultum divinum intendere, et qui fructus ex hoc sequatur

 

[90369] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 2 cap. 16 His habitis agendum est de cultu divino, ad quem reges et principes studere debent toto conatu et sollicitudine, sicut ad finem debitum. Et ideo hic in hoc ultimo capitulo traditur de quo rex ille magnificus Salomon in Eccle. scribit : finem loquendi omnes pariter audiamus. Deum time et mandata eius observa : hoc est enim omnis homo. Et quamvis iste finis omnibus sit necessarius, divinus videlicet cultus et reverentia per observantiam mandatorum, ut iam dictum est, regi tamen magis competit, et huius rei est magis debitor propter tria quae sunt in ipso, quia videlicet homo, et quia dominus, et quia rex. Quia homo singulariter a Deo creatus; caeteras enim creaturas Deus dicendo fecit, cum vero hominem creavit, dixit : faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Unde apostolus in actis apostolorum refert verba Arati poetae dicentis : ipsius enim genus Dei sumus. Ex hac ergo parte debitores sumus omnes Deo in generali ad divinam reverentiam, quod est primum praeceptum primae tabulae; unde dicitur populo Israelitico in Deuteronomii VI per Moysen, et per consequens nobis : audi, Israel, dominus Deus tuus, Deus unus est. Quasi ipse solus sit cui debetur reverentia et honor, in quantum ab ipso solo creati sumus et singulari quadam praerogativa producti. Et propter hoc, habita consideratione tanti beneficii, subdit Moyses in eodem statim loco, dicens : diliges dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et in tota anima tua, et in tota fortitudine tua; in hoc volens ostendere quod totum Deo debeamus quod sumus. Et in recognitionem eius praeceptum de decimis fuit institutum, ad quod quilibet obligatur in quantum est ex iure divino non in quantitate numeri sed cuiuscumque rei ex dicta iam causa. Sed quamvis quilibet ad hoc sit obligatus, plus tamen princeps etiam sicut privata persona, in quantum plus participat de nobilitate humanae naturae ratione sui generis unde trahit originem et inde nobilitatem, ut philosophus probat in sua rhetorica. Qua consideratione motus Caesar Augustus, qui et Octavianus, ut historiae tradunt, divinos honores non sustinens qui eidem exhibebantur a Romano populo propter corporis eius pulchritudinem et animi probitatem, suum creatorem et factorem quaesivit a Sybilla Tiburtina, quem et invenit et adoravit, prohibuitque edicto publico ne ipsum ulterius aliquis de dicto populo adoraret, vel Deum aut dominum vocaret. Amplius autem et in quantum dominus, quia non est potestas nisi a Deo, ut apostolus dicit ad Rom. Unde et vices Dei gerit in terris, ut dictum est supra. Propter quod tota virtus domini ex Deo dependet, sicut eius ministri. Ubi autem est dependentia in dominio, necessaria est superioris reverentia, quia per se nihil est, ut in ministris regalium curiarum contingit. Propter quod in Apocalypsi quotiescumque agitur de caelestium spirituum ministerio, qui per seniores tanquam maturiores in actionibus et animalia quae potius aguntur quam agant ex vehementi irradiatione divina et in ministerio designantur, semper de eisdem subiungitur quod ceciderunt in facies suas, et adoraverunt Deum. Qui quidem duo actus sunt latriae seu divini cultus. Unde et ille Nabuchodonosor monarcha in oriente, ut scribitur in Daniele, quia suum dominium non recognoscebat a Deo, secundum suam imaginationem in bestiam est translatus, et dictum est ei : septem tempora mutabuntur super te, donec scias quod dominetur excelsus in regno hominum, et cuicumque voluerit det illud. Circa quod etiam monitus Alexander, ut historiae tradunt, cum proposito vadens in Iudaeam destruendi regionem, cum appropinquanti Hierusalem ei irato in albis summus pontifex occurrisset cum ministris templi, mansuefactus et de equo descendens, ipse eum vice Dei reveritus est, et ingressus templum maximis honoravit donis et gentem totam pro divina reverentia libertate donavit. Non solum autem sicut homo et dominus ad divinum obligatur cultum, sed etiam sicut et rex, quia inunguntur oleo consecrato, ut patet de regibus Israelitici populi qui oleo sancto inungebantur manibus prophetarum, unde et Christi domini vocabantur propter excellentiam virtutis et gratiae in coniunctione ad Deum, quibus praediti esse debebant; secundum quam unctionem consequebantur quamdam reverentiam et delationem honoris. Propter quod etiam David, quia praecidit clamidem regis Saulis, percussit pectus suum in poenitudinis signum, ut scribitur in libro I Reg. Rex etiam David cum lamentabiliter deplorat mortem Saulis et Ionathae, ita querelam proponit de allophylorum irreverentia, quod sic occiderant regem Saul quasi non esset unctus oleo, ut in fine scribitur II libri regum. Cuius sanctitatis etiam argumentum assumimus ex gestis Francorum et beati Remigii super Clodoveum, regem primum Christianum inter reges Francorum, et delatione olei desuper per columbam, quo rex praefatus fuit inunctus, et inunguntur posteri signis et portentis, ac variis curis apparentibus in eis ex unctione praedicta. Amplius autem et in dicta unctione, ut Augustinus ait de civitate Dei, figurabatur rex verus et sacerdos, iuxta Danielem prophetam : cum venerit, inquit, sanctus sanctorum, cessabit unctio vestra. In quantum igitur figuram gerunt in hac unctione illius qui est rex regum, et dominus dominantium, ut dicitur in Apocalypsi, qui est Christus dominus noster, debitores sunt reges ad ipsum imitandum, ut sit debita proportio figurae ad figuratum, umbrae ad corpus : in quo verus ac perfectus cultus divinus includitur. Patet igitur quam necessarium sit cuilibet domino ut sit Deo devotus et reverens, sed praecipue regi ad conservationem sui regiminis. Cuius exemplum trahimus quidem a primo urbis rege, videlicet Romulo, ut historiae tradunt. In primordio enim sui regiminis in urbe Romana fabricavit asylum, quod templum pacis nominabat, multis amplians gratiis : pro cuius nomine et reverentia omnem sceleratum qui ad ipsum confugeret, cuiuscumque status esset, reddebat immunem. Qualem autem habuerint exitum posteri eius, qui in divino cultu fuerunt negligentes, et qui fuerunt ferventes, scribit Valerius maximus in principio libri sui. Quid vero dicam de deicolis regibus sive veteris sive novi testamenti ? Omnes enim qui ad divinam reverentiam fuerunt solliciti, feliciter suum consummaverunt cursum; qui vero e contra, infelicem consecuti sunt exitum. Tradunt etiam historiae quod in qualibet monarchia ab initio saeculi tria se invicem per ordinem comitata sunt : divinus cultus, sapientia scholastica et saecularis potentia. Quae quidem tria se invicem per ordinem consequuntur, et in rege Salomone ex suis meritis conservata sunt, quia per divinam reverentiam, cum descendit in Hebron locum orationis assumptus in regem, consecutus est sapientiam et ex utroque ulterius in regali virtute super reges sui temporis excellentiam. Cum vero a vero cultu Dei recessit, infelicem exitum habuit, ut patet in III Lib. Reg. Haec igitur de pertinentibus ad regimen cuiuscumque dominii, sed praecipue regalis, in hoc libro in tantum sint dicta.

 

 

 

Liber 3

LIVRE 3 — L’ORIGINE DIVINE DE TOUT POUVOIR (Par Ptolémée de Lucques)

Caput 1

 

[90370] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 1 Titulus Consideratur et probatur omne dominium esse a Deo, considerata natura entis

 

[90371] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 1 Et quia cor regis in manu Dei, quocumque voluerit inclinabit illud, ut in Prov. scribitur quod et ille magnus monarcha in oriente, Cyrus videlicet rex Persarum, per publicum confitetur edictum. Post victoriam enim de Babylonia consecutam, quam usque ad solum destruxit, ac occiso Balthassar rege ibidem, sicut historiae tradunt, sic ait, ut in principio libri Esdrae patet : haec dicit Cyrus rex Persarum : omnia regna mundi dedit mihi dominus Deus caeli. Inde manifeste apparet a Deo omne provenire dominium sicut a primo dominante. Quod quidem ostendi potest triplici via quam philosophus tangit, quia vel in quantum ens, vel in quantum motor, vel in quantum finis. Ratione quidem entis : quia oportet omne ens ad ens primum reducere, sicut ad principium omnis entis, ut et omne calidum ad calidum ignis, ut patet per philosophum in secundo Metaph. Qua ergo ratione omne ens ex ente primo dependet, eadem et dominium, quia ipsum super ens fundatur, et tanto super nobilius ens quanto ad dominandum super homines in natura coaequales eisdem praeponitur. Unde et causam habet non superbiendi, sed humane suum populum gubernandi, ut Seneca dicit in epistola ad Lucilium. Propter quod in Eccli. dicitur : rectorem te posuerunt ? Noli extolli, sed esto in illis quasi unus ex illis. Sicut ergo omne ens ab ente primo dependet, quod est prima causa, ita et omne dominium creaturae a Deo sicut a primo dominante et primo ente. Amplius autem : omnis multitudo ab uno procedit et per unum mensuratur, ut patet per philosophum in decimo primae philosophiae; ergo eodem modo et multitudo dominantium ab uno dominante trahit originem, quod est Deus : sicut videmus in regalibus curiis quod in diversis officiis multi sunt dominantes, sed omnes ex uno dependent, videlicet rege. Propter quod philosophus in decimosecundo primae philosophiae dicit quod sic se habet Deus, sive prima causa, ad totum universum, sicut dux ad totum exercitum, a quo tota multitudo castrorum dependet. Unde et ipse Moyses in Exod. Deum ducem populi vocat : dux, inquit, fuisti in misericordia tua populo, quem redemisti. A Deo igitur omne dominium habet initium. Rursus ad idem. Virtus est proportionata enti cuius est virtus et adaequatur ei, quia virtus fluit ab essentia rei, ut patet per philosophum in primo et secundo Lib. de caelo. Sicut ergo se habet ens creatum ad increatum, quod est Deus, ita virtus cuiuslibet entis creati ad virtutem increatam, quae etiam est Deus, quia quidquid est in Deo, Deus est. Sed omne ens creatum ab ente increato trahit originem; ergo virtus creata ab increata. Hoc autem in dominio praesupponitur, quia non est dominium ubi non est potentia sive virtus; ergo omne dominium erit ab increata virtute, et haec est Deus, ut supra dictum est, et sic idem quod prius. Unde apostolus dicit ad Hebr. quod Deus portat omnia verbo virtutis suae. In Eccli. etiam scribitur quod unus est altissimus creator omnium omnipotens, rex potens, metuendus nimis, sedens super thronum, dominans Deus. In quibus verbis satis apparet, a quo omnis creatura habet esse, virtutem et operationem, et per consequens dominium, et multo amplius rex, ut superius est ostensum.

 

Caput 2

 

[90372] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 2 Titulus Hoc idem probat ex consideratione motus cuiuslibet naturae creatae

[90373] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 2 Non solum autem ratione entis, sed ratione etiam motus probatur a Deo provenire dominium. Et primo quidem assumenda est ratio philosophi in octavo physicorum : quia omne quod movetur, ab aliquo movetur, et in moventibus et motis non est abire in infinitum : ergo oportet venire ad aliquod primum movens immobile, quod est Deus, sive causa prima. Inter omnes autem homines, qui plus habent de ratione motus sunt reges et principes et omnes qui praesunt, sive in gubernando sive in iudicando sive in defendendo, et sic de aliis actibus qui ad curam regiminis pertinent. Unde Seneca, de consolatione fratris ad Polybium sic loquitur de Caesare, exhortans eum ad contemptum mundi : cum voles omnium rerum oblivisci, cogita Caesarem. Vide quantam huius vitae indulgentiae fidem, quantam industriam debeas; intelliges non magis tibi incurvari licere quam illi. Si quis modo est fabulis traditus, cuius humeris mundus innititur, Caesari quoque ipsi, cui omnia licent, propter hoc ipsum multa non licent. Omnium domos illius vigilia defendit, omnium otium illius labor, omnium delicias illius industria, omnium vacationem illius occupatio. Ex quo se Caesar orbi terrarum dedicavit, sibi se eripuit, et siderum modo, quae irrequieta semper cursus suos explicant, numquam illi licet nec subsistere, nec quidquam suum facere. Si ergo reges et alii domini tantum habent de ratione motus, ipsum non possunt perficere nisi per influentiam et virtutem moventis primi, quod est Deus, ut superius est probatum. Propter quod in Lib. sapientiae ubi connumerantur effectus divinae virtutis per suam sapientiam, volens auctor ostendere qualiter omnia influentiam divini motus participant, subdit statim : omnibus mobilibus mobilior est sapientia. Attingit autem ubique propter suam munditiam : munditiam vocans absolutam et supergredientem ac immixtam divinam virtutem ad omnia movendum ad similitudinem corporis lucis, quae ex hac parte naturam imitatur divinam. Rursus ad idem. Omnis causa primaria plus est influens in suum causatum, quam causa secundaria. Causa autem prima Deus est. Ergo si virtute primae causae omnia moventur, et influentiam primi motus omnia recipiunt, et motus dominorum erit ex virtute Dei et ex Deo movente. Amplius autem : si est ordo in motibus corporalibus, multo magis et in spiritualibus erit. Sic autem videmus in corporibus quod inferiora per superiora moventur, et omnia reducuntur ad motum supremi, quod est nona sphaera, secundum Ptolomaeum in prima dist. Almagesti; sed secundum Aristotelem in secundo de caelo, est octava. Si ergo omnes motus corporales regulantur per primum et a primo habent influentiam, multo magis spirituales substantiae propter maiorem assimilationem quam habent in alterutrum. Unde aptiores sunt ad recipiendam influentiam primi et supremi moventis sive motoris, quod est Deus : quem quidem motum nobis tradit beatus Dionysius in libro de divinis nominibus et de caelesti hierarchia, distinguens in eis motum sicut et in corporibus, videlicet circularem, rectum et obliquum. Qui quidem motus sunt quaedam illuminationes quas recipiunt a superioribus ad agendum, ut idem doctor exponit; ad quas quidem illuminationes recipiendas necessaria est dispositio mentis in qua sit ista influentia motus. Inter omnes autem homines qui paratiores esse debeant sunt reges et principes et alii dominatores orbis, tum ex exercitio quod habent, tum ob universales actiones regiminis unde et mens magis elevatur ad divina, tum etiam quia hoc eis incumbit ut se disponant ut cura eis imposita in gubernando gregem et alia quae sunt necessaria in actibus regiminis quae supra ipsum sunt et naturam particularem excedunt, per talem motum divinae influentiae sufficientius deducantur. Sic enim David rex se disposuit : propter quam causam ex motu illuminationis praefatae supra omnes reges et prophetas meruit in suis Psalmis spiritum propheticae intelligentiae, ut doctores Scripturae sacrae tradunt. Ex cuius contrario actu principes ethnici, de quibus Daniel propheta mentionem facit, ut Nabuchodonosor et Balthassar, pater et filius, meruerunt obumbrari : unde et influentia divinae illuminationis movit eorum phantasiam in imaginativis visionibus, ut in Daniele est manifestum, ut scirent quid circa regale regimen eis esset agendum; sed quia mens ipsorum non erat disposita, sed involuta tenebris peccatorum, ad ipsam notitiam non potuerunt venire. Propter quod insignito lumine prophetiae Danieli dictum est : tibi datus fuit spiritus intelligentiae ad ista interpretandum, ut sic verificetur quod per Salomonem dicitur in Prov. : meum est consilium et aequitas, mea est prudentia, et mea est fortitudo, per me reges regnant et legum conditores iusta decernunt, per me principes imperant et potentes decernunt iustitiam. Et sic manifestum est, qualiter omne dominium est a Deo in consideratione motus.

 

Caput 3

 

[90374] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 3 Titulus Non idem probat per considerationem finis

[90375] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 3 Sed et respectu finis adhuc hoc idem apparet. Si enim est hominis agere propter finem ratione sui intellectus, qui finem in unaquaque eius actione praestituit, unaquaeque natura quanto est magis intellectiva tanto magis propter finem agit. Cum ergo Deus sit summa intelligentia et purus actus intelligendi, sua actio magis finem includit. Ergo oportet dicere quod in unoquoque fine uniuscuiusque rei creatae praeexigatur actio intellectus divini, quam et nos divinam prudentiam vocamus, per quam dominus cuncta disponit et in debitum finem deducit, ut Boetius de consolatione philosophiae ipsam nominat, secundum quam rationem dicitur in libro sapientiae quod divina sapientia attingit a fine usque ad finem fortiter, et disponit omnia suaviter. Concluditur ergo ex hoc, quod quaelibet res quanto ordinatur ad excellentiorem finem, tanto plus participat de actione divina. Huiusmodi autem est regnum cuiuscumque communitatis seu collegii, sive regalis sive cuiuscumque conditionis, quia cum intendat nobilissimum finem, ut philosophus tangit in Ethic. et in primo politicorum, in ipso divina praeintelligitur actio, et suae virtuti dominorum subiicitur regimen. Et hinc forte trahit originem veritatis, quod bonum commune divinius ponitur a philosopho in Ethic. Amplius : in regimine legislator semper debet intendere ut cives dirigantur ad vivendum secundum virtutem, immo hic est finis legislatoris, ut philosophus dicit in secundo Ethic. Propter quod et apostolus dicit ad Timotheum quod finis praecepti est charitas. Sed ad istum finem venire non possumus sine motione divina, sicut nec calor calefacere sine virtute caloris ignis, nec lucidum lucere sine virtute lucis. Et tanto altius et excellentius motio primi moventis, quanto virtus divina supergreditur et transcendit virtutem creatam et omne genus operis, sed et fortius influit in tantum, ut dicat ille Isaias propheta : omnia opera nostra operatus es (in nobis), domine; et vox evangelica : sine me nihil potestis facere. Rursus ad idem. Finis movet efficientem et tanto efficacius quanto finis nobilior et melior reperitur, ut bonum gentis respectu boni civitatis vel familiae, sicut philosophus dicit in primo politicorum. Finis autem ad quem principaliter rex intendere debet in se ipso et in subditis est aeterna beatitudo, quae in visione Dei consistit. Et quia ista visio est perfectissimum bonum, maxime debet movere regem et quemcumque dominum ut hunc finem subditi consequantur : quia tunc optime regit, si talis in ipso sit finis intentus. Tali autem modo suos regebat et gubernabat rex ille et sacerdos Christus Iesus, qui dicebat in Ioan. : ego vitam aeternam do eis. Et iterum : ego veni ut vitam habeant et abundantius habeant. Hoc autem maxime facit rex quando super gregem suum sicut bonus pastor invigilat, quia tunc super eum divina lux irradiat ad bene regendum, ut pastoribus in ortu regis nostri et salvatoris. Et irradiationis iam dictae ad bonum regimen et in principe et in subditis motum circularem accipimus, rectum et obliquum, de quibus distinctum est supra et beatus Dionysius loquitur in cap. quarto de divinis nominibus. Hic enim motus ideo rectus dicitur, quia fit per divinam illuminationem super principem ad bene regendum et super populum meritis principis. Sed obliquus vocatur, quando per divinam illuminationem sic subditos regit quod virtuose vivunt et insurgit in eis divina laus et gratiarum actio, ut sit quasi quaedam arcualis figura, ex chorda recta et arcu obliquo. Sed circularis motus divinorum radiorum dicitur, quando divina illuminatio irradiat principem vel subditum, ex qua quidem elevantur ad Deum contemplandum et diligendum : qui ideo circularis motus vocatur, quia est ab eodem ad idem et a puncto ad punctum, quod circularis motus est proprium. Quem quidem motum philosophus etiam ponit in decimosecundo metaphysicorum, ubi dicitur quod motor primus, sive causa prima, quod est Deus, movet alia sicut desideratum, hoc est ratione finis, qui est ipse; de quo et propheta David loquitur in Psalm., licet secundum sacros doctores proprie adaptetur ad Christum regem nostrum : Deus, inquit, iudicium tuum regi da et iustitiam tuam filio regis. Iudicare populum tuum in iustitia, et pauperes tuos in iudicio. Suscipiant montes pacem populo et colles iustitiam. Quae quidem omnia deprecativa sunt regis et cuiuslibet domini ad Deum pro bono regimine populi, ad quod principaliter conari debent, ut dictum est supra. Et quia mentem sic dispositam habent ad divinam influentiam recipiendam pro salute subditorum, statim subditur : descendet sicut pluvia in vellus, et sicut stillicidia stillantia super terram. Orietur in diebus eius iustitia et abundantia pacis. Per quae omnia satis manifestum est quod dominium est a Deo in relatione ad finem sive remotum, qui est ipse, sive propinquum, qui est operari secundum virtutem.

 

Caput 4

 

[90376] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 4 Titulus Qualiter dominium Romanum fuit a Deo provisum propter zelum patriae

[90377] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 4 Et quia inter omnes reges et principes mundi Romani ad praedicta magis fuerunt solliciti, Deus illis inspiravit ad bene regendum, unde et digne meruerunt imperium, ut probat Augustinus, in libro de civitate Dei, diversis causis et rationibus, quas ad praesens perstringendo ad tres reducere possumus, aliis ut tradatur compendiosius resecatis, quarum intuitu meruerunt dominium. Una sumitur ex amore patriae; alia vero ex zelo iustitiae; tertia autem ex zelo civilis benevolentiae. Prima iam dicta virtus satis erat digna dominio, qua participabant quamdam naturam divinam, eo quod ad communitatem suus fertur effectus. Versatur enim ad universales actiones populi, sicut Deus est universalis causa rerum. Unde et philosophus dicit in primo Ethic. quod bonum gentis est bonum divinum. Et quia regale regimen et quodcumque dominium communitatem importat, communitatem diligens dominii communitatem meretur, ut sic ipsum concomitetur praemium secundum meriti qualitatem : et hoc requirit conditio divinae iustitiae unicuique mercedem rependere iuxta virtutis opus, ut verbum scriptum in Apoc. impleatur in eis : opera eorum sequuntur illos. Et iterum in Matth. scribitur quod dominus dedit unicuique secundum propriam virtutem. Amplius autem : amor patriae in radice charitatis fundatur, quae communia propriis, non propria communibus anteponit, ut beatus Augustinus dicit exponens verbum apostoli de charitate. Virtus autem charitatis in merito antecedit omnem virtutem, quia meritum cuiuscumque virtutis ex virtute charitatis dependet. Ergo amor patriae super caeteras virtutes gradum meretur honoris. Hoc autem est dominium. Ergo ex amore digne consequitur quis principatum. De hoc autem amore patriae dicit Tullius in Lib. de officiis quod omnium societatum nulla est gratior, nulla carior quam ea quae cum republica perseverat. Unicuique enim nostrum cari sunt parentes, cari sunt liberi, cari sunt propinqui ac familiares, sed omnium propinquitates patria sua charitate complexa est : pro qua quis bonus dubitet mortem appetere, si eidem sit profuturus ? Quantus vero fuerit amor patriae in antiquis Romanis, Salustius refert in Catilinario ex sententia Catonis, quasdam de eis connumerando virtutes, in quibus dictus amor includitur : nolite, inquit, existimare maiores nostros armis rempublicam ex parva magnam fecisse, quippe amplior nobis quam ipsis armorum est copia; sed quia in eis fuit domi industria, foris iustum imperium, in consulendo animus liber neque delicto neque libidini obnoxius. Pro his nos habemus luxuriam atque avaritiam, publice egestatem, privatim opulentiam, laudamus divitias, sequimur inertiam, inter bonos et malos nullum discrimen, omnia virtutis praemia ambitio possidet. Rursus : amor patriae primum et maximum mandatum continere videtur, de quo Evangelium Lucae mentionem facit, quia in zelando rem communem assimilat sibi naturam divinam, in quantum vice Dei diligentem circa multitudinem adhibet curam. Item proximi dilectionem adimplet, dum totius populi sibi commissi ex affectu paterno sollicitudinem gerit, et sic adimplet mandatum praefatum, de quo dicitur in Deut. : diliges dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et ex tota anima tua, et ex tota fortitudine tua, et proximum tuum sicut te ipsum. Et quia in isto praecepto divino non cadit dispensatio, inde est quod Tullius dicit de republica quod nulla causa intervenire debet unde propria patria denegetur. De isto autem amore patriae exemplum accipimus, ut historiae tradunt et beatus Augustinus in quinto de civitate Dei, de Marco Curtio nobili milite qui armatum equo sedentem in abruptum terrae hiatum se praecipitem dedit, ut pestilentia cessaret ab urbe. Item de M. regulo qui salutem reipublicae suae praeferens, consultus a Romano populo et inter praedictum populum et Poenorum gentem mediator pacis existens, in Africam rediens a Carthaginensibus est occisus. Quam mundas etiam habuerunt manus a muneribus principes eorum pro conservanda republica, patet de M. Curio, de quo scribit maximus Valerius libro quarto quomodo Samnitum divitias contempsit. Cum enim post victoriam de ipsis habitam legati eorum ad ipsum aditum habuissent ipsumque reperissent in scamno sedentem et catino ligneo coenantem, magnumque auri pondus offerrent, suis invitatus verbis ut eo uti vellet, vultum protinus risu solvens : supervacue, inquit : narrate Samnitibus M. Curium malle locupletibus imperare, quam locupletem fieri. Et mementote me non acie vinci, nec pecunia posse corrumpi. Simile etiam refert idem auctor libro eodem de Fabricio, qui cum honore et auctoritate omnibus in aetate sua maior, censu vero par esset unicuique pauperrimo, requisitus a Samnitibus, quos in clientela detinebat, pecuniam et servos sibi missos contempsit ac frustratos remisit, continentiae suae beneficio et zelo patriae sine pecunia praedives et sine usu familiae abunde comitatus : quia locupletem illum faciebat non multa possidere, sed pauca desiderare. De talibus autem concludit dictus doctor quod eisdem non datur dominandi potestas, nisi summi Dei providentia, quando res humanas iudicat talibus donis esse dignas. Multa similia ibidem dicit, per quae definire videtur eorum dominium fuisse legitimum et eis a Deo collatum. Sed et Mathathias et filii quamvis fuerint de sacerdotali genere, propter zelum legis et patriae in populo Israelitico meruerunt dominium, ut patet in primo et secundo Machab. Cum enim morti esset vicinus, sic filios suos alloquitur : aemulatores, inquit, estote legis et date animas vestras pro testamento patrum, quod pro republica accipimus in populo praedicto; et postea subditur : et accipietis gloriam magnam, et nomen aeternum : quod ad filiorum referimus principatum, quorum unus alteri successit, Iudas videlicet, et Ionathas et Simon, et quilibet eorum sacerdos et dux in eodem floruit populo.

 

Caput 5

 

[90378] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 5 Titulus Qualiter Romani meruerunt dominium propter leges sanctissimas quas tradiderunt

[90379] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 5 Est autem et alia ratio, unde digne Romani dominium sunt adepti, zelus videlicet iustitiae. Quo quidem modo acquisierunt principatum quodam iure naturae, a quo habet exordium omne iustum dominium. Primo quidem quia, ut idem doctor scribit consulebant patriae consilio libero, avaritiam relegantes a dominio sive turpis lucri gratiam, neque delicto neque libidini obnoxii, pro quibus iam stans dominium dissipatur. Trahebantur enim homines ad ipsorum amorem, ut propter ipsorum iustissimas leges se sponte eisdem subiicerent. Unde et ipse apostolus Paulus cum a Iudaeis nimis iniuriis vexaretur, coram Festo principe circa partes Caesareae Palaestinae, ut in Act. Apost. traditur, ad Caesarem appellavit ac se subiecit legibus Romanis. Quales autem fuerint eorum leges et quam sanctae, sic in eisdem Act. Apost. scribitur de dicto Festo, quia cum Hierosolymis esset, adierunt ipsum principes sacerdotum et sacerdotes postulantes adversum Paulum damnationem mortis : quibus dictus Festus respondit, prout dictis legibus Romanorum subiectus, quod non est consuetudo Romanis damnare aliquem, sive donare, nisi praesentes habeant accusatores locumque defendendi accipiat ad abluenda crimina. Propter quod dicit idem doctor Augustinus in decimoctavo libro praefato, quod Deo placuit orbem terrarum per Romanos debellare, ut in unam societatem reipublicae legumque perductum longe lateque pacaret. Amplius autem ad hoc : qua de iure naturae est ut quis gerens curam alterius mercedem reportet, eo quod, ut scribitur in Prov. : unicuique mandavit Deus de proximo suo. Ex qua quidem ratione iura concedunt quod quis rem alienam contrectare possit et expensas deducere ac praemium accipere iuxta meritum actionis, cum dicta bona male tractantur a praedonibus vel quibuscumque raptoribus. Hoc ergo supposito, consonum videtur naturae ut dominium sit concessum pro pace ac iustitia conservanda, iurgiis ac discordiis resecandis. Item. Ad hoc videtur provisum ut mali puniantur et boni promoveantur; et hoc est officium dominorum, in hoc quasi officium gerentium proximorum, ut inde suam reportent mercedem, quia ex hoc sua recipiunt vectigalia et tributa. Unde cum apostolus ad Romanos ostendisset a Deo provenire omne dominium : non est, inquit, potestas nisi a Deo, et caetera quae ibi ponuntur ad dominium pertinentia, ultimo concludit : ideo et tributa praestatis : ministri enim Dei sunt in hoc ipsum servientes. In quantum igitur homines virtuosi ac sua probitate praepollentes pro gubernanda populi multitudine, quae rege indiget et rectorem non habet, curam assumunt et sub legibus populum dirigunt, non tantum instinctu Dei moveri videntur, sed vicem Dei gerunt in terris, quia conservant hominum multitudines in civili societate, qua necessario homo indiget cum sit animal naturaliter sociale, ut philosophus dicit in primo Politic. Unde et in isto casu dominium videtur esse legitimum. Quod quidem probat Augustinus in quarto de Civ. Dei; dicit enim sic : remota iustitia, quid sunt ipsa regna nisi quaedam latrocinia ? Ergo ipsa supposita, regnum et quodlibet dominium esse videtur concessum. Introducit autem ad suum probandum intentum exemplum de quodam pirata qui vocabatur Dionides, qui cum fuisset captus ab Alexandro, quaesivit ab eo cur mare haberet infestum. Ipse libera contumacia respondit : quod tibi ut orbem terrarum. Sed quia ego exiguo navigio id facio, latro vocor; tu vero quia magna classe, diceris imperator. Ista ergo ratione Romanis a Deo collatum fuit dominium. Unde et idem doctor in quinto eiusdem libri dicit quia propter leges ipsorum sanctissimas nisi sunt tanquam recta via ad honores, imperium et gloriam, nec habent unde conqueri debeant de summi et veri Dei iustitia : perceperunt enim mercedem suam, iuste videlicet dominando ac legitime gubernando. Quantus autem fuerit zelus iustitiae apud Romanos consules antiquos contra malos, de multis est manifestum. Unde scribit Augustinus in quinto saepe iam dicto libro, quod Brutus filios suos occidit quia bella concitabant in populo : ex quo vigore iustitiae mortem merebantur. Vicit enim in eo, ut ait poeta, amor patriae, laudumque immensa cupido. Narrat etiam de Torquato quod idem fecit de filio, quia contra edictum patris invasit hostes iuvenili quodam provocatus ardore; et licet victoriosus extiterit, quia tamen castra suae gentis discrimini exposuit, ipsum morti adiudicavit iuxta militares leges : ubi idem doctor causam suae mortis insinuat, dicens : ne plus mali esset in exemplo imperii contempti, quam boni gloria hostis occisi. Maximus autem Valerius dicit de ipso quod maluit proprio nato carere quam disciplinae militaris transgressionibus indulgere. Sic ergo patet qualiter zelo legalis iustitiae Romani dominium meruerunt.

 

Caput 6

 

[90380] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 6 Titulus Quomodo concessum est eis dominium a Deo propter ipsorum civilem benevolentiam

[90381] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 6 Tertia vero virtus, per quam subiugaverunt Romani mundum et meruerunt dominium, fuit singularis pietas ac civilis benevolentia : quia, ut tradit maximus Valerius libro quinto : humanitatis dulcedo barbarorum ingenia penetrat; et hoc experimentum habet. Unde et in Prov. dicitur, quod verbum dulce multiplicat amicos et mitigat inimicos. Item in eodem : responsio mollis frangit iram : sermo durus suscitat furorem. Cuius quidem ratio sumitur ex generositate animi, ut dicit Seneca, qui magis ducitur, quam trahatur. Habet enim mens quoddam sublime et altum ac impatiens superioris; sed delectatione cuiusdam subiicitur reverentiae seu lenitatis, per quam suspicatur ad paria posse conscendere, et a suo non resilire gradu. Propter quod et philosophus dicit octavo Ethic. quod benevolentia est principium amicitiae. Quantum autem antiqui Romani in hac excelluerint virtute, unde exteras nationes ad suum traherent amorem seque eisdem sponte subiicerent, exempla ipsorum deducantur in medium. Primo quidem de Scipione, qui, ut refert maximus Valerius Lib. quarto, cum esset in Hispania dux Romani exercitus contra gentem Hannibalis ac vigesimum quartum agens annum Carthaginem ibidem a poenis conditam in suam redegisset potestatem; in ipsa virginem cepit eximiae venustatis, quam ut desponsatam agnovit et nobilem, ipsam inviolatam parentibus reddidit et aurum quod in redemptionem eius traditum fuerat, doti eius adiecit. Ex quo facto ad amorem Romanorum hostes adduxit, admirantes de tam casta moderatione continentiae dicti principis; quia cum idem auctor ipsum referat solutioris vitae in iuvenili aetate fuisse, se ipsum in tanta libertate et potestate consistens ab omni delicto conservavit immunem. Unde Titus Livius de bello Punico narrat Scipionem sponsum dictae virginis allocutum fuisse, in quo sermone suam ostendit pudicitiam digne principibus imitabilem et dominii meritoriam. Scribit et idem Titus de ipso quaedam benevolentiae inductiva in praedicta victoria. Cum enim misit obsides Romanis, primo quidem hortatus est universos bonum habere animum : venisse enim eos in Romanorum potestatem, qui beneficio quam metu obligare homines malunt, exterasque gentes fide ac societate iunctas habere quam tristi subiectas servitio. De hoc etiam dicit Augustinus, primo de Civ. Dei, quod proprium ipsorum fuit parcere subiectis et debellare superbos, acceptaque iniuria, ignoscere quam persequi mallebant. Refert etiam idem doctor in eodem libro de Marco Marcello, qui cum Syracusam urbem cepisset, ante illius ruinam suas illi effudit lacrymas, tantaeque fuit pudicitiae et continentis animi benignaeque mentis, quod priusquam oppidum iussisset invadi publico edicto constituit ne quis corpus liberum violaret. Quid pluribus exemplis insistimus ? Cum etiam Machabaei, Iudas videlicet, Ionathas et Simon, de genere Iudaeorum quorum est proprium aliarum nationum aspernari consortium, tum quia Saturnini sunt, sicut Macrobius dicit super somnium Scipionis, tum quia legibus prohibebatur eisdem, considerata benevolentia Romanorum, cum ipsis statuerunt amicitiam, ut in primo Mach. scribitur, ubi inter alia commendabilia de ipsis, unde populos gentesque diversas ad suum trahebant amorem et subiectionem politicam, seu despoticam, sub compendio interseritur quod inter praesides Romanos nemo portabat diadema nec induebatur purpura ut magnificaretur in ea; et quia curiam fecerunt et consulebant quotidie trecentos viginti, consilium agentes semper de multitudine, ut quae digna sunt gerant; et qua committunt uni homini magistratum suum per singulos annos dominari universae terrae suae, et omnes obediunt uni, et non est invidia neque zelus inter eos. Ubi attendendum quam ordinatum erat tunc temporis regimen politicum in urbe, quod erat praecipuum motivum cuiuscumque nationis et provinciae ipsorum appetere dominium et eisdem sua colla subiicere. Aliud etiam erat in eis provocativum subiectionis, quia ex cupidine dominandi non se dominos vocabant sed socios et amicos. Unde et de Iulio Caesare in Suetonio scribitur quod milites suos non sibi subiectos sed socios et commilitones vocabat. Sic et antiqui consules de Iudaeis fecerunt, qui quidem, etsi modicum haberent in oriente dominium, cum Romanis tamen confoederati sunt foedere amicitiae. Et cum amplam haberent Romani monarchiam in oriente et occidente et aliis mundi plagis, ut ex praedicto libro Mach. est manifestum, non tamen dedignati sunt cum Iudaeis societatem inire et ad paria se publico in alterutrum attestari edicto. Patet igitur ex iam dictis quod meritum virtutis in Romanis antiquis meretur dominium : unde etiam aliae nationes allectae sunt ad ipsorum dominium, tum ex dilectione patriae, pro qua omnia contemnebant; tum ex vigore iustitiae, propter quam contra omnem malefactorem et perturbatorem pacis se opponebant; tum ex civili ipsorum benevolentia, in qua caeteras nationes ad sui amorem trahebant. Pro quibus omnibus ex merito virtutum in ipsis divina bonitas consensisse videtur ad ipsorum principatum ex causis et rationibus assignatis. Sic enim quis meretur dominium, ut philosophus in quinto Ethic. tradit, ubi dicit quod non sinimus principari hominem in quo est natura humana tantum, sed illum qui est perfectus secundum rationem, sicut dictum est supra.

 

Caput 7

 

[90382] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 7 Titulus Qualiter Deus permittit aliquod dominium ad punitionem malorum, et quod tale dominium est quasi instrumentum divinae iustitiae contra peccatores

[90383] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 7 Fuit autem et alia causa unde dominium est a Deo permissum, quam a sacra accipimus Scriptura, nec philosophorum et sapientum huius saeculi sententiis contraria, videlicet propter merita populorum, quam beatus Augustinus assignat in undevicesimo de Civ. Dei. Probat enim ibi servitutem introductam propter peccatum. Unde et sacra Scriptura dicit in Iob videlicet quod facit regnare hominem hypocritam propter peccata populi. Quod quidem apparet, quia primo dominantes in mundo fuerunt homines iniqui, ut historiae tradunt, sicut Cain, Nembroth, Belus, Ninus et Semiramis uxor eius, qui et dominium habuerunt in prima et secunda aetate mundi. Causa autem unde habuerunt istud dominium assumi potest ex parte subditorum, vel dominantium. Ex parte quidem subditorum quia tyranni sunt instrumentum divinae iustitiae ad puniendum delicta hominum, sicut rex Assyriorum super Israeliticum populum, et Totila rex Gothorum, flagellum Dei, super Italiam, ut historiae narrant. Item : Dionysius in Sicilia, sub quo captivatus est populus et tandem ab ipso libertate donatus, ut scribit maximus Valerius libro IV. De rege vero Assyriorum quomodo ad puniendum delicta sui populi est destinatus, sic ostenditur per Isaiam prophetam : Assur virga furoris mei, unde et baculus ipse est : in manu eius indignatio mea, ad gentem fallacem mittam eum, et contra populum furoris mei mandabo illi ut auferat spolia et dividat praedam, et ponat illum in conculcationem quasi lutum platearum; quae omnia verificata sunt quando Hierusalem obsessa est a Chaldaeis, per Nabuchodonosor regem Assyriorum capta et combusta, captis principibus eius cum rege Sedecia, eius confossis oculis et occisis filiis, sicut in fine IV libri Reg. traditur; per quae verba satis ostenditur qualiter Deus punit peccatores per manum tyranni. Unde concluditur ipsos esse instrumentum Dei sicut Daemones, quorum potestas iusta a sacris doctoribus ponitur, voluntas tamen semper iniqua. Quod etiam ostendit nobis tyrannicum regimen, quia non ordinatur nisi ad onus et molestiam subditorum. Tyranni enim proprietas est, propriam et solam sui utilitatem et commodum quaerere, ut dictum est supra, et philosophus tradit in octavo Ethic. ubi ponit quod sic se habet tyrannus ad subditos sicut dominus ad servos et sicut artifex ad organum et instrumentum. Hoc autem poenale est subditis, et contra naturam dominii, sicut superius est probatum. Sed ex parte dominantium tale dominium videtur a Deo concessum. Primo in casu supposito, vel Deo disponente pro subditis, quod est ad exitum meliorem, quando videlicet princeps ad Dei placitum studet quamvis peccator, ut de Cyro rege Persarum scribitur in Isaia : haec, inquit, dicit dominus Christo meo Cyro, cuius apprehendi dexteram ut subiiciam ante faciem eius gentes et dorsa regum vertam. Aperiam ante faciem eius ianuas, et portae non claudentur. Quod quidem adimpletum fuit, ut historiae tradunt, quando subito desiccato alveo Euphratis et Tigris, qui per mediam Babyloniam transibant, civitatem intravit occiditque Balthassar ipsorum regem cum gente sua, ipsamque civitatem destruxit, ad Medos transferens monarchiam, ubi tunc regnabat Darius Cyri propinquus, ut Iosephus scribit. Hoc autem Deus sic disposuit quia dictus Cyrus humanitatem ostendit in suis fidelibus Iudaeis qui captivi tenebantur in Assyria, quos postea remisit liberos in Iudaeam cum vasis templi, et ipsum templum reaedificari mandavit : ex quibus bonis et virtuosis operibus quae exercuit circa divinum cultum et Dei populum, totius orientis obtinuit monarchiam, ut superius est ostensum. Praedictus vero Balthassar occisus fuit, ut ex sententia Danielis apparet, quia Deo ingratus et quia vasis templi domini in uno convivio est abusus : unde dictum est ei per Danielem : quia non humiliasti cor tuum, sed adversus dominatorem caeli elevatum est, et vasa domus eius allata sunt coram te, et tu et optimates tui et uxores vinum bibistis in eis (...) porro Deum caeli qui habet flatum tuum in manibus suis et omnes vias tuas, non glorificasti; idcirco ab eo missus est articulus manus contra te : quod pro sententia divina accipimus contra ipsum, ut rei postea probavit eventus. Narrat enim historia Danielis, quod dum Balthassar rex Babyloniorum persisteret in Dei contumelia, ut ex dictis liquet, ex opposito mensae sui convivii videbat digitos manus in pariete scribentis : ex qua Scriptura perterritus est, quasi ipsa esset nuntius suae mortis. Refert etiam Scriptura Danielis, quod ex aspectu scribentis, cuius imaginem non videbat, nisi digitorum manus, facies eius perterrita est et cogitationes eius perturbabant eum, compages renum eius dissolvebantur, et genua eius ad se invicem collidebantur : quae omnia insinuativa erant timoris immensi et futuri iudicii super eum. Sed hanc Scripturam rex non discernens, vocatus Daniel, interpretatusque sub tribus nominibus, ipsum denuntiavit moriturum, videlicet mane, thecel, Phares : quod exposuit Scriptura : mane : numeravit Deus regnum tuum et complevit illud, hoc est in termino posuit, sicut res numerata, quae tollitur et separatur ab acervo pecuniae. Thecel : appensus es in statera et inventus es minus habens : unde et dignus es morte. Phares : divisum est regnum tuum et datum est Medis et Persis, ut superius est ostensum. Ex quibus omnibus satis est manifestum quod illae clausulae non proprie sunt significativae secundum aliquod idioma linguarum, sed secundum dispositionem divinam, sicut et factum quoddam in quo propheta comprehendit divinam circa nos voluntatem. Sit ergo hoc conclusum, quod in illa Scriptura suam insinuavit sententiam contra principem Babyloniae, quia propter peccata sua dignus erat morte et privatione regalis principatus, iuxta illud : regnum de gente in gentem transfertur propter iniustitias (...) et diversos dolos.

 

Caput 8

 

[90384] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 8 Titulus Quod interdum tale dominium cedit in malum dominantium, quia propter ipsorum ingratitudinem in superbiam elati graviter deprimuntur

[90385] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 8 Sed adhuc insistendum est circa divinam providentiam in dominio. Contingit enim interdum quod cum quis assumit principatum, erit homo virtuosus et aliquo tempore perseverabit in eo. Sed aliquo tempore procedendo ex favore humano et prosperitate rerum regalium elevatur quis in superbiam et de beneficiis sibi a Deo collatis ingratus eidem efficitur. Unde philosophus dicit in quinto Ethic. quod principatus virum ostendit; sicut accidit de Saule, de quo scribitur, I Reg., quod in tota tribu Beniamin non erat vir melior illo. Sed post duos annos a suo regimine factus est Deo inobediens, unde dictum est prophetae Samueli de ipso : usquequo tu luges Saul, cum ego proiecerim eum ne regnet super Israel ? Quasi ex divina sententia irrefragabili sit repulsus. Propter quod ultimo dictus princeps fuit occisus cum filiis, totaque eius progenies a dominio est avulsa. Unde in Paral. de ipso concluditur quod mortuus est Saul propter iniquitates suas. Hoc autem et de Salomone accidit, qui magnificatus est super omnes reges qui fuerant ante eum, ut scribitur in Eccle. et universa terra desiderabat audire sapientiam Salomonis. Sed, ut dicit Augustinus decimoseptimo de Civ. Dei : secundae res praedicto regi fuerunt noxiae, quia lapsus in luxuriam, ruit in idolatriam; ex quo factus est abominabilis populo, in tantum ut servi eius rebellarent ei diripientes spolia suae regionis et vastantes terram absque resistentia aliqua, cum tamen prius omnes obedirent ad nutum, sicut testatur regina Saba, ut patet in III Lib. Reg. Ad magna igitur promotus in principio sui regiminis propter divinam reverentiam quam exhibuit, in fine sui regiminis decidit in vilia propter delicta quae commisit : quia miseros facit populos peccatum. Tradunt tamen Hebraei, ut Hieronymus refert in commento super Eccle., quod in fine vitae suae ex multis vexatus suum recognovit errorem seque disposuit ad poenitentiam in commissis, librumque praefatum composuit, in quo sicut expertus cuncta definit vanitati subiacere, subiiciens se divino timori ad suorum observantiam mandatorum. Unde in fine praedicti libri concludit : finem loquendi pariter audiamus. Deum time et mandata eius observa : hoc est enim omnis homo. Sed et praeter reges deicolas quid de principibus ethnicis dicam ? Qui quamdiu fuerunt Deo grati virtutumque cultores, floruerunt in dominio; cum vero ex elatione dominii ad contrarium se converterunt, mala morte vitam finierunt, sicut contigit de praefato Cyro rege Persarum monarcha. Tradunt enim historiae de ipso quod, cum totam subiugasset Asiam, Parthiam, Schytiamque ferro perdomuit, tandem longum certamen Scythis inferens, dominante tunc Tamari regina dictae gentis, quae Massagetia vocabatur, primo quidem cum filio dictae reginae adolescentulo dimicavit ipsumque vicit et occidit, nullique parcens aetati, ingentem multitudinem peremit. Quia ergo crudelitatem exercuit et in Babylonia et in regno Lydiae, quia in utroque reges et principes mala morte trucidavit et in regno Massagetarum similiter fecit, in hoc eodem iudicio similiter eum Deus punivit. Narrant enim historiae quod dicta regina congregavit exercitum contra ipsum, Scythas videlicet, Massagetas et Parthos, et in quibusdam montibus dicta regina insidiis compositis invasit castra eiusdem : et sic impetu armatorum absorbuit, quod ducenta millia fuerunt occisa praefati principis, et ipse captus : cui amputato capite, regina ipsum in utre sanguine pleno mandavit includi, et sic invective acclamabatur eidem : sanguinem sitisti, sanguinem bibe; quasi ipsa mors ignominiosa, quam passus est, fuerit argumentum suae atrocitatis. Omnes etiam monarchae ipsum sequentes, ut in Graecia magnus Alexander, quamdiu cum reverentia suos tractavit Macedones, vocans milites suos patres, tanquam antiquiores, optime processit in monarchia; sed eisdem existens ingratus, a sorore venenatus est; et praecipue quia post victoriam, Darii accepta filia in coniugem, militaria coepit postponere, luxui vitae intendens, et sui immemor factus dolorosa morte vitam finivit. Et sic de multis aliis principibus ethnicis exemplum potest adduci, ut de Iulio Caesare et Hannibale, qui propter abusum dominii diro necati sunt exitu, ut eis conveniat quod in Eccle. scribitur : interdum dominatur homo homini in malum suum. Nec non et illud Isaiae prophetae, quod in omnibus tyrannis locum habet. Cum enim ostendisset ipsos esse divinae iustitiae exactores contra peccatores, sicut carnifices dominorum, ut manifestum est supra, cum dixit : Assur virga furoris mei, etc., statim subdit : ipse autem non sic arbitrabitur, et cor eius non sic existimabit, quasi sic agat ut Dei instrumentum, sed ad conterendum erit cor eius et ad interfectionem gentium non paucarum; dixit enim : numquid non principes nostri simul reges sunt ? Attribuens videlicet suae virtuti et non Dei qui movet ipsum ad puniendum transgressores divinorum mandatorum. Hanc autem ingratitudinem ac praesumptionem tyrannorum dominus statim ibidem graviter redarguit et gravissime punit, ut in iam dictis principibus patet. Unde subdit propheta in eodem loco : numquid gloriabitur securis contra eum qui secat in ea ? An exaltabitur serra contra eum qui se fecit ? Quomodo si elevetur virga contra elevantem eam, et exaltetur baculus, qui utique lignum est ? Ubi consideranda est similitudo, quia valde congrua est. Sic enim se habet virtus dominantis ad Deum sicut virtus baculi ad percutientem et sicut virtus serrae ad artificem. Constat autem quod virtus serrae vel securis in artificio nulla est nisi per artificem moventem et dirigentem : ita et de virtute dominantis contingit, quod nulla est sine Deo movente et gubernante. Ergo stultum et praesumptuosum est gloriari de sua virtute. Ista autem ratio satis aperta esse videtur, et haberi potest ex verbis philosophi supra inductis, quia virtus cuiuslibet mobilis a virtute dependet primo moventis, et eius instrumentum erit : et hinc est quod Deo talis gloria est displicibilis, quia tales derogant divinae potentiae. Propter quod scribitur in Iudith, quod de sua virtute gloriantes Deus humiliat, et ideo subiungit dictus propheta Isaias : propter hoc mittet dominator dominus exercituum in pinguibus eius tenuitatem et subtus gloriam eius succensa ardebit quasi combustio ignis. In quo significatur poena sensibilis quae talibus infertur tyrannis, et annihilatio principatus, ut in praedictis est manifestum. Relinquitur igitur a Deo omne esse dominium, sive legitimum, sive tyrannicum, secundum varias vias suae investigabilis providentiae.

 

Caput 9

 

[90386] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 9 Titulus Quod homo naturaliter dominatur animalibus sylvestribus et aliis rebus irrationabilibus, et quomodo : quod probatur multis rationibus

[90387] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 9 Nunc igitur accedendum est ad diversas species dominandi, secundum diversos modos et gradus in hominibus dominii et principatus. Et primus quidem generalis est omnium, qui competit homini secundum naturam, ut tradit Augustinus undevicesimo de Civ. Dei : in quo casu et philosophus concordat in primo Politic. Hoc autem et Scriptura sacra confirmat, quando in sui creatione tanquam naturae inditae dixit : dominamini piscibus maris et volatilibus caeli et universis animantibus quae moventur super terram : in quibus ostenditur quod naturae institutae humanae talem indidit potestatem. Qui enim dixit : germinet terra herbam virentem, et ex tali dicto data est potestas arboribus germinandi, dixit et nobis similiter : dominamini piscibus maris, et cetera. Et sic ex iam dictis apparet, quod dominium hominis super caeteras creaturas est naturale. Unde et philosophus probat secundum eamdem rationem, quod venationes et aucupia sunt a natura. Et Augustinus in praedicto libro hoc probat per dominium quod antiqui patres soliti erant habere ut pastores essent pecorum, quae et divitiae naturales definitae sunt supra. Et quamvis tale dominium diminutum sit propter peccata, quia etiam vilia animalia dominantur in nobis et facta sunt nobis nociva, quod non contingit in homine nisi propter dictam causam; tanto magis tamen participamus de dicto dominio, quanto magis ad statum attingimus innocentiae : quod etiam vox evangelica nobis promittit, si eius imitatores fuerimus in iustitia et sanctitate. Cum enim dominus exhortaretur discipulos ad animarum salutem verbum Dei praedicando, sic de eisdem virtutem denuntiat, dicens : in nomine meo Daemonia eiicient, linguis loquentur novis, serpentes tollent : et si mortiferum quid biberint, non eis nocebit. Quod experimento didicimus in virtuosis et perfectissimis viris, ut in gestis sanctorum patrum scribitur. Et de beato Paulo traditur in Act. Apost. quia vipera ipsum non laesit, nec beatum Ioannem Evangelistam venenum, et sic de multis aliis sanctissimis patribus, qui super crocodilos atrocissimas bestias sive venenosa reptilia Nilum vadabant, ut impleretur in eis quod dominus in Luca dixit discipulis : ecce dedi vobis potestatem calcandi super serpentes et scorpiones, et supra omnem virtutem inimici. Istius autem dominii in prima hominis institutione collati ex triplici via ratio congruentiae assignari potest. Primo quidem ex ipso naturae processu. Sicut enim in generatione rerum naturalium intelligitur quidam ordo, quo de imperfecto ad perfectum proceditur : nam materia est propter formam, et forma imperfectior est propter perfectiorem; ita et in usu rerum naturalium : nam imperfectiora cedunt in usum perfectorum. Plantae enim utuntur terra ad suum nutrimentum, animalia vero plantis, homo autem plantis et animalibus. Unde concluditur quod homo naturaliter dominatur animalibus. Propter quod, sicut superius est tactum, philosophus probat in primo Politic., quod venatio animalium sylvestrium est iusta naturaliter, quia per eam homo sibi vindicat quod naturaliter est suum. Secundo apparet hoc ex ordine divinae providentiae, quae semper inferiora per superiora gubernat : unde cum homo sit supra caetera animalia, utpote ad imaginem Dei factus, convenienter hominis gubernationi alia animalia subduntur. Tertio apparet idem ex proprietate hominis et aliorum animalium. In aliis enim animalibus invenitur secundum aestimationem naturalem quaedam participatio prudentiae ad aliquos particulares actus; in homine vero reperitur quaedam universalis prudentia, quae est ratio naturalium agibilium. Omne autem quod est per participationem, subditur ei quod est per essentiam universaliter. Unde patet quod est naturalis subiectio aliorum animalium ad hominem. Sed utrum dominium hominis super hominem sit naturale vel a Deo permissum vel provisum, ex iam dictis veritas haberi potest. Quia si loquamur de dominio per modum servilis subiectionis, introductum est propter peccatum, ut dictum est supra; sed si loquamur de dominio prout importat officium consulendi et dirigendi, isto modo quasi naturale potest dici, quia etiam in statu innocentiae fuisset. Et haec est sententia Augustini, undevicesimo de Civ. Dei. Unde istud dominium ei competebat in quantum homo est sociale naturaliter, sive politicum, ut dictum est supra. Talem autem societatem oportet ad invicem ordinari. In his autem quae sunt ad invicem ordinata, oportet semper aliquid esse principale et dirigens primum, ut tradit philosophus in primo Politic. Hoc etiam ostendit ipsa ratio ordinis sive natura quia, ut per Augustinum scribitur in praedicto libro, ordo est parium dispariumque rerum sua cuique tribuens dispositio. Unde manifestum est quod nomen ordinis inaequalitatem importat, et hoc est de ratione dominii. Et ideo secundum hanc considerationem dominium hominis super hominem est naturale, et est in Angelis, et fuisset in primo statu, et est etiam modo : de quo nunc per ordinem est dicendum, secundum ipsius dignitatem et gradum.

 

Caput 10

 

[90388] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 10 Titulus De dominio hominis secundum gradum et dignitatem, et primo de dominio Papae qualiter praefertur omni dominio. Dominio Papae qualiter praefertur omni dominio

[90389] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 10 Recipit igitur divisionem dominium quadrimembrem eadem causa et ratione. Quia quoddam est sacerdotale et regale similiter; aliud autem est regale solum, sub quo imperiale sumitur, et sic de aliis, ut infra patebit. Tertium vero politicum. Quartum autem oeconomicum. Primum autem caeteris antefertur multiplici via : sed praecipua sumitur ex institutione divina, videlicet Christi. Cum enim eidem secundum suam humanitatem omnis sit collata potestas, ut patet in Matth., dictam potestatem suo communicavit vicario cum dixit : ego dico tibi, quia tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. Et tibi dabo claves regni caelorum : et quodcumque ligaveris super terram, erit ligatum et in caelis, et quodcumque solveris super terram, erit solutum et in caelis. Ubi quatuor ponuntur clausulae, omnes significativae dominii Petri suorumque successorum super omnes fideles, et propter quas merito summus pontifex Romanus episcopus dici potest rex et sacerdos. Si enim dominus noster Iesus Christus sic appellatur, ut Augustinus probat decimoseptimo de Civ. Dei, non videtur incongruum suum sic vocare successorem, circumscriptis rationibus quae possent adduci, quia satis est clarum. Sed redeundum est ad clausulas iam dictas : quarum una sumitur ex nominis impositi magnitudine, secunda vero ex dominii fortitudine, tertia autem ex dominii amplitudine, quarta ex dominii plenitudine. Primam igitur partem praefatam accipimus, cum dominus dicit : ego dico tibi, quia tu es Petrus et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. In hoc enim nomine, ut sacri exponunt doctores, sicut Hilarius et Augustinus, dominus potentiam Petri insinuat, quia a petra, quae est Christus, ut dicit apostolus, cuius confessionem Petrus praemiserat, Petrus est appellatus, ut secundum etiam quamdam participationem nomen acquirat et potestatem et audire mereatur : et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam : quasi totum dominium inter fideles ex Petro dependeat in eius successores. Secunda vero clausula dominii importat fortitudinem. Quod significat verbum quod sequitur : et portae Inferi non praevalebunt adversus eam : quae sunt curiae tyrannorum et persecutorum Ecclesiae, ut doctores sacri ibidem tradunt, sic dictae quia sunt causa omnium peccatorum intra Ecclesiam militantem. Ad tales enim principes omnes scelerati recurrunt, ut accidit in curia Federici et Corradini et Manfredi. Sed tales non praevaluerunt adversus Ecclesiam Romanam; imo omnes mala morte extirpati sunt, quia, ut dicitur in Lib. Sap. : nationis iniquae dirae sunt consummationes. Dominii vero amplitudo ostenditur cum subiungit dominus : et tibi dabo claves regni caelorum. In hoc enim insinuatur nobis potestas Petri et successorum suorum, quae se extendit ad totam Ecclesiam, scilicet militantem et triumphantem, quae per regnum caelorum designantur, quae clauduntur clavibus Petri. Sed dominii plenitudo ostenditur, cum ultimo dicitur : et quodcumque ligaveris super terram, erit ligatum et in caelis; et quodcumque solveris super terram, erit solutum et in caelis. Cum enim summus pontifex sit caput in corpore mystico omnium fidelium Christi, et a capite sit omnis motus et sensus in corpore vero; sic erit in proposito. Propter quod oportet dicere in summo pontifice esse plenitudinem omnium gratiarum, quia ipse solus confert plenam indulgentiam omnium peccatorum, ut competat sibi quod de primo principe domino dicimus, quia de plenitudine eius nos omnes accepimus. Quod si dicatur ad solam referri spiritualem potestatem, hoc esse non potest, quia corporale et temporale ex spirituali et perpetuo dependet, sicut corporis operatio ex virtute animae. Sicut ergo corpus per animam habet esse, virtutem et operationem, ut ex verbis philosophi et Augustini, de immortalitate animae patet, ita et temporalis iurisdictio principum per spiritualem Petri et successorum eius. Cuius quidem argumentum assumi potest per ea quae invenimus in actis et gestis summorum pontificum et imperatorum, quia temporali iurisdictioni cesserunt. Primo quidem de Constantino apparet, qui Sylvestro in imperio cessit. Item de Carolo magno, quem Papa Adrianus imperatorem constituit. Item de Ottone I, qui per Leonem creatus et imperator est constitutus, ut historiae referunt. Sed ex depositione principium auctoritate apostolica facta, satis apparet ipsorum potestas. Primo enim invenimus de Zacharia hanc potestatem exercuisse super regem Francorum, quia ipsum a regno deposuit et omnes barones a iuramento fidelitatis absolvit. Item de Innocentio III, qui Ottoni IV imperium abstulit; sed et Federico II hoc idem accidit per Honorium, Innocentii immediatum successorem. Quamvis in omnibus istis summi pontifices non extenderunt manum nisi ratione delicti, quia ad hoc ordinatur eorum potestas et cuiuslibet domini, ut prosint gregi : unde merito pastores vocantur, quibus vigilantia incumbit ad subditorum utilitatem. Alias non sunt legitime domini, sed tyranni, ut probat philosophus, et dictum est supra : unde dominus utitur in Ioanne quadam importuna interrogatione, ter quaerens a suo successore beato Petro quod, si ipsum diligit, gregem pascat, Petre, inquit, amas me ? Pasce oves meas. Quasi in hoc consistit tota pastoralis cura, profectus videlicet gregis. Hoc ergo supposito quod pro utilitate gregis agat, sicut Christus intendit, omne supergreditur dominium, ut ex dictis apparet; quod ex visione prima Nabuchodonosor satis est manifestum, de statua videlicet quam vidit, cuius caput aureum, pectus et brachia de argento, venter et femur de aere, tibiae vero ferreae, pedum autem quaedam pars ferrea, quaedam fictilis. Sed dictam statuam dum contemplatur, abscissus est lapis de monte sine manibus, et omnia praedicta contrivit. Hic autem lapis factus est mons magnus et implevit universam terram. Quam quidem visionem Daniel propheta, ut Hieronymus et Augustinus exponunt, ad quatuor monarchias adaptat, Assyriorum videlicet pro aureo capite; Medorum et Persarum pro argento in brachiis et pectore; Graecorum vero monarchiam pro aereo ventre et femore; sed Romanorum ultimo pro tibiis ferreis et pedibus partim ferreis, partim vero fictilibus. Sed post haec suscitabit, ait propheta, dominus Deus caeli regnum, quod in aeternum non dissipabitur, et regnum eius populo alteri non tradetur, comminuetque universa regna et ipsum stabit in aeternum; quod totum ad Christum referimus; sed vice eius ad Romanam Ecclesiam, si ad pascendum gregem eius intendat. Attendendum etiam quod divina institutio destitui non potest, quia solum dispensatores et ministros assumpsit suos vicarios Christus, sicut apostolus dixit, I ad Cor. : sic nos, inquit, existimet homo, ut ministros Christi et dispensatores mysteriorum Dei. Solus enim Christus fundavit Ecclesiam, cuius ministerium Petro et pastoribus commisit. Fundamentum autem aliud nemo potest ponere praeter id quod positum est, quod est Christus Iesus. Unde sacri doctores quamdam potestatem Christo attribuunt, quam Petrus non habuit, nec sui successores, et ipsam potestatem excellentem nuncupant : et sic potestas Petri et successorum eius non adaequatur potestati Christi, immo omnino transcendit. Potuit enim Christus sine Baptismo salvare, propter quod et Hieronymus dicit super Matth., quod nullum sanavit in corpore quem non sanavit in mente, et tamen sine Baptismo, quod tamen Petrus non potuit. Unde et Cornelium centurionem, ut in Act. Apost. legitur, cum tota sua familia baptizavit, etiam post adventum spiritus sancti. Potuit etiam mutare Christus formam sacramentorum et materiam, quod Petrus non potuit, nec successores eius. Haec ad praesens dicta sufficiant, subtiliora sapientibus relinquendo, et altiora quae dici possent. In hoc tamen sistat conclusio praesentis capituli : vicarios Christi pastores Ecclesiae cunctis debere praeferri dominiis, ex iam dictis causis.

 

Caput 11

 

[90390] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 11 Titulus De dominio regali, in quo consistit, et in quo differt a politico, et quomodo distinguitur diversimode secundum diversas regiones

[90391] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 11 Nunc autem ad regale dominium est procedendum, ubi est distinguendum de ipso secundum diversas regiones, et prout a diversis varie invenitur traditum. Et primo quidem in sacra Scriptura aliter leges regalis dominii traduntur in Deut. per Moysen aliter in I Reg. per Samuelem prophetam : uterque tamen in persona Dei differenter ordinat regem ad utilitatem subditorum, quod est proprium regum, ut philosophus tradit in octavo Ethic. : cum, inquit, constitutus fuerit rex, non multiplicabit sibi equos, nec reducet populum in Aegyptum, equitatus numero sublevatus. Non habebit uxores plurimas quae alliciant animam eius, neque argenti aut auri immensa pondera (quod quidem qualiter habeat intelligi, supra traditur in hoc libro) : describetque sibi Deuteronomium legis huius, et habebit secum legetque illud omnibus diebus vitae suae, ut discat timere dominum Deum suum, et custodire verba eius et caeremonias, et ut videlicet possit populum dirigere secundum legem divinam. Unde et rex Salomon in principio sui regiminis hanc sapientiam a Deo petivit, ad directionem sui regiminis pro utilitate subditorum, sicut scribitur in III Lib. Reg. Subdit vero dictus Moyses in eodem libro : nec elevetur cor eius in superfluum super fratres suos, neque declinet in partem dexteram vel sinistram, ut longo tempore regnet ipse et filius eius super Israel. Sed in I Reg. traduntur leges regni magis ad utilitatem regis, ut supra patuit in libro II huius operis, ubi ponuntur verba omnino pertinentia ad conditionem servilem; et tamen Samuel leges quas tradit, cum sint penitus despoticae, dicit esse regales. Philosophus autem in octavo Ethic. magis concordat cum primis legibus. Tria enim ponit de rege in eodem libro, videlicet quod ille legitimus est rex, qui principaliter bonum subditorum intendit. Item, qui per se sufficiens reperitur, et qui omnibus bonis superexcellit, ne videlicet subditos gravet. Item, ille rex est, qui curam subditorum habet ut bene operentur, quemadmodum pastor ovium. Ex quibus omnibus manifestum est quod iuxta istum modum, despoticum multum differat a regali, ut idem philosophus videtur dicere in primo Politic. Item, quod regnum non est propter regem, sed rex propter regnum : quia ad hoc Deus providit de eis, ut regnum regant et gubernent et unumquemque in suo iure conservent; et hic est finis regiminis. Quod si ad aliud faciunt, in se ipsos commodum retorquendo, non sunt reges sed tyranni. Contra quos dicit dominus in Ezech. : vae pastoribus Israel qui pascunt semetipsos. Nonne greges pascuntur a pastoribus ? Lac comedebatis et lanis operiebamini, et quod crassum erat occidebatis, gregem autem meum non pascebatis; quod infirmum fuit non consolidastis, et quod aegrotum non sanastis, quod confractum non alligastis, quod abiectum non reduxistis, et quod perierat non quaesistis, sed cum austeritate imperabatis eis et cum potentia. In quibus verbis nobis sufficienter forma regiminis traditur redarguendo contrarium. Amplius autem : regnum ex hominibus constituitur, sicut domus ex parietibus, et corpus humanum ex membris, ut philosophus dicit in tertio Politic. Finis ergo regis est, ut regimen prosperetur, quod homines conserventur per regem. Et hinc habet commune bonum cuiuslibet principatus participationem divinae bonitatis; unde bonum commune dicitur a philosopho in primo Ethic. esse quod omnia appetunt, et esse bonum divinum; ut sicut Deus, qui est rex regum et dominus dominantium, cuius virtute principes imperant, ut probatum est supra, nos regit et gubernat non propter se ipsum, sed propter nostram salutem, ita et reges faciant et alii dominatores in orbe. Sed quia nemo militat stipendiis suis unquam, et quodam iure naturae de suo labore unusquisque debet reportare mercedem, ut probat apostolus in I ad Cor., hinc habemus quod licet principibus a suis subditis tributa percipere et annuos census : unde cum apostolus ad Romanos probasset omne dominium a Deo esse provisum, ultimo persuadet eisdem retribuere pro labore. Ideo, inquit, et tributa praestatis. Ministri enim Dei sunt in hoc ipsi servientes. Augustinus etiam eadem verba pertractans de verbis domini, hoc idem probat. Concludendum est ergo legitimum regem secundum formam in Deuteronomio traditam sic debere regere et gubernare. Ad hoc etiam exemplis monemur, quia omnibus agentibus contrarium male cessit. Primo quidem regibus Romanis, quia propter eorum superbiam et violentiam quam exercebant, eiecti sunt a regno, ut Tarquinius superbus cum filio, sicut historiae tradunt. Item Achab et Iezabel uxor eius mala morte interierunt pro violentia quam fecerunt Naboth de vinea sua, ut in IV Reg. scribitur. Traditur etiam ibi quod canes linguerunt sanguinem suorum cadaverum in praedicta vinea, in argumentum maleficii in Naboth commissi. Sed non sic rex David, ut scribitur in II Lib. Reg. Cum enim vellet altare condere ad Deum placandum pro numeratione populi fastuosa nimis offensum, aream emit ab Hareuma Iebusaeo. Ipsoque offerente gratis recusavit rex, et, ut scribitur in I Paralip., pro praefata area dedit David sexcentos siclos auri iustissimi ponderis. Per quod habemus, quod principes suis debent esse contenti stipendiis, nec subditos suos gravare possunt in bonis eorum et rebus, nisi in duobus casibus, videlicet ratione delicti, et pro bono communi sui regiminis. Primo enim modo propter ingratitudinem suos privat feudo fideles; alios autem titulo iustitiae propter quam sunt concessa dominia, ut dictum est supra. Et in Prov. dicitur, quod iustitia firmatur thronus regis. Unde et lex divina transgressores divinorum praeceptorum mandat lapidari et diversis cruciari poenis : quod quidem consonum videtur, si attendamus ad quamcumque rem creatam et praecipue ad corpus humanum, quia ut nobilior pars conservetur, abiicimus viliorem. Amputamus enim manum, ut conservetur cor et cerebrum, in quibus principaliter hominis vita consistit, quod lex evangelica approbat. Si, inquit, oculus tuus scandalizat te, sive manus, sive pes (quod pro gradu hominum accipit Augustinus), erue eum, et proiice abs te, quia melius est ad vitam ingredi debilem vel claudum, quam duos oculos et duas manus habentem mitti in Gehennam. Item quod pro bono reipublicae possit exigere, sicut pro defensione regni vel pro quacumque alia causa pertinente rationabiliter ad bonum commune sui dominii, ratio est in promptu : quia supposito quod humana societas sit naturalis, ut probatum est supra, omnia necessaria ad communem conservationem dictae societatis erunt de iure naturae; hoc autem est in proposito. Sic igitur supposito legitimo dominio regali, potest rex exigere a subditis quod ad bonum ipsorum requiritur. Praeterea : ars imitatur naturam in quantum potest, ut philosophus in secundo Physic. tradit, sed natura non deficit in necessariis; ergo nec ars. Sed inter omnes artes ars vivendi est melior et amplior, ut tactum est supra, et probat Tullius in Tusculanis quaestionibus, eo quod caeterae artes ordinantur ad ipsam. Sic et in necessitatibus regni, quod pertinet ad conservationem socialis humanae vitae, rex, qui est artifex architectus dictae societatis, non debet deficere, sed omnem defectum supplere cum ipsa societate. Et ideo concludendum est quod isto casu possunt legitime exactiones, et talliae, ac census sive tributa imponi, dummodo non transcendant necessitatis metas. Unde Augustinus de verbis domini exponens illud Matthaei : reddite quae sunt Caesaris, Caesari; igitur, inquit, quod Caesar praecipit, ferendum est; quod imperat, tolerandum : sed fit intolerabile, dum praedam exactores accumulant. Et postea exponens verbum Ioannis Baptistae, quod militibus dixit : neminem concutiatis, neque calumniam faciatis, sed estote contenti stipendiis vestris; hoc, inquit, sumi potest de militibus, praetoribus, cunctisque rectoribus. Quicumque enim sibi stipendia publice decreta consequitur, si amplius quaerit, tamquam calumniator et concussor sententia Ioannis condemnatur. Ex hac ergo duplici parte principatus despoticus ad regale reducitur : sed praecipue ratione delicti propter quod servitus est introducta, ut Augustinus dicit Lib. undevicesimo de Civ. Dei. Licet enim etiam in primo statu fuisset dominium, non tamen nisi officio consulendi et dirigendi, non libidine dominandi vel intentione subiiciendi serviliter, ut dictum est supra. Leges vero traditae de regali dominio Israelitico populo per Samuelem prophetam, hac consideratione sunt datae, quia dictus populus propter suam ingratitudinem, et quia durae cervicis erat, merebatur tales audire. Interdum enim dum populus non cognoscit beneficium boni regiminis, expedit exercere tyrannides, quia etiam hae sunt instrumentum divinae iustitiae : unde et quaedam insulae et provinciae, secundum quod historiae narrant, semper habent tyrannos propter malitiam populi, quia aliter, nisi in virga ferrea, regi non possunt. In talibus ergo regionibus sic dyscolis necessarius est regibus principatus despoticus, non quidem iuxta naturam regalis dominii, sed secundum merita et pertinacias subditorum. Et ista est ratio Augustini in praedicto iam libro. Philosophus etiam in tertio Politic., ubi distinguit genera regni, ostendit apud quasdam barbaras nationes regale dominium esse omnino despoticum, quia aliter regi non possent, quod quidem dominium praecipue viget in Graecia et apud Persas, saltem quantum ad regimen populare. Haec igitur de dominio in tantum sint dicta, et qualiter principatus despoticus ad ipsum reducitur, et unde dividitur contra politicum, quod in capitulo de dominio politico adhuc clarius ostendetur.

 

Caput 12

 

[90392] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 12 Titulus De dominio imperiali, unde istud nomen habuit originem, et de quibusdam aliis nominibus : ubi incidenter distinguuntur monarchiae et quantum duraverunt

[90393] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 12 De imperiali vero post praedicta dominia congruum videtur esse dicendum, quia medium tenet inter politicum et regale, quamvis universalius, et ideo quantum ad haec praeponi deberet regali; sed alia causa est quare postponitur, quam nunc praetermittimus. Circa hoc quidem tria pro nunc sunt attendenda. Unum de nomine, quia nomen istud a supremo dominio fastuose et elate trahit originem, quasi omnium dominus : unde et ille superbus Nicanor, cum rogaretur a Iudaeis ut deferret diei sanctificationis, hoc est sabbato, cum arrogantia ab eisdem quaerens si erat potens in caelo, qui imperavit agi diem talem, responsoque accepto quod erat potens in caelo dominus Deus : et ego, inquit, cum fastu non modico, sum potens super terram, qui impero arma sumi. Propter quam causam ipse postea divinitus turpiter a Iuda Machabaeo, ut scribitur in II Mach., captus in bello, amputatisque capite et manu dextera, quam contra templum erexerat, mala morte vitam finivit. Quaedam autem alia nomina istius dominii assumpta sunt a quibusdam excellentibus viris dicti principatus propter aliquam praerogativam in eis repertam, ut Caesar a Iulio, ut historiae tradunt, sit dictus, quia ut scribit Isidorus Lib. Etymolog. IX caeso mortuae matris utero prolatus est, vel quia cum caesarie natus : a quo imperatores sequentes sic vocati sunt, quia comati essent. Sed Augustus, ab augendo rempublicam, primus vocatus est Octavianus, ut idem Isidorus scribit. Secundum autem quod hic attendimus, est de processu istius imperii, quia supra est tactum de quadruplici monarchia; sed nos quintam possumus addere, et de qua infra dicemus. Prima fuit Assyriorum, cuius caput Ninus fuit tempore Abrahae patriarchae, quae duravit 1240 annos, ut scribit Augustinus Libr. quarto de Civ. Dei, usque ad Sardanapalum, qui propter merita muliebria perdidit principatum, sed Arbaces transtulit ad Medos et Persas. Quo tempore regnavit procax dux Romanorum, ut idem doctor in duodevicesimo dicit. Secunda vero monarchia, videlicet Medorum et Persarum, duravit usque ad tempora Alexandri, 233 annos, quando videlicet devincitur Darius a praedicto principe, ut scribit idem doctor in eodem, Lib. decimosecundo. Sed monarchia Graecorum in Alexandro incepit, et in eodem finitur. De quo dicitur in I Mach. quod regnavit Alexander annis duodecim et mortuus est. Sed quamvis Graeci non habuerint universale dominium, viguit tamen regnum Macedonum usque ad mortem Alexandri, de quo et praedictus liber mentionem facit, annis 485, ut Augustinus scribit in eodem decimosecundo Lib., in quo praedictus princeps suum inchoavit dominium, patri suo in eodem regno succedens, ut historiae tradunt. Post hanc autem monarchiam Romanus principatus vigere incepit. Tempore enim Iudae Machabaei, qui immediate quasi post mortem floruit Alexandri, cum Ptolomaeo Lagi concurrente, in Lib. I Mach., multa de Romanis traduntur. In quibus ipsorum potentia ad omnes mundi plagas videbatur diffusa, sub consulibus tamen : quia superstitibus regibus cum finitimis sollicitabantur regionibus, et modicae adhuc erant virtutis. Duravitque consulatus, immo monarchia, usque ad tempora Iulii Caesaris, qui primus usurpavit imperium; sed parum in ipso supervixit, a senatoribus quidem occisus propter abusum dominii. Post hunc Octavianus filius sororis suae successit, qui vindicta exercita contra occisores Iulii, interfectoque Antonio, qui monarchiam tenebat in oriente, solus ipsam obtinuit. Et propter suam modestiam longo tempore in eo principatum habuit, ac in quadragesimo secundo anno sui regiminis completa septuagesima sexta hebdomada, secundum Danielem, sui dominii, cessante regno et sacerdotio in Iudaea, nascitur Christus, qui fuit verus rex et sacerdos, et verus monarcha : unde post resurrectionem suam apparens discipulis suis dixit : data est mihi omnis potestas in caelo et in terra : quod quidem ad humanitatem oportet referre secundum Augustinum et Hieronymum, quia de divinitate nulli est dubium quin semper habuerit.

 

Caput 13

 

[90394] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 13 Titulus De monarchia Christi, quomodo in tribus excellit, et de Octaviano Augusto, quomodo gessit vices Christi

[90395] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 13 Et haec quinta monarchia, quae successit Romanis, secundum veritatem omnibus praecellit ex triplici parte. Primo quidem ex annorum quantitate, quia plus duravit et adhuc durat, et durabit usque ad mundi renovationem, ut patet in visione Danielis, ut dictum est supra, et adhuc nunc magis declarabitur. Secundo : apparet eius excellentia ex dominii universitate, quia in omnem terram exivit sonus eorum, et in fines orbis terrae verba eorum. Nullus enim angulus mundi est, nulla plaga, in qua nomen Christi non adoretur. Omnia enim subiecit sub pedibus eius, ut introducit apostolus in fine I Epist. ad Cor. In principio etiam Malachiae prophetae ostenditur istud dominium : ab ortu, inquit, solis usque ad occasum magnum est nomen meum in gentibus, et in omni loco sacrificatur et offertur nomini meo oblatio munda, quia magnum est nomen meum in gentibus, dicit dominus exercituum. In quo verbo satis apparet quod dominium Christi ordinatur ad salutem animae et ad spiritualia bona, ut iam videbitur, licet a temporalibus non excludatur, eo modo quo ad spiritualia ordinantur : et inde est, quod quamvis Christus adoraretur a magis, glorificaretur ab Angelis in signum universalis sui dominii, humili tamen loco iacuit, vilibus involutus pannis. Qua quidem via homines melius ad virtutem trahuntur quam armorum virtute. Et hoc quidem intendebat, licet saepius sua uteretur potentia, ut verus dominus. In humilitate ergo vixit, et demum in Augusto substituit, ut describeretur universus orbis in ortu domini, ut Lucas Evangelista testatur. Et in hac descriptione solvebatur census, sive tributum, ut historiae tradunt, in recognitionem debitae servitutis, non sine mysterio, quia ille natus erat, qui verus erat mundi dominus et monarcha, cuius vices gerebat Augustus, licet non intelligens, sed nutu Dei, sicut Caiphas prophetavit. Unde hoc instinctu dictus Caesar mandavit tunc temporis, ut narrant historiae, ne quis de Romano populo dominum ipsum vocaret. Quas quidem vices monarchiae post Christi veri domini nativitatem gessit Augustus, quatuordecim annos toto orbe terrarum subacto : quia, ut acta principum Romanorum describunt, dictus Caesar Augustus quinquaginta sex annos et menses sex tenuit principatum. Tiberius etiam, qui eidem Augusto successit, ut narrant historiae, Christum tanquam verum dominum inter deos transferri voluit, licet impeditus fuerit a superbo et fastuoso senatu impatiente alicuius dominii. Tertio autem apparet excellentia monarchiae Christi super alias quatuor praecedentes, ex dominantis dignitate, quia Deus et homo. Secundum quam considerationem humana natura in Christo participat infinitam virtutem, ex qua maioris fortitudinis est et virtutis, supra humanam fortitudinem et virtutem. Quam quidem describit Isaias quantum ad virtutem temporalem Christi, unde ipsum monarcham appellamus : parvulus, inquit, natus est nobis, et filius datus est nobis. Et factus est principatus super humerum eius. Et vocabitur nomen eius, admirabilis, consiliarius, Deus fortis, pater futuri saeculi, princeps pacis. Multiplicabitur eius imperium, et pacis non erit finis. In quibus verbis omnia tanguntur, quae requiruntur ad verum principem. Immo transcendit metas omnium dominorum, ut in sequenti capite declarabitur, et aspicienti patet. Hic ergo principatus, sive dominium, omnes monarchias, sive dominia transcendit, annihilat et confringit, quia omnia regna subiiciuntur eidem : quod per eumdem prophetam praenuntiatum est : vivo ego, dicit dominus, quia mihi curvabitur omne genu. Et apostolus Paulus, ad Philipp. : in nomine Iesu omne genu flectatur, caelestium, terrestrium et Infernorum. De hac monarchia concludit Daniel exposita Nabuchodonosor sui somnii visione : in diebus, inquit, illis (hoc est post illas quatuor monarchias Assyriorum, Persarum et Medorum, Graecorum et Romanorum), suscitabit dominus regnum caeli, quod in aeternum non dissipabitur, et regnum eius alteri non tradetur, et comminuet universa regna haec, et ipsum stabit in aeternum. Cuius quidem ratio aeternitatis satis est in promptu, quia iste principatus aeterno coniungitur, cum iste dominus Deus et homo sit. Et sic completus est circulus a puncto ad punctum, quia probatum est supra, a Deo omne dominium originem trahere. In isto vero principatu, percursis hominum motibus, terminatur principatus sicut in re immobili, ultra quam non est motus. Et sic oportet ex dictis concludere, quod istud dominium non potest deficere.

 

Caput 14

 

[90396] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 14 Titulus De monarchia Christi, quo tempore incepit et quomodo latuit, et quare : et duplex assignatur causa suae occultationis, et primo ponitur una

[90397] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 14 Sed tunc oritur quaestio de isto domini principatu, quando incepit, quia constat multos postea imperasse. Ipse vero abiectam vitam elegit. Unde in Matth., dicitur : vulpes foveas habent, et volucres caeli nidos; filius autem hominis non habet ubi caput suum reclinet. Item, in Ioann. scribitur, quod cum pavisset multitudinem, abscondit se, quia volebant eum populi rapere ac regem facere. Item, in eodem ipse dicit : regnum meum non est de hoc mundo. Ad hanc autem quaestionem est responsio, quia principatus Christi incepit statim in ipsa sui nativitate temporali. Cuius argumenta sunt, in eodem die, Angelorum ministratio et denuntiatio. Unde in Luc. scribitur, quod Angelus ad pastores ait : annuntio vobis gaudium magnum, quia natus est vobis salvator mundi. Item magorum adoratio. Unde in Matth. dicitur : cum natus esset Iesus in diebus Herodis regis, ecce magi veniunt ab oriente Hierosolymam, dicentes : ubi est qui natus est rex Iudaeorum ? Vidimus enim stellam eius in oriente, et venimus adorare eum. In quibus actibus satis est notus principatus eius, ac temporis exordium : prophetatus quidem et praenuntiatus per Isaiam in verbis supra praemissis. Et attendendum quod in sua infantia plus apparuit virtutis et potentiae praetendentis excellentiam sui dominii, quam in adulta aetate, ad insinuandum suam infirmitatem esse voluntariam, non necessariam, quae assumpta est ab ipso : et non publice usus, nisi in casibus propter duplicem causam, quae ad praesens sufficiant. Una est ad docendum in principibus humilitatem, per quam quis redditur in regimine gratiosus. Quia humilitas meretur gratiam, iuxta illud Prov. : humilem spiritum suscipit gloria. Et iterum Eccli. : in mansuetudine opera tua perfice, et super hominum gloriam diligeris. Et in canonica b. Iacobi : Deus superbis resistit, humilibus autem dat gratiam. Sed tanto amplius in principe est necessaria quanto, per eminentiam sui status, dentibus invidiae superiorem non patientis laceratur. Quod considerans David rex, fastuosae regis filiae, videlicet Michol, insultanti et dicenti quod coram ancillis suis se discooperuisset ad Dei laudem et reverentiam divinae arcae, quae tunc pro numine habebatur, responsum dedit, ut patet in secundo Reg. : ludam, inquit, ante dominum, qui elegit me potius quam patrem tuum et quam omnem domum eius, et praecepit mihi, ut essem dux super populum domini in Israel. Et ludam, et vilior fiam, plusquam factus sum, et ero humilis in oculis meis. Quam regulam Christus servare voluit in se ipso, secundum voluntatem Dei patris, per prophetam Zachariam praenuntiatam, quam Evangelista Matth., in Christo adimpletam esse pronuntiat : ecce, inquit, rex tuus venit tibi mansuetus, sedens super asinam et pullum filium subiugalis. Quod si principes mundi de humilitate commendantur et paupertate, per quae gratiosi facti sunt subditis, et ipsorum prosperatum est dominium, quare non magis commendabimus perfectam humilitatem Christi ? Scribit enim Valerius maximus de Codro Atheniensium rege, et Augustinus de Civ. Dei, quod, cum Peloponnenses pugnarent contra Athenienses, ex consultatione Apollinis certioratus est, quod ille exercitus praevaleret, cuius dux morti dicaretur. Unde rex Codrus, pro salute suae gentis, in effigie pauperis, se hostibus interficiendum obtulit : ipsoque mortuo in fugam versi sunt hostes. Propter quod Athenienses ipsum inter deos asserebant fuisse translatum. Tradit etiam idem Augustinus in praefato libro, et Valerius maximus de quibusdam consulibus Romanis, et de Lucio Valerio, quod in tanta mortuus est indigentia, ut cogerentur amici collectam facere nummorum pro eius sepultura. Fabricius etiam consul de hoc ipso summe commendatur. Unde scribit idem Valerius maximus et Vegetius, de re Milit. Lib. IV et dictum est supra, quod cum esset par unicuique pauperi, et legati Epirotarum magnum auri pondus eidem offerrent, eo recusante : narrate, inquit, Epirotis me malle haec habentibus imperare, quam ipsa possidere. Quid plus insistimus ? Omnes magni principes et monarchae cum humilitate subiugaverunt mundum, sed cum fastu elationis perdiderunt dominium, ut superius est tactum. Propter quod in Eccli. scribitur : quanto magnus es, humilia te in omnibus, et coram Deo invenies gratiam. Amplius autem : si virtus humilitatis et benevolentiae in quocumque principe commendatur, multo magis laudari debet in principe nostro Christo, tanquam in supremo gradu virtutis constituto. Concluditur ergo, quod Christi humilitas et paupertas fuit consona rationi, quamvis legitimus esset dominus, propter causam iam dictam.

 

Caput 15

 

[90398] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 15 Titulus Quare dominus assumpsit vitam abiectam et occultam, licet esset verus dominus mundi; et exponuntur verba Isaiae prophetae de Christo

[90399] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 15 Est et alia ratio, quare dominus noster statum humilem assumpsit, quamvis dominus mundi, ad insinuandam videlicet differentiam inter suum et aliorum principum dominium. Quamvis enim temporaliter esset dominus orbis, directe tamen ad spiritualem vitam suum ordinavit principatum, iuxta illud Ioannis : ego veni, ut vitam habeant et abundantius habeant. Hinc etiam verificatur suum verbum superius allegatum : regnum meum non est de hoc mundo. Propter hoc igitur humiliter vixit, ut suos fideles exemplo sui traheret ad operandum secundum virtutem, cuius via aptior est humilitas ac mundi contemptus, ut Stoici et Cynici posuerunt, ut de ipsis Augustinus et Valerius maximus referunt. Ipse etiam Seneca idem ostendit, qui perfectus Stoicus fuit, in libello de Dei Prov. et de Brevit. vitae ad Paulinum : per quam quis efficitur dignus ad regnum aeternum. Ad quod consequendum sui dominii fuit principalis intentio. Unde ipse dominus in Luca discipulis suisque sequacibus dixit : vos estis, qui permansistis mecum in tentationibus meis. Et ego dispono vobis, sicut disposuit mihi pater meus, regnum, ut edatis et bibatis super mensam meam in regno meo. Voluit igitur dominus sequaces suos humiliter vivere exemplo sui, ex causa iam dicta, iuxta illud Matth. : discite a me, quia mitis sum et humilis corde : ac suum temporale dominium ad hoc ordinare. Unde vita spiritualis fidelium regnum caelorum vocatur, quia differt in vivendo a regno mundano, et quia ad verum regnum ordinatur aeternum, non ad temporale dominium tantum. Ad tollendam igitur suspicionem de cordibus hominum, quod quasi principatum assumpserit ut in mundo dominaretur, et hoc esset finis eius, ut aliorum dominorum, vitam abiectam elegit, et tamen verus erat dominus et monarcha, quia factus est principatus super humerum eius, ut dictum est supra per prophetam quod optime fuit in praemissis verbis Isaiae praenuntiatum, quia primo praeponitur humilis et abiectus : parvulus, inquit, natus est nobis : postea subiungitur cum ista parvitate virtus et excellentia sui dominii propter coniunctum : et filius, inquit, datus est nobis. Quia enim humanitas in Christo coniuncta erat divinitati filii tanquam instrumentum eius, omnipotentis erat virtutis : et ideo propheta ibidem circumloquitur ineffabile eius dominium multis clausulis singularis potentiae, quae omnes distincte habent intelligi, ut Hieronymus exponit ibidem, ut per ordinem clausularum est manifestum. Primo siquidem quantum ad dominii securitatem et soliditatem : cuius, inquit, principatus super humerum eius. Ea enim quae portantur in humeris firmiora sunt; sic enim onera solidius vehuntur. Secundo, quantum ad dominii novitatem, unde scribitur : et vocabitur nomen eius admirabilis. Admiratione enim dignum est, quia humilis et pauper, et tamen dominus mundi. Tertio, quantum ad sapientiae claritatem, quod est praecipue principibus necessarium, quia vae terrae cuius rex puer est, ut dicitur in Eccle. Quod accidit quando princeps per se nihil potest, sed innixus aliorum agit consilio, sive agitur, ut melius dicatur : unde subiungitur : consiliarius. Quarto, quantum ad dominii dignitatem, quia Deus. Cum enim in ipso sit unum suppositum et una persona, in qua sunt unitae divina et humana natura; et principatus Christi in virtute agit divini suppositi; et ideo sequitur : fortis. Recipit enim influentiam Christi principatus ex divina virtute, quae in ipso personaliter erat, qua potentia usus est Christus circa passionem, cum Iudaei vellent eum occidere, et ipsum quaererent, quo dicente : ego sum, statim ceciderunt in terram, ut in Ioanne scribitur. Quae quidem fines sui successoris excedit : quia constat quod vicarius Christi non est Deus, et in hoc transcendit sua potestas potentiam sui successoris; ex quo Christus multa potuit circa ordinationem suorum fidelium et regimen, quae beatus Petrus non potuit, nec sui successores, ut superius est ostensum. Et ex eadem parte, videlicet quod iste parvulus erat, subditur sexta conditio singularis sui principatus, quae est regendi benignitas : quia pater futuri saeculi, quod ad plenitudinem gratiae referre possumus, qua quidem qui pleni sunt omne iugum legis leviter portant. Qua ratione apostolus dicit ad Gal. : si spiritu ducimini, non estis sub lege. Unde talibus ad regendum virga ferrea non est necessaria : et hoc singulare est in principatu Christi. Septimum et ultimum sumitur ex eadem causa, quod est regendi tranquillitas, cum subditur : princeps pacis, etsi non corporis, tamen pectoris. Et hanc quidem suis fidelibus Christus rex noster et princeps et vivendo offert, et moriendo reliquit. In mundo, inquit, pressuram habebitis, in me autem pacem : et hoc etiam est singulare in suo principatu. In humilitate ergo et paupertate suum fundavit dominium, et in adversitatibus, et laboribus, et aerumnis : quomodo aucta fuit respublica Romanorum, non videlicet fastu, vel pompis superbiae, ut Salustius refert ex sententia Catonis, et Valerius maximus hoc idem probat.

 

Caput 16

 

[90400] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 16 Titulus Quod isto modo aucta fuit respublica per exempla antiquorum Romanorum, et postea subdit de Constantino

[90401] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 16 Et hinc est quod rex noster Christus principes saeculi permisit dominari, et eo vivente, et eo moriente, ad tempus, quousque videlicet suum regnum esset perfectum, et ordinatum in suis fidelibus, operationibus virtuosis et eorum sanguine laureatum. Si enim regulus, qui et Marcus appellatur, pro zelo suae patriae a Carthaginensibus est occisus; si Marcus Curtius in abruptum terrae hiatum se proiecit ad liberationem patriae; si Brutus et Torquatus filios occiderunt pro iustitia et disciplina militari conservandis, ut historiae tradunt, quorum zelo respublica ex parva facta est magna; item, si Seleucus, apud Locros dominans, ut Valerius maximus refert libro sexto, filium uno orbavit oculo, alteroque se ipsum pro adulterio commisso, ut iustitia servaretur, contra praedictum delictum per filium perpetratum, sicque admirabili aequitatis temperamento se inter misericordem patrem et iustum legislatorem partitus est : quare non magis Christiani reddi debent laudabiles, si se exponunt passionibus et tormentis pro zelo fidei et amore Dei, ac virtutibus variis conantur florere, ut regnum consequantur aeternum, ac Christi principatus accrescat in eorum meritis ? Haec autem Augustinus, de Civ. Dei, quasi per totum subtiliter valde ac diffuse pertractat. Propter quod et dictum librum fecit, quod et factum fuit intermedio tempore a passione domini usque ad tempora beati Sylvestri et Constantini : quo quidem saeculi spatio infinita populi multitudo per mortem Christo domino suo dedicata est et coniuncta, ac suum ducem et principem est secuta. Primo quidem primi duces apostoli et alii Christi discipuli, omnes Christi vicarii, et Petri successores, quod fuit tempus 350 annorum, in quorum sanguine et corporibus, ac ipsorum vitae meritis fundata est Ecclesia tanquam lapidibus vivis et pretiosis, ac ineffabili fundamento; contra quod nec venti, nec pluviae, nec quaecumque procellae diversarum passionum, vel quarumcumque perturbationum saeviant, ipsum possunt obruere. Opportuno igitur tempore, ut manifestaretur mundo regnum Christi compositum, virtus principis nostri Iesu Christi principem mundi sollicitavit, Constantinum videlicet, percutiens eum lepra, ac ipsum curans supra humanam virtutem. Qua probata, in dominio cessit vicario Christi, beato videlicet Sylvestro, cui de iure debebatur ex causis et rationibus superius assignatis : in qua quidem cessione spirituali Christi regno adiunctum est temporale, spirituali manente in suo vigore; quia illud per se quaeri debet a Christi fidelibus, istud vero secundario tanquam administrans primo : aliter autem contra intentionem fit Christi. Tunc adimpletum est quod post illam clausulam scribitur in Is. : multiplicabitur eius imperium et pacis non erit finis. Apertae sunt enim Ecclesiae ab eo tempore, et coepit Christus praedicari publice, quod ante non poterat sine periculo mortis. Et eodem anno, quo Constantinus curatus est a lepra et conversus est ad fidem, baptizati sunt circa partes Romanas plusquam centum millia hominum ex virtutibus ostensis per dictum Christi vicarium. Sed attendendum quod dicit propheta : et pacis non erit finis. Constat enim post mortem Constantini filium eius haeresi Ariana fuisse infectum, et Ecclesiam perturbasse. Unde sub eo passi sunt exilium solemnes Ecclesiae doctores : Hilarius Pictaviensis, et Athanasius Alexandrinus episcopi, ac Eusebius Vercellensis, et multi alii Ecclesiarum doctores et clerici; nec non et caput Ecclesiae summus pontifex Liberius in veritate fidei vacillavit ex multa persecutione Constantii, ut historiae tradunt. Post ipsum fuit Iulianus apostata, frater Galli, et consobrinus Constantii. Hic secundam intulit persecutionem fidelibus, sub quo passi sunt Ioannes et Paulus germani. Unde ergo verificatur verbum domini per prophetam iam dictum ? Oportet autem praedicta ad pacem pectoris reducere, non corporis. Unde ipse dominus, quando pacem offert discipulis, in Ioanne, de tali pace loquitur : pacem meam do vobis; non quomodo mundus dat, ego do vobis. Manifestum est enim illa verba discipulis imminente passione dicta. Tunc autem constat ipsos persecutionem passos. Unde dictum est eis in eodem temporis momento : si me persecuti sunt, et vos persequentur. Hanc ergo pacem electi Christi fideles perdere non possunt, nisi velint. Quod si licuit Stoicis dicere, bona hominis, quae virtutes appellant, in homine semper manere, nec auferri posse virtuosis invitis, ut refert A. Gellius in libro noctium Atticarum de Dibon Stoico, et Augustinus, de Civ. Dei, quare non magis dicemus de mentibus fidelium, quod pacis eorum non erit finis, cum inhaereant fini, qui sine fine vivit ?

 

Caput 17

 

[90402] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 17 Titulus Qualiter imperatores Constantinopolitani, sequentes a Constantino, fuerunt obedientes et reverentes Ecclesiae Romanae : et hoc ostendit per quatuor Concilia, quibus dicti principes se subiecerunt

[90403] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 17 His autem peractis, Iuliano in bello Persarum interfecto, reddita est pax Ecclesiae per Iovinianum fratrem eius virum Catholicum : licet parum regnaverit. Istud autem notabile, ab inde usque ad tempora Caroli magni, de imperatoribus reperitur : omnes quasi obedientes et reverentes fuisse Romanae Ecclesiae, tanquam ipsa principatum teneret, sive respectu spiritualis dominii, sicut sancta synodus Nicaena definit, sive temporalis. Unde Gelasius Papa Anastasio imperatori scripsit, imperatorem ex iudicio Papae dependere, ut historiae tradunt, et non e contrario. Valentinianus etiam, qui immediate Ioviniano successit, sic fertur dixisse, ut ecclesiastica historia refert, cum archiepiscopi Mediolanensis instaret electio : talem, inquit, nobis in pontificali instituite sede, cui nos, qui gubernamus imperium, sincere nostra capita submittamus, et eius monita, dum tanquam homines deliquerimus, necessario veluti curantis medicamina suscipiamus. Et quia ista materia est fructuosa ad ostendendam reverentiam principum circa vicarium Christi, de imperatoribus usque ad tempora Caroli est hic agendum. Ulterius autem a Carolo usque ad Ottonem primum, inter quae tempora facta est diversitas in tribus : primo : quantum ad modum eligendi. Secundo : quantum ad modum succedendi. Tertio : quantum ad modum providendi. Et ut appareat, tradendum est hic aliquid de processu imperatorum a tempore Constantini, qui subiecti fuerint Ecclesiae, praeter iam dictos tyrannos. Sicut enim narrant historiae, postquam Constantinus cessit imperium vicario Christi, transtulit se cum satrapis et principibus suis in provinciam Thraciae, ubi Asia maior incipit, et terminatur Europa, ibique unam civitatem assumpsit, quae vocabatur Byzantium. Quam quidem, ut historiae tradunt, quasi adaequavit urbi, et suo nomine appellavit. In hac ergo fuit imperialis sedes usque ad Carolum, in cuius persona Adrianus Papa, congregato Concilio in urbe, imperium a Graecis transtulit ad germanos. In quo apparet imperatores Constantinopolis a vicario Christi, summo videlicet pontifice, dependere, ut Gelasius Papa Anastasio scribit imperatori : unde ipsorum imperium ad exequendum regimen fidelium secundum mandatum summi pontificis ordinatur, ut merito dici possint ipsorum executores esse et cooperatores Dei ad gubernandum populum Christianum. Quod quidem ostenditur primo de quatuor imperatoribus, qui in isto medio tempore regnaverunt, nec non et praesentes fuerunt quatuor Conciliis solemnioribus et universalioribus, et approbantes ipsorum statuta, et eisdem se similiter subiicientes. Primum fuit Nicaenum trecentorum decem et octo episcoporum, tempore Constantini, ubi condemnatus est Arius, presbyter Alexandrinus, ut historiae tradunt, qui filium Dei asserebat minorem patre : ubi de dicto principe fertur, quod eidem Concilio omnes sumptus fecit, quasi in hoc recognoscens suum dominum vicarium Christi, cuius vices totum gerebat Concilium, quia beatus Sylvester absens fuerat ab eodem ex speciali causa. Secundum autem Concilium fuit Constantinopoli, sub Cyriaco Papa celebratum (quidam tamen dicunt sub Damaso), praesente Theodosio seniore, ut historiae tradunt, centum quinquaginta episcoporum. In quo multae fuerunt haereses condemnatae : sed praecipue Macedonii episcopi Constantinopolis, qui spiritum sanctum negabat esse Deum, patri consubstantialem et filio. Hic autem Theodosius tanta reverentia fuit ad Ecclesiam, quod, ut scribit Gelasius Anastasio imperatori, beato Ambrosio prohibente eidem ingressum Ecclesiae, non fuit ausus intrare, quin potius excommunicavit eum, quia consensit in necem multitudinis Thessalonicae, eo quod suum iudicem occidissent, ut narrat historia tripartita. Quod totum princeps Catholicus patienter tulit, et tandem durissime reprehensus ab ipso publicam prius egit poenitentiam quam publicum haberet Ecclesiae ingressum. Tertium autem Concilium celebratum fuit sub Theodosio iuniore, Arcadii filio, apud Ephesum, ducentorum episcoporum, tempore Caelestini primi, licet praesens non fuerit; sed eius vices gessit Cyrillus Alexandrinus episcopus confidentia Theodosii, qui tantae fuit honestatis, et maturi consilii et reverentiae ad divinum cultum, quod etiam in tenella aetate permissus est imperare, ut historiae tradunt. Synodus autem praedicta contra Nestorium, Constantinopolis episcopum, congregata fuit, qui duas personas ponebat in Christo, et duo supposita, per quae tollebatur vera unio utriusque naturae. Quartum autem Concilium fuit celebratum in Chalcedonia sexcentorum triginta episcoporum sub Leone primo, praesente principe Marciano, de quo pro reverentia Romanae Ecclesiae, sic dixisse fertur in actione septima praefatae synodi : nos, inquit, ad fidem confirmandam, non ad potentiam ostendendam, exemplo religiosissimi viri Constantini, huic Concilio interesse volumus, ut, inventa veritate, non ultra multitudo pravis doctrinis attracta discordet. Per quod habeo, quod tota intentio principum antiquitus erat ad favendum fidei et Ecclesiae Romanae reverentiae et honori. In hoc autem Concilio damnatus est Eutyches cum Dioscoro, episcopo Alexandrino : qui, sicut Nestorius ponebat naturas et personas distinctas, sic isti asserebant confusas et admixtas.

 

Caput 18

 

[90404] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 18 Titulus De duobus Conciliis sequentibus post illa quatuor, celebratis tempore Iustiniani et Constantini iunioris; et quae ratio quare imperium translatum fuit a Graecis ad germanos

[90405] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 18 Multa etiam et alia fuerunt Concilia, licet ista fuerint principaliora a tempore Constantini usque ad Carolum, in quibus principes se subiectos Ecclesiae ac fideles ostendunt : sed praecipue Iustinianus post cursum quartae synodi centum viginti episcoporum, praesidente Iulio Papa. Hoc enim manifestum est ex suis legibus, quas in favorem condidit ecclesiastici status. Item, ex epistola quam, celebrato Concilio in Constantinopoli, per totum orbem terrarum direxit, in qua institutis Ecclesiae se subiecit, mandans populis eidem in omnibus obedire, replicans etiam super quatuor Conciliorum memoratorum statuta, et eadem confirmans suas sanctiones sive leges subiiciens ecclesiasticis institutis; sed praecipue in usuris et matrimonio, in quibus tota vita civilis versatur. Quae quidem synodus celebrata fuit contra Theodorum et eius sectatores Constantinopoli, qui aliud dicebant esse verbum Dei et aliud Christum, negantes etiam beatam Mariam fuisse matrem Dei. Sexta autem synodus celebrata fuit in urbe regia praefata, Constantino iuniore procurante, centum quinquaginta episcoporum, rogatu Agathonis contra Macharium, Antiochenum episcopum, et eius socios, qui unam operationem et unam voluntatem in Christo asseruit, iuxta perfidiam Eutychetis. In qua quidem synodo dictus Constantinus, qui fuit post Iustinianum principem ad centum quinquaginta annos, fidei multum favit, destruens Monothelitas haereticos, quorum pater et avus fuerunt fautores, restauravit Ecclesias per ipsos destructas. Haec pro tanto sint dicta ad ostendendum quod Constantinopolis imperatores fuerunt Romanae Ecclesiae protectores ac propugnatores usque ad tempora Caroli magni. Tunc igitur gravata Ecclesia a Longobardis, et Constantinopolis imperio auxilium non ferente, quia forte non poterat, eius potentia diminuta, advocavit Romanus pontifex ad sui defensionem contra praedictos barbaros regem Francorum. Primo quidem Pipinum Stephanus Papa et successor Zachariae contra Astulphum, regem Longobardorum; deinde Adrianus et Leo Carolum magnum contra desiderium, Astulphi filium; quo extirpato et devicto cum sua gente, propter tantum beneficium, Adrianus, Concilio celebrato Romae centum quinquaginta quinque episcoporum et venerabilium abbatum, imperium in personam magnifici principis Caroli a Graecis transtulit in germanos. In quo facto satis ostenditur, qualiter potestas imperii ex iudicio Papae dependet. Quamdiu enim Constantinopolis principes Romanam Ecclesiam defenderunt, ut fecit Iustinianus per Belisarium contra Gothos, et Mauritius contra Longobardos, Ecclesia dictos principes fovit. Postquam vero defecerunt, ut tempore Michaelis, contemporanei Caroli, de alio principe ad sui protectionem providit.

 

Caput 19

 

[90406] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 19 Titulus Qualiter diversificatus est modus imperii a Carolo magno usque ad Ottonem tertium; et unde plenitudo potestatis summo pontifici convenit

[90407] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 19 Et tunc diversificatus est modus imperii, quia usque ad tempora Caroli in Constantinopoli in eligendo servabatur modus antiquus; aliquando enim assumebantur de eodem genere, aliquando aliunde, et aliquando per principem fiebat electio, aliquando per exercitum. Sed instituto Carolo cessavit electio, et per successionem assumebantur de eodem genere, ut semper primogenitus esset imperator, et hoc duravit usque ad septimam generationem; qua etiam deficiente, tempore Ludovici a Carolo separati, cum Ecclesia vexaretur ab iniquis Romanis, advocatus est Otto, primus dux Saxonum, in Ecclesiae subsidium, liberataque Ecclesia a vexatione Longobardorum, et impiorum Romanorum, ac Berengarii tyranni, in imperatorem coronatur a Leone VII, genere Alamanno, qui et imperium tenuit usque ad tertiam generationem, quorum quilibet vocatus est Otto. Et ex tunc ut historiae tradunt, per Gregorium V, genere similiter Teutonicum, provisa est electio, ut videlicet per septem principes Alamaniae fiat, quae usque ad ista tempora perseverat, quod est spatium ducentorum septuaginta annorum, vel circa; et tantum durabit, quantum Romana Ecclesia, quae supremum gradum in principatu tenet, Christi fidelibus expediens iudicaverit. In quo casu, ut ex verbis domini supra inductis est manifestum, videlicet pro bono statu universalis Ecclesiae, videtur vicarius Christi habere plenitudinem potestatis, cui competit dicta provisio ex triplici iure. Primo quidem divino, quia sic videtur voluisse Christus ex verbis superius introductis, et infra etiam ostendetur. Secundo vero ex iure naturali, quia, supposito ipsum primum locum tenere in principatu, oportet eum dici caput, a quo est omnis motus et sensus in corpore mystico : per quod habemus quod omnis influentia regiminis ab ipso dependet. Amplius autem : in communitate oportet attendere ad conservationem ipsius, quia hoc natura requirit humana, quae sine societate vivere non potest. Conservari autem nequit, nisi per dirigentem primum in quolibet gradu hominum : et hoc est in actibus hominum primus hierarcha, qui est Christus : unde est primus dirigens, et consulens, et movens, cuius vices summus pontifex gerit. Rursus autem : dictum est supra, in primo libro, quod princeps est in regno sicut Deus in mundo, et anima in corpore. Constat autem, quod omnis operatio naturae ex Deo dependet, sicut gubernante, movente et conservante, quia in ipso movemur et sumus ut dicitur in Act. apostolorum et propheta Isaia : omnia opera nostra operatus es in nobis domine. Similiter et de anima dici potest, quia omnis actio naturae in corpore in triplici genere causae dependet ex anima. Hoc autem videmus in Deo, quod gubernando et dirigendo mundum permittit corruptionem particularis entis pro conservatione totius; sic et natura facit pro conservatione humani corporis ex virtute animae. Simile contingit in principe totius regni, quia pro conservatione regiminis super subditos ampliatur eius potestas imponendo tallias, destruendo civitates et castra pro conservatione totius regni. Multo igitur magis hoc conveniet summo et supremo principi, id est Papae, ad bonum totius Christianitatis. Propter quod et prima synodus Nicaena, praesente Constantino, eidem primatum attribuit in primis canonibus quos instituit. Iura etiam sequentia dictum Concilium in his singulariter dictum principatum attollunt, dicentia quod sic debet reputari eius sententia, tanquam ab ore Dei prolata : et hoc idem Carolus magnus confitetur ibidem. Item : non licet appellare ab eius sententia. Item : ipse est qui superiorem non habet. Item : ipse est qui vices Dei gerit in terris. Et haec est tertia via, sive ratio per quam ostenditur et concluditur, summum pontificem in dicto casu plenitudinem potestatis habere. In duobus igitur casibus ampliatur eius potestas, ut patet supra, vel ratione delicti, vel ad bonum totius fidei. Quod eleganter nobis ostendit propheta Ieremias, cui in persona vicarii Christi dicitur : ecce, inquit, constitui te super gentes et regna, ut evellas, et destruas, et disperdas, ac dissipes : quod ad rationem delicti referimus; ubi in quatuor illis vocabulis diversa genera poenarum accipimus, quae infligi possunt unicuique fideli, sive subdito, cum dicit : et super gentes : sive domino, cum dicit : et super regna. Secundum autem est, unde accipimus ampliatam summi pontificis potestatem, cum postea dicitur : et aedifices, et plantes; quod ad providentiam vicarii Christi pertinet pro bono universalis Ecclesiae.

 

Caput 20

 

[90408] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 20 Titulus Comparatio imperialis dominii ad regale et politicum, qualiter convenit cum utrisque

[90409] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 20 His habitis, videnda est comparatio imperialis dominii ad regale et politicum : quia, ut ex dictis apparet, convenit cum utroque et cum politico quidem quantum ad tria. Primo enim considerata electione. Sicut enim consules Romani et dictatores, qui politice regebant populum, assumebantur per viam electionis, sive a populo sive a senatoribus; ita et de imperatoribus contingebat, quod assumebantur, sive a Romano exercitu, ut Vespasianus in Palaestina, ut historiae tradunt, et similiter Phocas ex militari seditione in oriente assumptus est contra Mauritium imperatorem, quem postea interfecit. Aliquando autem eligebantur imperatores a senatoribus, ut Traianus et Diocletianus, quamvis unus de Hispania esset, alter vero de Dalmatia. Et similiter Aelius pertinax a senatoribus est assumptus. Item : non semper de genere nobili, sed de obscuro, ut in praenominatis liquet Caesaribus, Vespasiano et Diocletiano, sicut historiae tradunt. Sic de consulibus et dictatoribus Romanis contigit, sicut supra patuit de Lucio Valerio et Fabricio. Et Augustinus refert, in quinto de Civ. Dei, de Quinctio cincinnato, qualiter cum solum quatuor haberet iugera ad colendum, factus est dictator maior. Item : alia est comparatio, sive similitudo, quod ipsorum dominium non transibat in posteros, unde statim ipso mortuo dominium expirabat. Quantum autem ad ista duo exemplum habemus etiam modernis temporibus, quod electi sunt imperatores, videlicet Rodolphus simplex comes de Ausburg, quo mortuo, assumptus est in imperatorem comes Adolphus de Anaxone, quo occiso ab Alberto, Rodolphi filio, eodem modo assumptus est. Hoc ergo generale erat, nisi forte vel ipsorum probitate contingeret ipsos assumi, vel ex gratia patris ipsorum, ut de Arcadio et Honorio, filiis antiquioris Theodosii, contigit, et similiter de Theodosio iuniore, Honorii filio. Nam quia bene rexerunt rempublicam et imperialem aulam, meruerunt in suo genere aliquo tempore perseverare dominium. Similiter accidit de Romanis consulibus, quod licet singulis annis eligerent consules, saltem quantum ad magistratum, ut in I Mach., saepius tamen contingebat, quod propter probitatem personae vel generis transibat in posteros, ut de Fabio maximo contigit, de quo scribit maximus Valerius, quod cum a se quinquies, et a patre, avo et proavo, maioribusque suis saepe consulatum gestum conspiceret, animadversione quam constanter potuit cum populo id egit, ut aliquando vacationem Fabiae genti darent, ne maximum imperium in una tantum continuaretur familia. Accidit quoque quandoque per quamdam violentiam usurpari imperium, non ex merito virtutum, sicut fertur de Caio Caligula sceleratissimo, qui fuit nepos Tiberii, sub quo Christus passus est. Et similis de Nerone verificatur sententia. Hoc idem accidit de consulibus urbis, quod ex eorum impietate, ut historiae narrant, usurpaverunt dominium, sicut Sylla et Marius, commotores urbis et orbis. Ex quibus omnibus patet convenientia imperialis dominii cum politico. Sed et cum regali ex triplici parte convenientia ostenditur. Primo quidem ex modo regendi, quia iurisdictionem habent, ut reges, et eisdem quodam iure naturae sunt, ut regibus, tributa et vectigalia instituta, quae et transgredi non possunt sine peccato, nisi sicut in iure regali superius definito : quod consules nequeunt, nec etiam quicumque alii civitatum rectores in Italia, qui politico regunt regimine, ut iam dicetur. Tributa enim et vectigalia ad aerarium publicum deducuntur; et de hoc Salustius refert, qualiter reprehendit Cato in sua concione Romanos consules sui temporis. Cum enim commendasset eos, quod eis fuit domi industria, foris iustum imperium, animus in consulendo liber, neque libidini, neque delicto obnoxius, subiungit : pro his nos habemus luxuriam atque avaritiam, publice egestatem, privatim opulentiam. Secunda convenientia imperatorum cum regibus est corona, quia coronantur ut reges. Duplicem enim habent coronam et recipiunt electi in imperatorem. Unam quidem prope Mediolanum, in villa quae dicitur Modoetia, ubi sepulti sunt reges Longobardorum; quae quidem corona ferrea dicitur esse signum, quod primus imperator germanus Carolus magnus colla regum Longobardorum suaeque gentis perdomuit. Secundam coronam, quae aurea est, a summo percipit pontifice, et cum pede sibi porrigitur, in signum suae subiectionis et fidelitatis ad Romanam Ecclesiam. Huius autem fastigii dignitatem, nec consules, nec dictatores habebant in urbe; quia, ut scribitur in I Mach., inter praesides Romanos nemo portabat diadema, nec induebatur purpura, quorum utrumque faciunt imperatores et reges. Tertia vero convenientia quam imperatores habent cum regibus, et differunt a consulibus, sive rectoribus politicis, est institutio legum et arbitraria potestas, quam habent super subditos in dictis casibus. Propter quod et eorum dominium maiestas appellatur, imperialis videlicet et regalis : quod consulibus et rectoribus politicis non convenit, quia agere ipsis non licet, nisi secundum formam legum eis traditam, vel ex arbitrio populi, ultra quam iudicare non possunt. Patet igitur de qualitatibus imperialis regiminis secundum diversitatem temporum, et comparationem ipsius ad regimen politicum, et regale.

 

Caput 21

 

[90410] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 21 Titulus De dominio principum, qui subsunt imperatoribus et regibus, et de diversis nominibus eorum quid importent. De diversis nominibus eorum quid importent

[90411] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 21 Determinatis his quae ad regimen regale et imperiale pertinent, nunc de dominiis eisdem annexis est dicendum, ut sunt principes, comites, duces, marchiones, barones, castellani, et quibusdam aliis nominibus ad dignitatem pertinentibus secundum diversas consuetudines regionum. Sunt etiam alia nomina dignitatum sub regibus, de quibus Scriptura sacra mentionem facit, ut satrapa : unde in Dan. scribitur : congregati sunt satrapae regis Babyloniae, magistratus et iudices. Et ibidem etiam fit mentio de optimatibus regis. In I etiam Mach. quatuor ponuntur nomina dignitatum, ubi dicitur, quod contra Nichanorem Iudas constituit populo duces, tribunos, et centuriones, et pentacontarchos, et decuriones. Gesta etiam Romanorum quibusdam singularibus nominibus suos rectores appellant, post exactos reges, videlicet consules, dictatores, magistratus, tribunos, senatores, patricios et praefectos. Item : scipiones, censores et censorinos. De quibus omnibus sub duplici titulo est agendum. Primo quidem de nominibus propriis imperatorum et regum et annexis statui, unde traxerunt originem, et quale fuit ipsorum regimen. Postea vero de propriis pertinentibus ad politicum principatum. Propria autem nomina dignitatum deservientium imperatoribus et regibus, sunt quidem principes, domini videlicet provinciarum, quasi primum locum tenentes sub regali vel imperiali dominio. Unde et dominantur baronibus, et comitibus interdum, ut in Theutonia et regno Siciliae patet. Quamvis etiam Scriptura istud nomen saepius extendat ad omne genus dominii, et praecipue nobilis : ad cuius similitudinem quidam Angelorum ordo vocatur principatus, quia dominantur toti provinciae. Unde et in Dan. scribitur : princeps Persarum restitit viginti uno diebus. Item etiam Ioseph, qui secundus erat a rege in Aegypto, se principem vocat, ut in Genesi scribitur. Secundum nomen est comitum, quod quidem nomen fuit assumptum primo a populo Romano post exactos reges. Eligebant enim singulis annis, ut tradit Isidorus, secundo Etymolog., duos consules, quorum unus rem militarem, alter vero rem administrabat civilem, et isti duo consules primo vocati sunt comites, a commeando simul per veram concordiam. Unde aucta fuit respublica, ut Salustius tradit de bello Iugurthino. Processu vero temporum istud nomen abolitum est a Romano regimine, et translatum est ad statum aliquem dignitatis, sub regibus et imperatoribus deputatum. Unde dicuntur comites, a comitando, quia ipsorum officium est praecipue reges et imperatores sequi in rebus bellicis, vel quacumque re militari, et in aliis quibuscumque gerendis pro totius regni utilitate. Duces autem a ducatu populi dicti sunt, sed praecipue in castris. Est enim ipsorum officium, exercitum dirigere, et ipsum in pugna praeire. Unde cum filii Israel impugnarentur a Chananaeis, quaesiverunt a se invicem, ut scribitur in Lib. Iud. : quis ascendet ante nos contra Chananaeum, et quis erit dux belli ? Et hoc nomen tali rectori proprie convenit, propter difficultatem regendi, quando quis est in pugna. Unde ab excellentia regiminis, congruissime dux vocatur. Qua ratione Iosue, sive Iesus Nave, quia pugnavit bella domini, sic vocatus est, sicut testificatur de ipso ille egregius princeps Mathathias in I Mach. : Iesus dum implet verbum, factus est dux in Israel. Sic etiam dixerunt zelatores legis Iudaicae Ionathae, mortuo Iuda Machabaeo : eligimus te in principem et ducem ad bellandum bellum nostrum. Aliud autem nomen dignitatis deserviens imperatoribus et regibus est marchio qui comitatui aequipollet : sed hoc nomen sortitur a severitate iustitiae. Dicitur enim marchio, a marcha, quod est singulare divitum pondus, per quod significatur recta et rigida iustitia. Hoc autem satis congrue apparet in dictis principibus, quia, ut communiter reperitur in regionibus nobis notis, omnes tales principes, qui isto nomine nuncupantur, sunt in provinciis asperis (propter quod et confinia regionum quae sunt loca montuosa et rigida, apud aliquos appellantur Marchiae); vel in provinciis lascivis, quorum utrumque genus rigore iustitiae conservatur. Est et aliud nomen, quod baro dicitur, a labore dictum, sive quia in laboribus fortes, ut Isidorus tradit in commemorato libro. Barus enim Graece, Latine gravis, sive fortis vocatur. Hoc autem proprium est principum, ut in continuis sint gymnasiis, sicut in partibus Galliae et Germaniae est solitum, sive in venationibus, vel aucupiis, sive in torneamentis, ut mos fuit ipsorum antiquitus, ut Ammonius, historiarum scriptor egregius, scribit. Cuius ratio ponitur a Vegetio, de re Milit., quia oportet ipsos esse primos ad bellandum pro subditis, et assuetudine efficiuntur audaces. Unde ipse subdit ibidem, quod nullus attentare dubitat, quod se bene didicisse confidit. Et quia ad omnes principes laboris exercitium pertinet, ideo istud nomen omnibus est commune, sive ad principes, sive ad comites, et sic de aliis sub regali dominio existentibus.

 

Caput 22

 

[90412] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 3 Caput 22 Titulus De quibusdam nominibus dignitatum singularibus in quibusdam regionibus : et quale sit omnium istorum regimen

[90413] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 3 cap. 22 Sunt autem et alia nomina consequentia regale vel imperiale dominium in quibusdam regionibus, sive provinciis, quae aliquid important, ut nomen satrapae et optimatis apud Persas et Philistaeos. Quorum primum significat promptitudinem serviendi. Unde satrapae dicuntur quasi satis parati, quod est officium principis propter fidelitatem, quam iurat suo superiori; vel satis rapientes, quod videtur importare ipsum nomen, cum sit fastuosum, ut ex ipsa sacra Scriptura est manifestum. Optimatum autem nomen significare videtur supremum gradum sub principe, ab optimo dictum. Magistratus a praeeminentia consilii et doctrinae dicti sunt in regimine; quomodo et maiores curiae regis Franciae sic vocantur, quasi maiores statu. Steron Graece, Latine statio dicitur. Iudices vero quasi ius dantes populo, qui proprie assessores dicuntur, qui etiam praetores, quasi prae aliis locum tenentes in curia. Sed praeses nomen est sacrae Scripturae, sic dictus, ut tradit Isidorus, quia alicuius loci tutelam praesidialiter tenet. Sunt et alia duo nomina ad dignitatem pertinentia in curia regis, de quibus fit mentio inter officiales curiae Salomonis, in III Reg., ut a commentariis, et Scriba, qui in officiis distinguebantur : quia unus praeerat legionibus scribendis per principem institutis, quod idem videtur quod magistratus; alius autem praepositus erat responsivis regum, quem et nos cancellarium appellamus. Praeter haec autem sunt et alia duo nomina usitata quidem in partibus Galliae, forte ex proprio idiomate alicuius gentis, in quibus nos ab ipsis talem possumus etymologiam sortiri, ut est mariscallus et senescallus, qui proprie rectores expositi sunt ad universalia negotia regionis, quod utrumque nomen importat, ut mariscallus, idest dominus laborum. Maris enim Syriace domina, vel dominus Latine, callus autem laborem importat; senescallus autem a senex, propter maturitatem regiminis, et callus calli. In tali enim officio non debent exponi, nisi homines magnae experientiae et laboris assidui. Apud Hispanos autem omnes sub rege principes divites homines appellantur, et praecipue in castella : cuius est ratio, quia rex providet in pecuniis singulis baronibus secundum merita sua; vel secundum complacentiam hos deprimit, hos exaltat. Ut in pluribus enim munitiones et iurisdictiones non habent, nisi ex voluntate regis, et inde vocantur divites homines, quia, cui in maiori summa providetur per regem, ille maior est princeps, quia pluribus potest militibus providere : quem modum adhuc observant Romanae militiae, eo quod sub stipendiis vivunt. Sunt ibi et alii qui vocantur infantes, et alii infantiones, quorum primi sunt de genere regio, qui filii, vel nepotes sic dicti ab innocentia populi, quia nullum debent laedere, sed conservare, ac in iustitia fovere, et regi sicut infantes in omnibus obedire : quod hodie male observatur ibidem. Secundi vero sic sunt dicti, quia primos debent sequi sicut maiores. Sunt enim nobiles, qui plus virtutis habent quam miles simplex, et aliquorum castrorum et villarum domini, qui et alicubi castellani dicuntur. Dicti autem sunt infantiones, quia minus possunt inter alios principes laedere propter impotentiam suam, sicut pueri ab infantia recedentes. Si enim laedant subditos suos, rebellant, maioribus principibus adhaerentes, et sic perdunt dominium. Item nec potentiam habent maiorum principum, sicut nec puer respectu viri. Haec igitur de principibus subiectis et subalternatis regibus dicta sufficiant, et quid significent, vel quid importent. De caeteris vero dignitatibus supra praemissis, quia ut in pluribus pertinent ad politiam, licet aliqua sint communia, infra in sequenti opere declarabitur. Nunc enim videndum est, quale est dictorum principum regimen : circa quod est respondendum, secundum sententiam sacrae Scripturae. Dicitur enim in Eccli. : secundum iudicem populi, sic et eius ministri sunt, et qualis est rector civitatis, tales habitantes in ea. Tales enim principes modum habent communiter regendi, regaliter, vel imperialiter, nisi forte in aliquibus locis propter consuetudinem usurpatam, vel ex tyrannide, vel propter malitiam gentis, quia aliter domari non possunt, ut dictum est supra, nisi tyrannico regimine, ut accidit in insula Sardiniae et Corsicae, item in quibusdam insulis Graeciae, item in Cypro, in quibus dominantur nobiles principatu despotico vel tyrannico : unde et de insula Siciliae tradunt historiae, quod semper fuit nutrix tyrannorum. In partibus etiam Italiae comites et alii principes, nisi forte per violentiam tyrannizent, oportet subditos suos regere more politico et civili. Inveniuntur etiam apud eos quaedam nomina dignitatum ex iure imperii dependentium, et supra simplicem militiam transcendentium, ut sunt valvasalli et cathani, qui et proceres appellantur, iurisdictionem super subditos habentes : quamvis hodie per civitatum potentiam sit diminuta vel subtracta totaliter. Valvasalli autem vocantur a valvis, quia deputati erant ad custodiendum portas palatii regalis sive imperialis, quos nos ostiarios appellamus. Cathani ab universalitate operum in curia principum, et strenuitate super alios simplices milites sunt dicti, qui et proceres quasi ante alios procedentes dicuntur, catholon enim universale Graeco nomine significamus. Multa etiam sunt alia nomina, secundum diversas regiones et linguas, ad beneplacitum principum instituta. Sed hoc ad praesens sufficiat, reliqua reservando ad regimen politiae, de quo specialis debet esse tractatus propter diffusionem materiae : ubi de nominibus dignitatum agetur, prout patietur natura regiminis, secundum diversos provinciarum mores, ut philosophi et historici tradunt scriptores.

 

 

 

Liber 4

LIVRE 4 — (par Ptolémée de Lucques)

Caput 1

 

[90414] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 1 Titulus De differentia inter principatum regni et principatum politicum, quem dividit in duos

 

 [90415] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 1 Constitues eos principes super omnem terram, memores erunt nominis tui, domine. Licet dominium omne sive principatus a Deo sit institutus, ut supra est declaratum in tertio libro, diversus tamen in ipso traditur modus a philosopho, et per sacram Scripturam. Quia ergo supra, in praefato iam libro, actum est de monarchia unius, puta de dominio summi pontificis, regali et imperiali, ac ipsorum naturam concomitantibus; nunc hic congrue agitur de dominio plurium, quod communi nomine politicum appellamus, descriptum nobis in praesumptis verbis dupliciter, et quantum quidem ad modum assumendi, et quantum ad modum vivendi. Modus autem assumendi in hoc gradu electivus est in quocumque hominis genere, non per naturae originem, ut de regibus accidit, quod verbum institutionis importat. Constitues, inquit, eos principes : sed addit, super omnem terram, in hoc ostendens generalem regulam in principatu politico : ut generalis sit per viam electionis, ut statuatur princeps : sed quod sit virtuosus : unde subdit : memores erunt nominis tui, domine, in consideratione scilicet divina, suorumque praeceptorum, quae sunt regentibus quaedam recta ratio agendorum. Propter quod in Prov., dicitur, quod mandatum domini lucerna est, et lex lux. Maximus etiam Valerius de Caesare dicit, quod caelesti providentia virtutes per ipsum fovebantur, et vitia vindicabantur. De hoc autem principatu in praesenti libro est pertractandum, quem philosophus sic distinguit in tertio Politic. et supra ostensum est in principio libri : quia si tale regimen gubernatur per paucos et virtuosos, vocatur aristocratia, ut per duos consules, vel etiam dictatorem in urbe Romana in principio, expulsis regibus. Si autem per multos, veluti per consules, dictatorem et tribunos, sicut in processu temporis in eadem contigit urbe, postea vero senatores, ut historiae narrant, talem regimen politiam appellant, a polis quod est pluralitas, sive civitas, quia hoc regimen proprie ad civitates pertinet, ut in partibus Italiae maxime videmus, et olim viguit apud Athenas, post mortem Codri, ut Augustinus refert de Civ. Dei. Tunc enim a regali dominio destiterunt, magistratus reipublicae assumentes : sicut in urbe. Sed quocumque modo dividitur contra regnum, sive monarchiam, et ipsorum oppositum contra oppositum : quia si propositum in proposito, et oppositum in opposito. Et quoniam utrumque pluralitatem includit, ista duo ad politicum se extendunt, prout dividitur contra regale seu despoticum, ut philosophus tangit in primo et tertio Politic. De hoc ergo hic est agendum. Et primo quidem in quo differt a regali, sive imperiali, sive monarchico, quod ex supra dictis in primo et tertio libro aliqualiter videri potest; sed nunc etiam differentia est addenda, quia legibus astringuntur rectores politici, nec ultra possunt procedere in prosecutione iustitiae : quod de regibus et aliis monarchis principibus non convenit, quia in ipsorum pectore sunt leges reconditae, prout casus occurrunt : et pro lege habetur quod principi placet, sicut iura gentium tradunt : sed de rectoribus politicis non sic reperitur, quia non audebant aliquam facere novitatem, praeter legem conscriptam. Unde in I Mach. scribitur, quod Romani curiam fecerunt, et quod quotidie consulebant trecentos viginti, consilium agentes semper de multitudine, ut quae digna sunt gerant. Per quod habetur, quod in regimine Romano a regum expulsione dominium fuerit politicum, usque ad usurpationem imperii, quod fuit quando Iulius Caesar, prostratis hostibus, videlicet Pompeio occiso et filiis, subiugatoque orbe, singulare sibi assumpsit dominium et monarchiam, convertitque politiam in despoticum principatum, sive tyrannicum. Nam, sicut historiae tradunt, post praedicta ad contemptum senatorum videbatur intendere. Ex quo provocati maiores urbis, ipsum in Capitolio viginti quatuor pugionibus perforaverunt auctoribus bruto et Cassio, plurimoque senatu. Advertendum etiam hic, quod quamvis unus dominaretur singulis annis, ut in dicto libro Mach. scribitur, sicut in civitatibus Italiae etiam modo contingit, regimen tamen dependebat ex pluribus, et ideo non regale, sed politicum appellabatur, sicut et de iudicibus Israelitici populi accidit, cum tamen non regaliter, sed politice populum regerent, sicut dictum est supra. Considerandum etiam, quod in omnibus regionibus, sive in Germania, sive in Scythia, sive in Gallia, civitates politice vivunt; sed circumscripta potentia regis, sive imperatoris, cui sub certis legibus sunt astricti. Est etiam alia differentia, quia rectores saepius exponuntur examini, si bene iudicaverunt, aut rexerunt secundum leges eisdem traditas, et ex contrario subiiciuntur poenis : unde ipse Samuel, sicut in I Reg. scribitur, quia populum Israeliticum iudicaverat praedicto modo, tali se sententiae exponit, assumpto in regem Saule : ecce, inquit, praesto sum, loquimini de me coram domino et Christo eius (scilicet Saule), utrum bovem cuiusquam tulerim, si quempiam calumniatus sum, si oppressi aliquem, si de manu alicuius munus accepi. Sic etiam de consulibus Romanis tradunt historiae. Propter quam causam accusatus Scipio Africanus ab impiis aemulis, quod pecunia corruptus fuisset, urbem reliquit. Ex talibus falsis aemulationibus in processu temporis exorta sunt bella civilia : quod in regibus vel imperatoribus locum non habet, nisi quod regiones interdum eis rebellant, si iura regni transcendant, sicut in partibus Hispaniae et Ungariae frequentius accidit, et inde etiam in oriente saepius machinantur mortem dominis : ut apud Aegyptum de Soldano contingit, et in Perside et Assyria, de principibus Tartarorum. Ex qua causa, quia principes saepe efficiuntur tyranni, quaedam regiones indignum iudicant, ut etiam philosophus narrat in sua Politic., quod reges in ipsorum provinciis perpetuentur in filiis, hoc est quod filii regum succedant in regno : sed ipso mortuo, eligit populus quem magis ornatum moribus comprehendunt, sicut fiebat de imperatoribus, ut supra patuit in tertio Lib., et in Aegypto adhuc observatur modernis temporibus. Quaeruntur enim pueri elegantes in diversis regionibus, et praecipue in partibus Aquilonis, quia sunt staturae procerae et ad militarem disciplinam idonei. Hi de aerario publico nutriuntur, exercitantur in gymnasiis et disciplinis scholasticis, in civilibus actibus et rebus bellicis assistunt Soldano in ministerio, sicut traditur, et post mortem eius, qui probati inveniuntur, ad principatum assumuntur. Interdum tamen impeditur ex violentia, sive ex tyrannide, aut fastu ambitionis. Sunt et aliae differentiae circa regimen, quantum ad tempus regiminis, et alias circumstantias, de quibus philosophus mentionem facit in quarto Politic.; sed ista sufficiant et quae dicta sunt supra secundo et tertio libro.

 

Caput 2

 

[90416] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 2 Titulus Ostendit necessitatem constituendi civitatem, propter communitatem necessariam humanae vitae, circa quam praecipue consistit principatus politicus

[90417] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 2 Et quia regimen politicum maxime consistit in civitatibus, ut ex supradictis apparet (provinciae enim magis ad regale pertinere videntur, ut in pluribus reperitur, excepta Roma, quae per consules et tribunos ac senatores gubernabat orbem, ut in dicto libro Mach. est manifestum, et quibusdam aliis Italiae civitatibus, quae licet dominentur provinciis, reguntur tamen politice) : ideo de ipsius constitutione nunc est agendum. Et primo quidem ostendenda est eius constituendae necessitas, et quae eius communitas. Secundo vero quot sunt partes eius, sive ex quibus hominum generibus componitur. Necessitudo autem apparet primo quidem considerata humana indigentia, per quam cogitur homo in societate vivere : quia, ut in Iob scribitur : homo natus de muliere brevi vivens tempore, repletur multis miseriis, id est necessitatibus vitae, in quibus miseria manifestatur : unde secundum naturam est animal sociale, sive politicum, ut philosophus probat in primo Politic.; et inde concluditur communitatem civitatis esse necessariam pro necessitatibus humanae vitae. Amplius autem : natura providit caeteris animalibus ornamenta et munimenta in sui exordio. Unde ex virtute naturae aestimativa vitat contraria et convenientia diligit, nullo dirigente praevio, ut opus naturae sit in eis opus intelligentiae, sicut philosophus tradit in secundo Physic. Sed in homine non sic, immo instructore indiget ad eligendum proportionata naturae, propter quod nutricem habet ad ista docenda. Rursus ad idem. Vestes et tegumenta, quibus ornantur animalia et plantae statim sicut nascuntur, et homo caret, significativa sunt indigentiae, pro quibus oportet recurrere ad hominum multitudinem, unde civitas constituitur. Propter quod dominus ostendit in hoc lilia agri, et volucres caeli, et sic de similibus melioris esse conditionis, quam homo, referendo indigentiam ad illum magnificum regem Salomonem, qui tam excellenter abundavit : respicite, inquit, volucres caeli, quia non serunt, neque metunt, neque congregant in horrea. Considerate lilia agri, quoniam non laborant, neque nent. Postea subdit : dico vobis, quod nec Salomon in omni gloria sua coopertus est sicut unum ex istis; quasi maioris fuerit indigentiae quantum ad victum et vestimenta, ac tegumenta, quam plantae et animalia. Amplius autem : ferocitas animalium, quae facta sunt homini nociva post lapsum Adae, ad hoc ipsum inducit. Ad maiorem enim securitatem hominis, cuiuscumque rei timendae, necessaria est communitas hominum, ex quibus civitas constituitur, unde homo reddatur securus. Et inde motus fuit Cain civitatem construere, ut in Gen. scribitur : unde et in Eccli. dicitur quod aedificatio civitatis confirmabit nomen. Rursus : praeter necessitatem in corpore sano, sunt et aliae conditiones necessitatis pertinentes ad corpora aegra, quibus homo frequenter subiicitur. Ad sui autem reparationem sibi homo solus non sufficit, quemadmodum animalia cum patiuntur, quibus natura providit, ut sine hominum medicina curentur, cognoscentia per extimativam eis inditam herbas sanativas eorumdem, seu quaecumque alia ordinata ad ipsorum salutem. Homo autem horum ignarus indiget medicis, medicina, et hominum ministerio, quae omnia multitudinem requirunt hominum quae civitatem facit; et sic idem quod prius. Amplius autem : quia casus sunt multi, in quos homines incidunt per inopinatum eventum, quibus revelantur in societate : unde in Eccle. scribitur : vae soli, quia si ceciderit, non habet sublevantem se. Si autem fuerint duo, fovebuntur mutuo. Ex quibus omnibus concluditur, civitatem esse necessariam homini constituendam propter communitatem multitudinis, sine qua homo vivere decenter non potest : et tanto magis de civitate quam de castro, vel quacumque villa, quanto in ea plures sunt artes et artifices ad sufficientiam humanae vitae, ex quibus civitas constituitur. Sic enim Augustinus definit eam in primo de Civ. Dei quod est multitudo hominum in uno societatis vinculo colligata. Advertendum autem, quod superius, in principio primi libri, probatum est, societatem humanam esse necessariam, et hic similiter; sed aliter et aliter utrobique : quia ibi secundum quod ordinatur ad principem, hic autem secundum quod partes multitudinis sibi invicem sunt necessariae, propter quam causam necessario sunt institutae civitates, et castra, prout ordinantur ad politicum regimen.

 

Caput 3

 

[90418] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 3 Titulus Declarat hoc idem ex parte animae, sive ex parte intellectus, sive voluntatis, scilicet constitutionem civitatis esse necessariam

[90419] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 3 Non solum autem ex parte corporis, hoc est quantum ad sensitivam virtutem, habet persuasionem, et veritatem continet, quod secundum naturam constructio civitatis est necessaria; sed etiam ex parte animae rationalis hoc est manifestum : et tanto amplius, quanto homo, in quantum est rationalis, quod ex parte intellectus provenit, societatem magis requirit. Circa partem autem rationalem duplex distinguitur : potentia et actus, videlicet intellectus et voluntas. Quantum autem ad partem intellectivam duplices sunt actus, iuxta quos versatur politicum regimen, videlicet speculativus et practicus. In practico quidem includuntur virtutes morales, quae referuntur ad opus et non ad scire tantum, sicut philosophus dicit in secundo Ethic., ut sunt temperantia, fortitudo, prudentia et iustitia : quae quidem omnes ad alterum ordinantur, et sic requirunt multitudinem hominum, ex quibus constituitur civitas, ut iam dictum est supra. Et quamvis dictae virtutes non omnes habeant pro subiecto intellectum (fortitudo enim est in irascibili, temperantia in concupiscibili, quae ad partem sensitivam pertinent), participant tamen rationem in quantum regulantur ab ipsa, unde prudentia est ipsarum directiva. Est enim prudentia recta ratio agibilium, ut philosophus dicit in sexto Ethic. Amplius autem : et ipsa sacra Scriptura dictas virtutes morales ad hoc idem ordinat. Sic enim de istis virtutibus dicit in libro Sap. loquens de eo, quod sobrietatem et sapientiam docet, iustitiam et virtutem, quibus utilius nihil est in vita hominibus. Deinde subdit de merito istarum virtutum : habebo, inquit, per hanc (videlicet scientiam, sive experientiam harum virtutum), claritatem ad turbas, et honorem apud seniores; et multa alia ibidem subduntur, quae ad multitudinem hominum pertinent. Sed de speculativo intellectu adhuc est manifestum, quia, ut vult Aristoteles in secundo Ethic. : homo maxime ex doctrina argumentum accipit, et scientiae generationem, et experimento indiget et tempore : quae omnia respiciunt hominum multitudinem, ex quibus civitas constituitur. Rursus : duo sunt disciplinabiles sensus, ut tradit philosophus de sensu et sensato, visus videlicet et auditus : auditus autem multitudinem respicit. Ergo idem quod prius. Praeterea : philosophus dicit in primo Metaph., quod sapientis est ordinare. Ordo autem multitudinem requirit. Est enim ordo, ut Augustinus dicit de Civ. Dei, parium dispariumque sua cuique tribuens dispositio : quod sine multitudine esse non potest. Amplius autem : et ipsa loquela, quae manifestativa est cordis, ad partem intellectivam pertinet, ut philosophus dicit, et ad alterum ordinatur : propter quod in Eccli. scribitur : sapientia abscondita et thesaurus invisus, quae utilitas in utrisque ? Hoc idem et de Scriptura dici potest, quia respicit multitudinem, sine qua nec fieri, nec explanari valeret. Sed ex parte voluntatis, quae potentia rationalis ponitur a philosopho, hoc idem dici potest. Duae enim sunt virtutes in ipsa, quae ad alterum ordinantur, ac multitudinem requirunt. Una quidem est iustitia, quam respectu voluntatis ius gentium sic definit : iustitia est constans et perpetua voluntas ius suum unicuique tribuens : quae quidem sive legalis, quae dominatum iustum vocatur a philosopho, sive distributiva, sive commutativa, quae partes iustitiae omnes sunt, politiae in civitatibus sunt praecipue necessariae, immo sine eis exerceri non possunt, ut philosophus tradit in quinto Ethic., nec etiam ipsae civitates conservari. Per quod concluditur civitatis constructionem esse necessariam secundum naturam respectu talis virtutis. Secunda vero, quae in voluntate ponitur et ad multitudinem refertur, est amicitia, quae principaliter communitatem requirit multitudinis, et sine ea non est ista virtus, de qua philosophus dicit in octavo Ethic., quod maxime est necessaria ad vitam humanam, eo quod nullus eligeret vivere sine amicis : unde idem Aristoteles connumerat utilitates istius virtutis, ad ostendendam ipsius necessitatem, semper tamen respectu multitudinis. Primo quidem in infortuniis, quia in talibus recurritur ad amicos. Item in fortuniis, quia per amicos conservantur : unde praecipue opus habent amicis, qui divitias possident, et sunt in principatibus, ut philosophus ibidem ait. Amicis autem indigent iuvenes, ut religentur a concupiscentiis et ad non peccandum; senes vero ad famulatum; et sic de singulis generibus hominum. Per quae colligitur communitatem multitudinis hominibus esse necessariam secundum naturam, et per consequens constructio civitatis, in qua, si amicitia vigeat et nutriatur concordia, civitas quamdam causat harmoniam et animae suavitatem, ut Augustinus de Civ. Dei dicit, ex summis videlicet, infimis et mediis ordinibus, quibus moderatur. Propter quod propheta dicit : ecce quam bonum et quam iucundum habitare fratres in unum. Idem etiam Augustinus duas constituit civitates in dicto libro secundum duos amores. Praeter haec vero est alia ratio ad ostendendum communitatem multitudinis hominum esse necessariam, appetitus videlicet humanus ad communicandum opera sua multitudini, ut molestum sit eidem aliquid virtutis agere absque hominum societate : unde Tullius dicit in libro de Amicit. quod natura nihil solitarium amat. Verum est enim quod ab Archyta Tarentino, ut opinor, dicere solitum esse, a senibus nostris audivi : si quis in caelum ascendisset, naturamque mundi ac siderum aspexisset, pulchritudinem insuavem illi sine amico, vel socio admirationem fore. Ipsae etiam divitiae nisi effusae in multitudine non clarescunt, ut Boetius dicit. Patet igitur hominem sive ex parte corporis, sive partis sensitivae, sive considerata sua rationali natura, necesse habere vivere in multitudine. Ex qua parte necessaria est secundum naturam constructio civitatis : unde philosophus dicit in primo Politic. quod natura quidem omnibus inest ad talem communitatem, qualis est civitatis communitas. Et quamvis primos institutores civitatum malos homines Scriptura referat, ut Cain fratricidam, Nembroth oppressorem hominum, qui aedificavit Babylonem, Assur, qui aedificavit Ninivem, ut in Genesi scribitur, a Nembroth fugatus; moti tamen fuerunt ad constituendum civitates propter hominum commoditates iam dictas, retorquendo tamen in suum dominium, pro quo conservando necessaria erat in unum multitudinis congregatio.

 

Caput 4

 

[90420] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 4 Titulus De communitate civitatis, in quo consistat, ubi Aristoteles refert opinionem Socratis et Platonis

[90421] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 4 Habita igitur necessitate constituendae civitatis propter communitatem hominum, nunc quaerendum videtur in quo consistat ista communitas. Circa quod diversi philosophi et sapientes diversas constituerunt politias respectu communitatis, ut philosophus refert in sua politica : ubi primo narrat opinionem Socratis et Platonis, in secundo Politic., quod communitatem ponerent in sua politia quantum ad omnia, ut videlicet omnia essent communia, tam divitiae, quam uxores et filii, moti quidem ex bono unionis in communitate, per quam respublica commendatur et crescit. Amplius autem : cum bonum sit diffusivum et sui communicativum, quanto res communior est, tanto plus de bonitate habere videtur. Ergo omnia communicare plus habet de ratione virtutis et bonitatis. Praeterea : amor est virtus unitiva, ut Dionysius tradit. Ubi est ergo unionis maior ratio, ibi plus vigebit virtus amoris, qui civitatem constituit et conservat, ut Augustinus dicit, et dictum est supra. Ergo omnia habere communia, tam divitias, quam uxores et filios, habet rationem maioris bonitatis. Hae autem rationes sunt, et multae aliae, quas philosophus refert iuxta opinionem Socratis et Platonis, licet non per eadem verba, sed a sententia non discordat. Et si attendimus ad qualitatem dictorum philosophorum, quia fuerunt homines virtutibus dediti super omnes philosophos, eo quod solas virtutes bonum hominis ponebant, non videtur credibile, talem communitatem eos posuisse eo modo quo Aristoteles videtur eis imponere in praedicto libro, quia hoc videtur magis bestiale quam humanum, feminas scilicet esse communes quantum ad mixtionem carnis. Unde et sacra Scriptura matrem separat a filiis, et filiam a patre, et virum uxori coniungit, ac solum cum sola distinguit in coniugio in primo hominis praecepto : propter quod in Genesi, dicitur : quamobrem relinquet homo patrem et matrem, et adhaerebit uxori suae, et erunt duo in carne una. Non autem dicit plures. Sed et de filiis est impossibile, quia in actu generationis duo semina non conveniunt, sed unum solum ex parte viri. Propter quod ipsa etiam animalia suos natos cognoscunt quanto tempore est necessarium ad nutrimentum filiorum, ut in pullis avium maxime contingit, antequam advolare possint. Quod ergo dicamus dictos philosophos minus compositos animalibus, videtur absurdum, qui ad componendos mores corrigendosque totam suam struxerunt philosophiam, ut Augustinus tradit de Socrate, octavo de Civ. Dei; cuius doctrinam Plato eius discipulus fertilissime sortitus est, ut Valerius maximus scribit : qui, cum sapientissimus omnium esset sui temporis, et a iuvenibus studiosis certatim quaereretur Athenis, in Aegyptum descendens a sacerdotibus illius gentis geometriae multiplices numeros caelestium rationum observare percepit, et in Italiam peragrans ab Archita et Arione Pythagorae praeceptis instructus est. Talibus ergo, et tantis viris talem politiam attribuere, unde ordo destrueretur naturae, non est sine admiratione. Sed et ipsi commentatores Aristotelis hoc eidem attribuunt, quod non plene retulerit aliorum opiniones, et praecipue Socratis et Platonis, sicut Eustratius dicit super primo Ethic., circa ideam bonitatis, et Simplicius in fine primi de caelo de generatione mundi. Augustinus autem, in nono de Civ. Dei, hoc idem refert de opinione Stoicorum circa passiones animi, quod aliqui attribuebant Stoicis, quorum princeps Socrates fuit, quod in sapientem non caderet, ut idem Aristoteles in secundo Ethic. praefato imponit philosopho. Et tamen Augustinus idem dicit esse falsum, ex sententia A. Gellii in Lib. noctium Atticarum. Sed haec omnia referenda sunt ad effectum amoris. Quia ergo dicti philosophi virtutibus erant praediti, et ad hoc sollicitabatur eorum conatus; virtus autem amoris ad paria nobis cum proximo praecipitur : diliges, inquit salvator, proximum tuum sicut te ipsum : cum ipsi sub quibusdam metaphoris soliti essent loqui, volentes persuadere ad concives amorem, per quem civitas proficit, communitatem posuerunt in uxoribus, et filiis in dilectione mutua : sed in possessionibus in communicatione necessaria. Quia si quis viderit fratrem suum necessitatem habere, et clauserit viscera sua ab eo, quomodo amor Dei manet in eo ? Quod fuit praecipuum Stoicorum. Rerum enim exteriorum sive divitiarum contemptivi erant, ut de Socrate refert Hieronymus. Per hoc autem patet responsio ad obiecta. Quia unio et amor habet gradum in inferioribus entibus : quoniam perfectior est unio in corpore animato, si in diversis organis virtus animae diffundatur ad diversas operationes unitas in una substantia animae, sicut apparet tam in animatis perfectis, quam in animatis quae habent solum sensum tactus, ut sunt vermes et quaedam animalia quae Aristoteles vocat, in secundo de anima, animalia imperfecta. Propter quod et apostolus comparat corpus mysticum, id est Ecclesiam, vero corpori et naturali, in quo sunt membra diversa sub diversis potentiis et virtutibus, in uno principio animae radicatis : unde et unionem allegatam reprobat apostolus in I Epist. ad Cor. dicens : si totum corpus oculus, ubi auditus ? Et si totum auditus, ubi odoratus ? Quasi necessarium sit in qualibet congregatione, quae praecipue est civitas, esse distinctos gradus in civibus quantum ad domos et familias, quantum ad artes et officia : omnia tamen unita in vinculo societatis, quod est amor suorum civium, ut dictum est supra, et de quo etiam apostolus dicit ad Coloss. Cum enim connumerasset quaedam opera virtuosa, ad quae cives ad invicem obligantur, statim subdit : super haec autem omnia charitatem habentes, quod est vinculum perfectionis, et pax Christi exultet in cordibus vestris, in qua vocati estis in uno corpore, distincto videlicet per membra iuxta civium statum. Ex qua diversitate artium et officiorum, quanto in eis multiplicatur amplius, tanto civitas redditur magis famosa, quia sufficientia humanae vitae, propter quam necessaria est constructio civitatis, magis reperitur in ea. Quod si forte allegatur de discipulis Christi, quibus omnia fuerunt communia, non importat legem communem, quoniam status eorum omnem modum vivendi transcendit. Ipsorum enim politia non ordinabatur ad uxores et filios, sed ad civitatem caelestem, in qua neque nubent, neque nubentur, sed sunt sicut Angeli Dei : sed quantum ad divitias bona erant communia. Quod solum perfectorum est, ut dominus dicit in Evangelio : si vis, inquit, perfectus esse, vade et vende omnia, quae habes, et da pauperibus; et veni, sequere me. Hoc et Socratici fecerunt et Platonici, sicut contemptivi rerum temporalium, ut de Plotino scribit Mercurius Trismegistus, et Macrobius super somnium Scipionis. In caeteris autem civibus communis status expedit possessiones habere distinctas ad vitanda litigia : sicut etiam et de Abraham et Loth scribitur in Genesi. Cum enim contentio oriretur inter ipsorum pastores pro pastura gregum : ne quaeso, dixit Abraham ad Loth, sit iurgium inter me et te, et pastores meos et tuos. Fratres enim sumus. Ecce universa terra coram te est. Si ad sinistram ieris, ego dexteram tenebo; si dexteram elegeris, ego ad sinistram pergam. Per quod habemus, quod inter cives expedit ad societatem servandam, ipsorum divitias esse distinctas : et sic patet responsio ad praedicta.

 

Caput 5

 

[90422] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 5 Titulus De opinione Socratis et Platonis circa mulieres, quomodo sint exponendae rebus bellicis

[90423] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 5 Sed ad eamdem politiam redeundo praedictorum philosophorum, quaedam alia Aristoteles eisdem attribuit in praefato libro : quia volebant mulieres instruendas in rebus bellicis. Quorum argumentum inducit secundum ipsos, quia videmus in avibus rapacibus ferociores esse foeminas et efficacius pugnare : hoc idem et de bestiis liquet, sicut praecipue in ferocibus animalibus est manifestum. Amplius autem : corporale exercitium confert foeminis, quantum ad virtutem corporis et fortitudinem, sicut in ancillis familiarum et mulieribus rusticanis est manifestum, quia fortiores sunt et saniores. Virtutis autem proprium est, quod bonum faciat habentem, et opus suum bonum reddat. Si ergo in gymnasiis ac rebus bellicis magis confortatur foeminea virtus, congrue opera bellica videntur eisdem competere. Amplius autem : proportio qualitatum primarum ad hoc idem inducit, ut calidi et humidi, frigidi et sicci, ex quibus ad medium deductis, fortificatur mixtum in sua virtute. Sic enim videmus ligna viridia, ex quo in eis humidum est consumptum, et ad medium deductum, quod fortius ardent. Sic etiam videmus in avibus rapacibus, quod foeminae ratione sui motus sunt fortioris naturae et maioris corpulentiae. Cum igitur in mulieribus abundet humidum, sicut in pueris, per motum consumitur, et venit ad temperamentum, et vires recipit. Huius autem argumentum assumitur de regno Amazonum, quod fortissimum fuit in oriente, et quasi totam Asiam, tertiam partem orbis, subiugaverunt sibi, ut historiae narrant, quae de Scythis Orientalibus traxerunt originem : unde et apud ipsos Scythas, de quibus descenderunt Tartari, mulieres in rebus bellicis exponuntur, et cum suis militant viris. Ex quibus omnibus moti forte fuerunt praefati philosophi in constitutione politiae, mulieres fore ad opera bellica exponendas. Sed contra hanc politiam rationes sunt fortes, quibus difficile est respondere. Una quidem est Aristotelis in secundo Politic. : quia non est eadem ratio de animalibus et hominibus, eo quod animalia non subiiciuntur dominio oeconomico. Solus autem homo gubernationi intendit familiae. Quae quidem fieri non potest, ubi mulieres exponerentur armis : quia sicut in politica officia sunt distincta, ita et in oeconomia, ut pater familias ad exteriora negotia intendat, mulieres autem ad intrinsecos actus familiae. Cuius quidem argumentum assumere possumus ex parte Romanae reipublicae, quae, ut tradunt historiae, duos habebat consules : unus intendebat bellicis rebus, alter rempublicam gubernabat. Hoc idem et de Amazonibus scribitur. In quorum regno, seu monarchia duae erant reginae, sive monarchae, quae sic distinguebantur in officiis, sicut de Romanis consulibus est dictum. Secunda ratio sumitur ex ipsa membrorum muliebrium ineptitudine ad pugnandum. Sic enim philosophus distinguit de gestis animalium inter masculum et foeminam, quia masculus habet superiora membra grossiora, brachia, manus, nervos et venas, ex quibus vox grossior generatur, nates vero et ventrem et alia circumstantia subtiliora; mulieres autem e converso : et hoc ut in actu generationis sint aptiores. Ampliores autem et mammillas ad nutriendam prolem, quae omnia sunt impeditiva pugnae : unde et de Amazonibus scribitur, quod puellis mammillas amputabant dextras, sinistras autem comprimebant, ne impedirentur a sagittando. Tertia ratio sumitur ex dispositione animae. Tradit enim philosophus de gestis animalium quod mulier est masculus occasionatus : unde sicut deficit in complexione, ita et in ratione. Et inde est, quod propter defectum caloris et complexionis sunt pavidae et mortis timidae : quod in bellis maxime fugiendum est. Propter vero defectum rationis, carent astutiis bellicis, quibus pugnantes ut plurimum sunt victores, sicut Vegetius tradit de re militari : unde tradunt historiae, quod Alexander quibusdam astutiis et blanditiis devicit Amazones, magis quam bellandi fortitudine : quarum regnum temporibus eius fortissimum et potentissimum erat in Asia. Quarta ratio sumitur ex periculoso commercio viri et mulieris, quia actus venereus corrumpit extimationem prudentiae, ut tradit philosophus, in septimo Ethic. et impossibile est in eo aliquid intelligere. Ex qua causa virilis animus enervatur : unde ferunt historiae Iulium Caesarem, cum bellum immineret, iussisse suas omnes delicias separari a castris, et praecipue mulieres. Cyrus etiam, rex Persarum, cum Lydos superare non posset, quia fortissimi erant et ad labores assueti, tandem per ludos et usum Veneris ibidem constitutos virtute et fortitudine enervatos perdomuit. De ipsis insuper Romanis antiquis sic scribit Vegetius in principio primi libri : ideo ipsos perfectos ad bellum semper, quia nullis voluptatibus nullisque deliciis frangebantur. Quid plura ? Quia etiam equi fortissimi, qui alias sunt audacissimi ad pugnandum, et procul odorant bellum, ex praesentia equae distrahuntur a pugna. Propter hanc ergo causam ipsae Amazones, ut historiae narrant, nullum virum in sua recipiebant acie. Patet igitur ex iam dictis, mulieres a rebus bellicis excludi debere.

 

Caput 6

 

[90424] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 6 Titulus Assumit alteram partem, quod non est conveniens mulieres exponi debere bellicis rebus, et respondet ad argumenta in contrarium facta

[90425] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 6 Sed quia motivum dictorum philosophorum probabilitatem habuit, sicut in argumentis apparet; solvendae sunt ipsorum rationes, et cum reverentia pertractandae. Quod enim ponitur exemplum de avibus rapacibus, et quibusdam bestiis, quod audaciores et fortiores sunt foeminae ad pugnandum et capiendum praedam, ergo similiter erit in mulieribus. Ad hoc est responsio, quia non est simile de avibus, et bestiis, et mulieribus. Ut enim dictum est supra, homo naturaliter est civilis et oeconomicus, et in gubernatione suae familiae proprius actus est mulieris, sive in nutritione filiorum, sive in honestate servanda in domo, sive in provisione victualium : quae omnia fieri non possent, si rebus bellicis intenderent. Et propter haec natura ipsam sic disposuit, ut ab ipsa pugnandi occasio tolleretur : quia, ut philosophus de Animal., mulieres debiliora habent corpora quam viri, et sunt minoris caloris, et sola illa membra grossiora in eis videmus, quae ad actum ordinantur generationis et gestum, ut venter et nates, ac ad nutrimentum mammillae. Omnia autem alia habent subtiliora et debiliora quam viri, et minus nervosa, in quibus fortitudo consistit, ut sunt pedes et crura, manus et lacerti, et sic de singulis membris, ubi fortitudo fundatur, ut dictum est supra. Quod vero dicitur, quod fortitudo augetur in eis per exercitium, hoc est verum : ergo pugnare expedit eis. Ad hoc responderi potest, quod sola fortitudo non sufficit ad vincendum in pugna, ut probat Vegetius de re militari in principio; sed astutia bellandi, qua mulieres carent. Rudis enim et indocta multitudo exposita est semper ad necem. Sic autem brevitas corporum Romanorum adversus germanorum proceritatem praevaluit, ut ibidem dicitur. Et praeterea mulieres non debent actibus exponi ex quibus a virtutibus excludantur; quod contingit, si rebus bellicis deputentur propter incentivum libidinis, quod in eis est, et respectu sui, et ex consortio viri : propter quod natura mulieri multa fraena providit, ut est verecundia, quae est praecipuum vinculum eius, ut Hieronymus scribit ad Cellantiam virginem, talares vestes, annulus in digito, servitus viri. Sic enim Scriptura sacra testatur : quoniam sub viri potestate eris. Bellicis autem rebus intendere in republica libertatem meretur, unde et militibus iura gentium speciales apices privilegiorum concedunt. Quod autem tertio obiicitur super idem medium de fortitudine ad bellandum, locum haberet, si sola fortitudo esset causa victoriae, et aptitudo membrorum esset in foeminis ad pugnandum, sicut in viris, cuius contrarium est probatum. Et praeterea natura mulieris est a viro pati, et non agere : pugnare autem summa est actio, cum sit actus fortitudinis, qui solus, si laudabiliter exerceatur, meretur coronam. Dicendum est ergo simpliciter, mulierem non debere exponi bellicis rebus, sed in domo quiescere, curam gerere rei familiaris, ut dictum est supra : unde et in hoc Salomon, in fine Prov., fortitudinem mulieris commendat, speciale de ipsa componens canticum, sub litteris Hebraici alphabeti, ac totum circa eam ad domesticam referens actionem. Mulierem, inquit, fortem quis inveniet ? Procul et de ultimis finibus pretium eius; quasi multum sit reverenda, si habeat, quae sequuntur. Unde primo ponit artem filandi : quaesivit, inquit, lanam et linum, et operata est consilio manuum suarum : per hoc volens ostendere, quod istud sit proprium earum officium. Propter quod et in gestis Caroli magni scribitur, quod filiabus suis, quas intime dilexit, colo et fuso mandavit insistere, et operosas esse. Ulterius Salomon subiungit alios actus mulieris, qui referuntur ad domesticam domum, ut est filiorum curam habere, familiam dispensare, suae domui providere, amicos viri sui honorare, ac defectus eius supplere : quae sunt propriae operationes coniugi, et ad bona matrimonii pertinentes, ut de Abigail uxore Nabal Carmeli scribitur, sicut patet in I Reg. Sed quia talis sollicitudo multas habet perturbationes, ut de Martha dicitur in Luca : Martha, Martha, inquit, sollicita es, et turbaris erga plurima, cum talia sint obiectum virtutis et fortitudinis : ideo dictus sapiens talem mulierem fortem vocat, non quidem fortitudine ad opera bellica, sed ad patienter gubernandam familiam, ut superius est ostensum.

 

Caput 7

 

[90426] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 7 Titulus Refert aliam opinionem dictorum philosophorum, quantum ad principatum, quem volebant esse perpetuum : circa quem disputat ad utramque partem quod sit melius

[90427] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 7 Est autem et alia conditio, quam philosophus, in secundo Politic., attribuit politiae dictorum philosophorum, videlicet magistratus ad regimen iuxta morem Atticae regionis, cuius caput sunt Athenae, post mortem videlicet Codri regis; quos quidem magistratus Romana respublica senatores vocabat. Hos praefati philosophi voluerunt esse perpetuos et quoscumque officiales in sua politica constitutos : quorum motivum, fuit imitatio naturae, ut Aristoteles eis imponit. Videmus enim in terra, quod partes eius eodem modo semper se habent, ut in mineris contingit quia minera auri in eadem parte terrae semper generat aurum, et minera argenti argentum. Unde in Iob dicitur : habet argentum venarum suarum principia, et auro locus est, in quo conflatur. Ex hoc ergo principio sic concludunt, quod si locus auri numquam mutatur et argenti, ut fiat locus plumbi vel ferri; nec locus plumbi vel ferri, ut fiat locus auri vel argenti : sic et in principatibus contingere debet : quia nec principes, nec sui officiales mutari debent, ut fiant aliquando subditi, vel quod subditi fiant officiales vel principes : quia ars imitatur naturam in quantum potest. Amplius autem : ad hoc idem probandum, sic argumentum assumi potest : quia, ut philosophus dicit in principio suae Metaph. : experientia facit artem, et inexperientia casum, et Vegetius, de art. Milit. : scientia, inquit, rei militaris nutrit audaciam. Nemo enim facere metuit, quod se bene didicisse confidit. Ex his autem arguitur, quod si fiat mutatio rectorum vel principum, seu magistratus, interdum assumitur inexpertus, ex quo multi contingunt errores in politia. Rursus ad idem. Talis vicissitudo regimini derogat, ut dictum est supra in secundo libro : quia datur occasio subditis non obedientiae ex spe evadendi manum principis, vel veniendi ad dictum principatum : et sic motivum dictorum philosophorum, Socratis videlicet et Platonis, videtur consonum rationi. Sed e converso fuit motivum sapientum urbis, sive Romanae reipublicae, quia post expulsionem regum statuerunt consules : unde in I Mach., scribitur, inter alia commendabilia de Romanis, quod committunt uni homini magistratum suum per singulos annos dominari universae terrae suae, et omnes obediunt uni. Causam autem assignant historiae, ut nec insolens diu maneret, et moderatior cito succurreret. Quam quidem causam philosophus etiam tangit in secundo Politic., quia mutare aliquando principatum ac dignitatem, magistratus personis idoneis distribuere, causa est maioris pacis in civitate, et in politia quacumque. Alia autem causa assumitur ex uno principio philosophi, quinto Ethic., ubi dicitur, quod principatus virum ostendit. Contingit enim interdum personam assumptam ad dignitatem esse hominem virtuosum in gradu suo; sed postquam statum principatus accepit, elevatur in superbiam et tyrannus efficitur : sicut accidit de Saule, de quo dicitur in I Reg., quod, quando assumptus est in regem, inter filios Israel non erat melior vir illo, et solis duobus annis in sua permansit innocentia. Postquam autem factus tyrannus, et Deo inobediens, dictum est ei per Samuelem : quia abiecisti sermonem domini, et non obedisti voci eius, abiecit te dominus ne sis rex. Amplius autem : gradus quidam est in natura hominis, quantum ad virtutes et gratias. Quidam enim sunt ad subiectionem dispositi, sed ad regimen minus valent; quidam autem e converso. Ex tali ergo opinione, quia bonus est subditus assumptus, et male regens, si perpetuetur cum principatu, est causa scissurae in civitate. Rursus : appetitus honoris inest homini : unde Valerius maximus dicit, quod nulla est tanta humilitas, quae hac dulcedine non tangatur : et hinc sequitur aliud, scilicet quod est superioris impatiens. Dare ergo principatum uni soli est causa seditionis in multitudine. Et ista est etiam ratio Aristotelis in secundo Politic., ubi dicit, quod Socrates semper facit eosdem principes, quod seditionis est causa apud nullam dignitatem possidentes. Videntes enim se omnino statu carere, si contingat eos esse viriles et animosos, ad discordias nituntur civium. Propter quod Valerius maximus refert de Fabio duce Romano libro decimo, de quo dictum est supra, quod cum saepius consulatum habuisset, et in sua progenie talis dignitas a longo tempore per successionem continuata fuisset, id egit cum populo, ut aliquando vacationem huius honoris Fabiae genti darent. Laudabilis igitur politia est, in qua secundum merita unicuique civi vicissim distribuuntur honores, ut antiqui fecerunt Romani, quam etiam philosophus magis commendat.

 

Caput 8

 

[90428] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 8 Titulus Declarat melius esse in politia non perpetuare rectores; et respondet ad partem oppositam

[90429] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 8 Sed quod pro se inducunt de mineris praefati philosophi, non habet similitudinem, sive necessitatem in arguendo, eo quod minerae sive auri, sive argenti, sive cuiuscumque metalli recipiunt impressionem a corpore caelesti, quae est ad unum determinata; unde sicut ficulnea semper ficus producit, et non alium fructum propter eadem principia quae sunt in ipsa, et mediante influentia caelesti; ita et eadem pars terrae sic disposita, ut sit minera auri, semper faciet aurum. Sed non sic est de voluntate humana, quae sideribus non subiicitur, ut Ptolomaeus probat in Centiloquio, quia volubilis est : unde actus humani ponuntur a philosopho in Ethicis de contingenti materia, et inde variantur de bono in malum, et a converso; et ideo perpetuatio est periculosa. Sed quod postea dicitur de experientia, hoc supponi debet, ut eligatur expertus, qui possit et sciat regere et cives dirigere ad virtutem : alias si eligitur unus insufficiens pretio vel amore, iam politia est corrupta. Formam enim eligendi tradit ille Iethro Moysi cognato suo, ut in Exod., scribitur, loquens de principibus et assessoribus populi : provide, inquit, viros potentes de omni populo, in quibus sit veritas, et qui oderint avaritiam; et constitue ex eis tribunos, et centuriones, quinquagenarios et decanos, qui iudicent populum. Philosophus etiam, in quinto Ethic., dicit, quod non sinimus hominem principari, in quo est natura humana tantum, sed illum qui est perfectus secundum rationem : quia, si aliter fiat, assumptus ad principatum, dat sibi plus de bonis, et tyrannus efficitur. Quod autem inducitur ultimo de derogatione regiminis, si principatus immutetur, hic attendendum est, sicut tactum est supra in secundo libro, quod regiones diversificantur quantum ad homines, et in complexione et in modo vivendi, sicut caetera viventia secundum aspectum caeli, ut Ptolemaeus tradit in Quadripart. Si enim plantae transferuntur ad aliam regionem, ad eius naturam convertuntur : simile est de piscibus et animalibus. Sicut ergo de viventibus, ita et de hominibus. Gallici enim, qui se transferunt in Siciliam, ad naturam applicantur Siculorum : quod quidem apparet, quia, ut narrant historiae, iam ter est populata dicta insula de praefata gente. Primo enim tempore Caroli magni; secundo ad trecentos annos tempore Roberti Guiscardi; et temporibus nostris per regem Carolum, qui iam induerunt ipsorum naturam. Hoc ergo supposito, dicendum est, quod regimen et dominium ordinari debet secundum dispositionem gentis, sicut ipse philosophus in Politic. tradit. Quaedam autem provinciae sunt servilis naturae : et tales gubernari debent principatu despotico, includendo in despotico etiam regale. Qui autem virilis animi et in audacia cordis, et in confidentia suae intelligentiae sunt, tales regi non possunt nisi principatu politico, communi nomine extendendo ipsum ad aristocraticum. Tale autem dominium maxime in Italia viget : unde minus subiicibiles fuerunt semper propter dictam causam. Quod si velis trahere ad despoticum principatum, hoc esse non potest nisi domini tyrannizent : unde partes insulares eiusdem, quae semper habuerunt reges et principes, ut Sicilia, Sardinia et Corsica, semper habuerunt tyrannos. In partibus autem Liguriae, Aemiliae et Flaminiae, quae hodie Lombardia vocatur, nullus principatum habere potest perpetuum, nisi per viam tyrannicam, duce Venetiarum excepto, qui tamen temperatum habet regimen : unde principatus ad tempus melius sustinetur in regionibus supradictis. Quod enim dicitur derogare politiae, non est verum, si eligantur idonei : alias, ut dictum est, corrumpitur politia. Idoneos autem Aristoteles tradit, in Politic. Lib. quarto, mediocres civitatis, hoc est nec nimis potentes, quia de facili tyrannizant, nec nimis inferioris conditionis, quia statim democratizant. Cum enim se in alto considerant, sui immemores, et sicut ignari regiminis, in erroris barathrum submerguntur, vel de improvida cura ad subditos, vel de praesumptuosa audacia ad aliorum gravamina : unde et politia corrumpitur et inquietatur. Assumendi igitur sunt rectores vicissim in politia, sive consules, sive magistratus vocentur, sive quocumque alio nomine, dummodo idonei reperiantur. Amplius autem nec periculum imminet, quia iudicant secundum leges eis traditas, quibus sunt per iuramentum astricti : unde non est materia scandali puniendo, quia tales leges ab ipsa multitudine sunt institutae. Rursus nec dominio derogat, si leviter puniat secundum naturam gentis subiectae : quia aliquando in talibus regionibus melius politia servatur dissimulando culpam, vel dimittendo poenam. In quo facto virtus epicheiae de qua philosophus loquitur in quinto Ethic., videtur locum habere, quae iustum legale diminuit. In quo etiam regimine regulae illius summi pastoris sunt attendendae, videlicet beati Gregorii in registro et Pastor., in quibus modum correctionis tradit secundum personarum statum et qualitatem.

 

Caput 9

 

[90430] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 9 Titulus Disputat de communitate bonorum quantum ad possessiones, quas quidem philosophus nomine Pheleas dicit debere adaequari in omnibus : et quod est falsum quod Lycurgus philosophus sensit

[90431] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 9 Et quia opiniones dictorum philosophorum versabantur circa communitatem possessionum, congruum videtur de aliis dicere, qui circa ipsas suam constituerunt politiam. Duo enim fuerunt philosophi, qui considerantes litigia generari in civitatibus ex eo quod unus abundat, et alter caret, voluerunt in sua politia adaequare in civitatibus suis possessiones. Unus fuit Pheleas Chalcedonius, de quo philosophus loquitur in secundo Politic., alter fuit Lycurgus, Spartanorum regis filius, qui Lacedaemoniis iura constituit, ut tradit Iustinus, ut aequata possessio neminem potentiorem altero redderet. Modus autem, quem teneri voluit Pheleas in adaequando, narratur a philosopho, ut fieret videlicet in ipsa constitutione civitatis, habita consideratione multitudinis civium et camporum : alias difficile iudicabat : et ut hoc perseveraret, ordinabat matrimonia contrahi inter maiores et minores : et sic per hoc tollebantur iurgia, amovebantur iniuriae, auferebantur arrogantiae, vel superbiendi materia. Ad hoc etiam movebat exemplum in aliis politiis. Quia, ubi est bonorum temporalium inaequalitas, contingit saepius perturbatio : ibi enim est invidendi occasio : inde cupiditas oritur, quae, iuxta apostolum, radix omnium malorum est. Ipse etiam Lycurgus propter hanc causam in legibus, quas Lacedaemoniis tradidit, pro ipsorum conservanda politia, artificiales subtraxit divitias, sive numismata in commutationibus rerum venalium, in solis naturalibus divitiis tales permutationes relinquens. Sed hanc positionem philosophus reprobat in secundo Politic., ostendens hanc adaequationem omnino impossibilem, et per consequens contra rationem. Et primo ex parte humanae naturae, quae non semper in familiis multiplicatur aequaliter : quia contingit unum patremfamilias habere multos filios, alium autem nullum. Quod ergo isti duo haberent aequales possessiones, esset impossibile : quia una familia deficeret in victualibus, altera superabundaret; et hoc esset contra provisionem naturae : quia quae familia plus multiplicatur in prolem, amplius cedit ad firmamentum politiae propter ipsius argumentum, quam quae in generatione prolis deficit; et quodam iure naturae magis meretur a republica, sive politia provideri. Amplius autem : natura non deficit in necessariis, ut dictum est supra; ergo nec ars, quae civilis est regiminis. Sed hoc contingit, si in familiis adaequantur possessiones, quia videlicet cives moriuntur penuria, unde politia corrumpitur. Non tantum autem ex parte naturae humanae sequitur inconveniens adaequare possessiones, sed etiam ex gradu personae. Est enim differentia inter cives, quemadmodum inter membra corporea, cui politia est superius comparata. In diversis autem membris virtus diversificatur, et operatio. Constat enim quod maiores expensas cogitur facere nobilis, quam ignobilis : unde et virtus liberalitatis in principe magnificentia vocatur, propter magnos sumptus. Hoc autem fieri non posset, ubi possessiones essent aequales : unde et ipsa vox evangelica testatur de illo patrefamilias, sive rege, qui peregre profectus est, qualiter servis suis bona distribuit, sed non aequaliter, immo uni dedit quinque talenta, alteri duo, alii vero unum, unicuique secundum propriam virtutem. Amplius autem : nec ipse ordo naturae hoc patitur, in quo divina providentia res creatas in quadam inequalitate constituit, sive quantum ad naturam, sive quantum ad meritum. Unde ponere aequalitatem in bonis temporalibus, ut sunt possessiones, est ordinem in rebus destruere, quem Augustinus respectu inaequalitatis definit, de Civ. Dei : est enim ordo parium et disparium rerum sua cuique tribuens dispositio. Et ex hoc Origenes in periarchon reprehenditur, quia omnia dixit aequalia ex sui natura, sed facta inaequalia propter defectum sui, hoc est propter peccatum. Non ergo ex adaequatione possessionum vitantur litigia, quin potius augmentantur, dum in hoc destruitur, sive tollitur ius naturae, quando subtrahitur indigenti, qui plus meretur. Item, quia contra rationem est esse omnia aequalia in politia, cum omnia Deus instituerit in numero, pondere et mensura, ut in libro Sap. dicitur, quae gradum inaequalitatis ponunt in entibus, et per consequens in civilibus, sive politicis.

 

Caput 10

 

[90432] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 10 Titulus Agitur rursus de politia Platonis et Socratis quantum ad genera hominum qui requiruntur in ea, quae sunt quinque; ubi multum disputatur de numero bellatorum

[90433] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 10 Sed redeundum est ad politiam Socratis et Platonis, quia quaedam alia constituerunt in ipsa praeter ea quae dicta sunt supra. Suam enim civilitatem distinxerunt in quinque genera hominum, videlicet in principes, consiliarios, bellatores, artifices et agricolas. Quae quidem divisio satis videtur sufficiens ad perfectionem civitatis, quia omnia genera hominum comprehendit, quae ad regimen politicum pertinent. Sed Aristoteles in hoc praedictos philosophos videtur reprehendere. Tum quia numerum ponebant bellatorum excedentem proportionem civitatis : ponebant enim mille bellatores ad minus, vel ad plus quinque millia. Secundum, quod philosophus reprehendit, est, quia sic distinguebant bellatores ab aliis, quod nullo modo se exponerent bellicis rebus alii cives a bellatoribus. Sed quantum ad primum non videtur determinatus numerus posse poni, eo quod omnes civitates non sunt aequalis potentiae et virtutis : unde consideranda est multitudo populi in civitate, et secundum numerum constituere bellatores. Item latitudo regionis, ut sit sufficientia pascuorum et victualium : unde Aristoteles dicit in secundo Politic. quod, si tanta debeat esse multitudo bellatorum in civitate, oportet ipsam adaequari civitati Babyloniae, quae videlicet excedit in gentis multitudine, et in latitudine camporum. Sed si attendimus ad ipsum numerum bellatorum, qui est mille, ut historiae tradunt, secundum unam expositionem, politia Platonis et Socratis cum civilitate concordant Romuli, primi constructoris urbis, a quo et istud nomen miles originem habuit : unde et miles dicitur electus ad bellandum ex numero mille, quia mille erant tunc expediti bellatores ab ipso electi ad pugnandum contra adversarios urbis, ut contra Sabinos primo, ulterius vero contra Samnites; et sic in hoc concordabat Romulus cum Socrate et Platone, licet primus conditor urbis per longum tempus philosophos antecesserit saepe dictos. Alio modo dicitur miles quasi unus ex mille, iuxta quod Scriptura volens commendare sanctum David de constantia et fortitudine : dilectus, inquit, meus candidus et rubicundus, electus ex millibus; ut sic importet quamdam excellentiam in pugnando : quos Scriptura sacra expeditos vernaculos appellat in Genesi. Sic enim scribitur de Abraham, quod contra quatuor reges processit cum trecentis decem et octo expeditis vernaculis, qui quinque reges devicerant, capto Loth, nepote eiusdem Abrahae, cum tota familia : unde satis credibile videtur, quod maiorem habuit multitudinem ad pugnandum; sed isti nominantur propter ipsorum probitatem ad invadendum. Sic et Gedeon trecentos elegit de populo Israelitico ad pugnandum contra castra Madianitarum, ut in Lib. Iudicum traditur, quos probavit divino mandato esse aptiores ad pugnam, ex eo quod transiens populus quasdam aquas, omnibus ex populo bibentibus ex aquis praedictis et genua flectentibus, illi soli lambuerunt ut canes, non poplite flexo. Tales igitur sic electos non videtur possibile mille in civitate reperiri, et multo minus quinque millia : et sic vera est sententia Aristotelis contra Socratem et Platonem, si sic intendant. Secundum vero quod Aristoteles improbat, est de distinctione bellatorum, quasi alii cives sint immunes a bello, ut consiliarii et artifices : quod non est verum, ubi sit aggressus multitudinis contra cives. Quamvis autem bellatores sint aptiores ad pugnam, quia experientiam habent, et pugnandi artem, et, ut ait Vegetius : nemo facere metuit, quod se bene didicisse confidit; impetum tamen multitudinis sustinere non possent, nisi cum multitudine. Sic enim Iudas Machabaeus deficit, quia cum paucis pugnavit contra multitudinem Bacchidis, principis Demetrii regis, recedente ab ipso multitudine suae gentis, sicut patet in I Lib. Mach. Hinc est etiam quod quamvis Saul elegerit tria millia virorum ad defensionem sui regni (duo enim millia erant cum ipso, ubi ipse curiam tenebat, ut in Magmas et in Bethel, mille vero cum Ionatha in domo propria, ut in Gabaa Beniamin), nihilominus contra multitudinem hostium multitudine usus est : unde cum Naas Ammonites, rex eiusdem regionis, obsideret cum multitudine Iabes Galaad, trecenta millia de filiis Israel congregavit in castris, et triginta millia de tribu Iuda ad expugnandum Ammonitas praefatos, ut scribitur primo Reg. Sed advertendum quod militaris disciplina Vegetii, in tertio libro, secundum sententiam Lacedaemoniorum, sive Atheniensium, restringit numerum in exercitu armorum, videlicet ad decem millia peditum, et duo millia equitum, vel ad plus viginti millia peditum, et quatuor millia equitum, ostendens magnam multitudinem esse damnosam, tum quia difficilius regitur, tum quia laboriosius in victualibus providetur. Ibidem etiam cum exercitu computat non solum tirones, sed etiam auxiliatores, quod ad alios cives referimus, qui non erant militiae deputati. Et praeterea idem Vegetius in primo libro, ubi docet eligi tironem, ad agricolas et artifices magis remittit, eo quod assueti sunt ad labores. Assumendi sunt igitur cives ad pugnam non solum bellatores distincti, in quocumque genere sint, sive consiliarii, sive artifices, sive agricultores, dummodo dispositionem corporis habeant, unde non impediantur a pugna, ut sunt homines corpulenti et ponderosi ad ambulandum; cives nimis deliciis dediti; homines etiam provectae aetatis, quos emeritos habebant antiqui Romani; homines etiam quos divina lex prohibet a pugna. Hos excludere a pugna dignum videtur, ut patet in Deut., quos lex praedicta prohibet, instante exercitu, et acclamante praetore. Ubi quatuor genera hominum ponuntur, qui a pugna excipiuntur ibidem : videlicet qui aedificasset novam domum, et non ea fuisset usus; vel qui plantasset novam vineam; qui in proximo uxorem duxisset : quae quidem tria intentionem distrahunt a pugnante, et ex hoc efficitur minus audax. Quartum genus est nimis timentium mortem, qui a sacra Scriptura formidolosi vocantur. Vegetius etiam in principio primi libri, inter artifices quinque genera hominum dicit excludenda a castris, videlicet piscatores, aucupes, dulciarios, id est qui deliciis intendunt; linteones id est qui molles sunt et flexibiles; item qui videntur intendere ad genesia, id est ad opera muliebria, ut sunt opera textrina, sive venerea. Caeterum de ordine castrorum sive exercitus, et ipsius rectoribus seu motoribus, non est praesentis negotii : quia nostrum non videtur congruum docere pugnare, vel de eiusdem pugnae gymnasiis agere, sed solam veram tradere politiam; per quam, si ad veram pertingamus, disponimur ad vivendum secundum virtutem, et quasi participamus caelestem, quae est civitas Dei, de qua gloriosa dicuntur.

 

Caput 11

 

[90434] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 11 Titulus Declarat de politia Hippodomi philosophi, qui reprehenditur quantum ad genera hominum, quia ponit solum tria, et quantum ad numerum populi

[90435] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 11 Praeter has autem quamvis philosophus in secundo Politic. multas pertractet politias, inter alios tamen a supra dictis, qui multum de politia tractaverunt, fuit Hippodomus philosophus Eriphontis filius, sed Milesius patria, unde Thales, unus ex septem sapientibus, originem traxit. Hic enim suam politiam ex multis et ad plura ordinavit, et primo quidem in ea numerum multitudinis determinatum tradidit civitati circa decem millia virorum : quem numerum sufficienter putabat in civitate : cuius forte fuit motivum quod superius traditum est de castris, quia melius gubernantur, et in victualibus potest per rectores congruentius provideri. Dictam autem multitudinem ad tria genera hominum reducebat, ad bellatores videlicet, artifices et agricolas. In qua quidem divisione sic ponebat eos esse distinctos, quod nec bellator ad culturam terrae, nec ad negotiationes, nec agricola ad arma transiret. Horum autem generum hominum sufficientiam dicebat esse, quia ordinantur ad conservationem humanae vitae. Agricolae quidem quantum ad victum, artifices autem quantum ad tegumentum, sed bellatores ad bonorum suorum firmamentum, sive custodiam. Sed si ad ea attendimus, quae dicta sunt supra, et infra est dicendum, faciliter errorem dicti philosophi percipere possumus ex iam dictis : quia in politia determinatum numerum dare non possumus, sed multiplicatur in ea populus vel propter amoenitatem loci, vel propter famam regionis, vel propter foecunditatem gentis. Rursus videmus civitates, quod quanto magis abundant in gente, tanto maioris potentiae et famosiores iudicantur : nec propter hoc impediuntur in regimine, si per officiales bene disponantur et rectores : quia poenae in legibus institutae hominum arcent malitiam, et sunt in politia medicinae quaedam, ut tradit philosophus in secundo Ethic. Nec iterum distingui sic debet, quin cum opportunitas hoc requirit, illa tria genera sint admixta : quia artifices et agricolae aliquando sunt bellatores, cum de istis duobus generibus hominum praecipue eligantur tirones, ut dictum est supra ex verbis Vegetii; et e converso dicimus de bellatoribus ad artifices et agricolas, cum de eis saepius assumantur. Sed et sua divisio de solum tribus generibus hominum non est sufficiens : quia relinquit consiliarios et sapientes, qui sunt principalis pars politiae, sine quibus convenienter politia ipsa non regitur : ut enim historiae tradunt, Demosthenes Atheniensis praefatos viros peritos, vel quoscumque senes expertos sic se habere ad politiam definit, ut canes ad gregem, quorum custodia arcentur lupi : sic et se habent sapientes et advocati in civitatibus, quia canes sunt populi. Unde Tullius scribit in libro de Offic., quod Solon plus profuit reipublicae civitatis Atheniensis, quae legibus et institutis eius erudita fuit, quam victoria Themistoclis, quod bellum gestum fuerat consilio magistratus, sive senatus instituti ab eodem sapiente, qui fuit unus de septem. Unde et in Eccle. scribitur : melior est sapientia quam arma bellica. Vegetius etiam de art. Milit., et Valerius maximus de Aristotele referunt, quod cum esset vitae supremae, reliquias senilibus atque rugosis membris in summo litterarum otio vix custodiens, adeo valenter pro salute patriae incubuit, ut eam hostilibus armis quasi solo aequatam, in lectulo Athenis iacens eriperet : et quantum ad hoc simile in eodem libro Eccle. scribitur de sapiente : civitas parva et pauci in ea viri : venit contra eam rex magnus, et vallavit eam, extruxitque munitiones per gyrum, et perfecta est obsidio, sicut accidit de Athenis per Philippum regem Macedonum, ut historiae tradunt. Inventus est in ea vir pauper et sapiens, ut dicti philosophi, quorum fuit proprium mundum spernere, et quasi vitam religiosam eligere, sicut Hieronymus scribit, et postea subditur in eodem libro, quod liberavit urbem per sapientiam suam. Concluditur ergo ex praemissis, consiliarios non debere excludi a politia. Eodem etiam modo nec rectores, cum sint caput universitatis civilis, ex quo totum corpus dependet.

 

Caput 12

 

[90436] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 12 Titulus Refert etiam opinionem eiusdem quantum ad possessiones, quas in tres partes dividit; et in quo salvatur sua positio

[90437] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 12 Sunt autem et alia, quae dictus Hippodomus posuit in sua politica, ut est de distinctione possessionum : quia in tres partes distinguebat possessiones totius regionis civitatis. Quasdam enim deputabat ad rem sacram, quae scilicet divino cultui dedicabantur, ut sunt hodie bona ecclesiastica; quasdam autem assignabat communes, quae bellatoribus dispensabantur; quasdam vero proprias, quae agricolis debebantur. Artificibus vero nihil assignabatur, eo quod ex arte sufficienter vivere possent. Sed haec divisio, etsi insufficiens videbatur in multis, in quantum tamen ad aliquid laudabilis erat, in eo videlicet quod divinae reverentiae deferebat. Quam quidem et iure naturae et iure divino debemus : sic enim mos fuit apud antiquos Romanos, ubi viguit disciplina. Unde Gen. scribitur, quod tota terra Aegypti, imminente fame, tempore Ioseph, in servitute redacta est regis, praeter terram sacerdotum, quae videlicet sic erat dedicata Deo, quod alienari non poterat, sicut nec hodie possessiones Ecclesiae, nisi multum legitimis casibus. Philosophus etiam refert in sua Metaph., quod Aegyptii fuerunt de primis philosophiae vacantibus, et praecipue in mathematicis artibus : cuius rationem assignat, quia gens illa sacerdotalis plus vacare permissa est, ex abundantia videlicet eorum quae habebant ex possessionibus eis concessis, per quae tollitur sollicitudo in quaerendo victum. Et quamvis lex Mosaica prohibeat sacerdotibus inter fratres suos possessiones habere, plus tamen eisdem concessit, dum omnium civium possessiones in partem fructuum percipiunt, videlicet decimarum. Unde in Malach. scribitur : afferte, inquit, omnem decimationem, ut sit cibus in domo mea : et de hoc, quasi de opere perfectae iustitiae, se ille Pharisaeus extollit in Luca : decimas, inquit, do, videlicet sacerdotibus et Levitis, omnium quae possideo. Rationabile etiam erat, quod Hippodomus de bellatoribus seu militibus ordinaverat, ut stipendia perciperent de bonis communitatis, sicut communitati deserviunt. Sic etiam Romana respublica statuit, ut de publico aerario viverent. Quo quidem titulo dicit Ioannes Baptista militibus, ut in Luca scribitur : estote, inquit, contenti stipendiis vestris. Et apostolus in I Epist. ad Cor. : quis, inquit, militat stipendiis suis umquam ? Sed in hoc sua deficiebat politia, in quantum solis agricolis proprias assignabat possessiones, nisi forte hoc dicatur ratione agriculturae, quia hic est proprius eorum actus : unde agricolae proprias dicuntur possessiones habere quantum ad culturam, caeteri vero cives, quantum ad usum. Alias esse imperfecta politia et defectiva. Constat enim possessiones, ut dictum est supra in secundo libro, inter naturales divitias computari : quae sic vocantur, quia homo ipsis naturaliter indiget ut necessariis humanae vitae, et propter ipsarum amoenitatem, ad refocillationem animae : unde primus homo primo usus est eis divino mandato, quia collocatus est in Paradiso, quem dominus plantaverat diversis arborum generibus, ut operaretur et custodiret illum operatione quidem delectabili sine fatigatione, ut Augustinus exponit, octavo super Gen. ad Litt. De primis etiam filiis Adae, videlicet Cain et Abel, historia Genesis narrat, quod prima ars, quam didicerunt, fuit gubernare divitias naturales, quia Cain factus est homo agricola, Abel autem custos ovium : in hoc volens ostendere, ipsas esse institutas ad indigentiam vitae. Ergo non solis agricolis erant assignandae possessiones, ut Hippodomus dicit. Ad perfectionem igitur politiae requiritur, ut non solum agricolae proprias habeant possessiones, sed etiam alii, nisi eo modo quo supra est declaratum; et tanto amplius abundent, quanto in altiori culmine sunt constituti, ut supra de regibus est dictum, ut iam patuit; ne forte ex nimia cura rerum temporalium distrahuntur a rebus bellicis, vel ipsorum nimia amoenitate mollescant, quod cedit in politiae non modicum detrimentum. Unde et ipse Hippodomus proprias eis auferebat possessiones, ut solis armis intenderent.

 

Caput 13

 

[90438] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 13 Titulus Ponit opinionem eiusdem circa iudices et assessores politiae, ubi divisionem facit multiplicem et notabilem circa ea quae sunt agenda per iudices

[90439] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 13 Et quia philosophus de dicto Hippodomo longum adhuc sermonem fecit circa suam politiam, et de ipsa multum est dictum, sub compendio accipienda est sua traditio, quae restat. Omnium enim referre politias, cum quaelibet civitas suam habeat et diversam, laboriosum esset scribere et fastidiosum audire. Illud autem in quo multum institit dictus Hippodomus fuit de iudiciis, ut refert Aristoteles in secundo Politic. Primo quidem de iudiciis respectu sui : quia omnia iudicia ad tria reduxit, in quibus homines litigant, videlicet vel de damno rerum, vel de iniuria in personam; et hoc dupliciter, vel de offensa in verbo, vel de gestu, quod dehonorationem Aristoteles appellat, secundum dictum philosophum; vel est de laesione sive percutiendo, sive vulnerando, quam philosophus mortem vocat, quia ad mortem ordinatur, de quibus longus est sermo in iure civili : et haec iniustificationem vocat ibidem, quia contra iustitiam exercentur. Distinguebat etiam de iudiciis ex parte iudicantium, quia ad duo genera referebat : videlicet ad patronum ordinarium; secundum vero erat provocatorium, quod ipse principale vocat, in quo erat appellationis refugium : et istud, ut philosophus narrat in secundo Politic., volebat constitui ex senioribus electis civitatis, qui male iudicata revocarent, quos Thusci antianos vel priores vocant, et ad hoc sunt inventi. Interdum autem est syndicus constitutus ad idem, sic nominatus quasi curam gerens politiae, ne laedatur per iniustitiam, ut faciunt collegiorum oeconomi. Item statuit dictus Hippodomus in sua politia, in utroque praetorio tam ordinario, quam principali, ut iudicia fierent sine collectione sapientium, sed quilibet scriberet singillatim in pugillaribus de sententia ferenda suum consilium, quam ordinario, vel iudici appellationis secreto porrigeret : cuius causam Aristoteles assignat, ne forte timore civium deieraret, et declinaret a vero : quem modum hodie politiae Thuscorum observant ponendo fabam, sive denarium in pyxidibus deputatis ad affirmativam vel negativam super rebus agendis pro republica, sive pro condemnando, sive pro absolvendo civem. Item statuit idem Hippodomus in sua politia quasdam leges pietate plenas, et iuri naturae consentaneas circa quaedam genera hominum. Primo quidem quantum ad sapientes, ut si ex eis aliquis ordinaret expediens civitati vel castro, honorem consequeretur iuxta meritum operis, sicut factum est Ioseph per Pharaonem, ut in Genesi scribitur, et sic accidit Mardochaeo per Assuerum, et hoc propter beneficia quae uterque contulerat, unus quidem regioni, alter vero principi. Hoc idem etiam de bellatoribus praecipit, ut si aliqui eorum morerentur in bello ob defensionem patriae et bonum civitatis, ipsorum nati acciperent cibum de aerario publico. In quo quidem Romana respublica maxime conatum adhibuit victoriosos milites honorare sive in morte, sive in vita, ut historiae tradunt; sed praecipue in filiis, quia in eis, cum sint ipsorum similitudo, satis perpetuatur memoria, ut verum sit quod in Eccli. scribitur : mortuus est enim et quasi non est mortuus : similem enim reliquit post se, videlicet in beneficio adepto causa patris. Item statuit quod totus populus, videlicet tam bellatores, quam artifices, quam etiam agricolae, principem eligerent : nolebat enim principem per successionem, quemadmodum pro maiori parte observant civitates Italiae. Item : statuit quod principes de tribus haberent curam praecipue, videlicet de rebus communibus, de peregrinis et orphanis : orphanos vocans omnes impotentes, qui non possunt sua iura consequi. Quod et lex divina specialiter praecipit, eo quod eosdem alii de facili laedunt propter impotentiam resistendi. Ista sunt igitur quae de politia tradit idem philosophus. Et quamvis idem philosophus in secundo Politic. ipsam reprehendat in multis, quae disputabilia sunt in utramque partem, sicut actus humani, cum sint de materia contingenti; multa tamen laudabilia scribit, et quae cum politia Romana concordant, sicut infra videbitur. Et haec de ipso in tantum ad praesens sint dicta.

 

Caput 14

 

[90440] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 14 Titulus De politia Lacedaemoniorum, quam reprehendit circa regimen servorum et mulierum, et circa bellatores

[90441] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 14 Nunc igitur ad alias politias procedendum, quas philosophus refert in praedicto libro secundo, ut Cretensium et Lacedaemoniorum, quae clarae videbantur et ex fama regionis, et ipsarum antiquitate, et earum auctore. Et licet in multis Aristoteles commendet politiam praedictam, multa tamen ibidem reprehendit. Primo quidem de remissione quantum ad servos, quia non ut subditos, sed ut amicos eos habebant, et inde lasciviebant, et efficiebantur elati, et concitabant rixas in confinibus Lacedaemoniorum contra tyrannos, ut de eis illud competeret, quod in Prov., dicitur : qui delicate a pueritia nutrit servum suum, postea illum sentiet contumacem. Item, ibidem, dicitur : servus verbis non potest emendari, quia quod dicis intelligit, et respondere contemnit. Sed forte hoc non sine ratione contingit interdum, quando imminent pugnae cum hostibus, quia tunc servi manumittuntur, eo quod audaciores sunt ad aggrediendum. Unde in III Lib. Reg. scribitur, quod rex Achab per pedissequos civitatis ex mandato Dei Syriam percussit et fugavit. Propter quod historiae Romanae tradunt, quod post conflictum ipsorum apud cannas tanta fuit ipsorum strages, quod coacti sunt relegatos et proscriptos revocare, ac servos libertate donare, ex quibus aciem fecerunt ad defensionem urbis. Quia ergo Lacedaemonii infestos habebant confines, ideo servos levius tolerabant. Lacedaemonii enim confines erant, ut ipse Aristoteles dicit, duabus regionibus, Arcadiae videlicet et Messenae, item Thessalonicae; ab alia autem parte Achaiae et Thebaeis, qui antiquitus multum viriles fuerunt. Reprehenduntur ergo Lacedaemonii, si populares, quos servos vocant, sustinent non refraenando eorum stultitias ex iam dicta causa; sed tolerari possunt, si confines sunt nimis infesti, ut dictum est supra : quia praedictis servis datur audacia ad invadendum et refraenandum malitiam hostium, et ex eadem causa dabatur libertas mulieribus, unde efficiebantur lascivae. De hoc enim a philosopho reprehenduntur, quod suas mulieres non restringebant a discursibus, quod mulieri est laqueus libidinis, ut de Dina accidit filia Iacob, sicut in Genesi, scribitur, quae oppressa fuit a Sichem, filio regis Emor, quia sine custodia discurrebat per regiones. Unde in Eccli. dicitur : in filia non avertente se firma custodiam, ne, inventa occasione, abutatur se. Ita et de Lacedaemoniis contingebat, quod vivebant voluptuose propter nimiam libertatem. Sed eos excusat Aristoteles propter ipsorum nimia bellorum exercitia, quae habebant Lacedaemonii : unde uxores eorum cogebantur discurrere ad gubernationem familiae; sed si alias sustinuissent ipsorum viri, mala erat politia. Tertium autem, quod Aristoteles disputat de Lacedaemoniorum politia, est circa milites, utrum deberent uxores habere, vel mulieribus coniungi : quia, si hoc est, distrahuntur a pugna. Ex actu enim carnalis delectationis mollescit animus et minus virilis redditur, ut dictum est supra : et sententia est Platonis, ut Theophrastus refert, quod militaribus rebus intentis non expedit nubere. Sed Aristoteles istud reprobat dicto secundo libro, quia bellatores naturaliter sunt proni ad luxuriam. Causa autem assignatur in quodam libello, de problematibus, translato de Graeco in Latinum Frederico imperatori. Sed philosophus ibidem introduxit Hesiodi poetae fabulam, quae Martem cum Venere iunxit : unde si abstineant a mulieribus, prolabuntur in masculos. Et ideo Aristoteles in hoc reprobat Platonis sententiam, quia minus malum est mulieribus carnaliter commisceri, quam in vilia declinare flagitia. Unde Augustinus dicit, quod hoc facit meretrix in mundo, quod sentina in mari, vel cloaca in palatio : tolle cloacam, et replebis foetore palatium : et similiter de sentina : tolle meretrices de mundo, et replebis ipsum sodomia. Propter quam causam idem Augustinus ait in quartodecimo de Civ. Dei, quod terrena civitas usum scortorum licitam turpitudinem fecit. Hoc etiam vitium sodomiticum ipse philosophus, in septimo Ethic., dicit accidere propter vitiosam naturam et perversam consuetudinem : et horum etiam non est convenientiam vel inconvenientiam assignare, cum non sint per se delectabilia humanae naturae : unde medium virtutis ibi esse non potest. Et hoc concordat cum apostolo, ad Rom., qui tales actus ignominiae passiones appellat. Quartum autem, quod Aristoteles reprehendit in Lacedaemoniorum politia, est de inaequali divisione successionum : quia unus civis quasi totam occupabat regionem, ex re videlicet pecuniaria, sicut saepius accidit de foeneratoribus; alii vero cives expoliati fugiunt, et sic remanet politia nuda. Item circa uxores, quia in bonis defuncti uxor ratione dotis duas occupabat partes, sicut accidit in Francia de medietate bonorum; residuum vero distinguebatur, seu distribuebatur haeredibus, et pro suis legatis. Sed quantumcumque toleretur apud Lacedaemonios de aliis civibus diminutio possessionum, quantum tamen ad bellatores sustineri non debet, quia per eos civitas conservatur in sua virtute. Hoc autem Aristoteles accidisse Spartiatis, hoc est Lacedaemoniis, dicit, quia ad nihilum sunt redacti propter dictam causam; cum tamen soliti essent habere decem millia bellatorum, quod non erat modicum apud veteres. Isti autem sunt illi Spartiatae, de quibus agitur in I Mach., qui propter virilitatem animi cum Iudaeis et Romanis specialem habebant amicitiam.

 

Caput 15

 

[90442] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 15 Titulus Reprehendit etiam dictam politiam quantum ad leges filiorum et iudicum, movens quaestionem utrum pauperes sint eligendi ad regimen politicum

[90443] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 15 Est et aliud, quod reprehendit Aristoteles in dicta politia, de generatione videlicet filiorum. Statuerunt enim in sua politia ad provocandum cives, quod zelarent multiplicationem prolis, quod qui tres haberet filios, assumeretur ad dignitatem publicorum negotiorum; et qui quatuor, esset sine vectigali. Hoc autem erat causa depauperandi cives : unde fiebant impotentes ad invadendum hostes, et hoc fuit in eis causa dissensionis, unde regio diminuta est in virtute. Istud autem reprehensibile esse, in ratione fundatur, quia quod quis generet plures, non est virtutis, ex qua quis meretur praeeminentiam, puta ut in bellando pro republica, quod est virtutis fortitudinis, vel in consulendo civitati, quod pertinet ad prudentiam, vel in regendo cives, quod pertinet ad iustitiam, vel in conversando honeste cum eis, quod pertinet ad temperantiam. Sed quod in generando quis mereatur praemium in republica, hoc non est virtutis, quia etiam vilis homo potest habere virtutem generativam meliorem : unde quod in hoc honoretur, non est dignum, quia honor non debetur nisi propter virtutem, ut philosophus dicit in primo Ethicorum. In omnibus igitur actibus politiae inter cives aequa debet esse ponderatio oneris et honoris, praeter quam in praedictis, ut verum sit, quod dixit David, sicut in I Reg. scribitur, recuperatis spoliis de Siceleg, contra Amalecitas : aequa, inquit erit portio euntis ad bellum, et remanentis ad sarcinas. Et quamvis lex Mosaica sterili maledictione imprecetur, ut in Exod. et Deut. est manifestum, et ad multiplicandam generationem plurium uxorum sit facta concessio; hoc non fuit ibi concessum, nisi ad virtutem, referendo ad cultum divinum, sicut Augustinus dicit de Civ. Dei. Aliud autem, quod reprehendit philosophus in Lacedaemoniis, unde ipsorum corrupta fuit politia, circa electionem iudicum est, quia eligebantur pauperes, qui, egestate compulsi, corrumpebantur pecuniis a maioribus, et inde opprimebatur iustitia, et exercebantur tyrannides. Comparatione ergo istius politiae democratiam philosophus magis commendat : quia deficientibus in civitate hominibus virtuosis ad regimen, ex quibus constituitur principatus qui aristocratia vocatur, melius regitur per divites malos, ex quibus constituitur principatus qui appellatur democratia. Non ergo expedit politiae pauperes assumi et cupidos ad iudicandum. Unde narrant historiae, quod duo viri per consules Romanos fuerant electi ad gubernandum Hispaniam, quorum unus nimis pauper, alter nimis erat avarus. Cumque delatio facta fuisset in Capitolio de ipsis, quia de hoc litigabant, Scipio Africanus de neutro consuluit, utrumque corruptorem definiens politiae, sive cuiuscumque regiminis, quia se habent ad civitatem velut sanguisugae ad corpus humanum. Unde in Prov. dicitur : sanguisugae duae sunt filiae, dicentes : affer, affer; quasi ad hoc sit principalis eorum intentio extorquere pecunias. Sed quid dicemus de Fabricio consule, qui pauperrimus fuit ? Ut scribit Valerius maximus. Item de Lucio Valerio ? De quo dictum est supra, qualiter in summa paupertate mortuus est. Ad hoc autem distingui oportet de duplici indigentia, voluntaria scilicet, et necessaria. Voluntariam habuit Christus et sui discipuli; et hanc habuit Fabricius et alius consul Romanus, qui, ut fideliter gubernarent rempublicam, divitias contempserunt. Maluit enim Fabricius divitibus imperare, quam locupletem fieri, ut dictum est supra de ipso. Haec ergo non repellitur a regimine; sed secunda necessaria : quia talis raro, vel numquam bene regit vel consulit, nisi suo appetitui vacuo satis detur. Cuius ratio, et differentia de utraque paupertate haberi potest ex diversitate finis. Finis autem paupertatis voluntariae est bonum honestum, sive bonum virtutis; finis vero necessariae inopiae est bonum utile, ad quod appetitus eius est pronus. Hoc autem est, cuius gratia aliquid agitur, ut philosophus dicit. Quidquid ergo agunt, qui talem habent indigentiam, ad hunc finem deducunt, ut suum impleant ventrem et bursam. Sed qui voluntariam, sicut contemptivi divitiarum, ordinant omnia ad virtutem : et ideo cum gubernant vel regunt cives, semper in eis bonum virtutis intendunt, quod est bonum humanum, ut idem Aristoteles dicit in primo Ethic. Amplius autem : natura nihil frustra operatur, ut dicit philosophus in primo de caelo. Appetitus vero eius qui non habet divitias ex necessitate, et non voluntate, semper tendit ad habendum divitias. Si ergo non consequitur, erit frustra : et ideo natura appetitus ad hoc impellit, sicut refugiens vacuum, quod sustinere non potest. Ergo difficile est vitare, ut non insequatur quocumque modo ad habendum divitias. Periculosum est igitur politiae, sive reipublicae pauperem assumi ad consulatum, sive ad iudicatum, ut philosophus dicit, nisi quando paupertas est placida : quia tunc est resecata cupiditas, quae omnium malorum est radix, ut scribit apostolus. Talis enim indigens ad regimen politiae est optimus, de quo in Ecclesiaste scribitur, quod inventus est vir pauper et sapiens, qui liberavit urbem per sapientiam suam, nulla videlicet cupiditate impeditam.

 

Caput 16

 

[90444] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 16 Titulus Redit adhuc super politiam Lacedaemoniorum quantum ad ipsorum regem, reprobans modum quem tenebant circa ipsum, ostendens inconvenientia quae sequebantur ex hoc

[90445] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 16 Post hoc autem et super Lacedaemoniorum regimen est agendum. Volunt enim historici, ut Iustinus Hispanus, magnus gestorum scriptor, dictam civitatem habuisse regem, et ipse Aristoteles in secundo Politic. hoc affirmat, quod rex esset respectu regionis et provinciae, sicut in urbe contingit. Hoc etiam videmus in multis partibus Europae Occidentalis et borealis, quod regem habent, et qualibet civitas suas leges et politiam, puta Francia, Hispania, Gallia et Germania. Lacedaemonii igitur, qui Spartiatae sive Spartani, regem habuerunt, in quibus catellus regnavit, cuius Lycurgus, ut tradit idem Iustinus, in pupillari aetate curam suscepit, ut in Cretensi politia patebit. Circa quod quidem regimen regis Spartiatarum seu Lacedaemoniorum procedit philosophus in Politic. reprehendens ipsum de multis. Primo, de provisione regis, quia non sustinebant occasione inventa, quod regimen esset perpetuum. Sed nec etiam ad vitam modum rectorum politicorum servare volentes, quod in praeiudicium non modicum videbatur esse regiminis : quia in hoc enervabatur ipsorum potestas, et subditis dabatur occasio resiliendi a legibus observandis; et sic non poterant ipsorum reges facere viros perfectos et virtuosos. Propter quam causam, licet dictus philosophus non faciat mentionem, historiae tamen tradunt Lacedaemonios fuisse gentem indomabilem, nisi quod per dictum Lycurgum fuit morum maturitate ac praeclaris legibus regulata, de quibus infra dicetur. Sequebatur etiam istud inconveniens, quod si quando civitas legatos mitteret, ut ipse philosophus dicit, ad aliquam civitatem, vel provinciam, sive regionem, cum quidam ex eis pugnarent pro rege, quidam autem hostes forent, cognoscebatur ipsorum dissensio : unde minus erant cari, et de sua legatione raro reportabant intentum. Et advertendum, quod quamvis consules in urbe annuales essent, ut dictum est supra, et assignata causa est, sicut et magistratus Athenis; tamen non sic erat faciendum de rege, immo si non sit perpetuus, valde periculosum est civibus. Dictum est enim supra, quod haec est differentia inter regem et rectorem politicum, quod alter, videlicet politicus, solis legibus suae civitatis populum iudicat; regalis vero princeps ultra leges quas invenit, vel ante statuit, opportunis temporibus legibus, quas in pectore defert, utitur pro meliori exitu sui regiminis ac suae gentis salute. Si ergo tales principes ad tempora regnent, contingit ipsos ad iudicandum esse praecipites, sive contra cives, qui de ipso amovendo fuerunt solliciti, sive alicuius rei adipiscendae cupidine, vel ut amicis praestent gratiam, quam, si regnassent, non fuissent facturi. Quantum autem ad primum habemus exemplum illius, qui dixit in Luc., exponendo, ut littera sonat : verumtamen inimicos illos, qui noluerunt me regnare super se, adducite huc, et interficite ante me. Hoc eodem modo, ut historiae tradunt, Herodes occidit multos ex nobilibus Iudaeorum, qui conabantur sibi regnum auferre. Quantum autem ad secundum, exemplum assumi posset de villico iniquitatis in eodem Evangelio : quod extendi potest ad omnem gradum regiminis, quia gerunt vicem dominorum in terra, quod et principes orbis faciunt in respectu Dei. Cum enim timent amoveri ab officio, de aerario publico dominii sui iugiter sibi amicos copulant. Ex quibus omnibus manifestum est, quod maximum est periculum alicui temporali rectori conferre regendi arbitrium in faciendo iustitiam. Sed si dominium est perpetuum, rector curabit de subditis sicut de re propria, ad quam quotidie et continuo sollicitatur quasi ad suas divitias naturales, et ad indeficientem thesaurum. Propter quod sic ipse eos gubernat, sicut pastor gregem, sicut hortulanus plantam, quorum qualiscumque laesio eis efficitur scandalosa.

 

Caput 17

 

[90446] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 17 Titulus Ex eadem causa ponit quaedam in dicta politia Lacedaemoniale reprehensibilia, quae erant materia dissensionis in populo. Reprehensibilia, quae erant materia dissensionis in populo

[90447] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 17 Inerat etiam quaedam consuetudo talibus dominis in politia Lacedaemoniorum ex eadem causa trahens forte originem, quia tales principes de republica non curabant ut in eorum solemnitatibus et ostentationibus primum fierent exactiones in populum : unde gravati pauperes seditionem concitabant, et sic enervabatur politia. Propter quod, ut de publico fieret aerario, philosophus, in secundo Lib. Politic., magis commendat : quam quidem consuetudinem dicit in Creta fuisse, sive legem constitutam. Exactiones enim, sive vectigalia multiplicata in populo, nisi pro urgenti causa, ut puta pro conservatione civitatis vel regionis, ipsam conturbant, et sunt in ea causa dissensionis et litis. Ex hac etiam eadem ratione sequebatur aliud inconveniens, quod navalis princeps distinguebatur ab ipsa, ex qua sequebatur divisio animorum, et per consequens dissensio politiae : quod non accidisset, si fuisset princeps perpetuus, quia quicumque fuisset dux civitatis, fuisset ei subiectus. Facit autem mentionem de navali bello, quia Lacedaemonii multum dominabantur mari. Concluditur etiam ex eodem forte malam esse politiam praedictorum, quia viri militares non assumebantur, qui essent fortes virtute, videlicet fortitudinis, quae est una de principalibus inter quatuor, qua cives exponunt se morti pro republica, sicut regulus apud Poenos; sed habebant dicti milites, sive principes partem virtutis, quam philosophus increpat in sua politica. Distinguit enim Aristoteles in tertio Ethic. duplicem fortitudinem. Quarum alteram hic tangit, quae militaris dicitur, quae solis viribus innititur corporis; et hanc philosophus vocat partem virtutis, sive fortitudinis, quia requiritur interdum in vera fortitudine. Alia est quae gratia reipublicae se exponit, et non cedit, neque fugit periculis excrescentibus, de qua Seneca dicit in libro de Dei providentia : fortissimos, inquit, sibi pares fortuna quaerit. Ignem experitur in Mutio, paupertatem in Fabricio, exilium in Rutilio, tormenta in regulo, venenum in Socrate, mortem in Catone; et de qua etiam dicitur in I Mach., per Mathathiam de filio : Iudas, inquit, fortis viribus a iuventute sua sit vobis princeps, et ipse aget bella populi; pro qua hostibus, gratia reipublicae non cedens, sed pro ea dissolutus corde in caede oppressus occubuit. Prima autem fortitudo est imperfecta, secunda autem perfectissima virtus. Assumere igitur ad bellandum sive principem, sive quemcumque militem, qui non sit fortis secunda fortitudine, non est bonae politiae : quia saepius tales convertuntur in tyrannos, vel periculis cedunt, ut dictum est supra. Item : ex eadem causa, quia videlicet princeps non perpetuus erat, nec ad vitam contingebat, non erant in politia Lacedaemoniorum expensae communes pro bellatoribus; et inde sequebatur quod experti milites non gerebant bella populi propter defectum stipendiorum, quibus respublica providere non poterat; sed exponebantur idiotae, id est inexperti, plebeii videlicet, et amatores pecuniarum : et hoc Aristoteles reprobat in dicto libro, quia saepius erant causa ruinae populi. Haec igitur de politia Lacedaemonica in tantum dicta sufficiant.

 

Caput 18

 

[90448] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 18 Titulus De politia Cretensi, et differentia eius ad Lacedaemonicam, de auctoribus dictae politiae, et de legibus Lycurgi

[90449] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 18 Pertractat etiam dictus Aristoteles in dicto libro de politia Cretensium, quam dicit traditam a Lycurgo, fratre regis Lacedaemoniorum, cui nomen Polybita, patre Catilli, ut Iustinus refert : item a Minoe rege eiusdem insulae, qui fuerunt primi legum inventores in Graecia : ad quas discendas profectus est Pythagoras, ipsasque Cretenses perdocuit, sicut idem tradit Iustinus : de quibus etiam duobus philosophus in praefato libro mentionem facit. Et licet diversae historiae de Lycurgo diversimode loquantur, nos tamen relationi eiusdem Iustini magis insistimus, quia praeclarissimus fuit historiarum scriptor antiquus : et hinc forte contigit Lacedaemonios cum Cretensibus eamdem habuisse politiam; unde philosophus dicit Lacedaemonios in hoc imitari Cretenses, quasi ab ipsis leges habuerint. Licet igitur in multis conveniant, differunt tamen quantum ad convivia et festivitates, quia fiebant de communi aerario apud Cretenses, quod dabatur ab incolis de fructibus, et pecoribus quae offerebantur in sacrificiis in his quae ad deos pertinent : quo modo inventae sunt decimae. Alia differentia erat de mulieribus, quia Lacedaemonii zelabant multiplicationem prolis, Cretenses non tantum. Tertia differentia erat de agricultura, quia terras Lacedaemoniorum colebant servi, terras vero Cretensium colebant incolae, per quos oblationes fiebant iam dictae. Quarta differentia erat, quia apud Cretenses eligebantur consules, sive sapientes, quos bosmoym, id est ornatos senes vocabant, non de omnibus, sed de maioribus, et erant plures numero; sed Lacedaemonii de omnibus, quos ephoros dicebant, id est procuratores reipublicae, sed pauciores : et hoc quidem Aristoteles magis commendat, quod minor erat occasio concitandi turbam. Ratio autem dissensionis apud Cretenses, quia olim habuerunt regem, de quo dictum est supra; sed tempore Aristotelis non habebant nisi ducem, quem dicti sapientes eligebant : unde, quia populus numquam habebat electionem, fomentum erat invidiae, et per consequens odii. Sed Lacedaemonii etsi haberent regem secundum beneplaciti tempus, eligebatur tamen a sapientibus, assumptus de omnibus gradibus civium : et hoc videbatur consonum rationi, ut consensu totius consilii assumpti ad regimen populi fieret rex, ut hodie communiter faciunt civitates Italiae. Sic enim civitatis nomen importat, quae est secundum Augustinum, primo de civitate Dei, hominum multitudo, aliquo societatis vinculo colligata : unde civitas, quasi civium unitas. Cum ergo nomen civitatis omnes cives includat, rationabile quidem videtur ad regimen eius de singulis generibus civium debere requiri, prout exigunt merita singulorum, ac civilis regiminis status. Politia ergo Lacedaemoniorum quam Cretensium in hoc melior videbatur. In multis igitur convenientes dictae regiones, ut philosophus tradit, in aliquibus tamen differebant eo modo quo dictum est supra. Et haec de politia Cretensium sufficiant quantum ad sententiam Aristotelis. Sed quia de Lycurgo mentionem facit, quod historia de suis legibus narrat congruum videtur hic interserere. Tradit enim Iustinus, hunc Lacedaemoniis et Cretensibus scripsisse canones, ad quos observandos sub iuramento Lacedaemonios obligavit usque ad reditum suae peregrinationis, quam ad templum Apollinis simulabat, ibidem consulturus de ipsorum salute. Dictus ergo legislator in Cretam se transtulit, ibique moriens, suasque leges eisdem tradens, ossa sua in mari iactari praecepit, ut suis iuribus daret aeternitatem, quibus ipse primum documentum operis dedit. Leges igitur quas tradidit sub compendio idem Iustinus refert. Primo quidem auri argentique materiam sustulit populo. Legendi senatum, vel creandi quos vellet magistratus potestatem permisit. Fundos omnium aequaliter inter eos divisit, ut aequata patrimonia neminem potentiorem altero redderent. Convivari omnes publice iussit, ne cuiusquam divitiae, vel luxuria in occulto essent. Iuvenibus vero non amplius una veste toto anno vestiri permisit, nec aliquem cultius quam alterum progredi, nec epulari opulentius. Emi singula non pecunia, sed compensatione mercium iussit. Pueros puberes non in forum, sed in agrum duci mandavit, ut primos annos non in luxuria, sed in opere agerent et labore, nihil eos causa somni sustinere, vitam sine pulmento degere : neque prius in urbem redire quam viri facti forent, iussit. Virgines sine dote nubere voluit, ut uxores non pecuniae causa eligerentur, strictiusque viri sua matrimonia coercerent, cum nullis fraenis dotis tenerentur. Maximum honorem non divitum et potentum, sed senum esse statuit; nec usquam terrarum locum honoratiorem quam senectuti statuit. Haec igitur sunt leges politiae Lycurgi, de quibus philosophus mentionem non facit, et de quibus disputare quales sint, longus esset sermo, et ideo omittitur ad praesens; non tamen contradicunt his quae a philosopho dicta sunt de ipso.

 

Caput 19

 

[90450] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 19 Titulus De politia Chalcedoniorum, qualiter famosa fuerit : et in quo conveniebant Lacedaemonii et Cretenses cum ipsis, et in quo differebant

[90451] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 19 Sed et de politia Chalcedoniensi nunc est agendum, quam Aristoteles multum commendat, dicens istas tres politias Lacedaemoniorum, Cretensium et Chalcedoniorum apud Graecos magis fuisse famosas, quia magis ordinatae fuerunt secundum virtutem. Est autem Chalcedonia civitas in Thracia sita, ubi celebratum fuit Concilium quartum sexcentorum triginta episcoporum sub Leone I, praesente Marciano principe, quod non fuit sine magna copia regionis facultatem habere ad provisionem tantae multitudinis praelatorum. Huius ergo politiam Aristoteles in secundo Politic. praefert caeteris, quamvis praecedentes duae eidem plurimum sunt propinquae : cuius quidem perfectionis et bonitatis Aristoteles tria signa subiungit. Unum, quia officiales eiusdem vivebant ordinate, et sua tranquille exequebantur officia cum quadam stabilitate morum. Secundum vero, quod inter eos in ministerio reipublicae satis videbatur esse concordia, nec umquam est ibi concitata seditio talis, unde dignum esset in Scripturis, vel quocumque modo de ipsa facere mentionem. Tertium autem argumentum suae bonitatis sumit philosophus ex quieto dominio. Nunquam enim inter eos surrexit sive dominus, sive nobilis, sive cuiuscumque potentiae, qui ibidem tyrannidem exerceret. Subiungit autem Aristoteles communitatem quam habebant Lacedaemonii cum Chalcedoniis, sed Chalcedonii excellentiori modo. Primo quidem in conviviis et festis, quae fiebant in demonstrationibus honorabilium personarum, quae faciebant utrique per contributionem; sed Chalcedonii honestiori modo, quia sine oppressione pauperum. Secundum autem in quo conveniebant, erat electio seniorum et regis; sed in hoc differebant, quia Lacedaemonii assumebant quoscumque de populo, quos ephoros vocabant, et erant pauci, ad quos pertinebat electio regis; sed Chalcedonii plures eligebant et ex melioribus, quos et Aristoteles principes appellabat, et erant in Chalcedonia centum quatuor; quos ideo principes nominat propter virtutem sui regiminis, in quo nemo melius principatur. Istos eosdem philosophus genisios, id est honoratos, nuncupat : quorum officium erat et assistere regi, et ipsum eligere. Item in hoc differebant a Lacedaemoniis, quia non eligebant de quocumque genere, nec ex indifferentibus, sed ex eligibilioribus secundum virtutem : cuius rei causam assignat Aristoteles, quia de vili loco assumpti ad principatum, ut pluries laedunt politiam, et laeserunt aliquando Chalcedoniam, iuxta illud poetae : asperius nihil est humili cum surgit in altum. Unde et in Eccle. scribitur, quasi hoc sit in magnum detrimentum regiminis : est, inquit, malum, quod vidi sub sole, et quasi per errorem egrediens a facie principis, positum stultum in dignitate sublimi, et divites sedere deorsum. Vidi servos in equis, et principes ambulare quasi servos super terram. Item : non semper eligebant de eodem genere, quia natura deficit saepius in successu suae prolis; sed assumebant Chalcedonii ubicumque reperirent meliorem, sive principem, sive genisios, id est honoratos senes, et in hoc imitabantur politiam aristocraticam, quae est principatus ex paucioribus et virtuosis : quod quidem verum erat apud Chalcedonios, quia rex cum aliquibus hominibus honoratis et virtuosis tractabat quae agenda erant in civitate, non requisito populi consensu, ut de Romanis scribitur in I Mach., quod consilium agebant trecentum viginti de multitudine, ut quae digna sunt gerant. Quamvis autem istud rex posset cum praedictis honoratis, interdum tamen requirebat populum de quibusdam agendis, et licitum erat populo consentire, vel non, ita ut locum non haberet, nisi fuisset acceptum, postquam fuisset propositum populo; et tunc reducebatur status politiae ad principatum democraticum, quia haec fiebant in favorem gentis plebeiae. Aliquando vero committebatur aliquid paucis, et tunc principatus oligarchicus vocabatur. Eligebantur enim quinque ex divitibus, quos Aristoteles pentacontarchos appellat, ad quos pertinebat illos centum quatuor assumere honoratos, sive genisios : et fuit proprium politiae Chalcedoniorum : quem modum hodie observant civitates Italiae et praecipue Tusciae. Hic etiam ritus servatus fuit in urbe toto tempore quo consulatus duravit. Primo enim creati sunt consules, qui erant duo, postea dictator et magister equitum, ut historiae tradunt, ad quos pertinebat totum civile regimen; et sic principatu aristocratico regebatur. Ulterius inventi sunt tribuni in favorem plebis et populi, sine quibus consules et alii praedicti regimen exercere non poterant; et sic adiunctus est democraticus principatus. Processu vero temporis senatores acceperunt regendi potestatem, licet senatores primo a Romulo sint inventi. Divisit enim totam civitatem in tres parte, in senatores, milites et plebem : et tunc existentibus regibus, in urbe tenebant locum senum, qui erant in Lacedaemonia, qui ephoroi dicebantur, sive in Creta, quos bosmoym appellabant, sive in Chalcedonia, quos nominabant genisios, ut supra dictum est. Et quia senatores cum primis erant in multitudine, ideo tunc principatus Romanorum politicus dicebatur. Quando vero corrumpebatur politia per potentiam aliquorum, puta tempore quo exorta sunt bella civilia, tunc regebatur oligarchico principatu. Haec pro tanto sunt dicta ad ostendendum regimen Graecorum multum concordare cum nostro etiam tempore Aristotelis.

 

Caput 20

 

[90452] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 20 Titulus Quomodo Aristoteles tradit in politia Chalcedoniorum documentum de electione principis, utrum dives vel pauper sit eligendus, et qualiter pauper virtuosus sustentari debeat; et utrum uni principi competant plura dominia

[90453] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 20 Tradit etiam documentum idem philosophus in dicta politia Chalcedoniorum quantum ad electionem, ut non arte, vel fortialiter eligant, sed virtuosos : quia contingit aliquando talem sortem super pauperem cadere, cuius principatus est periculosus : quia, ut ipse dicit, et supra est ostensum, impossibile est egentem bene principari, ac legitime negotiis publicis posse vacare. Propter necessitatem enim inhiat lucris, et resilit a virtute, nec sibi ipsi vacare potest, ut quiescat animus, seu, ut dicit Salustius de antiquis Romanis : sit animus in consulendo liber. Tradit etiam documentum philosophus, quod et Chalcedoniae dicit contigisse in sua politia, ut si quando reperiretur pauper qui foret virtuosus, ad tollendam occasionem ne se lucris immergat illicitis, ut respublica ei provideat in necessariis : unde et in omni regimine sunt instituta stipendia sive de aerario publico, ut Augustinus dicit de verbis domini, ne forte dum sumptus quaeritur, praedo grassetur, sive de bonis cuiuslibet sub regimine constituti, ut sunt tributa et vectigalia, quae dominis debentur quodam iure naturae, sicut probat apostolus ad Rom. : ideo, inquit, tributa praestatis : ministri enim Dei sunt, in hoc ipsum servientes. Item, in I ad Cor. : quis, inquit, militat stipendiis suis umquam ? Quis pascit gregem et de lacte eius non manducat ? Sed tunc movetur quaestio, quam Aristoteles tangit in dicta politica : utrum ad principatum semper dives eligi debeat : quia in hoc datur materia, ut homines sint amativi pecuniarum quocumque modo, eo quod natura humana semper est appetitiva honoris, ut scribit maximus Valerius. Ad quod ipse philosophus multa dicit comparans oligarchiam ad aristocratiam : quia secundum primum principatum eligitur dives, iuxta secundum semper assumitur virtuosus. Sive ergo pauper, sive dives, dummodo vivat secundum virtutem, assumendus est in vera politia. Sed minus periculum est de divite, quia instrumenta sibi adsunt humanae vitae, per quae honeste suum potest officium exequi, salva tamen iustitia subditorum. Multa alia scribit philosophus de politia Chalcedoniensi, comparans ad invicem principatus : duo tamen concludit reprehensibilia de ipsis Chalcedoniensibus. Unum, quod sustinebant principem plures principatus habere, quod Aristoteles reprobat, ostendens multo melius esse, vel dignius plures esse, vel convenire ad unum principatum, quam quod unus habeat plures. Ratio autem huius ex verbis philosophi haberi potest ibidem, quia in diversis principatibus actus unius per alium impeditur : unde dat istud principium, ex quo argumentum assumitur, quod ab uno unum opus optime perficitur, cuius rei gratia duo ponit exempla. Unum de fistulizantibus, sive cytharizantibus et choreariis, quia in opere sibi contrariantur, et in instrumentis. Fistula enim, sive cythara requirit hominem intelligentem in melodiis, et manus agiles et subtiles. Sed chorearius nihil horum requirit, quia sufficit homo etiam rusticanus cum manibus crabrosis. Ita et de diversis contingit dominis quod contrariantur sibi invicem, sicut fistulans choreario. Aliud exemplum introducit de nautico bello et campali : quia non est conveniens ut utrobique sit unus rector, cum non habeant similes actiones. Alius est enim modus pugnandi in campo, et alius in aquis, et alia instrumenta requirit campale bellum, et alia navale, et per consequens alias actiones. Unde concluditur, inconveniens esse unum dominum habere plura dominia, et ea bene posse gubernare propter contrarias actiones et instrumenta. Amplius autem : et virtus est debilis in agente, quia vix homo sufficit ad sui regimen. Durum est enim ut qui nescit tenere moderamina vitae suae, iudex fiat alienae, ut Gregorius ait. Multo ergo difficilius est habere multa regimina propter causas iam dictas.

 

Caput 21

 

[90454] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 21 Titulus De politia Pythagorae, quam didicit a praedictis philosophis Minoe et Lycurgo, et quomodo totus suus conatus ad hoc fuit, assuefacere scilicet homines ad virtutes

[90455] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 21 Praeter dictas autem politias, quas philosophus tangit in sua politica, invenitur una philosophica, de qua Aristoteles mentionem non facit, videlicet Pythagorae, qui ipsum praecessit per duas hominum aetates, a quo nomen philosophi exordium habuit, ut scribit maximus Valerius. Non est enim ausus se nominare sapientem, neque se in numero septem sapientum computare, qui ipsum praecesserant; sed se philosophum appellavit, id est sapientiae amatorem. Hic, ut tradit Iustinus Hispanus, cum peragrasset Aegyptum ad perdiscendos siderum motus originemque mundi, inde regressus, Cretam et Lacedaemoniam profectus est ad cognoscendum leges Minois et Lycurgi, de quibus suam fundavit politiam. Sed praeter leges iam dictas, idem Iustinus hoc de ipso scribit, quod Crotonam veniens : populum in luxuriam lapsum sua auctoritate ad usum frugalitatis revocavit. Laudabat quotidie virtutem, et vitia reprimebat, casumque civitatum hac peste perditarum enumerabat. Tantum quoque studium ad frugalitatem perdiscendam multitudini persuasit, ut aliquos ex eis luxuriatos fuisse incredibile videretur. Tradit etiam Tullius de ipso, quod quibusdam harmoniis vitia in hominibus extinguebat luxuriae. Unde dicit, quod Tauromitanum iuvenem quemdam libidine flagrantem, cum audivisset Pythagoras ad ostium amicae meretricis insanire, iussit Psalterium spondaeum canere, et sic eum ad sanam mentem revocavit. Matronarum quoque separatarum a viris doctrinam, et puerorum a parentibus frequenter habuit, ut de ingressu religionis frequenter contingit ex ignito sermone praedicationis, vel ex virtuosa operatione et excellenti vita doctoris. Docebat autem nunc hos pudicitiam, nunc illos modestiam, litterarumque studium. Ut matronae aureatas vestes caeteraque dignitatis suae ornamenta deponerent, velut quaedam luxuriae instrumenta, omniaque in Iunonis aedem deferrent, eidemque consecrarent suadebat, asserens matronarum vera ornamenta pudicitiam fore. Hic autem cum annos viginti esset Crotonae, Metapontum se transtulit, ibidemque decessit : cuius tanta fuit admiratio, ut de eius domo templum facerent, ipsumque pro Deo colerent. Scribit etiam Hieronymus de ipso, contra Iovinianum, quod filiam habuit tantae pudicitiae, ut virginitatem servans, choro simul virginum iam praeesset, easque castitatis instruxit doctrina. Per quod apparet quod in sua politia ad hoc tota sua ferebatur intentio, suusque conatus, ut homines traheret ad vivendum secundum virtutem, quod et Aristoteles in politica docet : quin etiam omnis vera politia corrumpitur, si ab hoc fine declinetur.

 

Caput 22

 

[90456] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 22 Titulus De documentis Pythagoricis sub figuris et aenigmatibus traditis, et de duobus Pythagoricis fidelissimis amicis

[90457] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 22 Tradit etiam Hieronymus ubi supra quasdam leges Pythagoricas ob conservationem suae politiae sub quibusdam paradigmis et parabolis more antiquorum traditas : fugienda, inquit, sunt modis omnibus et abscindenda, languor quidem a corpore, imperitia ab animo, luxuria a ventre, a civitate seditio, a domo discordia, et in commune a cunctis rebus intemperantia. Pythagoricorum etiam sunt ista : amicorum omnia esse communia, et amicum se alterum esse : in quo maxime fuit eorum conatus. Unde narrat maximus Valerius de duobus Pythagoricis, seu Pythagorae discipulis, Damone et Pythia, quod tam fidelem inter se iunxerunt amicitiam, quod cum alterum eorum Dionysius tyrannus morti adiudicasset, et is tempus ab eo impetrasset, ut, priusquam periret, profectus domum res domesticas ordinaret, alter vadem pro altero se tyranno dare non dubitavit. Appropinquante autem diffinita die, nec illo redeunte, cum unusquisque tam temerarium sponsorem stultitiae damnasset, is nihil se amici constantiam metuere praedicabat. Eodem itaque momento, eademque hora per Dionysium constituta, qui eam acceperat, supervenit. Admiratus tyrannus amborum animum, supplicium remisit, eorumque fidei se coniungi desiderans, eos, ut ipsum in societate suae amicitiae reciperent, rogavit. Scribit etiam Hieronymus alia documenta, seu leges, quas Pythagoras in sua tradidit politia : duorum videlicet temporum maxime curam habere, mane videlicet et vespere, id est eorum quae acturi sumus, et eorum quae gessimus. Post Deum veritatem colendam, quae sola homines proximos Deo facit. Refert etiam Hieronymus super Ecclesiast. Pythagoricam fuisse doctrinam, ut homines scholastici usque post quinquennium taceant, postea vero eruditi loquantur. Item : alia documenta et leges de ipso reperiuntur sub aenigmatibus tradita, quae Hieronymus narrat, contra Iovinianum : stateram, inquit, ne transilies; id est ne praetergrediaris iustitiam. Ignem gladio ne foveas, id est, iratum et tumidum animum verbis maledicis ne lacessas. Coronam minime carpendam, id est leges urbium observandas. Cor non comedendum, id est moerorem de animo expellendum. Per viam publicam ne ambules; id est, ne multorum sequaris errores. Hirundinem in domo non habeas, id est garrulos et verbosos in tua societate non suscipias : et multa alia documenta, vel his similia leges, quae in sua politia praedictus philosophus tradidit, magis ordinata ad regimen animae, quam corporis; qua regulata, corporalia facilius disponuntur. Et haec ad praesens de diversorum politiis, dicta sufficiant. Nunc vero de vera vita politica, sive per philosophum tradita, sive per alios sapientes, in sequentibus est agendum.

 

Caput 23

 

[90458] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 23 Titulus In quo consistat perfecta politia, ex qua accipitur felicitas politica : scilicet quando partes politiae sunt bene dispositae, et sibi ad invicem correspondent

[90459] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 23 Quia vero cum de politia agitur, ad civitatem refertur, modus agendi de ipsa ex qualitate civitatis dependet. Civitas autem, ut Augustinus dicit in primo de Civ. Dei, est hominum multitudo aliquo societatis vinculo colligata, quae vera virtute beata redditur. Haec autem definitio a sententia philosophi non discordat, qui in perfecto politiae regimine felicitatem ponit politicam, ut ex primo Ethic. patet. Virtus enim, qua rector politicus civitatem gubernat, architecta est respectu cuiuslibet aliarum virtutum, quae sunt in civibus : quia caeterae virtutes civiles ordinantur ad istam, sicut ad militarem equestris et sagittaria. Et ideo in operatione eius, cum sit virtus suprema, consistit felicitas politica, ut philosophus videtur velle in commemorato iam libro. Sic enim de vera et perfecta politia contingit, quemadmodum de corpore bene disposito, in quo vires organicae sunt in perfecto vigore. Et si virtus suprema quae est ratio, caeteras dirigat inferiores potentias, et ad suum moveantur imperium, tunc insurgit quaedam suavitas et perfecta delectatio virium in alterutrum, quam harmoniam vocamus : unde Augustinus dicit in tertio de Civ. Dei, quod respublica sive civitas bene disposita melodiae vocibus comparatur, in qua diversis sonis proportionatis ad invicem, fit cantus suavis et delectabilis auribus : quae proprie fuit in statu innocentiae regulata ex virtute originalis iustitiae praeter actum divinae cognitionis : unde causabatur contemplativa felicitas, et etiam modo secundum quamdam participatam virtutem in viris perfectis, ut nihil velint nisi quod regula mandat rationis, et quod Deo placet. Et ex hac quidem ratione motus fuit philosophus, assimilare rempublicam seu politiam naturali et organico corpori, in quo sunt motus dependentes ex uno movente, sive ex duobus, ut sunt cor et cerebrum; et tamen in qualibet parte corporis est operatio propria primis motibus correspondens et in alterutrum subministrans : unde hoc corpus divini muneris beneficio animari asserit, et quod summae aequitatis, nutu Dei agitur moderamine rationis : quod et apostolus confirmat in I ad Cor., ostendens totam Ecclesiam esse unum corpus distinctum in partibus, sed unitum vinculo charitatis. Ad veram igitur civilitatem sive politiam requiritur, ut membra sint conformia capiti et ad invicem non discordent, et sint omnia sic disposita in civitate, ut iam est dictum. Amplius autem : in causis et causatis, et moventibus et motis, ita videmus, quod est debita proportio ipsorum ad invicem quantum ad influentiam : quia inferiora moventur secundum superiorem motum, et superiora movent quantum est inferiori conveniens, cum natura non deficiat in necessariis. Si igitur talis est ordo superiorum ad inferiora, et e converso in qualibet natura creata, multo magis esse debet in natura intellectuali, quanto perfectior est inter entia. Si ergo talis dispositio suavitatem facit contemplando, multo magis operando. Et hinc Pythagorici moti fuerunt in caelestibus corporibus ponere melodiam, ut philosophus dicit in secundo de caelo, propter ordinatos motus quos habent, et indeficibiles, unde insurgit summa suavitas : et quia ipsa fore dicebant animata, ex hac parte eisdem dabant felicitatem. Ergo sic politice vivere perfectam et felicem vitam facit. Praeterea : ordo est parium dispariumque rerum, sua cuique tribuens dispositio, ut Augustinus dicit, duodevigesimo de Civ. Dei : per quam definitionem habemus diversum gradum in politia, tam in executionem officiorum, quam in subiectione, sive obedientia subditorum : unde tunc est perfecta socialis congregatio, quando quilibet in suo statu debitam habet dispositionem et operationem. Sicut enim aedificium est stabile, quando partes eius sunt bene sitae, sic de politia contingit, quod firmitatem habet et perpetuitatem, quando quilibet in suo gradu, sive rector, sive officialis, sive subditus debite operatur, ut suae conditionis requirit actio. Et quia ibi nulla est repugnantia, consequenter ibi erit summa suavitas et perpetua firmitas status : et hoc est proprium felicitatis politicae, ut philosophus tradit. Hos autem tales rectores civitatis, sive politiae pro conservando in pace populo, describit nobis in Exod., Iethro cognatus Moysi : provide, inquit, de plebe viros potentes, in quibus sit veritas, et qui oderint avaritiam, et constitue ex eis tribunos, et centuriones, et quinquagenarios, et decanos, qui iudicent populum omni tempore. Et postea subdit : si hoc feceris, implebis imperium domini, et praecepta eius poteris sustinere, et omnis hic populus revertetur in pace ad loca sua : quasi omnia subsistant in quadam suavitate mentis, et pace temporis, ex quibus insurgit felicitas hominis, si tales sint gubernatores reipublicae quales hic ordinantur. Tales et Salustius dicit fuisse rectores Romanos : unde respublica ex parva facta est magna, quia in eis fuit domi industria, foris iustum imperium, animus in consulendo liber, neque libidini neque delicto obnoxius : in quibus tales actus virtuosi regiminis nobis traduntur, unde perfecta et felix ostenditur politia.

 

Caput 24

 

[90460] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 24 Titulus Dividit politiam tripliciter, et unamquamque partem prosequitur, et primo qualiter in partes distinguitur integrales secundum opinionem Socratis et Platonis

[90461] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 24 Nunc igitur de his in specie est agendum, in quae, sive in quas partes, civilitas, sive politia dividitur. Quas quidem oportet accipere vel respectu totius civilitatis, cui partes integrales respondent; vel respectu sui regiminis, aut ut ad negotia ordinatur bellica : quia secundum hanc divisionem diversa sortiuntur vocabula a diversis historiarum scriptoribus et auctoribus legum. Quantum autem ad primum modum tradendi divisionem, accipere possumus superius tactam, quae est Socratis et Platonis, qui totam politiam in quinque colligebant partes : in rectores scilicet, consiliarios, bellatores, artifices et agricolas. Aliam autem, quae est Romuli primi principis urbis Romae : qui, ut historiae referunt, divisit multitudinem sui populi in tres partes, videlicet senatores, milites et plebem. Politia vero Hippodomi per tria genera hominum dicebatur et ipsa constitui, per bellatores, artifices et agricolas, ut supra est traditum. Harum autem quaelibet sustineri potest, et rationem habet. Prima enim, quae quinque hominum genera comprehendit, satis videtur conveniens. Si enim vires animae consideremus, quarum respectu nostra attenditur indigentia, unde accipitur constituendi civitatem necessitas, manifestum est dictam divisionem esse sufficientem. Patitur enim homo indigentiam respectu partis intellectivae, ut possit vivere secundum virtutem, propter quod est sibi provisa directio in agendis : ad quod ordinatur consiliativa, quae ponitur a philosopho inter intellectuales virtutes. Unde in Eccli. scribitur : fili, inquit, sine consilio nihil facias, et post factum non poenitebis. Et ideo in republica, sive in politia consiliarii sunt optima pars eius : propter quod a Plutarcho comparantur oculo, qui inter partes corporis est nobilior. Indiget etiam refraenativa concupiscentiae, sive affectivae, quae inordinata est, ut ipse philosophus tradit, unde ipsas aegritudines in septimo Ethic. appellat : et inde necessarii sunt rectores ad corrigendum hominum malitiam; propter quod et apostolus dicit, quod non sine causa gladium portat, vindex in iram ei qui male fecit. Ex qua ratione institutae sunt leges per principes et rectores, ut per philosophum patet, et ipse apostolus in epistola ad Gal. : lex, inquit, propter transgressores posita est; et iterum : iusto non est lex posita. Sunt etiam et aliae indigentiae humanae vitae, quae respondent aliis potentiis animae, ut est tegumentum, ornamentum et nutrimentum. Duo quidem prima indigentiam supplent partis sensitivae hominis; quod artificum est officium sive in aedificiis, sive in vestimentis, sive calceamentis, sive quibuscumque aliis artificialibus rebus, quae aspectum, vel auditum, vel odoratum, sive tactum delectant, vel eisdem conferunt supplementum. Sed ad indigentiam supplendam humanae vitae quantum ad nutrimentum, quod respondet parti vegetativae, ordinantur agricolae sive in pane, sive in vino, sive in fructibus, sive in gregibus, sive in armentis, sive in volatilibus, quae omnia de iure ad civitatem per agricolas deferuntur et transportantur. Bellatores autem congrua sunt pars politiae, ordinata quidem contra impulsores aliarum partium, et ad ipsarum munimen. Ad hoc enim constituitur miles in civitate, ut se pro sua patria contra hostes opponat : unde ad hoc iuramento astringuntur cum ad gradum militarem ascendunt, pro republica non recusantes mortem, ut in Policrato traditur, ubi de sacramento militis agitur. Est ergo bellator in republica necessarius, et pars praecipua politiae : quia eius officium est assistere principi pro exequenda iustitia, ut dicitur in commemorato libro, et fideliter et constanter contra hostes pugnare pro conservanda patria : et sic non solum parti politiae, sed toti, militaris gradus in republica singulariter est fructuosus. Ex quibus omnibus manifeste patet sufficientia politiae Socratis et Platonis quantum ad partes eius.

 

Caput 25

 

[90462] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 25 Titulus Ostendit sufficientiam partium integralium politiae quas Hippodomus tradit et Romulus

[90463] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 25 Sed et de duobus aliis modis iam dictis adhuc divisio tolerari potest : quia comprehenduntur cum prima, cuius sufficientia est iam ostensa. Et quidem in divisione Romuli cum de senatoribus agitur, rectores accipimus politicos et sapientes eis adiunctos, sive assessores, sive quoscumque alios iurisperitos. Plus enim principes politici sunt consiliativi quam regales vel imperiales; sicut et de Romanis scribitur, I Mach., quod consulebant quotidie trecentos viginti de multitudine, ut quae digna sunt gerant. Cuius ratio esse potest, quia regimen politicum solis roboratur legibus, ut dictum est supra; regale vero, sive imperiale, etsi legibus gubernetur, in casibus tamen opportunis, ac gerendis quibuscumque negotiis regimen consistit in arbitrio principis : quia pro lege habetur quod principi placuerit, ut iura definiunt. Concludendum est igitur, in dominio politico consiliarios maxime fere necessarios, quos in nomine senatorum includimus : unde Isidorus dicit in secundo Etymolog., quod senator a consulendo et tractando est dictus, qui sic se habet ut consulat, et nulli noceat; unde et Augustinus, de Civ. Dei, senes inter senatores connumerat. Comprehendimus etiam in nomine senatoris rectores, sicut idem Isidorus tradit in praenominato iam libro ex verbis Salustii dicentis, quod senatores patres vocati sunt propter diligentem curam regiminis. Nam sicut patres filios, ita illi rempublicam gubernabant. Patet igitur quod in nomine senatorum, quos Romulus distinxit a militibus et plebeiis, etiam rectores et consiliarios comprehendit, quos Socrates et Plato in sua Politic. posuerunt distinctos. Sed in nomine plebis artifices et agricolas accipere possumus, quia utrumque genus de gente plebeia accipitur. Et apparet, quod divisio multitudinis in civitate per praefatos philosophos a divisione quam fecit Romulus non discordat. De distinctione tamen Hippodomi iam praefati videtur esse dubium : quia nulla fit ibidem mentio de consiliariis et rectoribus, nec ad partes reduci valent per dictum philosophum assignatas, cum actus et naturae ipsarum penitus sint diversa. Sed si attendimus ad ea quae ad civilitatem eius sunt tradita quaestio facilius solvitur. Pertractat enim de iudicibus et assessoribus, ubi circa ipsos suam ponit distinctionem, et nos ex ea possumus accipere consiliarios et rectores : de quibus pro tanto mentionem non facit cum de partibus agit politiae, eo quod illas partes solum assumit, quae ad indigentiam referuntur corporalis vitae : unde et sua positio quantum ad substantiam a prima, videlicet Socratis et Platonis, non videtur differre. Haec igitur de partibus politiae, ex quibus constituitur, dicta sufficiant. Unum tamen de eis adhuc considerandum videtur, de bellatoribus videlicet, quia omnes politiae de ista parte faciunt mentionem; cuius quidem rationem habere possumus a Vegetio, de arte militari, in fine primi libri, quia omnes regiones et civitates per bellatores in suo sunt conservatae vigore, et quod respublica diminuta est per dissuetudinem bellandi in urbe, post primum bellum Punicum per annos viginti in pace vitam deducens; unde Romanos ubique victores sic enervavit, ut in secundo bello Punico Hannibali pares esse non possent. Tot itaque consulibus, tot exercitibus amissis, tunc demum ad victoriam pervenerunt, cum exercitium militare condiscere potuerunt, et postea concludit : semper ergo legendi exercitandique sunt iuniores. Utilius enim constat suos erudire armis, quam alienos mercede conducere. Necessarii igitur sunt bellatores omni tempore in republica, tum pro pace civium conservanda, tum pro incursu hostium evitando : quorum considerato fructu in republica amplior eis inter cives confertur honor, tanquam magis necessariis ad conservationem politiae, et propter periculum cui se pro ipsa debent exponere. Propter quod eisdem solis dabatur victoriosis corona. Hinc est quod in Policrato assimilantur manui, quae secundum Aristotelem in secundo de anima est organum organorum. Iura etiam ipsos milites ampliori decorant privilegio inter omnes civiles sive in testamentis, sive in donationibus, seu in quibuscumque negotiis, sed praecipue dum sunt in castris, ac suum exercent officium.

 

Caput 26

 

[90464] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 26 Titulus Agit ulterius de aliis partibus politiae respectu regiminis, ubi verba exponuntur diversorum officialium

[90465] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 26 De partibus autem politiae respectu regiminis, quia Romana respublica magis ordinem praecipuum tenuit, et post Tarquinium expulsum a regno gradus officialium ponitur ab historiarum scriptoribus, de ipsis specialiter tanquam aliorum exemplaribus est agendum. Narrant enim primo, consules institutos, brutum videlicet, qui maxime egerat ut expelleretur Tarquinius, et Tarquinium Collatinum maritum Lucretiae : sic dicti vel a consulendo civibus, vel a regendo cuncta consilio; quos mutandos ideo elegerunt per singulos annos, ut dictum est supra, ut nec insolens diu maneret, et moderatior cito succurreret. Propter hoc autem duo pares erant, quia unus rem civilem, alter vero rei militaris curam gerebat. Processu autem temporis, id est quinto ab eiectis regibus anno, inventa est dictatura, occasione habita alicuius novitatis in urbe. Dum enim gener Tarquinii ad vindicandum regis iniuriam magnum congregasset exercitum contra civitatem, ad confortationem gentis nova instituta est dignitas, quam dictaturam appellarunt, maior potestate ac imperio consulatu. Item, tempore excellentior, quia de quinto in quintum annum ipsorum expirabat officium, consulatus autem per annum. Hi dictatores magistri a populo vocabantur, quam dignitatem ferunt historiae habuisse Iulium. Eodem etiam anno tradunt magistrum equitum institutum, qui dictatori obsequebatur. Dictator autem primus, ut scribit Eutropius fuit Lartius, sed magister equitum spurius Cassius. Sexto autem anno, quia consules nimis gravabant plebem, a populo instituti fuerunt tribuni, sic dicti, ut tradit Isidorus Lib. nono Etymolog., eo quod iura populo tribuant : quem locum in civitatibus Italiae tenent antiani, ordinati ad defensionem gentis plebeiae. Sed advertendum hic, quod senatores semper fuerunt ex quo sunt a Romulo instituti : unde tradunt historiae, quod quia consules cum senatoribus populo erant infesti, inventi fuerunt tribuni in favorem plebis. Sunt autem et alia nomina officialium urbis, de quibus historiae faciunt mentionem, sed praecipue Isidorus libro nono Etymol, videlicet censores, patritii, praefecti, praetores, patres conscripti, proconsules, exconsules, censorini, decuriones, magistratus et tabelliones, de quibus omnibus sub compendio est dicendum. Censoria autem dignitas apud veteres Romanos erat, quae apud modernos est dignitas iudicialis : censere enim iudicis est. Dicuntur etiam censores patrimoniorum, ut tradit idem Isidorus, a censu aeris appellati, quod est officium specialis curae in civitate, sive in tutoribus dandis, sive auctoribus, sive curatoribus, vel quibuscumque causis et negotiis pupillorum et viduarum, vel etiam rebus patrimonialibus dividendis. Sed patritii ideo dicuntur, quia sicut patres filiis, sic illi cives Romanae reipublicae curam gerebant, qualis fuit domus Fabia, de qua dictum est supra. Patritiatus igitur non erat officium in republica, sed quaedam paterna reverentia populi ad aliquam progeniem civitatis pro zelo politiae Romanae quem gerebant : unde et iura gentium patritiatum omni eminentiae, sive principatui praeferunt, sicut pater omni curae tutoriae. Praefecti autem dicti sunt, eo quod praetoria potestate praesint, unde et praetores idem quod praefecti dicuntur. Importat enim tale officium omnimodam factionem quasi praecipuus sit operator et executor iustitiae. Scriptura tamen sacra ad exteriores refert actiones, ut in principio Exodi scribitur, quod praecepit Pharao praefectis operum et exactoribus populi, dicens : nequaquam ultra dabitis populo paleas ad conficiendos lateres. Hi autem et praetores vocabantur ex prosecutione iustitiae. Patres autem conscripti appellabantur senatores ratione officii. Ut enim refert Isidorus, cum Romulus ipsos instituit in decem curias, ipsos eosdem elegit, et nomina eorum praesenti populo in tabulas aureas contulit, atque inde nominati sunt patres conscripti, quos etiam in tres ordines distinxit. Primi vocabantur illustres, secundi spectabiles, tertii autem clarissimi : quorum verba exponere longum esset. Proconsules autem dicti sunt coadiutores consulum quasi proiecti, sive adiecti consulibus; nec consulatu fungebantur simpliciter, sicut nec procurator curatoris sive actoris; vel proconsul dicebatur assessor, qui vide consulum iudicabat. Exconsul vero dicebatur consul amotus ab officio, peracto vicis suae anno, unde exconsul quasi extra consulatum existens. Habebat tamen aliqua fastigia sui consulatus sive alicuius immunitatis, sive alicuiuscumque signi eminentiae, per quod cognoscebatur fuisse consul. Censorini autem minores iudices dicebantur, ad actus censoriae curiae vel regiminis deputati, de qua dictum est supra, quasi inferiores censores. Sed decuriones ad omnem actum curialis officii : sic dicti, ut dicit Isidorus, quia sunt de ordine curiae, et quia officium curiae administrant : sic vocatus est Ioseph ab Arimathaea, nobilis videlicet decurio, ac vir iustus et bonus, qui pro domino nostro Iesu Christo mercatus sindonem, officiosissimam et reverendissimam contulit sepulturam. De magistratu autem in fine superioris libri satis est declaratum. Nunc autem agendum est de altero officio et infimo cuiuscumque regiminis, quod est tabellio : sic dictus, ut tradit Isidorus, quoniam portitor sit tabellarum et susceptor, in quibus acta geruntur sive reipublicae, sive personae privatae. Idem etiam et Scriba publicus vocatur, quia ea solus scribit gesta quae publica vocantur, quem et iura gentium servum publicum appellant. Restat autem de uno solo nomine dignitatis diffinire quantum ad regimen politiae, quod Scipio appellatur : quod quidem secundum proprietatem vocabuli baculus dicitur, cui quasi ad sui ducatum innititur et sustentatur, quo pater Cornelii Scipionis indiguit. Hunc autem patrem tradunt historiae fuisse caecum, unde cum baculo, sive scipione veniebat in forum. Ad huius igitur similitudinem filius eius Publius Cornelius, quia sustentavit rempublicam contra Hannibalem et Carthaginem, vocatus est Scipio; et quia totam Africam subiugavit Romanis, dictus est Scipio Africanus ad differentiam alterius Scipionis, nepotis eius, qui Hispaniam devicit, et vocatus est Lucius Cornelius Numantinus, a Numantia, quam subiecit ac prostravit. Scribit etiam Augustinus, primo de Civ. Dei, tertium fuisse Scipionem, qui et Nasica est vocatus, frater maioris Scipionis, qui ne Carthago destrueretur prohibuit, asserens ipsam esse medicinam Romanis. Ex his igitur propter probitatem tantorum virorum considerato principio, unde nomen Scipionis ortum habuit, scipionem legislatores vocarunt virgam, quam princeps portat in manu cum sceptro quasi semper victoriosus, ut ille magnus Scipio fuit. Unde narrat Isidorus in decimoseptimo Etymologiarum, quod triumphantes purpuram palliatam, et togatam habebant vestem, et scipionem cum sceptro gerebant in manu ad imitationem victoriae Scipionis. Haec igitur de nominibus dignitatum respectu regiminis in tantum sint dicta.

 

Caput 27

 

[90466] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 27 Titulus De partibus politiae quantum ad bellatores, quas distinguit secundum triplicem considerationem

[90467] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 27 Sed et de partibus ordinatis ad bellum, quae sunt partes politiae, et eidem necessariae, ut superius est probatum, congruum videtur tradere : quae quidem bene dispositae pulchritudinem et decorem causant, et delectationem generant : ex quo etiam ingens cordis augmentum, audacesque reddunt animos ad arduorum aggressum. Unde Salomon in canticis, exercitum dispositum ad bellandum pulchritudinis sponsae assimilat et decori : pulchra, inquit, es et decora, filia Ierusalem, terribilis ut castrorum acies ordinata. Sic enim pulchritudo allicit, ut extasim faciens nihil aggredi timeat vel formidet; quod in excessivis amantibus maxime est manifestum. Ita etiam de acie bene ordinata contingit, et ideo ipsam terribilem vocat, sive ad pulchritudinem sponsae, sive ad aciem referens ex causa iam dicta. Propter quod non immerito de dictis partibus est agendum, quia ad ornatum faciunt politiae. Et quia homo in bello praecipue regimine indiget propter difficilem et terribilem actum quem exercet, inde opportunum videtur in castris exercitum dividere in numerum certum, cuilibet assignando ducatum, per quem regatur et dirigatur ad pugnandum cum hostibus. Quem quidem accipere possumus a Vegetio, in secundo Lib. de re militari, ubi exercitus dividitur in legiones : in quo dicit duas sufficere cuilibet duci vel consuli. Legionem dividit in decem cohortes; sed cohors prima numero et merito antecedit. Nam genere quidem et litterarum instructione viros electissimos quaerit, ut idem tradit Vegetius : quod pro tanto dicit, ut castra magis confidant, si tanti viri in prima exponantur acie, et quia maxime requiritur sapientia, ubi periculum totius dependet exercitus. Haec autem cohors aquilam suscipit signum praecipuum Romanorum castrorum, et totius legionis insigne : quod et imperatoribus posterioribus est relictum. Cuius quidem ratio assignari potest, quia, ut idem dicit Vegetius, militaris Romana disciplina primas acies faciebat alares : inter omnes autem avium alas aquilinae sunt fortiores. Vel aliter dici potest, quod ideo signum aquilae eis traditur ex praeeminentia, videlicet in mundo, quantum ad dominium, propter caelestem et divinum effectum, quem implorare debent continue, ut faciebat ille princeps Iudas Machabaeus, qui in pugnando auxilium de caelo petebat : quod praecipue eis competit propter periculum cui se committunt, vel quia merentur apud Deum ut sint victoriosi, eo quod morti se exponunt pro populo. De qua aquila dicitur in Ezechiele, loquente de Nabuchodonosor orientis monarcha : aquila grandis, magnarum alarum, longo membrorum ductu, plena plumis et varietate, venit ad Libanum, et tulit medullam cedri. Post hoc subdit Vegetius numerum primae cohortis, quam millenariam vocat, eo quod mille centum pedites in ea sunt, equestres autem centum triginta sex. Caeteras autem vocat quinquagenarias, quia in qualibet ponit quingentos quinquaginta quinque pedites, equestres autem sexaginta sex, ut quilibet eques certum numerum peditum habeat. Disponit etiam in quinta cohorte milites fortiores, quia sicut prima dextrum tenet cornu, ita et quinta sinistrum. Multa alia dicit ibi Vegetius, quae enumerare nimis esset longum, et verba eius tanquam inusitata modernis temporibus maiori indigerent expositione. Haec autem tantum ad praesens sufficiant. Quod si multitudo populi in politia sub certis limitibus in gradu et numero disponitur quantum ad sui directionem, multo magis in castris, in quibus maxima et periculosissima est difficultas regiminis, tum ex parte operis quod eis incumbit, quia ad finem terribilium ordinatur, quod est mors; tum ex parte hostium qui infestant. Unde sicut in Exod. consulitur Moysi a cognato suo Iethro, ut onera divideret per officia diversa in iudicando populum, ubi ait : provide viros potentes (...) et qui oderint avaritiam, et constitue ex eis tribunos, et centuriones, et quinquagenarios, et decanos, qui iudicent populum : ita et Iudas Machabaeus cum infestaretur ab hostibus, sua castra divisit, in eodem numero constituendo duces, per tribunos videlicet, centuriones, pentacontarchos et decuriones : qui quidem numerus satis proportionatus est militibus ad distinctionem exercitus : unde unus in altero continetur, ut facilior sit ad coniunctionem unius cum altero, cum bellandi necessitas hoc requirit. Distinctio vero, quam facit Vegetius ex dispositione acierum, attenditur cum campale bellum ordinatur, licet etiam ipse cohortes ad centurias reducat et decurias ex certis causis, et rationibus.

 

Caput 28

 

[90468] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, Liber 4 Caput 28 Titulus De nominibus ducum et de numero cohortum, et quid significat unumquodque

[90469] Ptolomaeus de Lucca, De regno continuatio, lib. 4 cap. 28 Sed quia de nominibus agitur ducum, videndum est de ipsis prout Scriptura sacra denominat, et Romana respublica, ac moderni describunt. Et primo quidem de tribuno : quod quidem nomen dicit Vegetius ex tribu originem habere, quia praeerat militibus quos Romulus elegerat, qui ex tribu originem traxerunt. Isidorus autem in nono Etymolog. dicit, quod tribuni dicti sunt, quod plebeiis iura praebent : unde in favorem eorum sunt instituti proconsules. Alibi vero dicitur quod tribuni dicebantur qui mille militibus praeerant, quos Graeci chiliarchos appellant, sicut centuriones a centum militibus sunt nominati. De quinquagenariis, sive pentacontarchis, quod idem est, Vegetius mentionem non facit; sed Scriptura sacra in praefatis iam libris et in IV Lib. Reg., quos ad imprecationem Heliae iuxta eorum meritum flamma combussit. Sed decanos, sive decuriones, sic dictos, quod decem militum curam habent in castris, Vegetius sub uno contubernio et uno papilione disponit. Nomina vero generalia multitudinis armatorum ad pugnandum dispositae haec sunt : videlicet exercitus ab exercitio, sive ab exercitando dictus, utrumque enim in praedicta requiritur multitudine : vocantur et castra, a castitate dicta, ut tradit Isidorus, eo quod ibi debet castrari libido. Subtrahebantur enim deliciae a castris, cum incumberet hostium pugna, ut Vegetius scribit : unde castra filiorum Israel devicta fuerunt a Madianitis, quia fornicati sunt cum filiabus eorum, ut scribitur in Num. Propter quod in Deut. scribitur, quod dominus ambulabat in medio castrorum Israelitici populi, ut sint castra eorum sancta, nihilque in eis appareat foeditatis. Vel castra dicebantur propter munitionem exercitus in aggeribus et vallibus, ac aliis clausuris fortissimis, quibus Romani principes utebantur cum invadebant hostes. Propter quod fossores, fabri, ac latomi assumebantur ad militarem disciplinam, ut haberent in promptu artifices necessarios ad tuitionem exercitus. Est et aliud nomen, per quod et multitudo pugnatorum exprimitur, videlicet legio, ab electione dicta, ut tradit Isidorus, eo quod milites in ea contenti eligebantur ab aliis tanquam magis experti. Quaedam autem alia nomina sunt partium legionum, sive exercitus, quae a Vegetio traduntur in secundo Lib., et ab Isidoro Lib. nono, ut manipulus, qui est numerus ducentorum militum, sic dictus quod mane hostes impeteret, sive quod pro signo manipulos stipulae, sive alicuius herbae ferret secum, de quibus Lucanus : convocat armatos ex templo ad signa manipulos. Alii vocantur velites, a volitando dicti, propter suam agilitatem. Romana enim respublica quosdam iuvenes agiles habebat in militia legionum, qui cum invaderent hostes, consedebant post equitum terga, tunc subito desilientes de equis turbabant hostes. Tales autem milites Hannibali, ut scribit Isidorus, multum fuerunt infesti, per quos elephanti eius in maiori parte sunt interempti : qualis fuit ille Eleazarus, de quo traditur in I Mach., quod exiliens in medium legionis contra castra regis Antiochi bestiam invasit elephantinam loricatam loricis regis, ipsamque bestiam occidit. Est et aliud genus armatorum, quod acies nuncupatur ab acuitate dicta, ut Isidorus dicit, quod audaciam importat in aggrediendo hostes, de qua Scriptura sacra saepius mentionem facit : unde et de una tribu Israelitici populi scribitur in Paralipom., quod egrediebantur ad pugnam in acie provocantes contra hostes. Aliud etiam nomen est, quod cuneus appellatur quasi coitus, quod est in unum collecta multitudo ad pugnandum, et maxime necessarius in bellando; de quo in Deut. dicitur, quod unusquisque suos cuneos praeparabit ad bellum : a quo forte conostabulus vocabulum trahit apud modernos usitatum, quasi caput cunei stabilis, hoc est constantis et fortis. Est et aliud nomen novum apud Tuscos de prima cohorte, et quasi eiusdem Romanae cohortis similitudinem gerens, qua censu, genere, litteris, forma, virtute pollentes milites innitebantur, ut dicit Vegetius, cui tribunus praeerat armorum scientia, virtute corporis, ac morum honestate praecipuus, quam trapellum acies hostium appellata : hoc enim verbum trapellationis importat. Sed et de officialibus castrorum multa tradit Vegetius in secundo Lib., sed haec, quae dicta sunt sub compendio, ad praesens sufficiant, quantum pertinet ad politiae tractatum in hoc quarto libro. Restat ulterius de principatu oeconomico, hoc est de regimine domus, quod est patrisfamilias : qui quidem materiam habet omnino distinctam ab aliis principatibus. Et ideo congruum videtur hoc per se opus componere, distinguendo per libros sive tractatus, et sua capitula, prout natura facti requirit : qua in re philosophus eumdem modum tenet. Et ultimum de virtutibus quae requiruntur ad partes regiminis in quocumque genere, sive sint subditi, sive rectores, sive principes, sive subiecti fideles; quia sic requirit ordo doctrinae in arte vivendi, et non simul ac mixtim tractare de ipsis, ut quidam fecerunt : quia hoc est impedire intellectum discentis, et est contra normam dicentis.

 

 



[1] Pour s'éclairer sur les divers problèmes que soulève le De Regno, consulter les ouvrages suivants : Marcel DEMONGEOT, Le meilleur régime politique selon saint Thomas, A. Blot, éd., Paris, 1928; les études que M. Jacques MARITAIN a consacrées aux problèmes de philosophie de la culture, notamment Religion et culture, Du régime temporel et de la liberté, Desclée de Brouwer,' éd :, et-surtout : . Humanisme intégral, Aubier, éd., etc.; abbé Charles JOURNET, L'Eglise du Verbe incarné, Desclée de Brouwer, éd., Paris, 1940; dans Etienne GILSON, Le thomisme, 4e éd. revue et augmentée, Paris, Vrin, 1942, on pourra lire Ille partie, ch. I-IV, p. 363-371, et ch. IV, p. 417-454.

[2] Cf. M. DEMONGEOT, op. cit., p. 50. 2 E. GILSON, op. cit., p. 450.

[3] M. DEMONGEOT, op. cit., p. 53.

[4] Le Message de Noël 1944 de S. S. Pie XII affirme cette aspiration des peuples à la démocratie.

[5] Summa Theologica, I-II, 105, 1, traduit dans E. GILSON, op. cit., p. 451. Sur la nécessité de la vertu chez les dirigeants, cf. Summ. Theol., 1-II, 92, 1, ad 3.

[6] Introduction aux opuscules de saint Thomas d'Aquin, 1927, p. VII.

[7] Ibid., p. LII.

[8] L'art de vérifier les dates des faits historiques, des chartes, des chroniques et autres anciens monuments, par les religieux bénédictins, de la Congrégation de Saint·Maur, Paris, 1770, p. 388.

[9] Bibliographie thomiste, 1921, p. xx.